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après minuit, une fois les robots couchés. Il descendra au ranch pour piquer des
provisions, des vêtements, des objets de toilette. Garder une fille prisonnière, c’est
plus compliqué qu’un garçon. Il faut lui fournir un tas de trucs, ne serait-ce que des
tampons, des petites culottes. Sarah Jane exigera des CD, son baladeur, ses
bouquins, son journal intime. S’il veut la faire tenir tranquille, il lui faudra en passer
par là.
- Il peut aussi la bâillonner et la ficeler sur une paillasse.
- Je ne crois pas. S’il l’a enlevée, c’est parce qu’il a le béguin pour elle. Sinon, il
l’aurait tuée comme ses sœurs. Il va essayer de l’apprivoiser. Si elle n’est pas bête et
je ne pense pas qu’elle le soit elle va jouer le jeu afin de gagner du temps. Elle fera
semblant de se laisser domestiquer pour amener Vaughan à baisser sa garde. Dès
qu’une occasion se présentera, elle tentera de lui fausser compagnie. Du moins,
c’est ainsi que je procéderais si je me trouvais à sa place.
- Ouais. Ça se tient. Tout dépend si elle est complètement traumatisée depuis
l’assassinat de sa famille.
- C’est vrai. Mais il est également possible que Vince l’ait enlevée avant le
massacre, et que Sarah Jane ne sache toujours pas que ses parents et ses sœurs
ont été tués. Personnellement, je pense que c’est ainsi qu’il a procédé. C’était le seul
moyen de s’attacher la gosse. Jouer sur le côté romantique de la situation. Sarah
Jane ignore probablement ce qui s’est passé. Elle croit vivre une aventure excitante ;
surtout si le mec ne lui déplaît pas. Quand elle en aura marre, elle tentera de lui
échapper, c’est alors que les choses risquent de mal tourner. Il ne peut pas lui laisser
découvrir la vérité. Elle le haïrait.
- Exact. Alors il n’aura le choix qu’entre deux solutions : soit il en fait son
esclave, les chaînes aux pieds… soit il la tue.
J’étais du même avis. Vaughan n’était pas du genre à supporter les vociférations
d’une ado hystérique. Il la ferait taire à coups de ceinturon, ou l’étranglerait. Nous
devions la récupérer avant qu’il en arrive là.
Au terme d’un périple épuisant, nous avons atteint l’aérodrome. La jungle
artificielle plantée par Tobbey était désormais silencieuse. Faute de cibles
mouvantes, les robots ne tiraient plus. Evita a garé la Mustang dans la cour. J’ai fait
un saut aux écuries pour prévenir le palefrenier de notre arrivée. Je l’ai trouvé
hagard, une bouteille de Boone’s farm 27 coincée entre les cuisses. Les chevaux
semblaient plus calmes, sans doute à cause de l’absence de coups de feu. J’ai
expliqué au gars que nous venions trier les papiers de M. Tobbey, pour le compte de
son avocat. Il s’en foutait royalement.
J’ai rejoint Evita dans la maison. D’un commun accord, nous avons élu domicile
loin de la salle à manger. À présent que j’étais sur place, l’excitation me quittait et je
commençais à entrevoir les difficultés de l’entreprise. Serions-nous capables
d’affronter Vaughan ? Dans les films, il est courant de voir une banale ménagère se
métamorphoser en sergent des Navy SEAL 28 lorsqu’on la pousse à bout mais nous
n’étions pas au cinéma, et je craignais soudain de ne pas être à la hauteur.
Une peur m’a saisie, que je me suis efforcée de garder secrète.
J’ai retrouvé Evita dans le fumoir, au milieu des panoplies d’armes de la guerre
de Sécession.
27 - Vin de basse qualité, fortement titré en alcool.
28 - Commandos de marine.