Le diable en gris - Free

ois, les vieux vêtements moisis et la cire.
Billy-Joe Bennett se tenait derrière le comptoir – un
homme énorme, ventru, avec une barbe roussâtre et des
lunettes rondes, affublé d’une capote d’artilleur grise
comportant des épaulettes et des boutons d’origine ornés
d’un aigle. Il parlait avec un client entre deux âges aux
épaules arrondies, coiffé de l’un de ces chapeaux mous à
la Woody Allen qui ressemblent à un chou-fleur flétri. Billy-
Joe s’empara brusquement d’un gros sabre et frappa à
droite et à gauche dans l’air, le faisant siffler.
— Mince alors ! s’exclama le client en reculant
prudemment.
— Vous savez comment ils appelaient ce sabre ? dit
Billy-Joe d’une voix aussi riche qu’un cake aux fruits. Le
briseur de poignets. Mais il pouvait faire sauter la tête d’un
type d’un seul coup.
— Un très bel objet, dit le client. Vous en demandez
combien ?
— Trois cent cinquante, c’est mon dernier prix.
— Je peux essayer ?
— Pas de problème… Mais faites attention. Ne vous
blessez pas, d’accord ?
Le client prit le sabre et donna de petits coups dans l’air
plusieurs fois. Puis il le leva au-dessus de sa tête et le fit
tournoyer comme le rotor d’un hélicoptère. Il poussa un cri
de joie et un « ouiii-haaa » avant de lâcher d’un coup le
sabre, qui heurta le plancher bruyamment.
— Merde ! Qu’essayez-vous de faire, vous trancher votre
putain de pied ?