25.06.2013 Views

Lire le livre - Bibliothèque

Lire le livre - Bibliothèque

Lire le livre - Bibliothèque

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

pas là pour essayer de justifier l’injustifiab<strong>le</strong>. L’expérience a donc débuté comme un<br />

exercice. C’était <strong>le</strong> scénario prévu. Nous observions la population du bunker au<br />

moyen d’un circuit de caméras dissimulées. Tout était enregistré, filmé, avec<br />

l’appareillage de l’époque qui, aujourd’hui, semb<strong>le</strong>rait aussi vétuste qu’une hache de<br />

si<strong>le</strong>x dans un musée de paléontologie. Le Grand État-major avait dépêché ses hui<strong>le</strong>s<br />

en observateurs. Tout <strong>le</strong> monde était tendu car <strong>le</strong>s rumeurs de guerre allaient bon<br />

train. On imaginait déjà New York et Washington changées en champs de<br />

décombres, vitrifiées par <strong>le</strong>s explosions atomiques. Le débat faisait rage quant à la<br />

sé<strong>le</strong>ction des personnalités qu’il convenait de mettre à l’abri. Fallait-il choisir des<br />

savants ? Des génies ? Ou au contraire de solides gaillards exerçant un métier<br />

basique, aisément transmissib<strong>le</strong> ? Un boulanger peut plus faci<strong>le</strong>ment léguer son<br />

savoir qu’un neurochirurgien ou un astrophysicien, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui serait<br />

<strong>le</strong> plus important pour l’humanité future ? Savoir calcu<strong>le</strong>r la courbure de l’espacetemps<br />

ou posséder <strong>le</strong> secret du fer, du mortier, et de la pâte à pain ?<br />

L’impatience me rongeait. Je sentais qu’il essayait de différer <strong>le</strong> moment où il lui<br />

faudrait entrer dans <strong>le</strong> vif du sujet. Il a dû s’en rendre compte, car il a soudain mis un<br />

terme à ses digressions.<br />

- Pendant la première semaine, il ne s’est rien passé d’intéressant, a-t-il repris.<br />

Le protoco<strong>le</strong> se déroulait de manière prévisib<strong>le</strong>. L’euphorie s’est changée en ennui,<br />

l’ennui a engendré des activités récréatives, puis ces distractions ont fini el<strong>le</strong>smêmes<br />

par lasser, et <strong>le</strong>s individus ont pour la plupart sombré dans <strong>le</strong> marasme. Bien<br />

évidemment, il aurait fallu observer <strong>le</strong> phénomène en temps réel, pendant six mois<br />

au moins, avant d’émettre une quelconque conclusion, mais nous étions pressés.<br />

Les militaires s’impatientaient. Ils ont bientôt exigé que <strong>le</strong>s sujets soient soumis sans<br />

délai à un stress plus important. On a alors demandé aux officiers présents dans<br />

l’abri de faire circu<strong>le</strong>r une rumeur alarmante.<br />

- Scallia m’en a parlé. Vous avez fait croire à ces pauvres gens que l’Amérique<br />

avait été victime de plusieurs frappes nucléaires.<br />

- Oui, c’était honteux, je l’admets, mais <strong>le</strong>s militaires voulaient des résultats à<br />

court terme. Nous subissions d’énormes pressions. C’était une période troub<strong>le</strong>. Le<br />

moindre manque de zè<strong>le</strong> pouvait être interprété comme une tentative de sabotage.<br />

Hélas, la rumeur n’a pas donné <strong>le</strong>s résultats escomptés. Les réactions étaient trop<br />

<strong>le</strong>ntes, la dynamique de groupe évoluait, certes, mais pas assez rapidement au goût<br />

de nos chefs. C’est alors que l’un d’eux a émis l’idée qu’il serait faci<strong>le</strong> d’augmenter <strong>le</strong><br />

stress des sujets en insufflant par <strong>le</strong>s conduits d’aération un gaz psychotrope connu<br />

pour engendrer des manifestations de panique. Cela nous ferait gagner du temps,<br />

prétendait-il. Il devait remettre son rapport à la fin du week-end, et si tous ces<br />

préparatifs débouchaient sur un fiasco, il y aurait des sanctions.<br />

J’ai serré <strong>le</strong>s dents. Je commençais à entrevoir ce qui s’était passé. L’explication<br />

était simp<strong>le</strong>, mais personne n’y avait jamais pensé.<br />

Leo Ursharft a ôté ses lunettes. Sa main marbrée de taches hépatiques<br />

tremblait.<br />

- Inuti<strong>le</strong> d’entrer dans <strong>le</strong>s détails, n’est-ce pas ? a-t-il balbutié. Vous devinez sans<br />

mal ce qui s’est produit.<br />

- Le gaz a été mal dosé ?<br />

- Oui. Ses effets secondaires comportaient des hallucinations, un décup<strong>le</strong>ment<br />

des pulsions agressives et une activité dynamique accrue. Son inhalation a provoqué<br />

une crise de terreur incontrôlab<strong>le</strong>. En l’espace de deux minutes, <strong>le</strong>s occupants de<br />

l’abri ont sombré dans la démence. Les officiers, à qui on avait ordonné par la ligne

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!