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Lire le livre - Bibliothèque

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un brin d’habi<strong>le</strong>té on peut transformer en chambre secrète. En tant que décoratrice,<br />

j’avais mil<strong>le</strong> fois mis ce précepte en pratique.<br />

Ayant noué la bride du cheval à un pilier, j’ai poussé la première porte qui<br />

s’ouvrait devant moi pour m’enfoncer à l’intérieur de la bâtisse. J’avançais, passant<br />

de pièce en pièce, laissant mon regard courir sur <strong>le</strong>s murs à la recherche d’un détail<br />

incongru. Si Vaughan s’était aménagé un terrier, il avait dû <strong>le</strong> faire avec <strong>le</strong>s moyens<br />

du bord, sans pouvoir figno<strong>le</strong>r. Il me fallait donc localiser un pan de maçonnerie un<br />

peu trop neuf. Le moyen <strong>le</strong> plus simp<strong>le</strong> pour fabriquer une chambre secrète est<br />

d’utiliser une petite pièce dont on mure la porte après avoir pris soin d’en démonter <strong>le</strong><br />

chambran<strong>le</strong>. Quelques dizaines de briques, un panneau de Placoplatre font l’affaire.<br />

Un peu d’enduit, deux couches de peinture, et la pièce devient indécelab<strong>le</strong>. Pour s’y<br />

faufi<strong>le</strong>r, on utilise une bouche d’aération ou une lucarne, située sur la façade du<br />

bâtiment, et qu’on a camouflée derrière une pancarte métallique affichant, par<br />

exemp<strong>le</strong>, l’avertissement : Danger ! Haute Tension ! Ne pas approcher. Ou encore<br />

Risque biologique, qui fait son petit effet, surtout si on l’associe à une tête de mort ou<br />

au symbo<strong>le</strong> de l’irradiation atomique. Qui se risquerait à tripatouil<strong>le</strong>r une vieil<strong>le</strong><br />

bombe au cobalt à moitié dessoudée et qui répand des émanations mortel<strong>le</strong>s ?<br />

J’ai arpenté la bâtisse deux heures durant. En pure perte. La plupart des pièces<br />

étaient vides. Les vitres cassées avaient permis au vent de s’engouffrer, tapissant <strong>le</strong><br />

sol d’une épaisse couche de sab<strong>le</strong>. Çà et là, surgissait parfois la silhouette d’une<br />

chaise, d’un classeur métallique, d’un bureau ou d’une machine à écrire renversée,<br />

tel un gros insecte mort.<br />

Et puis, alors que j’allais renoncer, <strong>le</strong>s jambes rompues, mes yeux ont été<br />

arrêtés par une anomalie. La peinture trop foncée, trop neuve, d’un pan de mur.<br />

Pour un non-spécialiste, c’était indiscernab<strong>le</strong>, mais c’était bel et bien là. J’ai<br />

eff<strong>le</strong>uré la paroi du bout des doigts. Pas de doute. Le raccord n’était pas d’époque.<br />

Le pigment, que <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il n’avait pas encore décoloré, datait tout au plus de six mois.<br />

On s’était donné du mal pour essayer de <strong>le</strong> vieillir en l’aspergeant de sab<strong>le</strong> sec alors<br />

que la peinture était encore fraîche, mais la supercherie ne résistait pas à l’examen.<br />

J’ai hésité sur la conduite à tenir. Devais-je appe<strong>le</strong>r Evita en renfort ? À l’idée<br />

d’al<strong>le</strong>r la chercher à l’hacienda, j’ai renoncé. Revenant sur mes pas, j’ai ramassé la<br />

machine à écrire repérée un instant plus tôt et, l’utilisant comme un bélier, je l’ai<br />

abattue sur la cloison, à dix reprises. Le Placoplatre s’est fendillé avant d’éclater tel<strong>le</strong><br />

une coquil<strong>le</strong> d’œuf. Une odeur épouvantab<strong>le</strong> m’a frappée au visage. J’ai dû recu<strong>le</strong>r<br />

en grimaçant de dégoût. Rassemblant ce qui me restait de courage, j’ai repris ma<br />

besogne, agrandissant l’ouverture.<br />

Il ne s’agissait pas d’une pièce, mais d’une espèce de cagibi ou de placard sans<br />

lucarne. Brusquement, j’ai poussé un cri et laissé tomber la machine à écrire qui a<br />

failli m’écraser <strong>le</strong> pied droit. Au centre du trou que je venais d’ouvrir, un visage<br />

s’encadrait, me fixant de ses yeux morts. Le visage d’une momie.

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