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s’empresseront de le lire. Il est capital qu’elle ait l’air d’adhérer à 100 % à la politique
familiale afin qu’on n’attribue pas sa disparition à une fugue d’ado. Une fois Tobbey,
la mère et les autres sœurs liquidées, Willa et Sarah Jane hériteront du pactole. À
elles la belle vie.
J’ai avalé ma salive. La machination semblait tenir debout.
Très agitée, Evita marchait à présent de long en large, son verre vide à la main.
- Willa a capturé ou recueilli un coyote blessé, a-t-elle continué. C’était facile, il y
en a plein les collines. Elle lui a greffé la balise de signalisation prélevée sur sa
sœur. Ce point était capital, il fallait accréditer l’idée que Vaughan avait pris la fuite
en compagnie de Sarah Jane après avoir liquidé la famille Zufrau-Clarkson et les
domestiques. Vaughan devait jouer le rôle du renard sur lequel se ruent les chiens.
Quand tout a été prêt, Willa est passée à l’action. Le plan était minuté. Tout devait
s’accomplir au cours de la nuit.
- Tu veux dire que c’est Willa qui a massacré sa famille ?
- Qui d’autre ? À un moment donné, sous un prétexte quelconque, Sarah Jane a
quitté la table, puis Willa est entrée, brandissant l’un des fusils d’assaut de Burt. Elle
a tué tous ceux qui se trouvaient dans le ranch ce soir-là. Elle ne pouvait commettre
l’erreur d’épargner un seul témoin. Dans les collines, personne n’a prêté attention
aux coups de feu puisque les détonations constituent le fond sonore habituel de
l’endroit. À présent, il fallait cacher Sarah Jane dans un endroit où la police ne
risquait pas de la retrouver. Le plan officiel, c’était qu’on l’en sortirait au bout d’une
semaine ; la gamine devrait alors prétendre qu’elle avait réussi à fausser compagnie
à son ravisseur, et raconter son aventure avec force sanglots. Je suppose que les
deux sœurs ont répété ce scénario… Sitôt le meurtre accompli, Willa a chargé le
coyote ligoté dans une voiture, et pris la route de L.A.
- Pour libérer l’animal dans les California Mountains…
- Oui. La bestiole était terrifiée, à cause de sa patte mal ressoudée, elle
claudiquait et se savait vulnérable. Son premier réflexe serait de se mettre à l’abri
d’un éventuel prédateur. Willa l’a relâchée à proximité d’un versant truffé de galeries
de mine. Elle avait prévu que le coyote sortirait le moins possible, mais que la police
finirait par capter le signal de la balise. Cette partie du plan accomplie, Willa a repris
la route pour revenir au ranch. Il ne lui restait plus qu’à attendre la suite des
événements. Elle s’est enfoncée dans la jungle pour peaufiner son déguisement de
sauvageonne. Elle savait que les avocats de son père s’empresseraient de venir l’y
chercher, le trône ne pouvant rester vacant.
- Et Sarah Jane, qu’en a-t-elle fait ?
Evita s’est immobilisée en grimaçant.
- C’est là le point délicat, a-t-elle soupiré. On peut envisager deux solutions. La
plus simple : la gosse est cachée dans le hangar à robots, cette forteresse
imprenable qui a tenu les gars du SWAT en échec. Elle est planquée là-bas, avec
assez de provisions pour tenir trois semaines. Elle attend que Willa vienne la
délivrer.
- Comment les deux sœurs ont-elles fait pour y entrer ?
- Burton était le chouchou de Tobbey. Possible qu’il ait eu la charge de veiller sur
le garage cybernétique. Dans ce cas, Willa savait, elle aussi, comment y accéder. Je
pense qu’il existe un tunnel souterrain dissimulé dans la jungle. Elles l’ont emprunté.
- Et la deuxième solution ? Ai-je demandé, la gorge serrée.
Evita a haussé les épaules.
- Ne joue pas les idiotes. Tu la connais déjà. Willa a tué Sarah Jane par
précaution, parce qu’elle estimait que la gosse ne saurait pas jouer la comédie