Le diable en gris - Free

ouvert les yeux ce tout premier matin et avait réalisé qu’il
ne mettrait plus jamais son uniforme, et qu’il ne serait plus
salué par ceux qu’il croisait, il avait eu l’impression d’être
devenu impuissant durant la nuit.
Maintenant il passait ses journées à broyer du noir dans
la maison, tandis que Jean le poursuivait d’une pièce à
l’autre avec l’aspirateur.
— Tu devrais te mettre au golf.
— Le golf, c’est pour les gens qui n’ont rien d’autre à
faire.
— Mais tu n’as rien d’autre à faire !
— Je sais, mais je vais pas le crier sur les toits, bon
Dieu !
Loin de lui apporter paix et accomplissement de soi, la
retraite lui avait pris la seule chose qui avait fait sa fierté.
Parfois, il se sentait tellement inutile que cela le faisait
suffoquer, comme s’il allait se mettre à pleurer.
Il se savonnait la poitrine lorsqu’il sentit quelque chose
de chaud couler sur la face interne de sa jambe gauche. Il
baissa les yeux et vit qu’il saignait d’une longue et fine
entaille qui s’étendait depuis ses testicules jusqu’au côté
de son genou. Du sang dégouttait déjà de son mollet, se
mélangeant avec la mousse et l’eau, et tourbillonnait au
fond de la cuvette.
Merde, comment… ?
George tendit la main hors de la cabine de douche pour
prendre sa serviette. Il savait que l’entaille devait
également être profonde, parce que le sang avait la
couleur rouge vif d’une artère, et qu’il s’écoulait en des jets