GB51 - Le scandale du pain.pdf - les amis de georges Barbarin

Georges BARBARIN
LE ftllNOIILE
DU PAIN
GERARD N IZET
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www.georgesbarbarin.com

OUVRAGES de Georges BARBARIN édités actuellement
TARIF Jan 2008 disponible en librairie, à l'association ,et fou famille de l'auteur
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m..:
DE LA ROSE A L'ARTICHAUT
L'AM OUR el LAMER
LE LIVRE DE L'EAU
LE PERE POU
ARMIE
LE PRINCE
LAQ.E
VIERGE
JESUSA DE GlIPUZCOA
LA VIE A()TEE DES EAUX DORMANTES
LE SECRET DE LA GRANDE PYRAMIDE
LE LIVRE DE LA M 0Rr DOUCE
QUEST CE QUE LA RAClESTI-ESlE?
L'INVISIBLE ET Ma
LA DANSE SUR LE Va.CAN
LE REGNE DE LA BETE
LE REGNE DE L'AGNEAU
LASOROERE
ClEU EST IL MATHEM ATI 0 EN ?
LES Q.ES DE LA SANTE
LES Q.ES DE L'ABONDANCE
LES Q.ES DU BONHEUR
L'INTlATION SENTlM ENT ALE
FRANCE ,FILLE AI NEE DE L'ESPRIT
L'EN

..'
OUVRAGES DU MEME AUTEUR Georges BARBARIN
MYSTICISME EXPERIMENTAL
La Clé, 45' m1lle (Astra).
L'Invisible et mol, 13' m1lle (Astra).
Le règne de l'Agneau, 80 m1lle (Ol1ven).
L'ami des heures dlfflelles, 14- mille (Nlelaus).
l,cs clés de l'abondance, 11-m1lle (Nielaus).
Les clés du bonheur, 100mille (Astra).
Je et Mol (Astra).
La peur, maladie. n' l, 60 m1lle (Ed. de l'Ermite).
11y a un trésor en toi (Omnium).
Demande ct tu recevras (Omnium>.
Le jeu passionnant de la vie, 6< m1lle (Alltra).
Vivre divinement (Astra) .
Afflnncz et vous obtiendrez (Nielaus).
Petit traité de mysticisme expérimentai (Nielaus).
Comment on soulève les montagnes (Nielaus).
La réforme du caractère (Nielaus).
RECHERCIIE ESOTERIQUE
I,e secret de la grande pyramldc, 55< m1lle (Adyar).
Le livre de la mort douce, 11' m1lle, traduit en six langues (Adyar).
Qu'est-ce que la radlesthésle 1, 16' mllle (Astra).
La danse sur le volcan, 1()t mllle (Adyar).
Les clés de la santé, 13< m1lle (Astra).
Dieu est-Il mathématicien·?, 12- m1lle (Astra).
L'énlrme du grand sphinx, 1()t mllle (Adyar).
Lcs destin. occuiltes de l'humanité (Astra).
L'Initiation sentimentale, 9' mille (Nlelaus).
France fille ainée de l'esprit, lOt mille (Ol1ven).
Lcs derniers temps du monde (épuisé).
Qui sera le maitre du monde? .
l,a guérison par la Fol (Aubanel).
Guide spirituel de l'homme moderne (G. Nlzet).
LE
SCANDALE
DU PAl N
Editions de la revue « Bionaturisme :t
GERARD NIZET, Editeur
24, rue Chaptal, Paris 9"

Copyright by Gérard Nizet, Paris 1956
SOMMAIRE
En cuise d'Introduction 9
1. - Qu'est-cle que le blé naturel? 1'7
2. - Qu'est-cle que le bon pain? 1 •••• %'7
3. - Intrusion de la science chimique et Industrielle dans l'alimentation
35
4. - Bon pain = Santé. Mauvais pain = Maladie 43
5. - Le dlrlclsme collectiviste 53
6. - La plus çande affaire d'empoisonnement de tous les temps 65
'7. - Comment lutter collectivement? '7'7
8. - Comment lutter Individuellement? 93
9. - Le boulanger Idéal est à créer 1113

En guise
d'Introduction

Le problème du pain est le problème vital par excellence,
celui qui domine et duquel dépendent tous les autres
puisqu'il intéresse la conservation de t'individu.
De la santé de ce dernier découle nécessairement celle
de la race. La question du pain est celle de toute la civilisation
occidentale, soit la plus grande partie de l'humanité.
Or, dans le passé, le pain a été l'aliment idéal pour les
peuples de race blanche. Son seul démérite fut de ne JI8*It
pouvoir, faute de récoltes suffisantes, être produit en assez
grande abondance, d'où les années de famine. C'était donc
une crise de quantité.
Aujourd'hui, non seulement la production des céréales
a cru au point de satisfaire les exigences de nombreuses
populations mais encore on enregistre de tels excédents que
certains pays sont angoissés par la vente de leurs récoltes
céréalières. MaLheureusement cette production excédentaire
n'a pu être obtenue qu'au moyen d'engrais chimiques
et de manœuvres industrielles qui, le voulant ou non, ont
abouti à la sophistication du pain. Nous n'enregistrons donc
plus une trise de quantité, comme autrefois, mais une crise

lZ U: SCANDALE nu PAIN
de qualité, ce qui est peut-être pire, parce qu'une famine
est accidentelle et temporaire tandis que l'adultération du
pain est constante, progressive et d'autant plus perfide que
beaucoup n'en soupçonnent pas le danger. Ce danger pourtant
est grand puisqu'il menace les sources même de la vie
en privant l'organisme humain des éléments essentiels à
son entretien et à sa conservation. Les chapitres qui suivent
montreront que le péril est même plus angoissant encore
puisque les méthodes modernes de culture et de conservation
du blé, comme aussi de manipulation des farines et de
fabrication du pain introduisent dans le bol alimentaire des
substances hautement toxiques et de nature à favoriser la
dénutrition.
L'action des poisons contenus dans notre aliment principal
est tellement reconnue, admise, évaluée que la plupart
des médecins, biologistes, hygiénistes, diététiciens, etc.
proscrivent l'usage du pain moderne, dit pain blanc.
Les maladies de la nutrition et les affections de carence
se sont multipliées à tel point que les personnalités les plus
éminentes sont d'accord pour crier: holà! Mais jusqu'à
présent leurs efforts n'ont eu aucune action sur les procédés
officiels d'une société à tendances collectivistes et n'ont
abouti qu'à déterminer les individus à s'abstenir de plus
en plus de la consommation du pain.
Cette protestation silencieuse des mangeurs de pain
n'en est pas moins efficace et les producteurs de blé, comme
les utilisateurs de farines, s'émeuvent de cette baisse croissante
de la consommation. Cela au moment où les grands
producteurs mondiaux, tels le Canada et les Etats-Unis, ne
EN GUiSE U'INTRODUCTION
savent où écouler les excédents d'Amérique et où, pour la
France seulement, on enregistre, après une année •. de
grande production céréalière, une récolte de blé _. qui,
pour la première fois dans notre pays a dépassé cent millions
de quintaux. S'il s'agissait d'un million de tonnes de haute
qualité, obtenues à bas prix, l'exportation en serait aisée
vers les pays sous-alimentés. Mais une telle surproduction
n'a' pu être obtenue que par l'emploi massif d'agents toxiques
et en raison des précipitations anormales d'un été
pluvieux. De semblables récoltes perdent en qualité tout ce
qu'elles gagnent en quantité. Le blé est plus pauvre
qu'il n'a été; ses virtualités sont affaiblies et sa conservation
deviendra d'autant plus aléatoire que les organismes
stockeurs, commes on le verra plus loin, se sont avérés incapables
de conserver même les blés sains.
La menace qui pèse sur les consommateurs de pain est
donc plus grande que jamais. Chaque déficience trop visible
sera compensée (?) par l'adjonction à l'aliment de base
de nouveaux et plus dangereux produits chimiques et l'emploi
de procédés encore plus arbitraires de stockage, de
broyage et de panification.
Nous ne faisons d'ailleurs pas ici spécialement le procès
des minotiers, meuniers, boulangers, deux fois victimes de
cet état de choses, enfermés qu'ils sont dans une réglementation
stupide et qui sont brimés à la fois comme professionnels
et comme consommateurs. C'est pourquoi la cause
que nous défendons, la nôtre, est aussi en partie la leur et
les plus intelligents d'entre eux l'ont compris car, débarrassés
des liens administratifs qui les enserrent, producteurs,
meuniers, boulangers seraient rendus à la lib"e con-

14 LE SCANDALE DU PAIN
currence, seul facteur d'amélioration. Le vent est eL la
reconversion des industries incapables d'indépendance. Nul
ne peut souhaiter la survie d'organismes sociaux malade,,;
ou à demi-morts.
Le jour où M. U&f.treau des céréales aura cessé de fausser
le jeu normal des échanges et des circuits commerciaux
et où ne subsisteront que les professionnels dignes de vivre,
chacun s'efforcera dans sa sphère de fabriquer bien et
mieux. La nécessité s'en imposem inéluctablement, en dépit
des théories creuses d'illusionnistes qui espèrent toujours
réaliser le bonheur de la masse en opprimant les individus.
L'homme ne vit pas de théories mais de réalisations et la
meilleure comme la plus urgente de celles-ci est de donner
au Français moderne ce à quoi il a droit avant toute chose,
c'est-à-dire un pain de qualité.
Cela est plus capital pour nous que pour tout autre
peuple de la terre. C'est le pain naturel qui a fait notre race
telle qu'elle s'est perpétuée jusqu'à a.ujourd'hui. Si les
Français ne sont plus, aux yeux des autres nations, tes conducteurs
qu'ils ont été pendant tant de siècles, si la France
perd, de jour en jour, la primauté intellectuelle que nul ne
lui contestait c'est uniquement parce que France et Français
ont abandonné l'usage massif du pain tel que le fabriquaient
leurs ancêtres pour s'adonner aux nourritures sophistiquées
par la chimie moderne et présentées industriellement.
Leur excuse est de ne trouver nulle part, ou presq.ue,
le pain essentiel que les plus vieux d'ent1"e nous ont
connu dans leur enfance et qui, eL lui seul, pouvait tenir
lieu de tous les autres aliments.
EN GUISE D'INTRODUCTION
Nous Français, particulièrement, sommes touchés par
le déséquilibre maintes fois signalé d'hommes qui n'ont pu
ajuster leur évolution spirituelle à leur évolution scientifique
en raison des progrès soudains et démesurés de celle-ci
L'étude des objets a fini par faire oublier ou, tout au moins,
mettre à l'arrière-plan l'étude des êtres. Connaître et dissé­
quer l'atome, c'est bien. Connaître et disséquer le CŒW"
humain, c'est encore mieux.
Comment, dans ces conditions, ne pas être frappé par
cette constatation évidente du Dr Alexis Carrel dont le
savant témoignage a ébranlé tant de consciences?
« L'énorme avance prise par les sciences des choses
inanimées sur celles des êtres vivants est un des événements
les plus tragiques de l'histoire de l'Humanité. »
15

l
Qu'est-ce Que
le Blé naturel?
Qu'est-ce que le blé naturel?
C'est essentiellement un blé sain, poussé dans une terre
saine, avec des adjuvants sains.
Autrement dit, le bon blé ne pou~ pas n'importe où, dans
n'importe quel terrain, à l'aide de n'importe quelle fumure et
8a valeur boulangère varie avec les espèces et les variétés.
Il y a donc d'abord un problème de choix.
Le blé n'est pas fait pour être distribué aux poules ni aux
porcs. Il n'est pas non plus destiné à produire de l'alcool de
grain. Il n'a pas davantage été créé et amélioré pour donner
l'aisance aux producteurs, meuniers et boulangers. L'intelli.
gence ordonnatrice des choses l'a mis à la disposition de
l'Homme pour son harmonieuse alimentation. Et cela ne date
pas d'aujourd'hui puisque la première et la plus grave menace
contenue à l'égard d'Adam dans la Genèse est celle-ci, destinée
à sanctionner la désobéissance : «Tu mangeras ton pain à la
lueur de ton front t )
2
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18
LE SCANDALE DU PAIN QU'EST-CE QUE LE BLE NATUREL? 19
L'Homme a accepté la malédiction et s'est mis courageusement
à la tâche. C'est au moyen de fleuves de sueur qu'il a
réussi à subsister. Mais, au moins, le blé qu'il arrivait à faire
pousser était une céréale idéale, contenant tous les éléments
indispensables à un corps bien éfjuilihré.
Aujourd'hui l'Homme continue à suer pour avoir sou l,lé
mais il y ajoute des flots d'essence et, malgré les ingrédients
chimiques, ce blé l'intoxique de plus en plus et le nourrit de
moins en moins.
L'un des plus courageux et intelligents pionniers d'une
rénovation des méthodes de réfection humaine, M. le Dr J. W.
BAS, Président de « l'Association Française de recherches pour
une alimentation normale », l'a éloquemment démontré: « La
qualité des aliments, dit-il, est compromise dès le stade initial,
celui de la production terrienne ». Et ceci l'amène, comme
tous ceux qui se sont penchés sur la question, à déplorer la
disparition de l'humus.
Laissons à ce technicien qualifié la parole car l'importance
du facteur-humus conditionne toule notre thèse
« L'humus se constitue lentement, à la faveur d'une
fermentation continue qui transforme progressivement, l'our
les incorporer, les éléments organiques végétaux, animaux et
humains qui retournent au sol. La structure colloïdale de celle
matière brunâtre et vivante ameuhlit la terre cultivée et lui
confère sa fertilité foncière ».
La science primaire de la fin du dernier siècle, dans
l'orgueil de ses découvertes chimiques, a prétendu se substituer
à la nature et a fini par imposer aux paysans, d'ahord
incrédules, le dogme de l'engrais. Non sans résistance les
cultivateurs ont cédé à l'appât du gain et parce que les doses
élevées de fumure minérale permettaient temporairement de
plus gros rendements. Mais les principaux initiateurs de cette
utilisation, les Américains eux-mêmes, ont dû, au cours des
dernières années, reconnaître qu'ils s'étaient trompés. Les
procédés scientifiques de culture ont fait de nombreux sols
d'Amérique des déserts alimentaires et ce qu'on a appelé la
croisade de l'Humus bat aujourd'hui son plein.
L'agronome digne de ce nom sait aujourd'hui qu'il n'eet
pas de culture possible sans la multiplication et le travail des
bactéries, des champignons et des algues microscopiques qu'on
rencontre à fleur de sol. Ce sont ces agents microbiens qui
engendrent la fertilité de la terre nourricière dont le véritable
substratum est l'humus, leur habitat usuel. L'humus est à ce
point indispensable à la culture du blé que, partout où il
s'épuise ou fait défaut, la récolte des céréales s'amenuise ou
même disparait en dépit d'adjonctions grandissantes d'engrais
chimiques. Et le sol est comparable, dans ce cas, à l'organisme
humain quand ce dernier fait un usage régulier des poisons.
L'homme qui s'adonne aux stupéfiants a besoin de doses sans
cesse accrues et, quoi qu'il fasse, le soulagement précaire
escompté est toujours dépassé par les souffrances de l'intoxication.
Cela jusqu'au jour où sol et organisme sont en pleine
déchéance et accusent de moins en moins de vie et de plus en
plus de mort.
Le meilleur livre qui ait été publié sur le sujet ·est celui
de MM. Pierre SAUVAGEOT et Paul GRILLO, paru voici plusieurs
années sous le titre « La culture familiale du Blé, facteur de
renaissance française» et qui fait le tour complet de la qucRtion.

