Le diable en gris - Free

Le diable en gris - Free Le diable en gris - Free

25.06.2013 Views

— Je sens ta présence, Junior. Je sais que tu es ici. Parle à ton frère, demande-lui de se rappeler ce qui s’est réellement passé. La flamme des bougies s’éleva de plus en plus haut, et elles se mirent à brûler avec une telle violence qu’elles sifflaient, comme des chalumeaux oxyacétyléniques. La lumière était tellement aveuglante que Trésor fut obligé de se protéger les yeux de la main. Au centre même de la lumière, Decker avait l’impression d’apercevoir un visage, mais elle était si intense qu’il ne pouvait en être sûr. Ce fut seulement lorsque Rhoda se remit à parler qu’il comprit qu’elle était en communication avec Junior Abraham, où qu’il fût, au ciel ou en enfer, ou quelque part entre les deux. La voix de Rhoda était très rauque et basse, et elle donnait à Decker l’impression que son cuir chevelu était picoté par des dizaines d’aiguilles à coudre. — On était assis ensemble, mec, et on discutait de la réunion à la Maison de la Famille. Trésor regarda fixement Rhoda, bouche bée. — Tu disais qu’on devrait prendre sous notre protection les gens qui tiennent les étals de nourriture et d’artisanat, tu sais, dans le cas où leurs étals seraient renversés accidentellement ou incendiés, ou quelque chose, ou si un gosse lançait de la merde de chien sur leur porc aux haricots. — C’est Junior, dit Trésor avec incrédulité en se tournant vers Decker, sa main toujours levée pour se protéger les yeux. C’est Junior qui parle. C’est elle qui parle mais c’est

Junior qui parle. Comment elle fait ça ? —Maintenant tu réfléchis, Trésor. Tu réfléchis bien. On était assis là et on parlait de la Maison de la Famille, et puis quelqu’un s’approche de la table, un plateau dans les mains. — Je me rappelle, dit Trésor en hochant la tête frénétiquement. Je m’en souviens parfaitement. — Essaie de visualiser ça. Tu vois le plateau, oui ? Tu vois les quatre bols de soupe ? — Je les vois. Je les vois. — Maintenant je veux que tu relèves la tête. Je veux que tu lèves les yeux, frérot, et que tu regardes bien le visage de la personne qui porte le plateau. — Je peux pas, Junior, dit Trésor. C’est comme si tout était flou. Je vois pas qui c’est. —Si, tu le peux. Ça va pas être facile parce qu’on a jeté un sort sur ce souvenir particulier. Comme un genre de tour de passe-passe, pour t’empêcher de te rappeler ce que tu as vraiment vu. Mais tu peux y arriver, Trésor. Allez, frérot. Montre-moi que tu n’es pas aussi stupide que les gens disent que tu l’es. — Hé… Qui dit que je suis stupide ? — T’es pas stupide, mec. Tu peux lever les yeux et me dire qui porte ce plateau. — Je sais pas, Junior. Mes yeux montent pas aussi haut. — Tu te souviens de ce plateau qui vole en l’air et des bols de soupe qui volent en l’air et ensuite quoi ? —Bang ! C’est tout. Bang, et ta tête a éclaté.

— Je s<strong>en</strong>s ta prés<strong>en</strong>ce, Junior. Je sais que tu es ici.<br />

Parle à ton frère, demande-lui de se rappeler ce qui s’est<br />

réellem<strong>en</strong>t passé.<br />

La flamme des bougies s’éleva de plus <strong>en</strong> plus haut, et<br />

elles se mir<strong>en</strong>t à brûler avec une telle viol<strong>en</strong>ce qu’elles<br />

sifflai<strong>en</strong>t, comme des chalumeaux oxyacétyléniques. La<br />

lumière était tellem<strong>en</strong>t aveuglante que Trésor fut obligé de<br />

se protéger les yeux de la main. Au c<strong>en</strong>tre même de la<br />

lumière, Decker avait l’impression d’apercevoir un visage,<br />

mais elle était si int<strong>en</strong>se qu’il ne pouvait <strong>en</strong> être sûr.<br />

Ce fut seulem<strong>en</strong>t lorsque Rhoda se remit à parler qu’il<br />

comprit qu’elle était <strong>en</strong> communication avec Junior<br />

Abraham, où qu’il fût, au ciel ou <strong>en</strong> <strong>en</strong>fer, ou quelque part<br />

<strong>en</strong>tre les deux. La voix de Rhoda était très rauque et<br />

basse, et elle donnait à Decker l’impression que son cuir<br />

chevelu était picoté par des dizaines d’aiguilles à coudre.<br />

— On était assis <strong>en</strong>semble, mec, et on discutait de la<br />

réunion à la Maison de la Famille.<br />

Trésor regarda fixem<strong>en</strong>t Rhoda, bouche bée.<br />

— Tu disais qu’on devrait pr<strong>en</strong>dre sous notre protection<br />

les g<strong>en</strong>s qui ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les étals de nourriture et d’artisanat,<br />

tu sais, dans le cas où leurs étals serai<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>versés<br />

accid<strong>en</strong>tellem<strong>en</strong>t ou inc<strong>en</strong>diés, ou quelque chose, ou si<br />

un gosse lançait de la merde de chi<strong>en</strong> sur leur porc aux<br />

haricots.<br />

— C’est Junior, dit Trésor avec incrédulité <strong>en</strong> se tournant<br />

vers Decker, sa main toujours levée pour se protéger les<br />

yeux. C’est Junior qui parle. C’est elle qui parle mais c’est

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!