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temps, j’ai allumé la télé. Dans le courant de l’après-midi, notre cher Silas est apparu
sur les écrans en compagnie d’une très jolie fille en tailleur Armani. La fameuse
doublure. Il l’avait bien choisie, je dois l’admettre. Malgré son jeune âge, la gamine
arrivait à donner une impression de fermeté et d’intelligence. Quelque chose dans le
style Jodie Foster à sa grande époque. Le regard d’acier, surtout, était
impressionnant. Et le petit sourire hautain, très « princesse de glace ». Elle récitait un
monologue rédigé par le staff du cabinet mais cela ne se sentait pas. Quand elle
évoqua le drame qui venait de la frapper, elle modula un léger trémolo bien contrôlé
et ses yeux s’embuèrent l’espace d’une nanoseconde. Elle était très bonne,
vraiment. Une dame de fer au berceau. L’héritière de la couronne. La main de titane
dans un gant d’acier. Terminator en string de dentelle noire Victoria’s Secret.
Les journalistes étaient impressionnés. Il y avait de quoi. J’ai éteint le téléviseur.
Je m’ennuyais comme une carotte moisie au fond d’un bac à légumes.
Tout à coup, la porte de ma chambre s’est ouverte à la volée et l’assistante de
Stanley-Mitchell est entrée, très essoufflée.
- Il y a du nouveau, a-t-elle haleté. La police a localisé la balise de Sarah Jane.
Elle se déplace sur la ligne de crête des California Mountains. Cette fois, le signal est
constant. Il faut que vous veniez tout de suite.
- Pourquoi ?
- Vous avez établi une certaine complicité avec la gosse. Cela pourrait se révéler
utile au moment de la récupération. Il faut éviter qu’elle pique une crise d’hystérie et
se mette à raconter n’importe quoi.
- Par exemple que la fille qui se pavane à la télé n’est pas sa vraie sœur ? ai-je
ricané.
- Taisez-vous ! a sifflé l’avocate, scandalisée. Les flics sont décidés à intervenir.
Maître Stanley-Mitchell a fait jouer ses appuis politiques pour obtenir l’autorisation
d’être associé à l’intervention. L’hélico nous attend sur le toit.
J’ai changé de chaussures et je l’ai suivie. À force de passer ma vie en
hélicoptère, j’allais avoir du mal à me réhabituer aux transports en commun.
Le jour baissait. Nous avons décollé du toit, accompagnées par deux gorilles
armés. Les lumières de L.A. défilaient sous l’appareil, tel un tapis de braises
rutilantes. Nous filions vers les montagnes. L’un des malabars avait branché un
scanner qui permettait de suivre les échanges de la police. Au travers des
crachotements, on devinait que l’intervention était imminente. J’ai identifié la voix de
Dave Dogson, le détective au brushing distinguished grey, façon Richard Gere. Il
disait :
- Le signal se déplace en zigzag, très vite, comme si la fille courait. Il se pourrait
qu’elle tente de s’échapper et soit poursuivie par son ravisseur. L’homme est armé et
dangereux. Suspecté d’assassinats multiples. Je vous rappelle que c’est un ancien
soldat. Un professionnel du combat et un tireur d’élite. Il est passé par les Forces
Spéciales. Il risque de nous en faire baver.
Les paumes moites, je me suis redressée sur mon siège.
J’espérais de toutes mes forces que Sarah Jane pourrait être récupérée sans
encombre. Une bavure est toujours à craindre, surtout à la tombée de la nuit. On n’y
voyait déjà plus grand-chose. La forêt couvrant la montagne avait l’air d’un pelage
noir, touffu. Les collines évoquaient une meute d’ours faisant le dos rond.
J’ai pris conscience que nous n’étions plus seuls. Nous volions en formation,
encadrés par d’autres hélicoptères de la police urbaine. Des hommes armés se
tenaient accroupis près des portes latérales, le visage à moitié dissimulé par des
lunettes de vision nocturne qui leur faisaient des gueules de cyber mutants. Cette