20
LE SCANDALE DU PAIN QU'EST-CE QUE LE BLE NATUREL? 21
« Le blé entier, disent les auteurs, est un aliment complet.
Il pcnt être employé commc nourriture exclusive sans jamais
entraîner ni carence ni maladie. Mais, depuis un siècle, on a
raffiné et stérilisé la farine et fabriqué un pauvre pain blanc
sans valeur nutritive prcsqu'entièrement dépourvu de
vitamines et de diastases, privé du germe, de la couchl'
merveilleuse et constitué presqu'uniquement d'amidon indigeste
et fermentescible, faute de la pré-digestion des diastases ».
Les hlés modernes réputés les plus beaux et les plus
marchands, qu'ils soient de Manitoba ou d'ailleurs, n'ont que
l'apparence de la santé mais une grande partie de la vitalité
du froment en est absente, parce qu'ils sont des produits de
forçage, obtenus à l'aide d'engrais répétés. L'agriculture
moderne et surtout l'américaine a tendu et tend encore de nOIl
jours, en vertu de la force acquisc des mauvaises habitudes et
de l'appétit de l'argent, à obtenir de la terre en dix ans ce que
la Nature n'aurait consenti à fournir qu'au bout d'un demi.
siècle. Il en est de même de la production des œufs par des
poulcs suralimentées et soumises à toutes sortes d'artifices
pour leur faire pondre en moins d'un an plus qu'une poule
normale ne scrait capable dc lc faire cn cinq. On connait le
résultat de ces procédés qui bousculent la Vie et lui imposent
un rythme contraire à ses fins. Le volatile dopé, forcé épuise
en huit mois sa grappe ovarienne et n'est même plus bon à
paraître sur une table tellement son organisme est desséché.
En outre, les œufs pondus prématurément et qui n'ont pas
suivi la marche du temps assigné à leur élaboration parfaite
sont des modèles de carence alimentaire quand ils n'ont pas
d'effets pernicieux sur le corps humain.
Contraindre le sol à donner de force et d'une seule
1
,
1
1
i
moisson ce qu'il devrait produire normalement au cours d'un
lustre c'est violenter la Nature dans ses règles les plus profon.
des et s'exposer à de justes retours. En fait la Nature se rebelle
toujours contre les transgresseurs de son rythme. Elle accepte
d'être aidée et même orientée mais elle n'aime pas être violée
ni blessée dans ses justes lois.
Le fléau de l'érosion et la disparition de l'humus qu'enre.
gilltrent de vastes régions de l'Amérique ont pris, là-bas, les
dimensions d'un cataclysme national. Tout ce que la science
agronomique compte d'illustrations de l'autre côté de l'océan,
sonne le glas des conceptions agricoles purement industrielles
et les pouvoirs publics sont acculés à des mesures draconiennes
pour la reconstitution des sols.
Et ce n'est pas la moindre fierté de notre pays que d'entendre
dire aux Etats-Unis par certaines voix autorisées : « Est-ce
que la vérité en agriculture ne serait pas celle du paysan
français qui pratique la polyculture selon des méthodell
ancestrales et dont l'eXploitation constitue un cycle et un tout
complet? »
Ce n'est pas d'aujourd'hui que date le redressement moral
(le l'agriculture en Europe. GŒTHEet, après lui, Rudolf STEINER
avaient émis des idées de base, expérimentées et développées
par leur célèbre continuateur, le Dr E. PFEIFFER.Celui-ci a
consacré à la bio-dynamique ou force vivante deux ouvrages :
« Fécondité de la terre» et « Le visage de la terre» (1) où il
fait état de ses remarquables expériences au Gœthaneum de
Dornach.
(1) Editions de la Science Spirituelle, 90, rue d'Assas, Paris

22 LE SCANDALE DU PAIN
Il n'est pas un agronome intelligent et d'esprit résolument
moderne qui ne se soit inspiré, peu ou prou, des enseignements
du Dr PFEIFFER. Leur valeur pratique est telle que celui-ci
ayant quitté l'Europe durant la guerre pour se réfugier en
Amérique, les Etats-Unis lui offrirent immédiatement une
chaire et mirent des champs d'expérience à sa disposition. De
sorte que son influence est plus grande encore au pays des
réalisations techniques que dans le vieux continent où ses
adeptes étaient encore clairsemés.
Que dit le biodynamisme ? Ceci : le sol est un organisme
vivant d'une complexité inouïe et qui doit être traité comme
tel. Autre chose est de manipuler en laboratoire des matières
inertes dont les combinaisons plus ou moins lentes peuvent être
vérifiées approximativement. Autre chose est de diriger une
matière organique dont la sensibilité est immense et dont on ne
peut prévoir les réactions.
Ceci est vérifiable dans le corps humain dont la complexité
8emble croître démesurément au fur et à mesurc des
progrès de l'anatomie. Nos grands pères ignoraient les mystè.
res, (l'ailleurs à peine ahordés, de l'endocrine et nos pères ne
soupçonnaient pas les vitamines dont nous croyons savoir nous
servir aujourd'hui. Nos fils feront de nouvelles découvertes
dans le corps humain car il n'y a pas de limite à l'étendue et à
l'organisation de la Vie. Ils s'apercevront que l'Homme n'est
pas seulement organique mais fluidique, magnétique et même
spirituel.
On comprend, dès lors, l'impuissance de médecim aux
notions scolaires bornées lorsqu'ils introduisent leurs connaissances
purement physiques dans l'étude d'un organisme aURsi
démeRuré. Il arrive qu'ils obtiennent quelques succès et encore
QU'EST-CE QUE LE BLE NATUREL?
ceux-ci ne sont réalisés le plus souvent que dans l'apparence et
le mal qu'ils font disparaître à gauche reparait à droite, sauf
quand l'organisme lui-même fait le nécessaire pour se
remettre en état.
De même que la médecine entretient les maladies sous
prétexte de les guérir (en recherchant au besoin l'appui de la
loi pour contraindre les malades à se servir d'elle), de même
les faux agronomes, sous prétexte d'obtenir davantage de la
Nature, en tarissent les mamelles par leur avidité. Ce que les
agriculteurs de 1900 à 19§6 ont gagné par la culture intensive
des terres est autant de so~strait à leurs petits enfants auxquels
ils lègueront des sols épuisés.
A mesure que s'étend la motorisation le nombre des
animaux de ferme diminue. Les quantités décroissantes de
fumier qui restent commencent à être utilisées pour produire
du gaz de ferme et leur valeur s'abaissera d'autant. La terre
moderne ressemble à un malade-cobaye auquel on aurait retiré
la plupart des nourritures habituelles et qu'on alimenterait au
moyen de piqûres intra-veineusees, d'injections hypodermiques
et de lavements fortifiants. Nous doutons que le sujet aiIlSi
traité devienne un athlète, un sujet de choix ou même un
homme ordinaire. Nous doutons aussi qu'une terre alambiquée,
intoxiquée, industrialisée conserve son pouvoir normal de
production.
Quand on fait un pas dans la voie de l'artifice les pae
suivants ne coûtent guère.
Déjà le battage méeanique s'était substitué à l'antique
fléau. Puis la lieuse avait remplacé la faux que maniaient nOI!
23

24
LE SCANDALE DU PAIN
ancêtres. Loin de nous la pensée de regretter la dureté des
temps ancicns. Nous voulons sculcment insister sur le fait que
le blé n'est pas une céréalc ordinaire. Le grain est un chefd'œuvre
essentiel. Nous disons hien ainsi parce que de
puissantes essences sont enrohées sous son écorce de même
qu'une étonnante radioactivité. II n'est pas téméraire non plus
de penser que l'Homme est unc créature choisie ainsi que le
démontre sa supériorité évidente sur les autres animaux. Le
hlé lui a été donné comme un aliment spécial destiné à un
organisme d'élite et il est fait pour nourrir non seulement son
corps physique mais aussi scs facultés mentales par l'apport
de sels et d'effiuves constituants. Le bœuf n'a pas hesoin du
phosphore nécessaire à un calcul logarithmique ou au soutien
d'une thèse philosophique. Pour l'Homme c'est une impérieuse
nécessité.
Voilà pourquoi, jusqu'à nos temps modernes, l'Homme
prêtait le miraclc de sa main articulée et préhensive à la
culture primordiale du blé. Voilà pourquoi aussi les lahoureurs
semaicnt le froment à la main et le plus matériel d'entre cux
accomplissait cet acte comme nn sacrement, avec une ferveur
religieuse.
On a changé tout cela et les radiations de l'Homme ne se
mêlent plus guère aux radiations de la semence et du sol. Après
avoir répandu le grain au semoir on s'avise de le distrihuer par
avion, mécanique anonyme, lc semeur étant remplacé par le
mécano et l'aviateur. Le stade de la moissonneuse.lieuse est
même dépassé. La lieuse-hattcuse-ensacheuse livre le hlé prêt
en sacs, ce qui constitue une hérésie culturale car le campagnard
le plus inepte sait que le hlé fauché continue à mûrir sur
le sol. C'est même là qu'il achève de concentrer ses virtualités
QU'EST-CE QUE LE BLE NATUREL?
essentielles dont un ramassage, puis un ensachage trop prompt8
le frustrent ahusivement.
On verra plus loin comment les organismes stockeure ont
poussé l'erreur jusqu'à la démence car la science sans le dirigisme
n'est qu'un demi-mal alors qu'unie à lui c'est un mal
entier.
Pour nous résumer, l'agriculture (et spécialement la
culture du blé) tourne dans un cercle vicieux. On entend lui
faire produire de plus en plus et, pour ce, on empoisonne la
terre. L'intoxication du sol prive le grain de ses meilleures
qualités. Un blé artificiel et dégénéré ne peut plus prétendre à
être la céréale-aristocrate, celle qui suffisait à entretenir la vie
chez les hommes depuis une haute antiquité. Le blé est devenu
aliment marchand mais, comme tel, il se heurte à la concurrence
internationale de producteurs beaucoup mieux armés
pour vendre des blés ersatz.
L'exportation étant pratiquement impossible (à moins
d'onéreuses subventions de l'Etat) puisque le coût des blés
français est supérieur aux cours mondiaux, reste.t·il au moins
la consommation intérieure ? Nullement. Celle·ci ne cesse de
décroître en raison de la pauvreté du pain.
Que feront donc de leur blé les producteurs français qui,
désormais, battent tous lell records d'abondance et nous pro·
posent cent millions de quintaux de blé de conservation
douteuse auxquels viennent s'ajouter les excédents antérieurs
? C'est bien simple. On dénaturera du blé à
nouveau. On donnera l'aliment-roi au bétail. On en fera
de l'alcool. On en tirera des produits chimiques. Et surtout on

26
LE SCANDALE DU PAIN
conseillera aux agriculteurs (voir résolutions dii - Congrès
Extraordinaire des-Producteur& de· blé; Paris, 22 Septembre­
1954)- de ne pas accroître leurs emblavements des prochaines
campagnes, ce qui constitue une invitation implicite à les
diminuer.
Ainsi la boucle est bouclée, le cycle fermé. La surproduction
aboutit au malthusianisme économique. On a artificiellement
créé la surabondance et la surabondance apparaît comme
un désastre aux producteurs.
Tout le mal, comme nous l'avons jadis écrit, vient de ce
que la France, pays de la qualité, ne peut lutter avec les autres
peuples sur le terrain de la quantité pour quoi elle n'est pas
faite. D'où la nécessité et l'urgence, dans un temps oi! tout le
froment du monde est adultéré, de produire un blé de qualité.
II
Qu'est-ce que
le bon PaIn?
La qualité du blé est donc indispensable à la qualité du
pain. Mais nous allons voir qu'il ne suffit pas de produire un
blé de bonne valeur boulangère. Encore faut-il que ce bon blé
passe en de bonnes mains.
Il en était ainsi jadis et même naguère. A la fin du dixneuvième
siècle, nombreux étaient les paysans qui faisaient
eux-mêmes leur pain. A cette époque il existait encore des
moulins pourvus de meules de pierre lesqucls écrasaient le blé
salIs lui retirer aucun de ses pouvoirs vitaux. Le taux d'extraction
variait selon le blutage mais celui·ci était modéré et
oscillait entre 85 et 90 %. De la sorte le consommateur évitait
le son, c'est-à-dire la pellicule ou enveloppe dont la valeur
nutritive est presque nulle et qui servait à l'engraissement des
animaux. Mais la zone périphérique du grain, celle qui renferme
les principaux sels vitaux, lcs glutens, les nleurones,
demeurait dans la farine dont elle constituait l'élément éner­
gétique principal.

