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DE boIS, DE PIErrE<br />
ET D’EAUx fRAIChES<br />
L’histoire dit que lorsque l’arrière-grand-père, Monsieur Laurent,<br />
s’est présenté au moulin dans l’intention <strong>de</strong> l’acheter, il n’est pas<br />
venu seul. C’est escorté <strong>de</strong> sa fille <strong>de</strong> 20 ans que le paysan du<br />
hameau <strong>de</strong>s Mats en a franchi la porte. Et les bras <strong>de</strong> l’ouvriermenuisier<br />
<strong>de</strong> l’époque lui en sont tombés, ainsi que le sac <strong>de</strong> farine<br />
qu’il portait.<br />
Nous sommes en 1895 et, six mois plus tard, voilà Marie-Antoinette<br />
mariée à Désiré Martin. Et le Moulin d’Abriès entré dans la famille<br />
<strong>de</strong> Robert. En plus <strong>de</strong> la minoterie (trois paires <strong>de</strong> meules fonctionnent<br />
à plein pour la farine), « l’usine Paulet » fait alors scierie et foulon à<br />
draps. On y fait aussi <strong>de</strong> l’huile <strong>de</strong> noix. En 1952, le Moulin passe aux<br />
mains <strong>de</strong> Jules Martin. Deux ans plus tard, Abriès, mo<strong>de</strong>rnisé par le<br />
papa <strong>de</strong> Robert, sort une tonne <strong>de</strong> farine par jour. « Mon père a été<br />
meunier toute sa vie, jusqu’à ce que l’activité s’arrête en 1972, faute<br />
<strong>de</strong> paysans » commente celui qui fait « tourner la boutique »<br />
actuellement, pour le plaisir. Par <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire aussi. « Dans les<br />
années 60-70, avec l’exo<strong>de</strong> rural, tous les jeunes étaient partis : on<br />
ne trouvait plus assez <strong>de</strong> blé pour faire fonctionner les machines. »<br />
« Faire partager<br />
ce savoir,<br />
faire découvrir,<br />
c’est ma passion. »<br />
Robert Martin est meunier.<br />
Meunier <strong>de</strong>puis toujours, meunier<br />
par passion, meunier à la retraite.<br />
C’est par conviction qu’il a rouvert<br />
le moulin <strong>de</strong> son père, après un an<br />
<strong>de</strong> travaux. Pour pouvoir faire<br />
la démonstration d’un savoir-faire<br />
en perdition, celui qui consiste<br />
à « écraser la farine ».<br />
Une enfance passée<br />
au moulin transmet<br />
immanquablement le<br />
virus à Robert. « Je<br />
suis <strong>de</strong>venu meunier<br />
à 16 ans. J’ai travaillé avec mon papa jusqu’à 26 ans - j’allais livrer<br />
la farine un peu partout - avant <strong>de</strong> choisir un autre chemin, plus<br />
viable économiquement. » Le temps <strong>de</strong> la retraite venu, il revient au<br />
moulin et passe une année à le remettre en état. « Je voulais pouvoir<br />
faire visiter ces lieux qui comptent tant pour moi, dans le cadre <strong>de</strong> la<br />
valorisation d’un savoir-faire et <strong>de</strong> la découverte d’un produit<br />
naturel. Je suis né ici, toute ma vie est là. J’ai hérité <strong>de</strong> ce savoir-faire<br />
<strong>de</strong> ma famille. Et du goût du travail au moulin. Faire partager ce<br />
savoir, faire découvrir, c’est ma passion. Les gens me disent “Vous<br />
n’êtes pas un gui<strong>de</strong>”, ils ont raison. »<br />
Robert n’est pas un gui<strong>de</strong>, il est mieux que ça : c’est le meunier luimême<br />
! « Je transmets ma vie <strong>de</strong> meunier. Je reproduis les gestes<br />
ancestraux, les gestes qu’on faisait 300 ans en arrière. »<br />
mOUlIn d’AbRIèS 11<br />
Pour faire l’immaculée fleur <strong>de</strong> farine, on passe<br />
la poudre d’or blanc dans le blutoir, un tambour<br />
<strong>de</strong> soie fine. Les pompons blancs qui servent<br />
à nettoyer la farine le long <strong>de</strong> la soie<br />
sont comme tirés <strong>de</strong> la tenue d’une princesse<br />
d’un autre temps.<br />
Ramenez <strong>de</strong> la fleur <strong>de</strong> farine, pour un petit goût<br />
d’Ubaye dans vos pâtisseries.