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- Y a quelqu’un… a soufflé Evita dans mon dos. Là-bas, tout au bout, après <strong>le</strong><br />
coude… J’ai aperçu une silhouette. Ça n’a duré qu’une demi-seconde.<br />
- Un animal ?<br />
- Non, trop grand. Et puis <strong>le</strong>s coyotes ne marchent sur deux pattes que dans <strong>le</strong>s<br />
dessins animés.<br />
El<strong>le</strong> essayait de crâner mais <strong>le</strong> ton n’y était pas.<br />
J’ai cherché une phrase susceptib<strong>le</strong> de désamorcer l’agressivité de Burton. Le<br />
mieux consistait à se faire passer pour des randonneuses égarées. Le désert était<br />
p<strong>le</strong>in de trekkeurs fous dont on retrouvait <strong>le</strong>s ossements dix ans plus tard. Nous nous<br />
rapprochions du coude décrit par la crevasse. Diffici<strong>le</strong> de deviner ce qui nous<br />
attendait au-delà de l’obstac<strong>le</strong>.<br />
La sueur me brûlait <strong>le</strong>s yeux. Je n’avais qu’une envie, saisir <strong>le</strong> pisto<strong>le</strong>t à<br />
fléchettes anesthésiantes et tirer sur tout ce qui bougeait.<br />
J’ai scruté <strong>le</strong> sol, soudain persuadée que j’allais poser <strong>le</strong> pied dans un piège,<br />
être sou<strong>le</strong>vée dans <strong>le</strong>s airs par un nœud coulant, ou transpercée par une herse<br />
artisana<strong>le</strong>. Les mâchoires serrées, j’ai dépassé <strong>le</strong> coude…<br />
Une créature étrange se tenait là, grimpée sur un rocher, prête à prendre la fuite.<br />
Un être d’une sa<strong>le</strong>té repoussante, à la chevelure recouverte de boue séchée. Une<br />
sorte d’homme de Neandertal affublé d’un poncho de cuir. Quand la « chose » a<br />
bougé, j’ai vu qu’il s’agissait d’une femme. J’ai dit :<br />
- Willa ? C’est vous ?<br />
El<strong>le</strong> a tressailli, hésitant sur la conduite à tenir. Puis ses musc<strong>le</strong>s se sont<br />
relâchés. Ses bras, ses cuisses étaient ceux d’une athlète. Le cal recouvrait ses<br />
mains et ses pieds. C’était une sauvageonne, certes, mais une sauvageonne en<br />
excel<strong>le</strong>nte forme physique. Je savais qu’el<strong>le</strong> avait dix-huit ans, toutefois el<strong>le</strong> en<br />
paraissait trente-cinq. Il lui manquait une incisive et une canine à la mâchoire<br />
supérieure. Peut-être la conséquence d’une vio<strong>le</strong>nce « conjuga<strong>le</strong> ». Une vilaine<br />
cicatrice, recousue avec <strong>le</strong>s moyens du bord, saccageait sa pommette droite. Si el<strong>le</strong><br />
avait été jolie deux ans plus tôt, ce n’était plus <strong>le</strong> cas.<br />
J’ai répété « Willa », sur un ton plus doux.<br />
El<strong>le</strong> a consenti à descendre de son perchoir. Chacun de ses mouvements avivait<br />
sa puanteur. El<strong>le</strong> s’est raclé la gorge comme quelqu’un qui n’a pas parlé depuis<br />
longtemps et dit :<br />
- Oui, c’est moi… Je pensais bien qu’on allait venir me chercher. Je sais que ma<br />
famil<strong>le</strong> a été assassinée, j’ai entendu <strong>le</strong>s annonces que la police a diffusées avec<br />
des haut-par<strong>le</strong>urs, depuis <strong>le</strong> bas de la colline.<br />
- Où est Burton ? Ai-je demandé. Est-ce qu’il vous surveil<strong>le</strong> ? Êtes-vous sa<br />
prisonnière ?<br />
El<strong>le</strong> a secoué la tête et une sorte de ricanement a déformé sa bouche.<br />
- Burton a disparu il y a six mois. Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Je vis toute<br />
seu<strong>le</strong> depuis ce temps.<br />
Cette révélation m’a décontenancée. Je n’avais pas prévu ça.<br />
- Mais alors, ai-je bredouillé, pourquoi n’être pas rentrée chez vous, au ranch ?<br />
El<strong>le</strong> a haussé <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>vé la main pour désigner l’une des cavernes qui<br />
nous surplombaient.<br />
- Faut pas rester là, a-t-el<strong>le</strong> grogné. Beaucoup de serpents sous <strong>le</strong>s pierres.<br />
Vous êtes trop <strong>le</strong>ntes pour <strong>le</strong>ur échapper. Suivez-moi là-haut, on sera à l’abri.<br />
Une échel<strong>le</strong> artisana<strong>le</strong> était dressée contre <strong>le</strong> roc, il a fallu l’emprunter. J’ai cru<br />
suffoquer en pénétrant dans la tanière de Willa. Des caissons de munitions<br />
tapissaient <strong>le</strong>s parois. Des armes par dizaines. Fusils d’assaut, pisto<strong>le</strong>ts-mitrail<strong>le</strong>urs,