28
LE SCANDALE DU PAIN (1 QU'EST-CE QUE LE BON PAIN 1 29
Le pain réalisé dans ces conditions était riche et dense.
Son odeur était agréable ; il se conservait pendant plusieurs
jours. Ceux des paysans qui le mêlaient au seiglene pétrissaient
même que tous les quinze jours, ce qui était excessif mais ex.
plieable en raison du travail supplémentaire que leur imposait
la panification. Toutefois ce pain était encore excellent au bout
de la première semaine et reconstituait merveilleusement les
forces des cultivateurs. A lui seul il représentait plus de la moi.
tié de la ration alimentaire quotidienne, tant sous sa forme naturelle
que dans les soupes épaisses d'autrefois. Qu'on songe à
la différence nutritive du potage moderne, (le bien nommé
car son étymologie est potere, qui veut dire boire et qui, dispensant
de la mastication, puisqu'il est liquide, encombre
l'estomac sans nourrir), avec la soupe, dite de maçon, de nos
ancêtres où « la cuiller tenait dchout » et qu'il fallait insaIiver
longuement.
Nous avons personnellement connu, avant la première
guerre mondiale, un vieil épicier-cultivateur d'une petite ville,
qui semait lui-même son blé et faisait lui-même son pain. Cela
se passait en 1906 ou 1907et ce brave homme récoltait sans
engrais ni insecticides un blé de haute classe qu'il broyait et
sassait avec un appareil domestique et cuisait dans le four de
sa maison. Nous avons eu maintes fois le privilège de goûter
au produit splendide de ses mains. C'était un pain légèrement
bis d'une saveur et d'un parfum incomparables, aussi éloigné
des pains dits parisiens et de leur anémie élastique qu'une
, barbe de capucin poussée en cave peut l'être d'une laitue
pommée en plein soleil.
Depuis nous avons eu l'occasion de manger un excellent
pain de ménage dans la région grenobloise et, en 1946, une
~\
vendéen. Ces sortes de pains eonstitueni une nourriture appétissante,
aisément digérée et qui procure à l'organilme un
enrichissement continuel.
Nous allons examiner ensemble le pain actuel vendu dalll
les boulangeries et qui n'est plus, hélas ! que le fantôme et
la caricature du vrai pain.
Très tôt dans le présent siècle les petits moulins disparurent
pour laisser la place aux minoteries dans lesquelles le
cylindre métallique est substitué à la meule de pierre pour la
mouture du grain.
Techniquement et du seul point de vue industriel c'était
un progrès. Alimentairement c'était un désastre car l'aplatis.
sement n'a rien à voir avec la dislocation.
La production du blé allant en augmentant on crut faire
mieux en rejetant h. croûte du grain pour ne conaerver que ce
qu'on appelle improprement la c fleur de la farine :t. C'est
ainsi que naquit le mythe et que se propagea la mode du triste
aliment carencé qu'est le pain bla:ne.
La biologie était alors dans l'enfance, la diététique
n'était pas née et nos parents furent excusables de s'être
trompés grossièrement. Au pain grossier et rassis de jadis un
pain doré, croquant, venait se substituer sur les tables et les
consommateurs l'exigèrent de plus en plus raffiné et même
élégant.
C'est de la sorte que le taux de blutage descendit peu à
peu jusqu'à 65 %, autrement dit 35 % du grain de blé étaient
distraits de l'alimentation humaine et constituaient, au début,
la nourriture des volailles et des porci. Ce ne fut que plus tard
que la science alimentaire découvrit que la substance noble du
blé se trouvait sous "l'enveloppe et que le cœur du grain

30
LE SCANDALE DU PAIN
michc mcrvcillcusc dans un moulin à vent tournant à l'air
n'était constitué que par dc l'amidon. Cette constatation
échappa aux consommateurs, peu rcnseignés à l'époquc, mais
elle éveilla l'attention des industriels à l'afftÎt. Ceux-ci
s'avisèrent qu'un traitement spécial pouvait séparer les
substances énergétiques et, de complicité avec les minoteries,
qui inaugurèrent le système des cylindres trieurs, on mit à ln
disposition des amateurs de régimes les spécialités coûtcuses
que sont les pains d'aleurone et les pains de gluten. Le germe
du blé fut prélevé à son tour pour la préparation de poudrell
et d'huiles phosphorées, le tout étant offert au public sous des
emballages perfectionnés.
Cela rappelle le procédé américain de vente de fruits
reconstitués en boîte. On prend une poire, par exemplc, on la
déshydrate et on en fait un cxtrait sec. Celui-ci est emballé
élégamment et le récipient hermétique qui le conticnt est orné
de la J'eproduetion d'un fruit véritable destiné à évoquer
visuellcment le produit primitif. Le eonsommatcur OUvre la
boîte dc conserve, prend la poudre et la réhydmte. Il obtient
ainsi une purée artificielle de poire dans laquelle l'ex-fruit
n'est plus qu'un souvenir. Quand il serait si simple de prendre
la poire authentique au marché ou de la cueillir sur l'arbre,
à l'époque où la nature la fait mürir et avec tous ses .lom
naturels!
Il faut bien se mettre dans l'esprit que le grain de blé
constitue un tout que nul n'a le droit de décomposer en diver­
"es parties car celles-ci se conditionnent mutuellement et
forment un ensemble harmonieux. On aura beau ajouter à son
pain d'amidon de la farine d'aleurone, de l'extrait de gluten
QU'EST..cE QUE LE BON PAIN?
et de l'huile de germe, on ne reconBtituera pas le menu chefd'œuvre
du Créateur.
Un excellent diététicien, que nous avons bien connu et qui
est malheureusement disparu aujourd'hui, M. L.G. RANCOULE,
a mené toute sa vie campagne contre ce qu'il appelait les
« aliments chimiques ». Comme personne n'a étudié la question
aussi longuement et intelligemment que lui nous allons
citer sa définition du grain de blé qui e8t saisissante. Par
ailleurs nous aurons plusieurs fois recours à ses travaux et
notamment à son remarquable ouvrage : « On tue notre pain
quotidien ~
Qu'est-ce qu'un grain de blé ? se demandait Rancoule
C'est un œlof végétal. Il en a du re8te toutes les caractéristiques
: la coquille y est remplacée par le son, la deuxième
enveloppe par le testa, l'albumine par le gluten, la graisse
phosphorée par les aleurones ; en outre, les sels minéraux y
sont au complet et mieux harmonisés dans le grain de blé que
dans l'œuf. On y voit aus8i un germe-embryon. Mai8 il est
encore une chose, toute à l'avantage du blé, c'e8t que celui-ci
contient du 8ucre-ferment en provenance de l'amidon évolué,
c'e8t-à-dire des calories, ce qui manque à l'œuf. On peut
ajouter que le frain de blé, grâce à sa siccité, est un aliment
concentré et que, pour cette raison qu'il ne renferme pas d'eau,
n est incapable de se décomposer comme l'œuf qui, à la
longue, se putréfie ~.
Pour le chimiste, faisait encore observer Rancoule, le
grain de blé n'est composé « que d'hydrate de carbone
(sucre), d'oxy-hydrocarbone (graisse), d'azote (albumine) et
de minéraux ~. Ce qui lui échappe c'est précisément le je ne
sai. quoi de radioactif et d'ondulatoire que le grain de blé,
31

3%
LE SCANDALE DU PAIN
danll lion épillet, capte directement par ses poils vibratila à
partir de son père électro-magnétique : le soleil.
Les cellules vivantes du blé : gluten, aleurone et amidon
sont régénératrices. Les minéraux organisés que le blé contient
sont régénérateurs. Le grain renferme des ferments-diastases
pré-digestifs et toutes les vitamines. Il est un condensateur des
ondes solaires, une sorte de miracle vital.
Comprend-on maintenant pourquoi ce minuscule comprimé
d'énergie alimentaire constitue un parfait chef-d'œuvre
qui ne saurait, sous aucun prétexte, être dissocié ?
Selon l'heureuse formule de Rancoule, le Pain c'est, ou
du moins ce doit être de la farine de froment intégrale, du
levain et de l'eau pétris et cuits au four.
Le pain est un aliment vivant qui ne peut être fait avec
des farines mortes. C'est la raison pour laquelle le bon pain ne
doit pas et ne peut pas être blanc mais gris, d'où l'appellation
de pain bis. L'erreur du pain blanc cst une des plus monumentales
de ce siècle qui en a tant commis sous prétexte de science
et de progrès.
Le pain ne saurait être blanc sans avoir passé par tous les
stades industriels et chimiques, de même que le sucre 'ne saurait
être blanc sans avoir passé par tous les raffinements et les
. raffinages de la sophistication.
Au chapitre suivant nous montrerons comment la fausse
science opère en matière d'ali~entation puis, dans un autre,
comment cette colossale duperie bénéficie de tous les concours
administratifs.
Ces constatations ont frappé l'esprit des hygiénistes et des
diététiciens qui proclament aujourd'hui bien haut que la pâte
QU'EST-CE QUE LE BON PAIN?
non pétrie à la main mais mécaniqucment est brassée beaucoup
trop vite, que les fermentationR ultra-rapidcs ne sont
obtenues que par l'emploi de levures dangereuses et que la
cuisson au mazout n'a plus la valeur de celles des fours chauffés
au bois. Dès lors la plupart des tramformations chimiques,
lentes et naturelles du pain sont escamotées et le produit obtenu
est un amas spongieux qui, au lieu d'être digéré rapidement,
séjourne et fermente dans l'estomac.
Cependant ces mêmes services administratifs qui, aujourd'hui
prêtcnt la main à la dénaturation du pain, reconnaissaient
au début du siècle, l'intérêt majeur d'une panification correcte
puisque la définition officielle du pain en 1909 était la
&uivante :
« Produit résultant de la cuisson de la pâte faite avec un
mélange de farine de froment, de levain de pâte, de levure
alcoolique de grain, d'eau potable et de sel ».
J..e lecteur pourra juger bientôt du respect observé pour
cette formule lapidaire par ceux qui avaient justement mission
d'en assurer la probe application.
33
3

III
Intrusion de la Science
chimique et Industrielle
dans l'Alimentation
Il eet vrai que, depuis 1909,lee évènements ont marché et,
avec eux, la science industrieIJe. Bon pain et bon blé étaient
des apanages de la c belle époque ~ dont la paix n'allait pal
sanl une certaine candeur.
Le bienfait de deux guerres, inégalement fraîches et
joyeuses, fut d'enseigner aux Français, comme à bien d'autrel,
l'art de sc « mettre la ceinture », autrement dit de se soumettre
aux restrictions.
Sans la guerre le scandale du pain et celui des autres denrées
n'eût pu s'installer et croître avec une telle rapidité. Mai!!,
durant que les généraux commandent, on sait que les civils
n'ont qu'à se taire. Aussi l'esprit d'Intendance put s'en donner
à cœur joie dans le maquis des réglementations.
Les plus anciens d'entre nous se souviennent certainement
du pain horrible des années 1916 et 1917 où tout était bon

36 LE SCANDALE DU PAIN INTRUSION DE LA SCIENCE
pour tromper la faim des populations : maïs en fermentation,
seigle pourri, orge moisie, vieilles fèves, balayures de moulin
et même au besoin, farine de blé. Ces procédés de famine
s'expliquaient naturellement par la diminution croissante des
emblavements et la mobilisation de plusieurs millions d'agriculteurs.
On parait au plus pressé et tous les ersatz étaient
bons pour mai~tenir le moral des « héroïques populations
civiles ».
Mais la guerre de 1914-18terminée, bèaucoup d'industriels
et de commerçants habiles s'aperçurent que la sophistication
des aliments était rémunératrice et profitèrent de l'occasion
qui s'offrait.
Durant ce temps la chimie, alertée officiellement pour la
découverte et la mise au point de substances de remplacement,
avait mis les bouchées doubles et c'est de cette heure que date
l'essor foudroyant de la chimification alimentaire qui avait
épargné nos naïfs parents.
Tout fut adultéré successivement : le vin, la confiture, le '
saucisson, les pâtés, les sirops, les fromages, les huiles, le
tapioca, les fruits eux-mêmes et l'on vit intervenir dans leur
fabrication et leur présentation la plus riche flore verbale et le
vocabulaire le plus troublant. Les margarines, méprisées jadis,
s'introduisirent un peu partout. Les acides servirent à corriger
ou maequer les anomalies trop grandes. Et tout le cortège des
colorants s'ordonna en vue d'abuser l'acheteur.
A partir de 1920phénol, benzol, naphtol, amidol, méthol,
chlore, brôme, etc... eurent droit de cité alimentaire. Nul
n'entendit parler dans le commun (mais les chimistes usèrent
couramment) de butyrate et de proprionate d'éthyle, de valé-
rianate de méthyle, d'acétate d'amyle et nous en passons·.Un
vent effréné de fraude et de tripotage passa sur les épiceries,
distilleries, fromageries, laiteries, fruiteries et l'on pense bien
que l'industrie du pain leur emboita le pas. Comment la minoterie
n'en aurait-elle pas profité, elle aussi, pour se mettre au
diapason des découvertes les plus récentes, patronnées qu'elles
étaient par le client principal et le régulateur de toutes choses,
c'est-à-dire l'Etat omnipotent ?
Déjà l'abus des engrais chimiques et notamment de la
sylvinite, qui contient surtout de la potasse, avait carencé le blé
en le déséquilibrant dans sa teneur. Le blé poussé à force
d'engrais provoque la dégénérescence organique par insuffisance
de gluten ; de plus, il entraîne la dépression nerveuse du
consommateur par défaut de magnésium ; il est enfin responsable
de l'impuissance, de la stérilité et

38 LE SCANDALE DU PAIN INTRUSION DE LA SCIENCE
utilisèrent des céréales souvent douteuses mais encorc ils
pratiquèrcnt le remoulagc, opération qui consiste à moudre
de nouveau lcs déchcts ct à les incorporer à la «flcur dc
farinc » sous forme de pctit son. Toutefois comme cette
adjonction aboutissait ù la production d'une farine colorée, la
minoterie de cette époque dut cn effectucr le blanchiment par
lcs gaz chimiqucs dont on devine lcs effets tant immédiats que
lointains. Peu importait qne les diastascs fusscnt détruitcs
pourvu que la farinc devînt éblouissante. Par malhcur 1eR
houlangcrs d'alors se rendirent compte de l'impoRsihilité où
ils étaicnt de fairc lever la pâtc obtenue, en raison du fait que
lcs fcrments n'existaicnt plus.
Qu'ù cela ne tiennc ! On substitua au lcvain et à la levure
naturelle des lcvurcs chimiques où l'acide suUurique jone son
rôle ct qui, de gré ou de force, contraignirent la pâte à levcr.
Adieu ferments primitifs du pain : céréalascs destinées à fixcr
l'oxYl!:ène de l'air dans certaincs particules de la farine, gluti.
naBCS prédigérantes, lipascs et amylases dissociatriccl'! deI'!
huiles ct des amidons ! On pourvut aux carcnces par le
moyen ùcs améliorants (?) dits « aliments de levures », composés
dc plâtre, dc chlorydratc d'ammonium et dc sodium, de
sulfates et de phosphates de calcium. Ces produits ne
venaicnt d'ailleurs qu'en seconde main, le premier stade
comportant, au titre des levures chimiques, du persulfate
d'ammonium, du calcium, des carbonates de magnésie et du
hromate de potassium.
La farine et le pain artificiel ainsi obtenus représentaient
déjà une helle réussite de l'industrie chimique et l'on conviendra
que cette caricature panaire était loin du pain naturel
auquel nos pères durent leurs vertus. TI y avait dans cette
manipulation éhontée de quoi faire frémir le8 consciencel
élémentaires. Cela rencontra cependant l'adhésion de certains
personnages officiels. C'est ainsi que M. Bordas, Professeur au
Collège de France, Directeur des Laboratoires du Ministère des
Finances, favorable à l'adoption du pain chimique, ne craignit
pas d'écrire ces lignes, à clouer au pilori :
« Nous avons une panification archaïque, nous travaillons
encore au levain, avec des fermentations sans nom, transmilles
pieusement de père en fils. Est-ce tolérable au siècle de la
microbiologie ? Il faut que la boulangerie se mette à l'école
moderne, etc .. , ~
Cette ineptie primaire a paru dans rOuest-Eclair du 30
Décembre 1930 et nous aimons à croire qu'en la relisant
aujourd'hui à la faveur des constatations de la diététique la
plus récente, son auteur a dû rougir de honte, à moins qu'il
ne soit mort d'un cancer intestinal dû au pain de son choix.
Nous reviendrons d'ailleurB sur cette question des tumeurs
maligne!'! dont l'extension coïncide, comme par huard, avec
l'usage du pain actuel.
La chimification du pain par le dedans devait être
complétée par les nouvelles pratiques de fleurage, procédé
consistant, on le sait, à saupoudrer le pain d'un mélange qui
était jadis de farine ou de remoula~e fin. A ce poudrage archaï·
que on substitua la sciure de bois et la poudre de corozo (dont
l'amande sert à faire des boutons) et diverses substances hété·
roclites qui achevèrent la métamorphose du pain naturel en
pain dénaturé.
Cela n'a l'air de rien, àu premier abord, cette question du
laupoudrage et cependant de l'honnêteté de Ion exécution
39

