Le diable en gris - Free

jusqu’au bar à la porte vitrée, sortit un petit verre à alcool
caballitos et se versa une goutte de tequila Herradura
Silver. Il but le verre d’un trait et se tint immobile un
moment, les yeux larmoyants, avant de s’en servir un autre.
Elle était fabriquée avec 100 % d’agave bleu, l’une des
tequilas les plus coûteuses que l’on puisse acheter.
Il vit que le signal rouge de son répondeur clignotait et
devina qui c’était, mais il n’avait pas envie d’écouter le
message. Il emporta son verre jusqu’à la fenêtre et
contempla Canal Walk et la James River. L’eau luisait,
aussi noire que du mazout, où dansaient un millier de
lumières, jaunes, rouges et vertes.
Il avait emménagé aux Canal Walk Lofts plus d’un an
auparavant. Pourtant, malgré tous les tableaux et les
affaires personnelles qu’il avait apportés avec lui, il
continuait à avoir l’impression d’être un étranger, à vivre
sans aucune autorisation dans l’appartement de quelqu’un
d’autre. En fait, il continuait à avoir l’impression de vivre
sans aucune autorisation dans la vie de quelqu’un d’autre.
Les murs étaient peints d’un gris acier foncé et le
parquet était en bois dur rouge et luisant, bien qu’il fût rayé
devant le fauteuil qui faisait face au téléviseur. Le canapé
et les fauteuils étaient en cuir noir souple, et il y avait une
table basse en verre et acier chromé maculée de dizaines
de ronds qui se recouvraient partiellement, là où avaient
été posés des verres et des mugs de café. Au milieu des
ronds, il y avait la statuette en bronze d’une danseuse nue
à l’expression extatique, ses longs cheveux flottant derrière
elle, ainsi qu’une plaque vernissée du département de