Le diable en gris - Free

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25.06.2013 Views

monticules de fange noire venue du fond de la rivière et d’autres crabes morts en quantités. Il rebroussa chemin vers l’échelle en pataugeant dans l’eau. Il ne savait pas s’il était soulagé ou déçu. Mais il ne pouvait oublier la mise en garde de Cathy. S’il ne trouvait pas le major Shroud le premier, alors le major Shroud le trouverait, lui. Il commença à monter à l’échelle, mais il était arrivé à mi-hauteur seulement lorsqu’il sentit un soudain courant d’air froid, et son cierge s’éteignit. En jurant, il remit son pistolet dans son étui et chercha son briquet dans ses poches. Il l’actionna une fois, mais le briquet ne fonctionna pas. Alors il l’actionna plusieurs fois, mais le briquet refusait toujours de fonctionner. Il continuait à se colleter avec le briquet lorsqu’il se rendit compte que le courant d’air froid devenait encore plus glacial – tellement glacial qu’une nappe de vapeur glacée commença à se déverser du rebord de la plate-forme en fer au-dessus de lui, comme de la neige carbonique qui se déverse du rebord d’une scène dans un concert de rock. Il leva les yeux, mais les verres de ses lunettes étaient couverts de buée et tout était flou. Il les ôta et essuya les verres sur sa cravate, puis il regarda de nouveau vers le haut. Tout d’abord il ne vit que de la vapeur, mais, lorsqu’il leva sa torche, il lui sembla voir que la vapeur formait une vague silhouette, comme si quelqu’un se tenait en son sein. Durant un moment, comme la vapeur ondoyait, il lui sembla même qu’il apercevait l’impression d’un visage – un visage fait uniquement d’air gelé. Un masque mortuaire vivant.

— Major Shroud, c’est vous ? Sa voix parut minuscule et terne, à peine audible pardessus le fracas de l’eau et le « cling, cling, cling » des chaînes qui oscillaient. — Major Shroud ? Je suis venu ici pour vous aider. Vous comprenez cela ? Vous comprenez ce que je dis ? Il gravit un échelon de plus, puis un autre. — Major Shroud ? Ou bien est-ce à Chango que je parle ? Le grand et tout-puissant Chango, roi de la cité d’Oyo ? Je te salue, Chango. Le roi s’est pendu, mais le roi n’est pas mort. Il continua à monter à l’échelle, jusqu’à ce qu’il atteigne le rebord de la plate-forme. Il fit pivoter sa torche d’un côté et de l’autre, et il eut la certitude de voir le contour transparent des épaules d’un homme et le côté de sa tête. — Chango, écoute-moi. Je suis venu ici pour te demander de me pardonner ce que mon trisaïeul t’a fait. Il n’aurait jamais dû aider les autres à te sceller dans ce cercueil, et je suis désolé, d’accord ? J’ignorais tout de toi auparavant, mais à présent je sais et je tiens à te dire que tu es le plus grand. Aussi, respect. Il attendit, pendant que la brume glaciale continuait à se déverser autour de lui. Chango – si c’était Chango – ne répondait pas. Et merde, songea Decker. Comment est-on censé parler à un orisha ? Et que fait-on s’il refuse de vous répondre ? Peut-être que les orishas comprennent seulement le Yoruba.

— Major Shroud, c’est vous ?<br />

Sa voix parut minuscule et terne, à peine audible pardessus<br />

le fracas de l’eau et le « cling, cling, cling » des<br />

chaînes qui oscillai<strong>en</strong>t.<br />

— Major Shroud ? Je suis v<strong>en</strong>u ici pour vous aider. Vous<br />

compr<strong>en</strong>ez cela ? Vous compr<strong>en</strong>ez ce que je dis ?<br />

Il gravit un échelon de plus, puis un autre.<br />

— Major Shroud ? Ou bi<strong>en</strong> est-ce à Chango que je parle<br />

? <strong>Le</strong> grand et tout-puissant Chango, roi de la cité d’Oyo ?<br />

Je te salue, Chango. <strong>Le</strong> roi s’est p<strong>en</strong>du, mais le roi n’est<br />

pas mort.<br />

Il continua à monter à l’échelle, jusqu’à ce qu’il atteigne le<br />

rebord de la plate-forme. Il fit pivoter sa torche d’un côté et<br />

de l’autre, et il eut la certitude de voir le contour transpar<strong>en</strong>t<br />

des épaules d’un homme et le côté de sa tête.<br />

— Chango, écoute-moi. Je suis v<strong>en</strong>u ici pour te<br />

demander de me pardonner ce que mon trisaïeul t’a fait. Il<br />

n’aurait jamais dû aider les autres à te sceller dans ce<br />

cercueil, et je suis désolé, d’accord ? J’ignorais tout de toi<br />

auparavant, mais à prés<strong>en</strong>t je sais et je ti<strong>en</strong>s à te dire que<br />

tu es le plus grand. Aussi, respect.<br />

Il att<strong>en</strong>dit, p<strong>en</strong>dant que la brume glaciale continuait à se<br />

déverser autour de lui. Chango – si c’était Chango – ne<br />

répondait pas.<br />

Et merde, songea Decker. Comm<strong>en</strong>t est-on c<strong>en</strong>sé<br />

parler à un orisha ? Et que fait-on s’il refuse de vous<br />

répondre ? Peut-être que les orishas compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

seulem<strong>en</strong>t le Yoruba.

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