Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La batterie inférieure <strong>de</strong> Roche-La-Croix fait partie du système<br />
Maginot <strong>de</strong> l’Est <strong>de</strong> la France : dans un sens, le col <strong>de</strong> Larche et<br />
l’actuelle frontière Italie-France, dans l’autre le col <strong>de</strong> Vars. « On est<br />
sur une voie <strong>de</strong> passage très fréquentée par les militaires, <strong>de</strong>s<br />
Romains au Duc <strong>de</strong> Savoie qui tente d’envahir la France en 1690, en<br />
passant par François 1 er en 1515. »<br />
La mission du fort ? « Protéger le col <strong>de</strong> Larche » résume Tom Noyez<br />
qui propose <strong>de</strong>s visites quotidiennes. Nous commençons par le<br />
bloc 6, celui du guetteur fusil-mitrailleur, pour lequel on n’a pas eu<br />
le temps d’installer les projecteurs, avantguerre.<br />
Le bloc, situé en bord <strong>de</strong> falaise,<br />
permet d’observer la vallée. On file vers le<br />
fossé diamant avec sa trappe en contrebas,<br />
l’issue <strong>de</strong> secours. Avec les mortiers <strong>de</strong><br />
81 mm et ses tirs <strong>de</strong> 3,2 km <strong>de</strong> portée, on y<br />
croisait le feu avec l’ouvrage <strong>de</strong> Saint-Ours,<br />
visible sur l’autre versant <strong>de</strong> montagne,<br />
se protégeant mutuellement. Mais hop,<br />
direction le bloc 5 : le plus puissant <strong>de</strong>s Alpes.<br />
C’est bien simple,<br />
on se croirait<br />
dans un film…<br />
Sa tourelle à éclipse se soulève <strong>de</strong> 60 cm et pivote sur 360°. Avec<br />
son blindage <strong>de</strong> 5 cm sur 35 cm d’épaisseur d’acier, la coupole pèse<br />
le mo<strong>de</strong>ste poids <strong>de</strong>… 40 tonnes. Tout a été acheminé par <strong>de</strong> petits<br />
véhicules à chenilles <strong>de</strong>puis l’accès <strong>de</strong> Meyronnes, que nous avons<br />
emprunté et où nous imaginons mal ce genre <strong>de</strong> convoi circuler.<br />
Ironie <strong>de</strong> la chose, la coupole a été fondue en Allemagne. Deux<br />
canons <strong>de</strong> 75 mm jumelés pour une portée <strong>de</strong> 12 km, pas moins ! Ça<br />
tombe bien, la frontière <strong>de</strong> Larche se trouve à 10 km à vol d’oiseau.<br />
Quelques éraflures, cicatrices superficielles <strong>de</strong> bombar<strong>de</strong>ment<br />
d’aviation, témoignent d’épiso<strong>de</strong>s âpres.<br />
Mais l’intérieur du fort nous intéresse encore<br />
plus. C’est bien simple, on se croirait dans<br />
un film : on peut aisément imaginer la vie<br />
<strong>de</strong>s 161 soldats qui disposaient d’une<br />
autonomie <strong>de</strong> 3 mois. Ici officiaient <strong>de</strong>s<br />
régiments d’éclaireurs-skieurs, <strong>de</strong>s locaux<br />
majoritairement, adaptés au ru<strong>de</strong> milieu<br />
montagnard qu’ils connaissaient comme<br />
leur poche.<br />
À côté du bloc 1, on trouve l’arrivée du téléphérique qui tractait vivres<br />
et munitions. Menant à l’entrée, un passage protégé pour l’hiver.<br />
« Nous sommes à 1 900 m. Le vent qui souffle d’Ouest en Est fabriquait<br />
toujours une congère ici. Il fallait pouvoir accé<strong>de</strong>r au sas pour<br />
pénétrer à l’intérieur » explique notre accompagnateur. Charly, venu<br />
du Gard, n’en perd pas une miette, tout comme Stella, Océane, Loïc et<br />
Louka, ses petits-enfants. Tout ce que nous raconte Tom (ou presque !),<br />
il le sait, pour l’avoir appris dans les livres. « Cette visite met en<br />
images tout ce que j’ai pu lire ». Passionné par les forts, collectionneur<br />
d’objets militaires (confectionnant même ses propres cotes <strong>de</strong><br />
maille), il s’intéresse fortement au sujet. Mais même <strong>de</strong> jeunes<br />
enfants (4 ans à peine pour ceux qui nous accompagnent aujourd’hui)<br />
sont intrigués par ce labyrinthe <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong>stinées à tous les temps<br />
<strong>de</strong> la vie militaire. Il faut dire que Tom est passionnant, nous contant<br />
<strong>de</strong>s histoires incarnées, utilisant un langage très imagé : on s’y croit !<br />
On pénètre dans cet antre militaire et on tombe directement sur les<br />
wagonnets qui transportaient les vivres pour les répartir dans le fort.<br />
Puis sur la chaudière qui <strong>de</strong>vait faire monter la température à<br />
environ 12°, seuil au-<strong>de</strong>ssus duquel ne se forme plus <strong>de</strong> con<strong>de</strong>nsation.<br />
ROchE-lA-cROIx 35<br />
PETIT<br />
CONSEIl<br />
PrAgMAtIQUE<br />
Prenez une polaire<br />
ou un gilet et mettez<br />
un pantalon,<br />
il fait humi<strong>de</strong> et frais<br />
(10°) là-<strong>de</strong>ssous.<br />
Des chauffages d’appoint complétaient le système pour obtenir les<br />
16° réglementaires, température à partir <strong>de</strong> laquelle un homme actif<br />
n’a pas froid. Suivent une cuve <strong>de</strong> 33 600 litres d’eau pompés du torrent<br />
en contrebas, la salle d’opération entièrement carrelée, la cuisine avec<br />
son palan (même vi<strong>de</strong>s, les gamelles sont très lour<strong>de</strong>s). Tom nous<br />
raconte les conserves <strong>de</strong> « singe » (le corned-beef), celles <strong>de</strong> haricots,<br />
le pain <strong>de</strong> guerre qu’il fallait le tremper longtemps avant <strong>de</strong> pouvoir<br />
le manger. Nous arrivons au Poste <strong>de</strong> comman<strong>de</strong> : les yeux du fort,<br />
permettant <strong>de</strong> localiser les avancées <strong>de</strong> l’ennemi. On nous montre une<br />
armoire anti-feu, celle qui contenait les « documents précieux », avec les<br />
coordonnées <strong>de</strong> tir. « Il fallait être le plus précis possible pour économiser<br />
les munitions ». On passe d’ailleurs <strong>de</strong>vant la soute à munitions sensibles<br />
mais le clou du spectacle arrive : l’étage inférieur <strong>de</strong> la tourelle à<br />
éclipse. Les petits mitraillent Tom <strong>de</strong> questions tandis que les grands<br />
s’extasient sur la « clé-prisonnière », le contrepoids <strong>de</strong> 17 tonnes ou le<br />
transmetteur d’ordres mécaniques avec ses « halte au feu », « tirez »<br />
ou « tir terminé ». Pour notre part, c’est la visite qui prend fin… mais<br />
surtout pas l’envie <strong>de</strong> découvrir les autres fortifications <strong>de</strong> l’Ubaye !<br />
Plus d’infos : Gui<strong>de</strong> AVPVU Tél. 06 87 35 93 99