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Lire le livre - Bibliothèque

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- Tobbey n’est pas en Californie actuel<strong>le</strong>ment. Il explore l’ancien champ de<br />

batail<strong>le</strong> de Shiloh, dans <strong>le</strong> Tennessee. Pour dire la vérité, il a acheté un morceau du<br />

terrain où se sont déroulés <strong>le</strong>s combats. Il pense que son arrière-grand-père est<br />

tombé à cet endroit précis… et il essaye de retrouver sa dépouil<strong>le</strong>.<br />

Je n’en croyais pas mes oreil<strong>le</strong>s. Je savais qu’à partir d’un certain nombre de<br />

millions de dollars <strong>le</strong>s riches ont tendance à perdre <strong>le</strong> sens commun, mais là c’était <strong>le</strong><br />

pompon.<br />

Devereaux parut sentir que je vacillais car il ajouta, à la façon dont on murmure<br />

un conseil de dernière minute à un apprenti dompteur qui s’apprête à pénétrer dans<br />

la cage aux lions :<br />

- Ne vous étonnez de rien. Jamais. Tobbey déteste l’incrédulité. Si vous avez<br />

l’air sceptique, il vous prendra en grippe. Entrez de plain-pied dans sa folie. Soyez<br />

toujours enthousiaste. C’est comme si vous vous prépariez à travail<strong>le</strong>r pour<br />

l’empereur Néron… ou Caligula. Il y a beaucoup à gagner dans l’affaire. Ne laissez<br />

pas échapper cette chance.<br />

Ce n’était pas seu<strong>le</strong>ment un avertissement paternel.<br />

Le dossier sous <strong>le</strong> bras, j’allai m’iso<strong>le</strong>r dans mon bureau pour l’étudier. D’une<br />

pochette je tirai une trentaine de photos qui me firent frissonner. El<strong>le</strong>s semblaient<br />

avoir été prises au cours d’une expédition spéléologique. On ne parvenait pas à<br />

déterminer si ce qu’el<strong>le</strong>s montraient re<strong>le</strong>vait d’un travail architectural humain ou d’un<br />

spasme tectonique ayant fissuré <strong>le</strong> sous-sol. Tout était dans un état de délabrement<br />

avancé. Les conduites d’eau crevées avaient provoqué <strong>le</strong> pourrissement des<br />

moquettes et des revêtements muraux. Les repti<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s coyotes avaient trouvé <strong>le</strong><br />

moyen de s’introduire dans <strong>le</strong> bunker pour s’y ménager des terriers. Le sol semblait<br />

tapissé d’excréments desséchés. Les tremb<strong>le</strong>ments de terre, fréquents, avaient<br />

provoqué l’écrou<strong>le</strong>ment de certaines cloisons, si bien que l’atmosphère généra<strong>le</strong> était<br />

cel<strong>le</strong> d’un bâtiment bombardé.<br />

Un début de panique provoqua des picotements au creux de mes paumes. Je<br />

n’arrivais pas à détacher mon regard des clichés. Je ne pouvais m’empêcher de<br />

penser à ce qui s’était passé là, entre ces murs. Le massacre, la tuerie. Tous ces<br />

gens se jetant <strong>le</strong>s uns sur <strong>le</strong>s autres pour s’entre-tuer. Lors de l’incendie du Bazar de<br />

la Charité, à Paris, on avait vu <strong>le</strong>s beaux messieurs frapper <strong>le</strong>s dames à coups de<br />

canne pour échapper aux flammes. À ce qu’on prétend, <strong>le</strong> naufrage du Titanic a<br />

donné lieu à de semblab<strong>le</strong>s aberrations. Toutefois, dans <strong>le</strong>s deux cas, <strong>le</strong> danger était<br />

manifeste, incontestab<strong>le</strong>. Le feu, la noyade pouvaient dans une certaine mesure<br />

justifier l’explosion de vio<strong>le</strong>nce et la lutte instinctive pour la survie. C’était moins<br />

évident en ce qui concernait <strong>le</strong> bunker. Ces gens avaient en quelque sorte été<br />

victimes de <strong>le</strong>ur seu<strong>le</strong> imagination. Comment <strong>le</strong> feu avait-il pris aux poudres ?<br />

Comment la panique était-el<strong>le</strong> devenue contagieuse ? Est-ce qu’un petit malin dans<br />

<strong>le</strong> genre de Paddy Mulloney s’était mis à raconter des histoires horrifiantes où il était<br />

question d’asphyxie, de cannibalisme, d’enterrés vivants ? Avait-il, par ces contes à<br />

dormir debout, semé dans <strong>le</strong>s esprits <strong>le</strong> germe de la panique ? Ça n’avait rien<br />

d’impossib<strong>le</strong>. Une fois, à Manhattan, j’avais été bloquée trois heures durant dans un<br />

ascenseur entre <strong>le</strong> trentième et <strong>le</strong> trente et unième étage. Je n’en revenais toujours<br />

pas de la rapidité avec laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s rapports humains entre <strong>le</strong>s personnes présentes<br />

s’étaient dégradés. Quand <strong>le</strong>s pompiers nous dégagèrent enfin, deux cadres d’étatmajor<br />

d’un vénérab<strong>le</strong> cabinet d’agents de change étaient en train de s’écharper<br />

comme des loubards dans un terrain vague. Les occupants du bunker avaient<br />

probab<strong>le</strong>ment été laminés par <strong>le</strong> même engrenage.

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