Lire le livre - Bibliothèque

fois, c’était l’hallali, les chiens de guerre galopaient sur les traces de Vince Vaughan.
J’avais hâte que tout soit fini. Dans le haut-parleur, des ordres s’entrecroisaient, des
coordonnées de vol, un jargon à base de mots codés. Puis les hélicos ont allumé
leurs projecteurs de poursuite pour balayer le sommet des collines. La lumière
aveuglante a coulé entre les arbres, comme une lave blanche décolorant ce qu’elle
touchait.
- Confirmation ! Confirmation ! a vociféré une voix dans le récepteur. Nous avons
en visuel un individu armé d’un fusil qui semble poursuivre quelqu’un…
- Localisez la fille ! a ordonné Dogson. Elle est quelque part devant lui, à une
soixantaine de mètres d’après l’écho radar. Elle donne des signes de fatigue, l’écart
entre eux se réduit. Appréhendez l’homme avant qu’il ne la rattrape. Je ne veux pas
d’un 10-15. S’il met la main sur la gosse, il l’utilisera comme otage. Je répète : pas
de 10-15.
Alors des haut-parleurs ont beuglé les sommations d’usage. Le nez collé au
Plexiglas du cockpit, j’ai distingué une petite silhouette qui gesticulait tout en bas,
entre les arbres. Vince Vaughan. Il brandissait un fusil en direction des hélicoptères.
- Lâchez votre arme et couchez-vous sur le sol, bras et jambes écartés !
tonnaient les mégaphones. Obéissez ou nous ouvrons le feu.
La chair de poule m’a hérissé les bras. Les pinceaux des projecteurs
s’entrecroisaient, essayant de suivre les évolutions du fugitif qui courait en zigzag,
cherchant la protection des sapins. Ce bombardement de lumière avait quelque
chose d’apocalyptique, il me rappelait le rayon de la mort de La Guerre des mondes.
Les hélicos volaient en rase-mottes, frôlant la cime des sapins.
- Stoppez-le ! a ordonné Dogson. Il se rapproche de la gosse. Stoppez-le !
Des coups de feu ont claqué.
- 10-14 ! a hurlé une voix dans la radio. 10-14 25 !
Une arme automatique a répliqué, en rafale, puis le silence est revenu.
- Agresseur à terre, a annoncé une voix. Aucun signe de la fille.
- Elle doit être terrorisée et se terrer dans un coin, a soupiré Dogson. Les
équipes au sol quadrillent le terrain, elles vont la localiser.
D’un geste, l’assistante de Stanley-Mitchell a signifié au garde du corps de
baisser le son, puis, se tournant vers moi, elle a dit :
- À nous d’entrer en scène. Dès qu’ils auront récupéré Sarah Jane, arrangezvous
pour entrer en contact avec elle. Elle vous écoutera, elle vous connaît. Dites-lui
de se taire. De ne rien dire à la police. Pas un mot. Elle est mineure, ils n’ont pas le
droit de l’interroger hors de la présence d’un avocat, mais ils ne se gêneront pas
pour essayer de lui tirer les vers du nez. Qu’elle se taise.
Elle énonçait cela d’un ton sec, dépourvu du moindre sentiment, comme si les
souffrances endurées par l’adolescente la laissaient de glace.
Le pilote a manœuvré pour se poser au pied de la montagne, sur le terrain
délimité par des balises lumineuses. Il y avait là une foule considérable d’uniformes
et de blouses blanches portant le sigle du coroner, à croire qu’on s’apprêtait à
évacuer les victimes de la bataille de Shiloh. Stanley-Mitchell s’est rué à notre
rencontre, en sueur, décoiffé. Ce qui, pour lui, équivalait à s’exhiber en slip devant la
Cour suprême.
- Ils sont en train de ramener Vaughan, a-t-il annoncé. Il est mort. Ils ne sont pas
encore parvenus à mettre la main sur Sarah Jane Elle continue à fuir, comme si elle
ne comprenait pas qu’on tente de lui venir en aide.
25 - Code dix. 10-15 : Prise d’otage. 10-14 : Coups de feu tirés.