Lire le livre - Bibliothèque

introuvable, Willa a fini par comprendre que la gosse s’était réfugiée dans cette
foutue cachette secrète dont elle nous rebattait les oreilles depuis des mois.
- Je suppose que Willa a prié pour que la gamine s’y vide de son sang et n’en
ressorte jamais.
- Possible. Tout a fonctionné à peu près selon ses prévisions jusqu’à ce que tu
découvres le cadavre de Vaughan. Heureusement, les flics n’ont pas fait preuve
d’imagination. Ils se sont contentés de reporter leurs soupçons sur un autre soldat.
- Et toi, pourquoi es-tu brusquement venue me raconter cette invraisemblable
histoire d’intuition médiumnique ?
Evita a esquissé un geste d’impuissance.
- J’avais honte… Pour la gosse… je me sentais coupable. Tobbey, sa femme,
non… c’étaient deux cinglés, mais Sarah Jane, je l’aimais bien. Je ne cessais pas de
penser à elle, blessée, toute seule dans son bunker. Je savais aussi que, sitôt
installée sur le trône de son paternel, Willa s’empresserait de bétonner le ranch et les
collines pour faire disparaître les traces de sa combine. Le bunker, le garage à
robots… tout y serait passé. Si quelqu’un était capable de découvrir comment
pénétrer dans la cachette de Sarah Jane c’était bien toi, et uniquement toi. C’est
pour ça que j’ai décidé de te mettre sur la piste, mais sans insister, pour ne pas
éveiller tes soupçons. Un pas en avant, deux en arrière. Je pensais qu’une fois la
gosse sauvée, on s’arrangerait, elle et moi… Elle n’avait pas intérêt à parler aux flics,
ils auraient vite pigé qu’elle était complice de sa sœur. J’envisageais même de
m’occuper d’elle.
- Pourquoi n’as-tu pas parlé plus tôt, et clairement ? Tu passais ton temps à me
dissuader de fouiller plus avant.
- Tu es entêtée, je savais que plus je te conseillerais d’arrêter, plus tu irais de
l’avant. Et puis j’avais la trouille. Je ne parvenais pas à me décider… ça me rongeait.
J’essayais d’éveiller ta curiosité, de t’indiquer la piste à suivre, mais sans en avoir
l’air. La nuit, je pensais à Sarah Jane Je faisais des cauchemars. Si j’avais su
comment ouvrir la cachette, je serais moi-même allée la sortir de là. Carajo ! je ne
cherche pas d’excuse. J’aime le fric, c’est tout, et j’en ai marre de jouer à la voyante
extra-lucide. Ça n’aura qu’un temps, un jour je ne serai plus à la mode, et je me
retrouverai à la case départ. Je ne veux pas finir en diseuse de bonne aventure dans
un cirque mexicain minable. C’est ce que faisait ma mère… et elle arrondissait nos
fins de mois en me forçant à tailler des pipes entre les cages des fauves. J’avais
treize ans. J’ai eu trop de mal à m’en sortir. Le nom que je porte n’est qu’un pseudo.
Peux-tu comprendre ça ? Le faux kidnapping, la rançon… c’était inespéré. Et
normalement, personne n’aurait dû en souffrir. Quelque part, même, c’était une
bonne action puisqu’il s’agissait de permettre à deux filles d’échapper à l’emprise
d’une secte.
J’ai soudain éprouvé une grande lassitude. Je suis restée plantée au milieu du
salon comme une grande poupée stupide.
- Tu vas me dénoncer ? a demandé Evita.
- Ce n’est pas mon genre, ai-je soufflé. Et puis tu n’as pas encore bien saisi la
situation, ce me semble. Willa sait que nous savons. Nous constituons une menace
pour elle. Tant que nous serons en vie, elle ne sera pas tranquille. Elle a beaucoup
d’argent et peu de scrupules, ça lui laisse une masse de possibilités. Je crois qu’il va
falloir se montrer prudentes à l’avenir, et s’habituer à regarder par-dessus notre
épaule.
- Tu crois vraiment qu’elle a tué Sarah Jane à la clinique ?
- Et toi ?