40 LE SCi\NUAI,E UU PI\lN
dépend en grande partie la saveur et la qualité du pain. Les
boulangers s'obstinent, on ne sait pourquoi, à fabriquer des
_pains « cirés ~ dont le vernis fallacieux est obtenu en passant
sur la pâte, et préalablement à la cuisson, de l'eau plus ou
moins douteuse au moyen d'un balai qui l'est autant. Cette
vitrification de la paroi extérieure du pain empêche la « respiration
» de éelui-ci alors que le saupoudrage à la farine crue
facilite sa respiration et sa transpiration, au contraire. II
s'ensuit que le pain verni revêt un goût peu agréable et que sa
mie est sèche dès le lendemain de la cuisson, alon que le pain
fariné se maintient frais et odorant bien que pétri avec la
même pâte. Nous en avons fait l'expérience durant des dizaines
d'années et notre témoignage cst aussi direct que Cormel.
Mais combien de gens sont capables de juger de la qualité du
pain autrement que par son apparence et son degré de provisoire
fraîcheur !
Cependant, si étrange que cela paraisse, il existe une loi
sur la répression des fraudcs laquelle « interdit formellement
l'addition aux denrées servant à l'alimentation de tous
produits chimiques autres que le sel ~.
Par malheur cette loi date de 1905 et, bien que non
abrogée, n'est en fait appliquée que selon les circonstances
et suivant que les agents de l'Etat ouvrent ou ferment les yeux.
Or l'Etat et ses représentants les ont si bien fermés à partir de
1914 que toutes les licences le sont donné carrière sans provoquer
d'autre réaction qque celle de consommateurs hélas !
impuissants.
Toutefois une assemblée délibérante s'insurgea en septembre
1930 contre l'introduction dans le pain de produita
", , l
.
c
1
INTRUSION DE LA SCIENCE
chimiquell. En effet, à cette même date, le ConlleilGénéral du
Pas-de-Calaillémit, 1I0US forme de vœu, une solennelle protestation.
Bien entendu cette manifestation isolée rellta sans effet
jusqu'au jour de 1932 où un quotidien populaire de Paris
entreprit une campagne ardente immédiatement 8uivie par
d'autres journaux. Les sophisticateurs tremblèrent un instant
pour leurs profits illicites mais l'organe de pre88e auteur de
leurs angoisses disparut et le silence complice retomba sur la
fraude et les fraudeurs.
Nous ferons in fine la démonètration que point n'eet besoin
de campagnes spectaculaires pour obtenir, dès maintenant, la
réforme d'errements préjudiciables ~ la santé de la nation.
Nous ne sommcs plus en 1914-1918 ni en 1924 ni tm 1940­
1945 ni même en 1950 et les Français de Francc sont parvenus
à un degré de maturité sociale et politique qui leur permet de
juger et de critiquer le fonctionnement des institutions.
Ce qui leur a -manqué jusqu'ici c'est d'avoir tous les
éléments en mains et de pouvoir juger sur pièces.
Ces pièces et ces éléments nous les le,!,rapportone.

Il
Bon
Mauvais
IV
Pain = Santé
Pain = Maladie
N'ouhlions pas que le pain a été l'aliment national dee
Français.
On mangeait jadis un minimum de 1 kilog. de pain par
personne dans les fermes. C'était aussi l'époque où les paysan!
faisaient des journées de plus de douze heures, ce qui ne lea
empêchait pas d'ignorer les malaises et de vivre longtemps. Il
n'y avait réellement que deux maladies terribles au Moyen­
Age : la première était la famine qui décimait régulièrement
les populations ; la seconde était l'obstruction intestinale (dite
colique de Miserere), due à l'abus des viandes et principale­
Illent des ahats dans les périodes d'abondance et de saturation.
Où sont les paysans d'aujourd'hui qui seraient capables
de couper le froment à la grande faux, de quatre heures du
matin à midi et de cinq heures du soir à la nuit noire ? D'où
l'enait l'énergie des soldats du Premier Empire dont un général
étranger di.ait : 4( Ils sont petits, malingres et il en faudrait

"
LE SCANDALE DU PAIN
deux peur faire un seul de nos hommell. Pourtant quand ils
sont au feu ils se battent comme des démons ~ !
Nous avons connu de vieux vignerons du Berry, se~ et
décharnée comme les ceps de leurs vignobles. Leur nourriture
se composait d'ail, d'oignon cru, d'escargots cuits sous la
cendre des pierriers et surtout, surtout de pain. Mais quel était
ce pain ? Celui que fabriquaicllt leurs ancêtres de l'époque
féodale, celui que cuisaient lcs Egyptiens dell Ramsès, celui
Noé. des Hébreux de Samuel, celui que mangeaient les pères de
Le pain était si bien considéré COmmel'aliment-chcf, l'ali.
ment-maître susceptible, à lui seul, de fournir une nourriture
complète, mêmc sans l'adjonction d'autres nourriturcs, que,
durant tout le christianillme, il prit un sens religieux. Il était
de tradition dans notre enfance de ne jamais entamcr un pain
ou une miche sans y tracer préalablement, au couteau ou à la
main, une croix symbolique. Pcut-être même ce geste rituel
est·il encore en usage dans certaines familles. Mais qui, sachant
ce qu'il sait, ferait acte de gratitude nourricière pour Ic pain
empoisonné d'aujourd'hui ?
Quand le Christ enseigna à liceapôtrcs la prière domini.
cale il n'entendait pas les cngagcr à réclamer le pain quotidien
sous cette formc : « Père donne·noue aujourd'hui notre pain
d'amidon :t.
Le pain n'est plus digne de respect. Sa conlervation étant
impossible, dès le lendemain de sa fabrication on jette à la
poubelle ce qui en reste, comme un déchet nuisible ou sans
vertu.
Parodiant le mot fameux d'une favorite de Louis Quinze
BON PAIN = SANTB
à son roi et maître, noUl pourrions, avèc la même familiarité
vulgaire mais expressive, dire: c La France, ton pain f... ·le
camp 1 :t
Par les chapitres précédents on a pu voir à quel point le
bon pain, le pain naturel, tel que l'avaient conçu, pétri,
cuit et consommé, avant la présente génération, d'innombra.
bles générations d'hommes, a été modifié dans son essence et
son pouvoir nourricier.
Le lecteur sait maintenant de quels poilons divers l'a nanti
la chimie industrielle. Et cependant pour tragique que loit le
tableau dont nous avons fait l'esquisse, celui-ci n'est pas enco·
re complet, il s'en faut. Ce qui reste à dire est peut·être plus
grave encore parce que le mal ne vient plus alors de l'initiative
privée, que le désir de lucre explique s'il ne l'excuse, mais des
pouvoirs publics, c'est-à.dire de ceux qui ont la responsabilité
de la conduite générale des institutions et qui trahissent la
cause de leurs mandante. Ce eera l'objet des chapitres ci.après
mais d'abord nous fer~ns ressortir les conséquences inévitables
de la chimie panaire sur la santé humaine et sur l'évolution
physique et morale de l'individu.
Le premier méfait du pain appauvri est celui qui rélulte
du manque de magnésium dont le Dr Barishac, avec sa clair·
voyance habituelle, a dit que son absence engendrait la peur.
L'Humanité a toujours enregistré des périodes de grande peur,
celles qu'on a qualifiées de panique et qui seraient absolument
inexplicables par des raisons purement psychologiques, le
conscient comme l'inconscient n'y intervenant que par surcroît.
Nous n'en citerons que deux : en premier lieu célle de

46
LE SCANDALE DU PAIN BON PAIN = SANTE 4'
l'An Mille où les populations crurent à l'imminence de la fin
du monde et à l'approche du Jugement Dernier. Une véritable
folie collective s'empara des gens de toute condition mais
surtout des personnes ap~artenant à la classe pauvre et l'on va
voir pourquoi celle-ci plutôt que la classe aisée paya tribut à la
peur. En second lieu, nous rappellerons la Grande Peur de
1792, venue de profondeurs mystérieuses et qui fit croire aux
hommes de la Révolution que des dizaines de milliers de brigands
mettaient à sac le pays. Cela dura plusieurs mois durant
lesquels, du Nord au Sud de la France, cha:queprovince vécut
dans l'angoisse d'une ruée hypothétique de malfaiteurs qui
n'existaicnt que dans l'imagination.
Pourquoi ces peurs immenses, anonymes et collectives ?
Parce que dans l'un et l'autre cas, les populations étaient sousalimentées
ou même en proie à la famine tout court. Les célè.
bres famines de l'An Mille n'étaient que le précédent tragique
des famines révolutionnaires de 1789 durant lesquelles la
populace réclamait sans cCsse : « Du pain ! Du pain ! Du
pain! :t
Car c'est bien le pain qui était en jeu et non quelque autre
nourriture accessoire. Aux yeux des affamés le pain était, ce
qu'il est en vérité, l'aliment essentiel qui peut remplacer tous
les autres aliments. Mais seules les couches misérables de la
population souffraient véritablement de la faim tandis que les
riches avaient des réserves ou pouvaient se procurer dc la
nourriture avec leur or. On juge par là du rôle de l'alimenta.
tion dans la peur, qui est la manifestation psychique d'une
carence physique, celle de l'irremplaçable magnésium.
Et qui voudrait prétendre aujourd'hui que l'Humanité
ne connait pas une nouvelle vague de peur démesurée, InqueIIl',
après deux guerres mondiales et des horreurs sans nom, la
plonge dans l'angoisse atomique ? Cependant en France par
exemple, le pain ne fait pas défaut et rares sont les véritables
affamés. Il faut donc que ce pain soit carencé, à tel point
qu'en le consommant l'organisme est frustré des substances
essentielles qui le prémunissent contre la peur. N'en doutons
pas : la crainte des Martiens, l'appréhension des soucoupes
et autres hypothèses volantes sont les filles directes d'une caren·
ce, celle du magnésium dans le pain. Mais qui dira les multi·
pIes répercutions de l'absence d'autres sels organiques et
inorganiques ?La place nous est trop mesurée pour que nous
puissions les évoquer toutes. Nous nous bornerons à parler de
la plus connue comme aussi de la plus redoutée: l'anarchie des
cellules qui aboutit au cancer.
Depuis trente ans surtout les chercheurs des divers paya
multiplient leurs investigations et leurs expériences en vue
de déterminer la cause des tumeurs malignes et les explications
les plus contradictoires ont été fournies par les spécialistes de
la question.
Toutefois un point semble acquis. ou, du moins, n'est
eérieusement conteeté par personne. L'anarchie cellulaire eet
engendrée par l'anarchie alimentaire, einon toujours, vraisem·
blablement dans la plupart des cas. Peut·être cette cause,
admise communément aujourd'hui, n'est-elle pas la seule et,
pour notre part, nous estimerions qu'au moins une autre cause
est indispensable si, commc il va être montré, ces deux causes
ne se fondaient en une seule pourvue de noms différents.
A maintee reprises nous avons souligné dans de précé.
dents ouvrages que deux choses étaient nécessaires pour qu'une

48
LE SCANDALE DU PAIN
prolifération maligne aboutisse il la tumeur : premièrement,
un affaisement nerveux qui supprime la barrière morale,
secondement une irritation locale répétée par agent physique
ou chimique, le cancer ne pouvant s'établir au moyen
d'une des deux choses seulement.
Celui ou celle qui ingère avec ses aliments des substances
chimiques dues à l'industrie de l'homme irrite son tube digestif,
son foie et ses reins. Si cette ingestion est accidentelle on
peut la considérer comme sans danger mais si elle s'effectue
pendant des années et comporte, en raison de la variété des
poisons alimentaires, une irritation prolongée, il y a bien des
chances pour que, grâce à l'affaiblissement de la barrière
nerveuse, l'anarchie s'empare des cellules qui se mettent à
pulluler arbitrairement.
Or le pain étant l'aliment de base est celui qui a le plus
d'influence sur la matière organique. Si donc il est sophistiqué
-. et il l'est à un degré incroyable _ son rôle dans la
propagation du cancer est primordial. Ainsi le premier stade
est ateint, celui de l'irritation locale. Mais notre pain quotidien
n'est pas seulement toxique ; il est aussi privé de scs
substances nobles, notamment de phosphore et de magnésium.
Justement nous venons de constater que, faute de ce dernier
la peur croit dans l'individu, affaiblit sa défence morale,
laquelle, merci du mal. une fois minée, s'effondre et met l'Homme à la
Ainsi tout se tient : par manque d'agent défenseur d'une
part, et présence d'agent offensif d'autre part, la cellule, hors
de tout contrôle, s'affranchit des lois normales de sa reproduction.
Au lieu de se multiplier docilement dans l'intérêt général
de l'organisme et conformément aux fins de celui-ci, elle édifie
BON PAIN = SANTE
un nouvel organisme séparé, qui vit aux dépens de l'autre,
l'envahit et le paralyse dans un temps plus ou moins bref.
On objectera que les Anglo-Saxons, habitués à manger
très peu de pain, sont encore plus touchés par le cancer que
les Français, amateurs de miches. Mais nul n'ignore que la
chimie alimentaire, l'industrie toxique de la conserve et l'usage
pernicieux du frigorifique sont beaucoup plus en faveur chez
eux que chez nous.
Nous n'avons pas la prétention d'affirmer que, seul, le pain
est toxique. Nombre d'autres aliments le sont infiniment plui
que lui. Mais aucun d'eux n'est d'usage massif et quotidien,
comme le pain au pays de France. C'est la raison pour laquelle
l'importance de celui-ci est primordiale dans notre bonne ou
notre mauvaise alimentation.
Pour ceux qui seraient tentés de mettre en doute nos
affirmations, en raison du fait que nous ne sommes ni médecin,
ni diététicien, ni biologiste, rappelons sommairement les
déclarations les plus récentes effectuées par des spécialistes
autorisés de ces mêmes questions. D'abord celles du Professeur
Joannon, de la Faculté de Médecine de Paris, selon qui
« l'hygiène alimentaire ne saurait commencer au sac de denrées.
On doit se demander ce qui s'est passé derrière ce sac et
avant lui : quelle était la structure du sol originel, comment ce
sol a été nourri, s'il fut affamé ou gavé, usé ou détérioré :t.
Puis celle du Dr J.W. Bas qui déclarait cette même année:
c La santé des êtres humains ne saurait être étudiée isolément
car elle est étroitement liée à la santé des végétaux, à
celle de. animaux et l celle du 801•••
48

