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- Je ne sais pas… oui, sans doute. Dans ce cas, ils doivent se trouver à la
banque. Mais ce sont des vieilleries sans intérêt. Des trucs pour historien de la
guerre froide. Qui se soucie de ça aujourd’hui ?
- Pourrais-je les consulter ? Un point à vérifier.
J’ai dû batailler un bon moment. Il ne voyait pas l’intérêt de ma démarche. Je lui
faisais perdre son temps. Il m’a encore répété que je n’avais pas à m’inquiéter, que
les frais de décoration seraient réglés à l’agence en dédommagement du préjudice
supporté. Willa y tenait. Je pouvais partir en vacances et oublier ce terrible drame.
Comme j’avançais le nom de Sarah Jane, il a succombé à une bouffée de mauvaise
conscience et fini par lâcher :
- D’accord, mon assistante passera vous prendre demain matin. Vous pourrez
consulter les documents en question en sa présence. Je ne puis vous autoriser à
faire des photocopies.
Avant que je le remercie il avait raccroché.
J’ai rongé mon frein jusqu’au lendemain. À l’heure dite, la princesse de glace
diplômée de Harvard à laquelle j’avais déjà eu affaire m’a escortée dans les
entrailles souterraines d’une grande banque. L’une des chambres fortes était
exclusivement réservée à Tobbey. Au terme de multiples vérifications, un employé
ganté de blanc a déposé devant nous un casier métallique empli de paperasse
jaunie.
Fiévreuse, j’ai entamé le dépouillement. Il s’agissait d’archives militaires
classées Secret-défense que Tobbey avait réussi à se procurer par je ne sais quel
moyen. La plupart d’entre elles se présentaient sous la forme de mauvaises
photocopies à demi illisibles. Par ailleurs, beaucoup de paragraphes avaient été
caviardés. Tous ces documents se rapportaient à la fameuse « expérience » ayant
entraîné la fermeture précipitée du bunker. On y parlait en termes vagues de panique
collective, de psychose, sans qu’il soit jamais possible de discerner l’élément
déclencheur du drame.
Nulle part je n’y trouvai mention de l’œuf de plomb. Le découragement me
gagnait quand j’ai enfin mis la main sur quelque chose d’intéressant. La liste des
survivants internés en hôpital psychiatrique, et le nom de l’ingénieur responsable du
projet. Je les ai recopiés avant de tendre le feuillet à l’assistante de Stanley-Mitchell
en disant :
- Pourriez-vous retrouver ces gens ?
Elle a saisi le papier d’un geste excédé et m’a promis une réponse pour le
lendemain.
J’ai cru qu’elle allait hurler qu’elle n’avait pas fait Harvard pour perdre son temps
à de minables besognes de détective. Mais elle savait se tenir – on leur enseigne ça
aussi – et nous nous sommes séparées poliment.
Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit tant j’étais impatiente d’agir. Je ne pouvais
m’empêcher de penser à Sarah Jane, prisonnière de l’œuf de plomb, et des scènes
déplaisantes envahissaient mon esprit. Dans mon délire, j’imaginais les vieillards,
improvisant un mariage grotesque, et le plus jeune des survivants, conduisant son
« épouse » jusqu’à la couche nuptiale…
Ce n’était pas tolérable. Il fallait que je la sorte de là.
Le lendemain, un coursier de Federal Express m’a remis une enveloppe, elle
contenait le résultat de l’enquête effectuée à ma demande. Tout le monde était mort,
sauf deux personnes.