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- C’est bien triste pour lui, a-t-il énoncé. Mais cela ne nous dit pas où est Sarah
Jane.
- Vaughan est plus malin que je ne le pensais, a avoué Dogson. Il a de toute
évidence préparé son coup de longue date. Je suppose qu’il a capturé sans grand
mal un coyote blessé… ou qu’il l’a pris au piège. Il l’a ensuite soigné, patiemment.
Depuis le début, il avait dans l’idée de l’utiliser pour nous lancer sur une fausse piste.
Il était au courant pour la balise. Son premier geste, après le kidnapping, a été de la
récupérer sur la gosse pour la greffer au coyote. Ensuite, il lui a suffi de rouler
jusqu’aux premiers contreforts de la montagne et de relâcher l’animal. Tout cela, il l’a
fait dans les heures qui ont suivi le crime. Cette précaution prise, il a pu prendre
n’importe quelle direction. Je suis désolé.
- Vous vous êtes hypnotisé sur cette histoire de puce émettrice ! a rugi Stanley-
Mitchell. Un gadget ! C’était une erreur. Vaughan vous a mené par le bout du nez.
Alors ils ont commencé à s’engueuler. J’étais si fatiguée que je serais tombée de
ma chaise ; j’ai cessé de les écouter.
Ensuite, Stanley-Mitchell m’a fait reconduire à la clinique. Il s’est formellement
opposé à ce que je passe chez moi récupérer des vêtements de rechange. L’une de
ses assistantes s’en chargerait, je n’avais qu’à dresser une liste. Ces caprices de fille
l’insupportaient.
J’ai donc pris mon mal en patience. J’avoue qu’après le troisième épisode de
Raison et Sentiments, j’étais au bord de la dépression. Heureusement, la punition a
pris fin au bout du quatrième jour. Willa s’est réveillée. Elle était désormais hors de
danger. Fait nouveau, elle m’accordait désormais une attention distraite. Le choc
passé mystère de l’esprit humain !, elle avait cessé de me considérer comme sa
bouée de sauvetage. Stanley-Mitchell s’en est aperçu et n’a plus jugé utile de me
rétribuer en tant que demoiselle de compagnie. J’ai donc été sur-le-champ libérée de
mes obligations et rendue à la vie civile, ce qui me convenait.
J’ai fait un crochet par l’agence pour exposer à Devereaux les derniers
développements de l’affaire. Il se fichait de Sarah Jane et de Vince Vaughan, son
unique préoccupation était de savoir si le contrat de remise en état du bunker serait
signé et honoré. Je lui ai fait part de la décision de Willa sur ce point. Il a paru
rassuré.
- Alors ça devrait fonctionner, a-t-il conclu en se frottant les mains. L’apparition
de la doublure de Willa, à la télé, a eu un effet bénéfique sur le marché des valeurs.
Les actions de Zufrau-Clarkson Industries remontent en flèche.
Lorsque je l’ai quitté, il ronronnait comme un chat gavé de crème. En rentrant
chez moi, j’ai cédé au découragement. Mes nerfs lâchaient. Une vodka-orange à
portée de main, je me suis allongée sur le canapé, sous un plaid, en dépit de la
chaleur ambiante. Je grelottais et mes dents ne demandaient qu’à claquer.
En moi, une voix répétait : Laisse tomber. Ne t’occupe plus de cette histoire. Ce
ne sont pas tes oignons. Laisse les flics s’en charger.
Je n’ai jamais apprécié les romans policiers dans lesquels une fille ordinaire
s’improvise soudain détective et triomphe là où les plus fins limiers ont échoué. Je
les ai toujours trouvés invraisemblables. Dans la vie réelle, le mystère a plutôt
tendance à nous anéantir, à nous laisser désemparés. Et en cet instant, je me
sentais particulièrement anéantie.