Le diable en gris - Free

Billy-Joe contourna rapidement le comptoir et ramassa
le sabre aussi tendrement que si c’était un nouveau-né.
Le client se frotta le poignet et dit d’un air penaud :
— Je suppose que je ne m’étais pas rendu compte qu’il
était aussi lourd.
— Je vais vous dire une chose. Ce sabre a été porté à la
bataille de Manassas par le capitaine Tom Hartley du
premier régiment de cavalerie de Virginie, l’un des officiers
du Sud les plus courageux qui aient jamais existé. Une
balle Minié a emporté son bras gauche juste au-dessous
du coude, pourtant il n’a pas lâché son sabre, à aucun
moment.
— Vraiment ? Cela indique sa provenance, non ? Il va
faire un effet sensationnel, accroché au-dessus de ma
cheminée à Madison. Vous acceptez MasterCard ?
Billy-Joe reposa précautionneusement le sabre sur le
comptoir et astiqua la lame avec un chiffon à épousseter
jaune. Il réfléchit un moment, puis il répondit :
— MasterCard ? Hon-hon.
— American Express ?
— Je peux pas vraiment dire que nous l’acceptons, non
plus. Et de surcroît, ce sabre n’est plus à vendre.
Le client battit des paupières.
— Comment ça, il n’est plus à vendre ?
— C’est ce que je viens de dire.
— Bon, et cette épée là-bas ?
— Elle n’est pas à vendre, non plus.
— Il n’y a pas d’étiquette « vendu » dessus.
— Je sais. Mais rien n’est à vendre. En fait, je viens