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Je me suis demandé ce qu’éprouvait Willa. Tremblait-elle à l’idée des révélations
que Sarah Jane ne manquerait pas de faire à son réveil ? Se préparait-elle à prendre
la fuite ?
Et tout à coup, un frisson de panique m’a traversée. Étais-je complètement
stupide ? Stanley-Mitchell et Willa avaient trop à perdre dans cette histoire. Comment
l’avocat et l’héritière pourraient-ils envisager de laisser vivre un témoin aussi
gênant ? Si Sarah Jane par remords ou par vengeance avouait tout à la police, leurs
rêves de richesse s’écroulaient.
Willa n’accepterait pas de courir un tel risque, pas si près du but. Pas après avoir
enduré deux années de tourments divers en compagnie de Burton MacGraw et la
mort d’un enfant. Non.
J’ai empoigné le téléphone, bien décidée cette fois à tout déballer à Dogson.
Quand je l’ai eu en ligne, j’ai dit :
- C’est à propos de Sarah Jane…
- Je sais, a-t-il coupé, c’est moche.
- Quoi ? Ai-je bredouillé. De quoi parlez-vous ?
- Vous ne savez pas ? Non, c’est vrai, ce n’est pas encore dans la presse. La
gosse est morte il y a une heure sans reprendre conscience. Choc toxique dû à
l’infection. Sa sœur Willa était à son chevet, elle m’a dit que Sarah Jane n’avait pas
prononcé un mot. Je crois qu’on ne saura jamais le fin mot de cette lamentable
histoire.
Voilà, c’est tout. Je ne saurai jamais ce qui est réellement arrivé. Sarah Jane estelle
vraiment morte de septicémie sans reprendre connaissance… ou bien sa sœur
l’a-t-elle aidée à faire le grand saut en lui plaquant un oreiller sur le visage ?
Je me dis souvent que j’aurais dû dévoiler la vérité à Dogson lors de
l’interrogatoire, mais m’aurait-il crue ? Rien n’est moins sûr. Pas évident, pour une
petite décoratrice au CV peu reluisant de lancer de telles accusations contre
l’héritière d’un empire industriel !
Stanley-Mitchell a réglé tous les chèques émis, mais n’a plus jamais accepté de
me prendre au téléphone.
Pour être franche, je dois avouer que tout ne s’est pas exactement terminé avec
la mort de Sarah Jane. Ni Evita ni moi n’avons reçu de faire-part nous conviant aux
funérailles. Fortement médiatisée, la cérémonie s’est déroulée sous la présidence de
la doublure engagée par le cabinet Stanley-Mitchell, et dont la performance fut
impeccable. À cette occasion, je m’étais rendue chez Evita pour suivre la
retransmission des obsèques à la télé. Tout à coup, alors que nous fixions toutes
deux l’écran, j’ai dit :
- Tu t’es bien foutue de ma gueule, n’est-ce pas, le jour où tu es venue me faire
part de ta soi-disant « intuition médiumnique » ? Ce ne sont pas les esprits des morts
qui t’ont révélé que Willa était derrière tout ça. Dis-moi la vérité à présent que tout est
fini.
Evita a baissé les yeux et pâli.
J’ai insisté :
- Tu étais dans la combine depuis le début, n’est-ce pas ?
Elle s’est mordue la lèvre inférieure avant de soupirer :
- Oui. C’est vrai. Willa m’avait contactée pendant que je résidais au ranch… Une
nuit, elle s’est glissée dans ma chambre pour me faire une proposition. Mais au