50 LE SCANDALE DU PAIN BON PAIN = SANTE
~ La médiocrité qualitative actuelle de l'alimentation est
reconnue. Sa déchéance véritable apparaît à la lumière des
tests expérimentaux. En fait nous sommes tous obligés d'éviter
l'usage trop fréquent de quelques aliments essentiels. Les
intolérances digestives se multiplient et s'aggravent. Les médecins
les attribuent à la nature théorique des aliments incriminés,
à leur constitution chimique et non pas à leur mauvaise
qualité. On proscrit en bloc, selon les cas, l'usage des œufs, du
lait, de certaines graisses et de quelques légumes, du pain, etc..•
En réalité il cst posible de démontrer expérimentalement que
ces intolérances ne sont pas dues à l'alimentation considérée
comme une entité immuable mais à sa qualité défectueuse. Les
procédés de fertilisation chimique appliqués sans discernement
ne sont pas étrangers au déséquilibre dont on constate les
méfaits progressifs dans la fonction nourricière du sol. La
qualité des aliments est compromise au stade initial, celui de
la production terrienne. Elle l'est, une fois encore plus tard,
puisque de nombreux aliments sont amputés d'une partie de
leur valeur nutritive par les procédés industriels de raffinage,
d'épuration, de conservation, de stérilisation. Si bien que nos
aliments ont conservé encore le nom et l'apparence de ceux qui
ont contribué à entretenir la vie de nos ancêtres mais ils n'en
possèdent plus l'efficacité :..
Etudiant, le 12 Mai 1954, devant l'Académie de Médecine
ce qu'il nomme les c facteurs exogènes de cancérisation », le
Professeur agrégé René Reding, de Bruxelles, a mis au premier
plan les produits utilisés par l'industrie alimentaire.
c Les denrées qui y sont manipulées, dit-il, sont addition-
1
nées de substances chimiqucs et de colorants
surtouts sont cancérigènes ».
51
ces derniers
Poursuivant son exposé, lc Professeur Rcding incrimine
surtout les agents conservateurs, antiseptiques, antioxydants,
agents de décoloration ou fluorescents, éléments employés
pour émulsionner, épaissir, refroidir, etc... Selon lui, le quart
d'entre eux environ favorisent les tumeurs malignes. En tous
cas, chez les souris de laboratoire, el1es provoquent le cancer
expérimental.
Si nous en référons aux conclusions récentés du Comité
Alimentation et Santé nous retenons l'affirmation suivante :
c De nombreux travaux prouvent que l'alimentation joue
un rôle direct ou indirect, tout au moins dans la création et
l'évolution de certaines catégories de cancers ~.
Quelles sont, d'autre part, les déclarations faites par le Dr
Denoix, Profcsseur agrégé à la Faculté de Médecine, durant
les Journées Scientifiquesde l'Institut d'Hygiène Alimentaire?
« De nombreuses substances sont aujourd'hui employées
dans l'industrie alimentaire pour empêcher la fermentation
du lait. .. pour remplacer les levures dans la fabrication du
pain ... Quelle peut être leur action lorsqu'elles sont absorbées
pendant trente ou quarante ans ? ~
Déjà le Professeur OberIing avait spécifié
« Seule, une législation prohibant formellement l'cmploi
de tous colorants et d'un grand nombre de produits chimiques
daus l'industrie alimentaire peut nous protéger d'un cancer
de cette origine ).
1
'1
1

52 LE SCANDALE DU PAIN
Pour en terminer avec ces témoignages moderncs rappelons
qu'au Congrès Mondial de Sao Paulo, qui réunissait, en
Octobre 1954, plus de mille médecins, chirurgiens, chimistes
et biologistes venus de 51 pays du monde, il a été fortement
question du rôle considérable des hormones dans la prévention
du cancer. Nous ne disons pas autre chose quand nous
déplorons la disparition, dans notre pain actuel, des vitamines
et éléments réminéralisateurs sans lesquels nos sécrétions
endocriniennes sont modifiées ou insuffisantes.
C'est enfin le Dr Rudali, Chef de Laboratoire à
l'Institut du Radium qui, parlant en général des substances
cancérigènes, estime que « une chose capitale dans l'action
Iiéfaste de ces substances c'est qu'il faut que leur absorption
soit répétée et continue pendant des années... Il ne suffit donc
pas, ajoute-t-il, d'absorber une dose massive de ces substances
une seule fois dans sa vie mais de petites quantités d'une façon
régulière pour provoquer le cancer humain ~.
Quel produit alimentaire peut se flatter d'être la
nourriture constante, universelle que représente notre pain
quotidien ? Or celui-ci est ingéré, par les gens de France
notamment, en quantités journalières plus ou moins grandes
mais, en tous cas, avec une régularité et une persistance qui
ne sont le propre d'aucun autre aliment.
\
v
Le Dirigisme Collectiviste
Il est hors de doute que la société humaine, dans son
évolution politique et économique du demi-siècle qui vient de
s'écouler, est en proie à des difficultés croissantes pour faire
face aux besoins de plus en plus complexes de la collectivité.
Qui dit gouvernement dit autorité et nécessairement
contrainte. L'absence de gouvernement est l'anarchie, qui
paralyse tout moyen d'action. De là est né le collectivisme ou
moyen autoritaire d'obliger les individus à moins tenir compte
de leurs intérêts particuliers que de l'intérêt général. Cela ne
s'obtient pas au moyen de la seule persuasion, surtout au pays
de France, où chacun s'efforce de fairtl ses propres affaires
sans tenir compte de celle du voisin. L'esprit public s'est donc
acheminé vers un socialisme politique et économique que son
extrême-gauche, sous la forme totalitaire, a largement dépassé.
Il en est résulté une nouvelle sorte d'administration basée
sur la règlementation étroite des activités professionnelles et
c'est ainsi qu'est né le dirigisme, par opposition au régime de
concurrence, donc de liberté.

54 LE SCANDALE DU PAIN LE DmlGlSME COLLECTIVISTE 55
Ainsi que nous l'avons dit précédemment, l'avènement
puis la mise en application des théories dirigilltes ont été
singulièrement hâtées et facilitécs par les deux guerres mondiales
dont le propre a été de restreindre les moyens de
production. La raréfaction des denrées et, en premier lieu,
celle des céréales panifiahles entrainait presque inévitablement
le contingentement et la répartition.
S'il n'en avait pas été ainsi les départements gros producteurs
de blé eussent été favorisés au détriment des départements
de faible production céréalière. II faut avoir été dans le
Midi de la France et notamment dans des circonscriptions
administratives comme le Var ou les Alpes.Maritimes pour se
rendre compte de la pénurie alimentaire dont ont souffert alors
les populations. Sans la rigueur des restrictions celles-ci n'auraient
pas seulement été sous-alimentées mais pas alimentées
du tout.
Cependant les guerres les plus longues n'ont qu'un temps.
De 1918 à 1939 et depuis 1945, où finit la seconde conflagration
universclle, nous avons enregistré de longues périodes durant
lesquelles la pro!l11ctionavait rcpris un cours normal. Il eût
donc été juste que les mesurcs de cœrcition dérivées de l'état
de guerre fusscnt progressivement abandonnées en vue d'un
retour normal à la liberté.
Malheureusement le propre des organismes bureaucratiques
nés d'un état anormal et de circonstances exceptionnelles
est de vouloir survivre à tout prix aux événements qui ont
provoqué leur création. A partir du moment oil la situation
ne le commande plus, la fonction parasite ne peut se juetifi~1"
que par le maintien d'un ordre arbitraire des choses. Il était
singulièrement tentant pour les bureaux dirigistes de se main·
tenir en place par l'élaboration de nouveaux réglements. On
sait comment, à la Libération, les partis victorieux peuplèrent
les administrations de leurs créatures. Le ravitaillement était
un asile tout indiqué pour les candidats sans titres à une
fonction.
Dix ans après la fin des dernières hostilités nous sommes
donc encore pourvus d'organismes de guerre qui se sont
confortablement installés dans la paix.
Loin de nous la pensée de pré~ndre que tous les
fonctionnaires du ravitaillement sont sans mérite. Beaucoup
d'entre eux ne manquent pas de conscience et s'acquittent de
leur tâche avec probité. Ils croient - et comment
n'en seraient.i1spas persuadés? - aux bienfaits du dirigillme.
Nous avons interrogé certains d'entre eux et les réponses
qu'ils firent à nos objection&ne manquent pas d'une certaine
~aleur. Nous en ferons état au cours des pages suivantes, déter·
minés que nous sommes à poursuivre cette enquête avec le
maximum d'équité.
Il n'en reste pas moins que rien ne justifie aujourd'hui,
en pleine période de paix et de surproduction céréalière, le
"maintien d'une centralisation et d'un contrôle prévus pour
des époques de guerre et d'inproductivité.
La tendance générale est d'ailleurs influencée par lell
doctrines et les procédés totalitaires qui subordonnent de plus
en plus aux conceptions d'un Etat monolithique les besoinllet
les allpirations des individus. C'est ce qui a permis à certains
esprits de dire. ironiquement : « La 4' Répnblique ou le
communisme sans les communistes :..

56 LE SCANDALE DU PAIN LE DIRIGISME COLLECTIVISTE
La liberté individuelle, loin de croitre avec ce qu'on
appelle la civilisation moderne, est constamment amoindrie et
les citoyens progressivement brimés par les systèmes et les
réglementations. Les Français sont unanimes à déplorer les
honteuses vaccinations obligatoires qui, pour le plus grand
bénéfice de monopoles pharmaceutiques, sont infli~és d'office
aux gens bien portants. Chaque année, des millions de personnes
saines sont promues au rang de cobayes par les laboratoires
et se voient tenues de recevoir dans leur organisme
physique des poisons dangereux sous forme de sérums et de
vaccins. Le plus qualifié et le moins néfaste de ees procédés,
eelui de la vaccination anti-variolique, est d'autant moins
ju!\tifiahle que la nation anglaise le répudie et enregistre moins
de décès par variole que notre peuple de piqués.
Nul ne peut plus chasser, pêcher, conduire, se marier,
fonder un commerce, etc ... sans se heurter au formalisme
administratif. Le temps n'est pas éloigné où nous paierons des
droits et solliciterons Ulle autorisation pour marcher, respirer
et accomplir n'importe quel acte de la vie. Comment le I?;cste
inéluctahle de manger du pain mît-il été soustrait à la réglementation
? Des lois, décrets y ont pourvu avec une complexité
et une minutie qui ne permettent à aucun des J'ouages du
circuit panaire d'agir librement.
Un Office National du Blé, eréé par la loi du 15 AoÎlt 1936
et devenu, le 17 Septembre 1940, Office National des Céréales,
s'est arrogé le contrôle rigoureux de la production et de la
répartition.
Les résultats les plus évidents de cette réglementation
furent:
10 _ d'obliger tous les producteurs à livrcr leur blé non
au meunier ou minotier de leur choix mais à un organisme
centralisateur qui s'en est adjugé le monopole.
20 _ d'empécher les meuniers et minotiers d'acheter leurs
céréales aux producteurs les plus qualifiés et de les contraindre
à accepter de l'organisme répartiteur des blés dont il n'ont à
discuter ni la qualité ni l'origine.
30 _ de dénier aux boulangers la faculté de s'adresser aux
meuniers et minotiers de leur préférence, tenus qu'ils ont de ne
recevoir leurs farines que du meunier ou minotier désigné par
l'administration.
Comme on le voit toute liberté est retirée au circuit production-fabrication
et la porte est fermée à tout esprit de
concurrence, seul procédé cependant d'amélioration de la
qualité.
Le boulanger ne peut refuser la farine avariée ou dc
mauvaise qualité qui lui Cst livrée par le meunier ou minotier.
Le meunier ou minotier ne peut refuser le blé fermenté ou
charançonné qui lui est livré par l'organisme stockeur. Il ne
reste plus au dirigisme, pour être conséquent avee lui-même,
que d'obliger le consommatenr à acheter son pain chez le
boulanger choisi par l'administration. Ainsi serait réalisée la
parfaite harmonie panaire.
Si l'on en juge par les assignations déjà en cours l'intervention
administrative engorge encore l'économie et fausse de plus
en plus les échanges. Car il n'est personne qui ne sache quelle
fantaisie échevelée préside à la répartition des fournisseurs
tout au long de l'échelle distributive. Tels boulangers de
5'7

