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Quand je l’ai aidée à s’asseoir, elle a poussé un cri de souffrance. Elle a perdu
connaissance pendant que nous remontions le couloir, et j’ai dû la prendre dans mes
bras pour escalader les marches. Là, j’ai connu un moment de panique car j’avais
oublié que la trappe s’était refermée derrière moi ! J’ai cru un instant que nous ne
pourrions jamais ressortir. Puis j’ai aperçu une manette rouge sur le côté du panneau
et je l’ai abaissée. Comme à l’aller, la trappe s’est entrebâillée une minute, pas
davantage. C’était peu pour ce que j’avais à faire, et elle a failli se refermer sur les
jambes de la gosse pendant que je m’évertuais à l’extraire du trou. Étant donné la
puissance du mécanisme, Sarah Jane aurait eu les pieds sectionnés.
La gamine a repris connaissance. Elle tenait à peine debout, mais j’ai pu la
soutenir jusqu’à la voiture. Là, je l’ai étendue sur la banquette arrière avant de me
glisser au volant. La nuit était tombée et l’on n’y voyait plus rien à des kilomètres à la
ronde. J’ai soudain eu peur de ne pas retrouver Mount Sierra et de tourner en rond
dans le désert jusqu’à ma dernière goutte d’essence. Pendant que je mettais le
contact, Sarah Jane a repris son monologue.
- Willa s’est servie de moi, balbutiait-elle. Elle m’a menti… J’ai fait tout ce qu’elle
disait… je croyais vraiment qu’on s’enfuirait toutes les deux… Mais le soir où on avait
décidé que je disparaîtrais, elle est arrivée avec un fusil… et elle a commencé à tirer
sur tout le monde. Je suis restée pétrifiée… Je n’y comprenais rien… Elle répétait
que c’était nécessaire, que je devais me calmer, que ça ne changerait rien à nos
projets, qu’on aurait simplement davantage de liberté et de fric… Ensuite, elle m’a dit
que je devais aller me cacher dans le garage des robots, comme prévu, mais j’ai eu
peur… Il y avait quelque chose de mauvais dans ses yeux. J’ai compris qu’une fois
là-bas, elle me tuerait parce qu’elle n’avait pas confiance en moi et qu’elle ne voulait
pas partager. Alors je me suis enfuie en courant…
- Et c’est là qu’elle t’a tiré dans le dos, ai-je complété.
- Oui… Je savais que, si elle me rattrapait, elle m’achèverait… Je n’ai pas
réfléchi, j’ai couru vers la tour de contrôle pour descendre dans l’œuf de plomb. Willa
ignorait que je connaissais le moyen d’y accéder… J’avais détruit le document
décrivant la procédure à suivre… il était dans les papiers de mon père mais il ne s’y
était jamais intéressé.
- Tu l’avais déjà visité ?
- Oui, plusieurs fois. J’y avais entreposé des vivres, des biscuits, des sodas…
Pour tenir le plus longtemps possible au cas où papa déciderait de me marier de
force à l’un de ses tarés de soldats.
Pendant qu’elle parlait, je scrutais la nuit, guettant les lumières de Mount Sierra.
Je tremblais à l’idée de planter la voiture dans une crevasse.
Puis son monologue est devenu incompréhensible, entrecoupé d’invectives, de
supplications et de sanglots. Quand elle a fini par se taire, j’ai cru qu’elle était morte
et j’ai lancé une main par-dessus le dossier de mon siège pour palper son pouls. Il
battait toujours, très vite, sous l’effet de la fièvre.
Au bout d’une demi-heure d’angoisse, j’ai enfin aperçu les feux de la ville.
Parvenue à Mount Sierra, j’ai rencontré quelques difficultés pour faire
comprendre aux adjoints du shérif que la jeune blessée, sur ma banquette arrière,
n’était autre que Sarah Jane Zufrau-Clarkson que toutes les polices de l’État
croyaient victime d’un kidnapping. J’étais si énervée que j’ai failli gifler un abruti de
flic qui s’obstinait à croire que je venais de renverser cette gosse sur la route.
J’ai dû moi-même appeler Stanley-Mitchell et Dogson pour débloquer la
situation. Vingt minutes plus tard, un hélicoptère médical emportait Sarah Jane vers