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- Elle est en état de choc, ai-je répondu. Tous ces hommes armés qui hurlent et
brandissent des torches doivent la terrifier. À mon avis, ils ne s’y prennent pas de la
bonne manière.
- Parfaitement ! A-t-il lancé, c’est à vous d’intervenir. Venez, nous allons
demander à Dogson de vous passer un porte-voix. Quand Sarah Jane vous aura
reconnue, elle se laissera approcher.
Sa façon de répéter « Sarah Jane » à la manière d’un vieil oncle éploré me
tapait sur les nerfs. J’ai failli lui rétorquer : « Pas la peine de jouer la comédie, il n’y a
aucun journaliste dans le secteur ! »
Au lieu de ça, je me suis laissé entraîner vers le PC des forces de police. La
chose n’a pas été aisée, car il nous a fallu franchir plusieurs cordons de sécurité
mais, chaque fois, Stanley-Mitchell exhibait je ne sais quelle autorisation, signée du
gouverneur en personne, qui provoquait le recul immédiat des sentinelles.
Finalement, nous nous sommes retrouvés devant Dogson. L’inspecteur ne cherchait
nullement à cacher sa mauvaise humeur, et j’ai tout de suite compris que les choses
ne tournaient pas rond. Stanley-Mitchell s’est lancé dans un laïus péremptoire pour
exiger que je sois placée à la tête de la battue car j’étais la seule capable d’établir le
contact avec « Sarah Jane ».
Dogson lui a coupé la parole sans ménagement :
- Vous m’emmerdez, maître. Il semblerait qu’il y ait un problème. Le type qu’on a
intercepté… Ce ne serait pas Vaughan.
- Quoi ? a hoqueté Stanley-Mitchell.
- On vient de comparer le visage du mort avec les photos du dossier militaire de
Vaughan, ça ne correspond pas. Pas du tout. Le gars qui a ouvert le feu sur les
hélicos avait la soixantaine. Il s’agit peut-être d’un complice.
Se tournant vers moi, il a lancé :
- Suivez-moi, je veux que vous jetiez un coup d’œil au cadavre. Dites-moi si
vous avez déjà aperçu ce type au ranch, parmi les palefreniers, les domestiques, les
jardiniers…
Je lui ai emboîté le pas. Un peu plus loin, une civière métallique reposait sur le
sol. Un homme corpulent s’y trouvait couché. Vêtu d’un treillis de l’armée très sale, il
avait l’air d’un vagabond. Il m’a fait penser à ces vétérans du Viêtnam qui, en dépit
des années, s’obstinent à s’habiller en G.I. Il avait les cheveux longs et gris, noués
en catogan, et une barbe composée de petites nattes, à la manière chinoise. Trois
balles groupées lui avaient fait exploser la cage thoracique. Il avait la bouche pleine
de sang.
- Jamais vu, ai-je murmuré. On dirait un sans-abri.
- Je sais, a grommelé Dogson, et c’est bien ça qui m’emmerde. Les collines sont
remplies de clodos qui se défoncent en sniffant du décapant. Enfin, on en saura
davantage quand on aura mis la main sur la gosse.
Il s’est passé la main sur le visage avant de lâcher :
- Je vais vous donner un porte-voix et une escorte. Puisque vous la connaissez,
essayez de convaincre Sarah Jane de quitter sa cachette. Le signal indique qu’elle
ne bouge plus, mais je ne voudrais pas la terroriser en lui tombant dessus.
- Vous savez où elle est ?
- Oui, très exactement. Mes hommes l’encerclent. On va vous conduire jusqu’à
elle. Faites votre possible pour la raisonner. Je ne veux pas être accusé de l’avoir
traumatisée et apprendre, demain matin, que le LAPD est poursuivi en justice par le
cabinet de maître Stanley-Mitchell pour cruauté mentale.