51 LE SCANDALE DU PAIN LE DIRIGISME COLLECTIVISTE 59
chef·lieu dépendent de minoteries distantes de quarante kilo.
mètres alors que les boulangers voisins de ces minoteries
dépendent d'autres minoteries immédiatement voisines du
chef·lieu. Des errements de cet ordre nous ont été signalés de
divers côtés et il ne peut en être autrement d'une gestion
administrative où les professionnels sont astreints à subir les
directives de non-techniciens.
Il en a toujours été ainsi lorsque l'Etat s'est substitué à
l'initiative privée. Qu'on se souvienne de la Compagnie Fermière
des Eaux de Vichy expropriée jadis par l'Etat qui
convoitait ses gros bénéfices et que celui-ci a dû rendre aux
premiers gestionnaires parce que sa propre exploitation était
en déficit. Qu'on se rappelle aussi l'ancienne organisation des
chemins de fer où tous les réseaux, moins celui de l'Etat, ver.
saient de substantiels dividendes et l'organisation actuelle de
la S.N.C.F. dont le passif énorme obère le budget français !
Qu'on songe enfin à l'actuel monopole de l'E.D.F. qui, lui,
réussit à faire ses affaires mais grâce à une élévation colossale
des tarifs de l'énergie, au détriment de la productivité !
Telle est, dans ses grandes lignes, la situation administrative
du marché du pain et des céréales, vue, du moins, sous
l'angle du consommateur.
Mais les représentants de l'O.N.I.C., sans en contester
l'essentiel, font valoir les raisons suivantes dont un jugement
impartial ne saurait parfois nier l'objectivité :
a) le dirigisme est inévitahle cn raison de la différence
rJc productivité des régions de France. Certaines de cdles-ci,
dans le Sud-Est notamment, sont tributaires des mieux pourvues
pour les trois quarts de leur production" ;
b) contrairement à l'opinion courante les blés sont blutés
à 75 et même à 78 %, ce qui, sans être entièrement satisfaisant,
constitue un progrès sur les époques précédentes ;
c) les véritables responsables de la mauvaise qualité des
farines 1I0ntles producteurs eux-mêmes, hantés par l'appât du
gain. Ceci n'exclut pas le mêm«" reproche à l'égard des
minotiers et des boulangers comme on le verra tout-à.l'heure ;
d) la notion du profit adultère actuellement toutes les
transactions. Jadis le producteur ou- fabricant se préoccupait
davantage de la qualité de ses produits que de leur quantité.
Aujourd'hui la quantité est l'objet primordial des ambitions
commerciales, à cause du profit immédiat qui ne résulte. C'est
la raison' pour laquelle, en matières de céréales, on recherche
surtout les gros rendements. Or ceux·ci ne peuvent être obtenus
que par l'utilisation forcenée des engrais chimiques et de
lIemences de blés qui ne sont pas nécessairement les meilleurs
pour la panification.
e) les grands producteurs ne sont pas des paysans ni des
tcrriens ni même des agriculteurs mais des fabricants de blé
ct, pourrait-on dire, des usiniers comme ceux dont M. André
Siegfrid a fait le saisissant portrait en parlant du Nord de
l'Amérique. Ces industriel~ aux mains blanches exercent, dans
la Beauce et dans le Nord de la France, une véritable féodalité.
La quasi-totalité des terres leur appartient et l'eXploitation en
est assurée par des ouvriers agricoles dont beaucoup sont
mécanisés. On m'a cité tel domaine du Nord où le tracteur
met des heures à tracer un unique sillon, ce qui donne une idée
de l'étendue des terres labolU'éclI. Lorsqu'une petite exploitation
fait enclave on l'absorbe par les tracasseries et par

60
LE SCANDALE DU PAIN
l'argent. L'ancien propriétaire devient salarié avec tout ce que
cela comporte de psychologie sociale chez un hommc qui
passe à la servitude en venant de la liberté.
Mais, toutes proportions gardées, les petits producteurs
lIontaussi rapaces que les plus considérables. C'est l'avidité du
gain qui les pousse à obtenir des rendements de 35 quintaux
à l'hectare et plull. S'il n'y a rien à dire relativement des blés
ensoleillés de la Beauce (engrais à part), par contre, la valeur
dell blés du Nord est médiocre en raison de leur faible insolation.
f) le dirigisme, prétendent également les responsables de
l'O.N.I.C. ne peut être évité - et c'est l'argument majeur _
en raison du fait que la rémunération du blé est l'élément
capital du problème. Grands et petits producteurs de tout le
territoire, bien que récoltant dans les conditions les plus différentes,
prétendent tous et ont, en effet, légalement droit au
même prix. Le blé d'ici est tarifé exactement commc le blé de
là. Dans l'état actuel de la politique agricole des prix il cst
impossible de faire une discrimination dcs valcurs. Pratiquement
on prend tout, on lc brassc et on en tire une lIubstance
moyenne. Pourquoi, dès lors, un cultivateur aurait-il la cano
deur de viser à une production de qualité ?
Naturellement le maintien des cours est artificiel ct la
production française des céréales ne peut le maintenir qu'au
moyen de subventions étatiqucs et à la condition de négocier
en vase clos. Que les barrières de douane s'abaissent et les blés
français, rendus à eux-mêmes, sont incapables de soutenir la
concurrence avec lell bléll étrangers, rendus dans nos ports à
un prix inférieur.
"
LE DIRIGISME COLLECTIVISTE 61
Tant que eette politique des prix liera maintenue - et
elle rencontre l'adhésion de tout ce qui, dans le monde agricole,
a une valeur électorale - le dirigisme ne peut être exclu.
Il est à prévoir d'ailleurs qu'en présence de la production
grandissante ces mêmes frontières économiques, artificiellement
closes, devront de gré ou de force disparaître un jour.
Alors, mais alors seulement, jouera la libre concurrence, non
sans faire de victimes, même dans les milieux administratifs.
A l'argument que nous présentions et qui était celui-ci :
c Le blé pour se conserver idéalement devrait rester gerbé
en meules bien coiffées pour n'être battu qu'au fur et à mesure
des besoiDS.De plus, c'est une hérésie que de ne pas laisser
le blé achever sa maturation sur l'aire et de le battre et de
l'ensacher à l'heure même de sa fauchaison », les théoriciens
de l'O.N.I.C. répondent comme il suit et je ne saurais infirmer
leur dire : c Souvenez-vousque, son blé à peine battu, le producteur
petit ou grand veut en toucher immédiatement la
contrepartie. Il entend être payé tout de suite et se montre
inaccessible à tout autre raisonnement.
Depuis la dernière guerre le dirigisme a quelque peu
relâché ses liens rigides. On nous a affirmé que les centres
départementaux de l'O.N.I.C. avaient la faculté d'autoriser
(ou de tolérer) les boulangers qui en font la demande à changer
de fournisseur quand ils en montrent la nécessité. Un
centre que nous avons consulté nous a même cité l'exemple
d'un boulanger qui, sollicité par sa clientèle de faire du pain
complet, s'est vu accorder licence de s'adre88er à un moulin
utilisant des meules de pierre. Or que fait ce boulanger dont
les préocupations ne lIont évidemment pas altruitistes mais

62
LE SCANDALE DU PAIN LE DIRIGISME COLLECTIVISTE 83
8eulement commerciales ? Entrant en possession d'une farine
100 %, ne laissant aucun déchet et qui, par conséquent, est
pour lui heaucoup plus avantageuse que l'autre, il en profite
pour vendre son pain complet 120 Fr. le kilo.
Nous reviendrons sur cette question du pain complet à la
fin de ce livre car nous avons notre mot à dire à ce propos.
En attendant 1 mettons en évidence l'une des ultimes hrima-
des dont le dirigisme est responsable à l'endroit des paysans.
Quelques-uns de ces derniers font encore leur pain à domicile.
Presque toutes les fermes du début du XX· siècle comportaient
un four. Dans l'une de nos dernières résidences nous en avons
possédé un nous-même, assez ruiné comme la plupart et que
nous avions fait remettre en état. C'était un très ancien four
circulaire à voûte de briques réfractaires qu'on chauffait au
moyen de fagots de pin ou de bouleau et qu'on vidait de sa
cendre avant d'en utiliser la chaleur. Nous n'y avons jamais
cuit de pain, bien qu'il nous en coutât pendant la guerre,
parce que toute fumée suspecte était signalée au ravitaillement.
Mais presque tous les paysans avaient détruit leurs fours on
laissé ceux·ci tomber en ruine. Peu nombreux sont, par suite,
aujourd'hui les ruraux qui s'obstinent à manger le pain cuit
de leurs mains. Nous en connaissons cependant plusieurs qu'on
enserre dans une réglementation abusive, de telle sorte qu'en
présence des tracasseries administratives, la plupart renoncent
au geste le plus noble et à la prérogative la plus respectable
de leur profession.
Il y a quelque chose de scandaleux dans le fait que celui
qui travaille la terre, fait pousser le blé, le moissonne, n'a pas
le droit d'en fabriquer librement· son pain. Dans un Etat juste
et compréhensif l'homme qui cuit son pain et réalise, sans
léser personne, son autarcie alimentaire, devrait être honoré
à l'égal du meilleur des citoyens.
Cela vaudrait mieux que de réserver allocations et déco­
rations aux pères et mères imprévoyants de familles exagérément
nomhreuses, lesquelles sont parfois issues de géniteurs
alcooliques ou tarés.
Nous en avons dit assez pour montrer que le 8ystème de
centralisation étatique exagère et que chaque lustre qui
s'écoule aggrave l'oppression de l'individu. C'est là ce qui
empêche les esprits intelligents de se railier aux thè8e8
collectivi8tes car, on l'a vu par l'exemple précédent des grands
producteurs de céréales, un dirigisme féroce n'e8t pas exclusif
d'une nouvelle et impitoyable féodalité.

VI
La plus grande allalre
d'empoisonnement
de tous les t~mps
Nou •• rriyon. à la partie la plus douloureuse de .notre
plaidoyer en faveur du bon pain, lequel doit être réalisé à
partir d'un blé sain, récolté sainement et conservé selon de.
méthodes saines.
Il s'en faut que ces conditions soient réunies, surtout en
ce qui concerne la dernière dont l'importance est cependant
de premier plan.
ee sont les gros producteurs, ceux dont nous avons dit
qu'ils n'avaient plus rien du paysan et pour qui la production
du blé n'est qu'une industrie comme les autres qui, les premiers,
ont dû pourvoir à l'emmagasinage et à la conservation
d'énormes récoltes de blé. Alors que le petit exploitant entreposait
le produit de sa moisson dans des greniers aérés sans
jamais lui permettre de dépasser une hauteur d'un mètre
cinquante et le pelletait ensuite régulièrement pour éviter le
charançonnage et la fermentation, le grand exploitant ne
5

LE SCANDALE DU PAIN
disposant pas, en dépit de ses moyens financiers, de surfaces
grenières assez étendues pour conserver le blé à la manière des
ancêtreB, fut naturellement amené il mettre sa récolte dans des
silos de béton. Ces silos grandirent en hauteur, peu à peu, et
il ne fut plus question de rcspecter l'épaisseur maxima des
couches de céréales. La même erreur, engendrée par le même
souci de quantité, put être observée dans les grandes exploitations
vinicoles, lesquelles pour abriter une production
excessive imaginèrent les cuves géantes de ciment. Il n'y a pas
besoin d'être cultivateur ou vigneron pour comprendre que
ni hlé ni vin ne s'accommodent du contact du béton et que là
réside en partie la différence de qualité entre froment et vin
d'aujourd'hui et froment ou vin de nos pères. Rien ne peut
remplacer le grenier perméable à l'air ou les douves de la
tonnellcrie et leur vieux bois.
Quand le dirigisme étatique s'empara de la récolte et de
la répartition des céréales de tout le territoire, ses organismes
bureaucratiques se rallièrent immédiatement à la formule de
conservation des gros producteurs. Toutefois, comme il s'agissait
de la récolte d'une nation, la hauteur des !lilos crut dans
des proportions équivalentes et l'on vit con!ltruire à grands
frais des tours babéliques où le blé fut entreposé parfois sur
plus de vingt mètre. d'épaisseur.
Pour M. Ubureau le blé n'est pas un aliment vivant ni une
qualité alimentaire. C'est une quantité, un chiffre qu'on administre
comme une règle de trois. L'Intendance militaire avait
précédé les civils dans l'administration théorique des substances
alimentaires. Farines, haricots, pâtes, etc ... pouvaient
moisir en toute sécurité pourvu que les ètatistiques rassurâssent
le haut commandement sur le volume des stocks. Notre
~
1
LA PLUS GRANDE AFFAIRE D'EMPOISONNEMENT
intendance civile s'y prit toutefois autrement pour répd~er
l'indiscipline des denrées alimentaires qui poiJssent parfois
l'anarchie jusqu'à ne pas tenir compte des règlements.
Pour la bonne intelligence de ce qui va suivre nous allons
exposer brièvement la thèse récente soutenue avec clarté et
pertinence par un auteur' contemporain.
Dans une petite brochure intitulée « LE PAIN MAUDIT ~
portant en exergue : « Une nouvelle cause célèbre ~ et ornée
de l'étiquette caractéristique avec tête de mort : « Poison
Jangcreux ~ (1), M. Roger Audoyer expose les raisons de
contamination du stockage insensé des céréales.
Selon lui et selon tous ceux qui connaissent la question, les
causes d'avaries des stocks de blé sont les insectes parasites,
les bactéries, les moisissures et ferments. Les uns et les autres
agissent isolément ou simultanément et le résultat inévitable
de leur intervention est la fermentation des céréales accumu­
lées. L'ampleur de cette fermentation varie selon la température,
le degré hygrométrique de l'air, les sécrétions des insectes,
etc ...
Quand la fermentation du blé a lieu celui-ci change
fréquemment de couleur et cette dernière peut aller jusqu'au
noir, mais même quand l'apparence du grain reste normale,
le blé n'en est pas moins altéré dans son essence. D'aliment de
vie il est devenu aliment de mort.
n n'est pas malaisé de devirier que ces fermentationa sont
(1) Imprimerie Centrale de Touraine. 10. rue de Metz, il. Tours
(1954).

