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Faux-semblants
Contrairement à ce que vous pouvez croire, on ne m’a pas traitée en sauveuse
ou en héroïne, bien au contraire ! Mon exploit m’a valu d’être interminablement
cuisinée par Dogson. Pourquoi étais-je revenue au bunker ? Comment avais-je
appris l’existence d’une cachette secrète ? Qui m’avait révélé la manière d’y
accéder ?
J’ai décidé de m’en tenir à une version « light » de l’histoire, après tout je n’étais
pas là pour faire le boulot de la police. Sarah Jane accuserait officiellement sa sœur
si elle le souhaitait, le linge sale se lave en famille, je n’avais pas à y fourrer mon
nez. D’ailleurs, Dogson m’aurait-il crue ?
J’ai simplement déclaré que, cédant à une brusque illumination, j’avais eu la
certitude que l’adolescente était détenue dans l’œuf de plomb, cette cachette
mythique dont personne ne voulait admettre l’existence et qui m’intriguait depuis le
début. Je m’étais donc renseignée auprès d’un ingénieur ayant participé à la
construction du bunker au début des années soixante ; il n’avait fait aucune difficulté
pour satisfaire ma curiosité. Je m’étais rendue sur place sans aucune assistance,
sachant d’emblée que la police refuserait de m’aider, c’est ainsi que j’avais découvert
Sarah Jane blessée, inconsciente, et incapable de prononcer le moindre mot
d’explication.
Dogson avait enregistré mon témoignage les mâchoires serrées, conscient que
mes déclarations le mettaient dans la panade.
À plusieurs reprises, il était revenu à l’assaut : La gamine n’avait-elle vraiment
rien dit ? Avait-elle murmuré un nom ? Évoqué son ravisseur ? Comment, selon moi,
les choses s’étaient-elles passées ?
J’ai, bien sûr, joué les idiotes.
- Je crois que Sarah Jane a été blessée accidentellement lorsque sa famille a
été massacrée, ai-je ânonné. Elle n’était pas visée, une balle a pu ricocher, ou ce
genre de truc… Le type qui l’a enlevée était de toute évidence un soldat. Il a compris
qu’il ne pouvait pas l’emmener avec lui dans cet état. On ne trimballe pas une
adolescente blessée sur les routes sans se faire très vite repérer. Connaissant
l’existence de la chambre secrète à l’intérieur du bunker, il a eu l’idée de l’y
descendre. Peut-être avait-il le projet de la soigner lui-même… Je ne sais pas.
Difficile de deviner ce qui traverse le cerveau d’un cinglé. Je crois que le plus sage
est d’attendre que la gosse se réveille, elle vous racontera tout… peut-être même
qu’elle sera en mesure de vous donner le nom du coupable, qui sait ?
Dégoûté, Dogson m’a laissée rentrer à L.A. Je tenais à peine debout. J’ai appelé
le cabinet de Stanley-Mitchell pour avoir des nouvelles de la gamine, mais chaque
fois on m’a répondu qu’il était en conférence, ou sur la planète Mars. Les journaux et
la télé se déchaînaient sur ce nouveau rebondissement de l’affaire. La deuxième
héritière de l’empire Zufrau-Clarkson venait d’être retrouvée ! Dans quelques jours,
on saurait tout du calvaire qu’elle avait subi. On connaîtrait probablement l’identité du
coupable ! Quel suspens ! Ne vivait-on pas une époque formidable ?