You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
- Sarah Jane m’a raconté qu’el<strong>le</strong> lui apportait de la nourriture. Comment est-ce<br />
possib<strong>le</strong> s’il était mort depuis six mois ?<br />
- Bon sang ! Réfléchis un peu ! C’est une ado qui veut se rendre intéressante.<br />
El<strong>le</strong> a pu inventer ça pour t’impressionner… ou alors c’est que quelqu’un essayait de<br />
se faire passer pour Vaughan. L’un des stagiaires, par exemp<strong>le</strong>. Un petit malin qui a<br />
trouvé ce truc pour attirer l’attention de la gamine. Les mecs sont prêts à tout pour<br />
parvenir à <strong>le</strong>urs fins. Je crois que c’est plutôt dans cette direction qu’il faut<br />
chercher…<br />
- Tu veux dire un type qui aurait cherché à tirer parti de la légendaire querel<strong>le</strong><br />
entre Burton et Vaughan ?<br />
- Oui. Un gars futé qui a tout de suite senti <strong>le</strong> bénéfice qu’on pouvait tirer d’une<br />
tel<strong>le</strong> histoire. Surtout auprès d’une ado<strong>le</strong>scente désœuvrée, travaillée par <strong>le</strong>s<br />
hormones et prête à tomber amoureuse d’un cactus. Il a voulu l’apprivoiser. Avec la<br />
barbe, <strong>le</strong>s cheveux longs, la crasse, il était suffisamment grimé pour emprunter<br />
l’identité de Vaughan. J’ignore ce qui s’est passé entre la gosse et lui, et pourquoi ça<br />
a dégénéré en massacre.<br />
- Pour moi, c’est évident, ai-je soupiré. Il s’est amouraché de Sarah Jane, il la<br />
voulait pour lui, mais il savait qu’il ne pourrait jamais l’en<strong>le</strong>ver tant que <strong>le</strong> père serait<br />
vivant. Tobbey <strong>le</strong>s aurait retrouvés, où qu’ils ail<strong>le</strong>nt, il en avait <strong>le</strong>s moyens, il disposait<br />
d’une armée… Non, pour réussir, il fallait au préalab<strong>le</strong> se débarrasser de la menace<br />
que représentait Tobbey. C’est ce qu’il a fait. De manière radica<strong>le</strong>.<br />
- Alors, pour toi, c’est une histoire d’amour ?<br />
- Plutôt une histoire d’obsession. Ce qui explique qu’aucune rançon n’a été<br />
réclamée.<br />
- Ce qui brouil<strong>le</strong> tout, c’est qu’à un moment, Sarah Jane a sans doute plus ou<br />
moins été complice de son ravisseur. El<strong>le</strong> a vu en lui un Roméo, el<strong>le</strong> n’a jamais<br />
imaginé qu’il allait trucider toute sa famil<strong>le</strong>. Je pense que Dogson a raison. Le<br />
coupab<strong>le</strong> est l’un des stagiaires. L’ennui, c’est que ça représente beaucoup de<br />
suspects.<br />
Nous avons repris sagement <strong>le</strong> chemin de L.A. Que pouvions-nous faire<br />
d’autre ?<br />
Pendant deux jours, je suis restée amorphe, à siroter des ju<strong>le</strong>ps devant la télé,<br />
m’hypnotisant sur Gilmore Girls, série fascinante pour quelqu’un comme moi qui n’a<br />
jamais bénéficié d’une vraie vie de famil<strong>le</strong>. Je picolais trop. À ce rythme, j’allais<br />
gonf<strong>le</strong>r de la tronche à vitesse grand V. La vraie citrouil<strong>le</strong> de Halloween. Les gosses<br />
me surnommeraient « Mamie Potiron ». Au moins, je ferais l’économie d’un<br />
déguisement.<br />
Et puis, sous l’influence de l’alcool, tel<strong>le</strong> la pythie de Delphes embrumée par <strong>le</strong>s<br />
vapeurs de soufre, j’ai fait un rêve. Dans ce rêve, il y avait un mur. Le mur<br />
s’entrouvrait, un homme en sortait. Ce n’était pas Vaughan, et <strong>le</strong> mur ne ressemblait<br />
en rien à celui que j’avais éventré à coups de machine à écrire. L’homme portait un<br />
uniforme dépenaillé. Il entrait dans une maison, poussait la porte d’une sal<strong>le</strong> à<br />
manger et ouvrait <strong>le</strong> feu sur la famil<strong>le</strong> qui se trouvait rassemblée là.<br />
Je me suis réveillée à cet instant, manquant de tomber du canapé sur <strong>le</strong>quel<br />
j’avais perdu conscience une heure plus tôt. Sur l’écran du téléviseur, Rory et Lore<strong>le</strong>i<br />
Gilmore se blottissaient dans <strong>le</strong>s bras l’une de l’autre en sanglotant.<br />
J’avais du mal à recouvrer mon souff<strong>le</strong> et mon cœur tapait dans ma poitrine<br />
comme s’il était prisonnier d’un tambour.