68 LE SCANDALE DU PAIN LA PLUS GRANDE AFF AIRE D'EMPOISONNEMENT 611
presque inévitables dalls le" montagnes de blé accumulées
par le dirigisme. On a bicn cssayé de compartimenter la masse
dans les silos au moyen dc cellules ayant leur aération autonome
mais trop d'éléments ~t de circonstances s'unissent pour
l'avaric et la destruction.
.Aussi est·il courant d'assister à la fermentation de
quantités considérables de blé, même en hiver, dans les stocks
du dirigisme, ce qui représente une perte énorme pour l'ali·
mentation humaine et pour l'administration.
Que se passe.t.il quand les responsables des stocka se
trouvent en présence de blé décomposé et, par suite, devenu
dangereux pour l'alimentàtion des hommes ? Laissons la
parole à M. Audoyer qui répond comme suit:
« Après la fermentation les blés sont violemment nettoyés,
les grains agglomérés entre eux sont séparés, les spores et
cellules desséchétldes divers champignons qui étaient interve·
nus (moisissurcs,bactéries) sont éliminés. Après quoi, le grain,
fortement frotté, ayant recouvré un certain lustre, est livré à
la mcunerie, qui n'a ni à choisir ni à discuter.
:t Le nettoyage dissimule seulemcnt l'avarie que ricn ne
peut corriger. Après fermentation le blé reste un aliment
avarié.
:t Il faut le plus souvent un œil exercé pour déceler ce
truquage généralisé mais une mauvaise odeur subsiste ou, à
défaut, la saveur avertit.
~ Ces coupables pratiques ne tombent-elles pas sous le
coup des deux lois du 4 Octobre 1946, non abrogées à ma
connaissance, l'unc relative ù la répression des crimes contre
le ravitaillement et la santé de la Nation, qui prévoit même la
peine de mort ? :t.
Les poisons nés de la fermentation d'une substance
alimentaire ne sont plus niés par aucun biologiste. Les travaux
les plus récents mettent .en évidence les ravages faits, notam·
ment dans le tube digestif par les céréales avariées, rien qu'au
moyen des éléments nocifs dûs à cette seule fermentation.
Mais on va voir que cette fermentation n'est pas seule en
caU8edans la nocivité du pain toxique. Etant donné que les
méthodes de nettoyage du blé avarié permettent de rendre i
celui-ci une apparence normale, cette caU8ed'avarie est moin8
redoutée de8 organismes stockeure que celle qui résulte, par
exemple, de la dégradation due aux alucite8 et aux charençons.
En effet, les grains de blé attaqués par ces parasites sont vidés
de leur 8ub8tanceset il devient impossible de le dissimuler aux
yeux les moins prévenùs.
Cela ne devait pas embarra8ser longtemps le8 service8 dc
conservation qui, par ce temps de progrès chimique, avaient
à leur disposition les effarants produits de l'industrie modeme,
plus ou moins voisins du D.D.T.. L'un d'eux sollicita particulièremènt
l'attention. Il porte un nom d'une lieue. C'est le
dyméthyldichlorométhylbenzène que les Américain8 estiment
« de grand avenir :t. Après enquête, on s'arrêta sur un produit
encore plu8 virulent et dont le nom vulgaire est LINDANE.
Par arrêté publié au Journal Officiel du 15 Mars 1953le.
pouvoir8 publics autorisaient l'emploi de cette dangereuse
lubstance en vue de prévenir l'inlecti.ation des Itoch de blé.
Le teste est le suivant :
« Lia déein.ectisation deI produite récoltée :. sr.inl de

70 LE SCANDALE DU PAIN
céréalcs et de légumineuses, pCllt être effectué par des spécialités
il hase de Lindane (isOI11Prcgamma de l'hexachlorocycIohexane
de pureté supéricure il 99 %) à raison de 0 gr. 5 au
maximum de Lindane pour 100 kilos de grains. Toutes
précautions doivent être pri8CSpour que le mélange soit homogène
ct pour que la farine ohtenue contienne moin8 d'un
millionième de Lindane ».
On ne peut qu'être confondu en présence d'unc tcllc
aberration administrative. Comment, d'une part, est-il possible
d'assurer la pureté du produit dangereux à concurrence de
100 % ? Et comment, d'autre part, envisager même la possibilité
de répartition d'un poison dont la virulence e8t telle
qu'en deçà d'un millionième il présente des risques certaill8 ?
Ccs mêmes pouvoirs puhlics auraient dû se souvenir de la
triste expérience faite sur le8 hlés par l'Intendance Militaire,
déjà nommée et qui avait utilisé de la chloropicrine sur avis
conforme de sept personnalités scientifiques dont l'une au
moins était partie à l'affairc puisque c'cst elle qui avait
recommandé le produit, Par la suite, ce dernier s'avéra si
dangercux pour la santé des miIitaires-cohaycs que les
expéricnces furent arrêtées ct l'emploi de la chloropicrine
rigoureusement interdit.
Mais qu'est-ce donc exactement qne cctte 8uhstance mirifique
qu'on nous pré8cntc à la fois comme le plus puissant
ill8ecticide connu (car il serait très supérieur sur ce point au
D.D.T.) et le produit le plu8 inoffensif (?) pour l'homme ?
On est très sceptique en ce qui concerne cette dernière
affirmation quand les hiologi8tcs de plus en plus nombreux
mettent en garde le public contre l'emploi incoll8idéré des
nouveaux insecticides dont l'action, à l'usage, se révèle de
LA PLUS GRANDE AFFAiRE D'EMPOISONNEMENT 71
moins en moins destructrice pour l'insecte et de plus en plus
nuisible pour les animaux à sang chaud. Quand on découvrit
le D.D.T. on crut à la fin rapide de l'insecte mais celui-ci fait
souche de générations résistantes, de même que les virus et
bactéries commencent à résister aux antibiotiques les plus
puissants. Mais quid de l'Homme dans cette conjoncture ?
Devra-t-il, pour être immunisé par la suite, payer comme l'insecte
de millions de morts sa résistance ultériew'e ?
Les plus sages des savants (car science ne signifie pas
toujours sagesse) ne voient pas sans appréhension les premiers
venus s'emparer des armes chimiques les plus récentes pour
en faire un usage mal contrôlé.
Pour en venir au Lindane disons
a) avec le Professeur René Hasard, de la Faculté de
Médecine de Paris, que l'H.C.H. dont l'isomère gamma est le
Lindane, est le résultat du traitement du benzène par le chlore;
b) avec le Professeur René Fabre, Doyen de la Faculté
de Pharmacie de Paris et le Professeur Yves Raoul, de la
même Faculté que l'hexachlornre de benzène est le plus
puissant des insecticides connus.
Ces deux déclaration ne laissent aucune incertitude
quant à la virulence. Toutefois, depuis on a fait mieux, paraitil,
avec les insecticides phosphorés dont certains ont bien une
action sur l'homme et non des moindres puisque, à la suite de
saupoudrages en plein air avec les récents produits, nous
avons constaté personnellement l'apparition chez les saupoudreun
d'angines .uspectes et de sinusites qui ne l'étaient pas.
Théoriquement toute. les précautions étaient prises pour

72 LE SCANDALE DU PAIN I.A PLUS GRANDE AFFAIRE D'EMPOISONNEMENT 73
que les prescriptions réglementaires fussent respectées. On
avait eXpérimenté le Lindane sur une quantité d'environ dix
tonnes de hlé. Ce blé fut soumis au nettoyage habituel de la
minoterie et ceux qui ont eu l'occasion de visiter un de ces
établissements savent de combien de façons le grain est !lassé,
brassé, heurté et frotté. D'élévateur en vis sans fin, par dix
circuits ingénieux le blé arrive au broyage nettoyé et exempt
de toute poussière. Eh bien ! le contrôle chimique de ce blé
avant la mouture permit de constater que la répartition du
Lindane dans la masse était inégale, que certaines parties du
blé traité étaient dépourvues d'insecticide alors que d'autres
en contenaient des amas dangereux.
Si la répartition idéale ne peut être obtenue en traitant
dix mille kilos comment le serait-elle en traitant des mas,ses
de plusieurs décamètres cubes ? Poser la question c'est y
répondre. Tout poudrage de milliers de quintaux de blé au
Lindane a pour résultat que des quantités de grain en sont
exemptes alors que d'autres quantités en ont reçu en excès. Les
premières ne sont pas protégées contre l'insectisation et les
secondes deviennent toxiques. Que se passe-t-il lorsque ces
grains empoisonnés produisent de la farine toxique et que cette
farine parvient à la consommation ?
En tête de son ouvrage précité « LE PAIN MAUDIT ., M.
Roger Audoyer n'y va pas par quatre chemins. Il dit:
c Après neuf à dix mois de recherches les savants toxicologues
ont conclu : C'est un produit destiné ti la conservation
du blé qui a provoqué les intoxications de Pont-Saint-Esprit ••
Sans être aussi affirmatif nous reconnaissons être profondément
troublé par cette affaire remontant déjà à plusicun
années. Toute l'Europe s'est intéressée, non sans angoisse, à ce
redoutable empoisonnement collectif.
On incrimina d'abord l'ergot de seigle dont la présence
est fréquente sur c~tte céréale dans les années humides. On
évoqua le « Mal des Ardents • et les scènes délirantes du
Moyen-Age auxquelles cette épidémie étrange donna lieu.
Dans un article du Monde du 4 Septembre 1954, Maître
Maurice Garçon, de l'Académie Française, écrivait ceci :
« Après trois ans de laborieuse instruction, l'affaire des
empoisonnements Je Pont-Saint-Esprit a été close par un non·
lieu. On se rappelle qu'il y a trois ans une épidémie extraordinairc
et particulièrement impressionnante a sévi ,dans ce
villagc du Gard. Les habitants furent atteints de crises
hallucinatoires

LE SCANDALE DU PAIN LA PLUS GRANDE AFFAIRE D'EMPOISONNEMENT 75
c A Pont-Saint-Esprit les experts qui, du moins, n'ont pas
perdu leur sang-froid, ont découvert, après de longues ct
penpicaces recherches de laboratoires que l'épidémie de
vésanie était due à un produit mercuriel employé pour la
conservation des semences. Personne n'avait pu en déceler la
présence nocive, à raison de ce que le colorant qui aurait pu
le dénoncer demeurait imprégné dans les fibres des sacs et
laisait la farine empoisonnée mais non teintée ~.
Si le principe de l'empoisonnement par un produit conservateur
n'est pas contestable il est permis de se dcmander
comment la totalité du colorant se serait déposée sur l'enveloppe
alors que le milieu du contenu des sacs n'était pas en
contact avec celle-ci.
De son côté, Le Monde du 2 Septembre 1954 avait reçu de
Marseille l'information suivante de son correspondant régional
c Il apparait, à la suite dcs constatations faitcs au coun
des nombreuses et difficiles expertises, que la seule explication
à retenir de l'origine des intoxications de Pont-Saint-Esprit
l'let celle d'une souillure accidentelle d'un sac transportant de
la farine par un anticryptogamique commercial à base
organo.mercurielle. Telle est la conclusion officielle du rapport
de synthèse déposé par le Professeur Ollivier, directeur
du Laboratoire de police technique au parquet de Nîmes.
» Cette affaire d'intoxications par le pain qui provoquèrent
au mois d'Août 1951 la mort de cinq habitants et l'hospitalisation
ou l'internement d'une vingtaine de malades, se termine
donc en fait par un non-lieu.
:. Pour arriver à leurs conclusions les experts désignée,
les Professeurs Kohn-Abrest, Dumazert, Pélissier et Ollivier
ont procédé à plus de huit cents analyses, à d'innombrables
recherches eXpérimentales sur des animaux et à de nombreuses
expertises toxicologiques des viscères prélevées sur les
victimes •.
A la lumière de ce que nous avons dit précédemment, qui
ne voit, dans la laborieuse explication des experts le souci
évident de décharger une autorité plus haute en faisant peser
la responsabilité des empoisonnements de Pont-Saint-Esprit
sur une souillure accidentelle d'un seul sac ? S'il en avait été
réellement ainsi cette souillure aurait eu pénalement un responsable
et la main de la justice se serait ahattue sur lui.
Aussi la conclusion des experts a-t-elle le caractère d'une
hypothèse gratuite destinée à éluder les véritables responsabilités.
Ce qui demeure c'est l'opinion unanime que cette
terrible aventure a pour origine l'usage de produits chimiques
deFltinés à la conservation du blé.
Sans doute les experts techniques concluent à la présence
d'un agent toxique dont serait excmpt le Lindane mais celuici
revêt un pouvoir de toxicité peut·être encore supérieur à
celui des produits mercuriels. En outre, les insecticides, s'ils
détruisent effectivement alucites ct charençons, n'ont aucun
effet sur la fermentation des céréaleFl. Or la dissolution de
celles· ci engendre, selon Audoyer, des « composés inattendus •.
Que résulte-t-il de la combinaison des poisons - dûs à la
corruption avec les poisons des insecticides ? Bien audacieux
qui pourrait le dire. En tout cas la morale de ce que noua
venons d'exposer est celle-ci :

'76
LE SCANDALE DU PAIN
Pour un cas d'empoisonnement malSif et spectaculaire
comme celui de Pont.Saint.Esprit, par quoi l'opinion mondiale
est alertée, combien d'innombrables cas, silencieux et ignorés,
de gastrites, entérites, appendicites, cholécystiques, cystites,
cyrrhoses, etc... , etc... sans compter les néoplasmes et autrcs
tumeurs malignes dûs à une ingestion renouvelée de poisons
légalisés !
VII
Comment lutter
collectivement?
II semble que la preuve est faite de l'erreur économique
qui consista à confier à un dirigisme démesuré l'~n des biens
les plua précleux de la aanté humaine, celui qui est à la baie
de l'alimentation française : le blé donc la farine, la farine
donc le pain.
Et pourtant que de cholel reetent à dire concernant lea
appareila bureaucratiquel dont la centrillisation aveugle
aboutit à ce que Flaubert appelait le monstre CATOBLEPAS !
Celui-ci était, dans l'esprit de l'écrivain, un animal géant
d'une force incalculable mais si bête, en même temps que .i
vorace, qu'il le mangeait les pattes sans s'en apercevoir.
De même l'organism~, cependant accessoire, d'accaparement
et de répartition des blés a pris les proportions d'une
tumeur vivant d'une vie indépendante au détriment du
principal organisme qu'il épuise et affaiblit progressivement.
Durant un temps d'exception il a justifié 80n existence
exceptionnelle. A présent que l'économie publique elt rentrée
dan. l'ordre, rien ne justifie plua la survivance d'une anormale
,
1
,

76 LE SCANDALE DU PAIN
réglementation. Mais, comme nous le disions précédemment,
nous respirons présentement une atmosphère collectiviste qui
prétend faire le bonheur des individus en se substituant à eux.
Le raisonnement des novateurs est le suivant : l'individu étant
incapable d'agir autrement que dans son intérêt particulier,
l'intérêt général est de le priver de toute initiative. Mais le
raisonnement inverse est encore plus péremptoire : l'Etat
étant incapable d'administrer ses biens particuliers est encore
plus incapable d'administrer ceux de tous les individus de la
nation. Un pays qui tue la faculté d'intérêt individuel est un
pays qui s'ossifie.
On ne peut même pas dire que le système bureaucratique
autonome se perfectionne à l'usage. Plus il dure, plus il se
systématise et plus il se systématise, plus il s'éloigne de la vie
et de la réalité. Après avoir eu une justification due aux
circonstances provisoires il ne survit aux événements qui l'ont
mis en place que par la création de rouages artificiels. Il devient
alors à lui-même sa propre raison d'être, tirée de la
crainte qu'ont ses tenants d'être vidés de leur fonctions. Aussi
multiplie.t.on les règlements nouveaux pour faire vivre d'une
vie théorique ce qui pratiquement est mort. Voilà qui est
foncièrement humain mais nul n'est tenu d'accepter la
domination des égoïsmes, fussent-ils d'obédience collectiviste
et de marxisme généralisé.
On ne saura jamais quelles sommes astronomiques ont
coûté, coûtent et coûteront ces chancres économiques que sont
l'Office des Céréales, la Sécurité Sociale, l'Office des Carburants,
etc... Les services du contrôle public ont tenté des
vérifications qui se sont avérées effarantes mai. la Cour de.
COMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? "'
Compteset l'Inspection des Finances se heurtent, au Parlement,
à un dogmatisme d'ordre politique et électoral.
M. Roger Audoyer a stigmatisé ces pratiques aberrantel
c En dehors des assujettis, dit·il dans un appendice à son
ouvrage, peu de personnes connaissent le fonctionnement de
rOffice du Blé.
:t _Il ne peut être question de ses pertes insensées, dont
l'écrasant rapport de la Commission de vérification des comp.
~s dei entreprises publiques donne un simple aperçu.
:t Si l'on pouvait additionner ses pertes d'argent, lee des·
tructions de richessse depuis sa création les plus indifférentl
seraient effrayés.
:t Ceux qui se rendent compte du danger du stockage lans
utilité observent seulement qu'au cours des siècles passés lei
blés étaient toujours conservés sains d'une année sur la sui·
vante.
:t Pourquoi ne pas les placer dans les mêmes conditions ?
:& Avant cette institution funeste à tous égards, les roool.
tants conservaient eux-mêmes leurs récoltes qu'ils vendaient
au fur et à mesure de leurs besoins ; ils en assuraient la parfai.
te conservation par conscience professionnelle et aussi pour
ne pas subir de pertes d'argent dont ils connaissent la valeur,
leur récolte n'étant assurée qu'après huit ou neuf mois de
peine et d'alarmes.
:t Afin de neutraliser une objection, ce ne sont pas les
récoltants qui ont voulu se débarrasser de leur blé dès la
moisson. C'est l'Office qui les a contraints de livrer sous peine
de sanctions pour justifier Ion existence. Les textes sont là. La
concurrence féroce que se font les coopérl!tivcsa fait le reste...

