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Il a dit cela avec une ironie teintée de lassitude et, d’un seul coup, il m’a paru<br />
sympathique. Sans doute parce qu’il semblait, là, dans la lumière des projecteurs et<br />
des gyrophares, fatigué et vulnérab<strong>le</strong>. J’ai pensé que ça ne m’aurait pas déplu de<br />
mieux <strong>le</strong> connaître, mais je n’ai pas eu <strong>le</strong> temps d’approfondir la question parce<br />
qu’on m’a fourré un mégaphone entre <strong>le</strong>s mains et qu’un agent m’a priée de <strong>le</strong><br />
suivre.<br />
Escalader la pente s’est révélé une épreuve. Mal remise de mes contusions, je<br />
souffrais à chaque pas. Devant moi, <strong>le</strong> flic s’impatientait. On avait balisé <strong>le</strong> chemin<br />
avec des lampes é<strong>le</strong>ctriques, mais c’était un endroit sauvage. La terre, en s’éboulant,<br />
avait découvert <strong>le</strong>s racines des arbres qui formaient un réseau d’obstac<strong>le</strong>s où je ne<br />
cessais de me tordre <strong>le</strong>s chevil<strong>le</strong>s.<br />
À bout de souff<strong>le</strong>, j’ai enfin atteint <strong>le</strong> périmètre d’une clairière. Des hommes se<br />
tenaient là, agenouillés, regardant en direction d’un grand pin très abîmé qu’entourait<br />
une haie de buissons épineux. Mon accompagnateur s’est immobilisé en désignant<br />
l’arbre.<br />
- C’est là qu’est la gosse, m’dame, a-t-il chuchoté. Cachée derrière <strong>le</strong> pin de<br />
Douglas. El<strong>le</strong> ne répond pas à nos appels.<br />
- Vous êtes certains qu’el<strong>le</strong> est là ?<br />
Alors, pour me river mon clou, il m’a montré un écran où clignotait un point<br />
lumineux. Pour ce que j’en savais, ç’aurait pu être un jeu de ping-pong vidéo, mais<br />
j’ai feint d’être convaincue.<br />
J’ai laissé tomber <strong>le</strong> haut-par<strong>le</strong>ur dans l’herbe. Je n’en avais pas besoin.<br />
M’avançant vers <strong>le</strong> centre de la clairière, j’ai appelé :<br />
- Sarah Jane ? C’est moi, Mickie Katz, la décoratrice… Tu te souviens ? Tu m’as<br />
fait visiter <strong>le</strong> bunker…<br />
J’ai continué sur ce ton pendant une bonne minute. J’avançais pas à pas. Et<br />
puis, tout à coup, j’ai vu du sang sur l’herbe. Pas mal de sang. J’ai compris qu’el<strong>le</strong><br />
avait été b<strong>le</strong>ssée lors de la fusillade.<br />
J’ai dit :<br />
- Sarah Jane ?<br />
Une espèce de gémissement étouffé m’est parvenu depuis l’autre côté de<br />
l’arbre. J’ai bondi en avant.<br />
Là, entre <strong>le</strong> pin et <strong>le</strong>s buissons se tenait une forme recroquevillée, ha<strong>le</strong>tante, et<br />
trempée de sang.<br />
Mais c’était cel<strong>le</strong> d’un coyote, et il était en train de mourir.