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À la place de Burton, c’est là que j’aurais emménagé afin de ne plus avoir les
androïdes sur le dos.
J’ai rejoint Evita pour lui faire part de mes conclusions.
- Faut bien commencer quelque part…, a-t-elle grommelé sans enthousiasme.
Nous sommes sorties du fortin en respectant les précautions d’usage. Il
s’agissait de déjouer la vigilance des robots et d’atteindre la crevasse sans prendre
un mauvais coup. Nous n’avions pas d’armes et ne portions pas davantage de gilet
pare-balles, ce qui nous rendait vulnérables. Bien que mon père ait fait de moi une
bonne tireuse, je n’avais pas voulu m’encombrer d’un fusil. Je tenais à ce que Burton
voie en nous des femmes sans défense. Toute ma stratégie reposait sur cette
astuce.
Paradoxalement, nous avons été aidées dans notre entreprise par le relief
accidenté de ce versant de la colline. Rochers, lézardes et souches fossiles gênaient
l’avance des robots qui évitaient de s’y engager par crainte de se retrouver coincés.
Une demi-heure plus tard, nous avons atteint la pointe de la grande crevasse. C’était
en vérité un canyon en réduction. Cinq cents mètres de long, dix de profondeur, cinq
de large. Le soleil n’en éclairait pas le fond, créant l’illusion d’une eau noire,
stagnante.
J’ai été visitée par l’idée stupide qu’un lambeau de nuit s’était réfugié là, pour
échapper à la morsure du jour.
J’ai entrepris d’y descendre. Mon enfance dans les montagnes suisses m’a
donné l’habitude des parois, et je ne suis pas mauvaise dès lors qu’il s’agit
d’escalade. Je tiens cela de mon père.
Derrière moi, Evita a lâché une bordée d’injures mexicaines.
En bas, il faisait frais et sombre. Il était évident que les robots ne pouvaient plus
nous atteindre. Seuls les drones auraient pu nous causer préjudice, à condition de
bien viser, car la faille constituait une fenêtre de tir très étroite.
J’avais la conviction d’être sur la bonne piste.
- Ça me rend claustrophobe, ce truc, a protesté Evita. J’ai l’impression que les
parois vont se refermer sur nous d’un instant à l’autre.
Je partageais ce fantasme, je l’avoue. Des strates de différentes couleurs
prouvaient que la crevasse avait été ouverte par un tremblement de terre. Un
nouveau séisme pouvait tout aussi bien la suturer… Ça arrivait de temps à autre.
Le sol étant jonché de gros cailloux anguleux, nous avancions avec lenteur,
attentives aux serpents qui pouvaient s’y cacher. Je ne pouvais me défaire du
sentiment d’être observée. De part et d’autre du sentier, une multitude de petites
cavernes trouaient les parois. N’importe quoi, ou n’importe qui, aurait pu s’y tenir
tapi.
Nous touchions au but. Le campement de Burton et de Willa se trouvait
forcément ici, au cœur de ce repli de terrain inaccessible aux robots, et dans lequel
un ennemi n’avait pas la possibilité de progresser en silence, les cailloux jouant le
rôle de système d’alarme.
J’ai retenu mon souffle. J’étais si tendue qu’il me semblait voir bouger des
ombres suspectes derrière chaque rocher. Je craignais par-dessus tout de rester
plantée là, muette et stupide, pétrifiée de terreur si Burton MacGraw surgissait
devant moi.
À tout hasard, j’ai défait le troisième bouton de ma chemise. Bon, on fait avec ce
qu’on a. La vue de mes seins éveillerait peut-être chez lui une vocation de nonviolence
?