80 LE SCANDAI.E DU PAIN
) Pourquoi ne pas revenir à de saines pratiques alors qu'il
est facile d'assurer la garantie d'un prix avec l'octroi, alors
justifié, d'une prime mensuelle de conservation ?
) Pourquoi maintenir cette monstrueuse machine administrative,
cause d'appauvrissement général (monstrueux 420
braqué sur la Banque de France, a dit un ministre) et dont
la faillite est déclarée ? ..
» Est-ce progrès le fait de r88sembler dans un ruineux
magasin-silo-héton, château·fort moderne, des milliers de
quintaux de blé qui s'y avarient inexorablement, au lieu de
laisser ces quantités en un certain nombre de greniers où la
parfaite conservation est assurée ? »
Enfin passant au détail de certaines pratiques bureaucratiques
qui paralysent le circuit panaire, le même auteur
ajoute
« Sachez qu'il y a QUATORZE taxes principales auxquelles
s'ajoute la taxe de transaction, parfois la taxe à la
production ; d'autres fois la taxe sur les blés.
» Car la farine a des prix, des taxes et des destinations
différents. Si elle est utilisée à la production de produits de
forme ronde : c'est un prix et une réglementation ; mais si
. les produits sont carrés ou triangulaires : c'est un autre prix
et une autre règle. Si l'utilisateur emploie une partie à faire
des produits carrés alors qu'il aurait dû faire des ronds,
malédiction ! Il Y a fraude, poursuites, procès, condamnation.
»Il y a des farines P.S. + 1, P.S. + 2, P.S. + 3, P.S.• 5,
etc ... L'une pour faire ceci, l'autre pour cela, une troisième
pour. autre chose. Que p~r~onnc ne s'avi8c d~ Caire P.S .. 1 1/2
~OMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? 81 .
ou P.S. + une fraction non prévue : malheur ! Il Y a fraude,
poursuites, procès, condamnation.
» Pourquoi ? Ne cherchez pas. Il n'y a pas l'apparence
d'une raison hors le souci de créer de multiples complications
dans le but de faire croire il l'utilité de l'institution ».
Nous sommes en mesure d'illustrer cela au moyen de la
citation suivante concernant l'un des stades primaires du
circuit de distribution. Il s'agit en l'espèce ùes cultivateurs
qui veulent échanger leur blé contre du pain ou de la fariné
en vertu d'usages immémoriaux. Rien ne parait plus simple et
cependant voyez ce qu'en fait une réglementation inepte. Le
texte qui suit est officiel. C'est le communiqué de l'autorité
à la presse. Il semble, au premier abord, relâcher les
liens de la contrainte mais aboutit en fait à maintenir la
coercition.
« Il est porté à la connaissance des intéressés que le
Ministre de l'Agriculture a suspendu, pour la présente campagne,
les déclarations individuelles des producteurs de céréales
mais que cette décision n'abroge pas lcs décrets du Code du
Blé qui prévoient, en ce qu~ concerne l'échange de blé contre
farine ou pain, une déclaration par les producteurs qui désirent
en bénéficier dans les communes où cette pratique est
autorisée.
» Cette déclaration annuelle doit être faite au début de la
campagne, courant Août-Septembre ou Octobre, à l'aide d'un.
imprimé et certifiée par le maire de la commune où réside le
déclarant.
» Elle est ensuite remise au Receveur Buraliste des
6

82 LE SCANDALE DU PAIN
Contributions Indirectes qui délivre, en une seule fois, un
certain nombre de bons 935 qui sont remis individuellement
après chaque transport au meunier réceptionnaire pour être
conservés à l'appui du registre officiel de ce dernier, ces bons
devant, en outre, être signés au verso par les échangistes
avant toute utilisation ~.
Cette brimade ridicule du paysan-producteur appelle un
commentaire.
Que dirait-on si l'Administration exigeait du cordonnier
un bon 936 pour mettre dans ses pieds une paire des chaussures
qu'il fabrique ou du menuisier un bon 937 pour s'asseoir
sur une chaise fabriquée de ses propres mains ?
Peut-être rien du tout, penserez-vous,tellement l'opinion
est asservie.
C'est là précisément ce que nous allons voir.
Collectivement les Français ne sont pas désarmés.. Si
réduits qu'ils soient leurs droits politiques ne sont pas éteints.
Et, ne fût-ce que de temps en temps, ils ont l'arme du bulletin
de vote.
Les consommateurs sont des citoyens qui, avant de
prétendre à la citoyenneté, prétendent d'abord à la vie ; non
seulement la leur mais celle de leurs enfants.
Il se trouve que la femme a été admise à l'électorat et
qu'ainsi elle est en mesure de faire prévaloir ses vues, non par
des considérations politiques, dont elle n'a ordinairement que
faire, mais par des considérations économiques, qui sont de
son domaine et où son rôle est tout indiqué.
Le premier objectif de la femme doit être la conservation
COMMENT LUTTER OOLLECTIVEMENT? 13
de la santé des 8iens, en même temps que de 8a 8anté personnelle
car sans la mère au foyer celui-ci n'est que vide, anarchie
et désolation.
Comment ne serait-elle pas effrayée de voir que le pain
donné à ses filles et à ses fils, si durement payé et acquis de
haute lutte, n'est qu'une caricature du pain réel auquel ils
ont droit?
Chaque jour, en offrant à ses petits la tranche de pain 80US
toutes ses formes, elle introduit dans leur organisme les poisons
du stockisme, de la meunerie, de la boulangerie et leur prépare
un sang vicié. Chaque jour, de ses propres mains, elle leur
verse la ration tri ou quadri-quotidienne de toxiques destinés à
léser leur estomac, leur intestin, leur foie et leurs reins.
N'y a-t-il pas quelque chose de honteux dans cette entreprise
d'empoisonnement générai par l'entremise des pères et
des mères ? Les pouvoirs publics rougiraient de se prêter à
ce crime collectif s'ils savaient vraiment ce qu'ils font. Mais,
en réalité, ils ne le savent pas et si leur ignorance n'est pas une
excuse, du moins constitue-t-elle une explication.
C'est pourquoi tout ce qui détient une parcelle d'influence
ou de pouvoir dans le pays doit être alerté, éclairé, sommé
d'agir dans sa sphère. Les conseils municipaux et généraux
doivent émettre des vœux de nature à éveiller la haute
autorité. Chaque député et sénateur doit recevoir des électeurs
et des électrices une adjuration directe. La question du pain
domine toutes les autre parce que c'est une affaire de vie ou
de mort.
Quand l'existence est menacée on se moque bien des
théories politiques. Quand un mal est universel qu'importe
qu'on soit extrémiste de droite ou de gauche ou parti.aodu

14 LE SCANDALE DU PAIN COMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? 85
jUlte milieu 1Le pain de blé poussé à l'engrais, le pain de blé
fermenté ou charençonné, le pain de blé au Lindane, le pain
de' farine blanchie au gaz, le pain de levure chimique, le pain
carencé de ses éléments normaux opère les mêmes ravages
dans un estomac U.D.C.A., M.R.P., Indépendant, Radical,
SoCialisteou Communiste.
En présence de la maladie il n'y a plus qu'un seul parti:
celui des malades. En présence de l'intoxication il n'y a plull
qu'une obédience : celle des intoxiqués.
Chacun de nous doit donc faire pression, non de manière
sporadique et accidentelle, mais âprement, continûment, efficacement
sur chaque représentant mandaté. Voyez seulement
la résistance opiniâtre des bouilleurs de crû, 'des viticulteurs
et des planteurs de betterave. Personne n'ignore qu'ils sont,
directement ou indirectement, responsables de l'alcoolisme,
fléau redoutable de ce pays. Tout le monde (gouvernement,
parlement, académies, biologie, médecine, hygiène) est
d'accord pour reconnaître que l'alcool élaboré en excès par ces
corporations alimente les prisons, les cours d'assises, peuple
les hopitaux et les maisons de fous. Or non seulement l'Etat
tolère ces productions criminelles mais il les encourage au
moyen de subventions. Cependant ces profiteurs de mort ne
sont que des parties de la nation alors que nous, consommateurs
de pain, sommes la nation toute entière. Et nous n'oserions
pas faire, pour conserver notre santé, notre vitalité, les'
qualités de notre race ce que d'autres font pour alimenter le
vice, la dégénérescence,le crime et la mort 1
Que celui qui n'a que son suffrage électoral en joue à
chaque élection, partielle ou générale ! Que celui qui a une
voi:i:clame la vérité dana la rue, dana les réunions de famille,
en grand ou en petit comité 1 Que celui qui a une plume
stigmatise les procédés nouveaux de panification 1 Que celui
qui a une influençe quelconque dénonce les pratiques dangereuses
du dirigisme et réclame, en matière alimentaire, la
stricte observance des lois de protection !
Demander l'application de la loi n'est pas, que nous
sachions, laire œuvre de rebelle. Exigeons donc l'exécution des
prescriptions de sauvegarde même contre ceux qui les ont
votées et en ont perdu le souvénir.
Est-il besoin de souligner que les grandes corporations du
blé et du pain sont les premières intéressées à nous suivre ?
Car que résulte-t-il de l'abaissement de qualité et, mieux encore,
de la toxicité du pain que nous flétrissons ? Rien d'autre
qu'une baisse prodigieuse de la consommation du pain en
France, baisse qui ne lait que croître et s'accentuer de jour
en Jour.
Les maladies du tube digestif sont aujourd'hui légion et
la première ordonnance du médecin en l'occurence contient
l'interdiction impérieuse de manger du pain. Au train dont
vont les constatations et avec l'aide de la Sécurité Sociale, qui
lait sans arrêt souche de malades, on peut prévoir que bien
avant la fin du présent siècle, personne ne consommera plus
de pain blanc.
Est-ce l'intérêt des producteurs de blé ? Est-cé l'intérêt
des producteurs de larine ? Est-ce l'intérêt des producteurs
de pain?
Les producteurs de blé sont proprement atterrés par l'importance
grandissante de leurs récoltes. Il n'est'pas un organisme
terrien que ne préocupe, jour et nuit, le problème des

88 LE SCANDALE DU PAIN
excédents. Le Président de l'Association Générale des Producteurs
de Blé et autres céréales, M. Jean Deleau, écrivait, le 9
Avril 1954, dans le grand hebdomadaire agricole «LA
TERRE NOUVELLE » ces lignes auxquelles nous nous en
voudrions de retrancher un seul mot :
« Il est essentiel pour que notre marché reste sain que
les quantités excédentaires soient résorbées tous les ans. Nous
avons la hantise des stocks volumineux et pensons que le
stockage ne doit pas dépasser certains chiffres ».
Il est difficile de mieux illustrer notre réprohation d'un
stockage démesuré. Mais là où M. Deleau s'égare c'est lorsqu'il
ajoute, par méconnaissance provisoire du problème, c'est-àdire
jusqu'à ce que sa bonne foi soit éclairée définitivement :
« Que faire de nos excédents ? N'ayons pas trop d'espoir
sur les débouchés intérieurs ; tout sera fait pour les augmenter
(consommation humaine et consommation animale) ; mais
ne nous faisons pas trop d'illusions sur ces possihilités :&.
L'incrédulité du Président de l'Association Générale des
Producteurs de Blé est parfaitement légitime. « Tout sera
faih pour augmenter la consommation humaine de pain
adultéré. Mais tant que ce pain sera adultéré, et il n'y a aucune
raison pour que cette adultération cesse de s'amplifier dans
nos temps de chimie alimentaire, la consommation humaine
se réduira de plus en plus.
Sans doute il reste la consommation animale, déjà
pratiquée en grand avant la dernière guerre et pour laquelle
on dénaturait au moyen de colorants, toxiques eux aussi.
Manière de significr, dans les faits sinon dans les phrases, que
le froment, nourriture divine, était bon pour lea porce. Maia
COMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? 81
l'intoxication indirecte du consommateur n'cet pas moins
haïssable que l'intoxication sans bête interposée. Le bétail
alimenté au blé fraudé, avec adjonction d'aniline, constitue
une nourriture dangereuse pour l'animal humain. Et l'on ne
nous fera tout de même pas admettre que l'ambition des
céréaliers de France est de travailler pour le bétail.
Quand aux débouchés de l'étranger, voici ce qu'en dit M.
Deleau lui-même :
« Le marché intérieur est actuellement dominé par des
facteurs de crise : stocks mondiaux considérables et prix
mauvais. L'organisation des marchés européens nous avait
laissé espérer des possibilités qui ne s'avèrent pas pour le
présent réalisables ».
Comment en serait-il autrement ? La France est un pays
qui produit cher. Et pourquoi produit-elle cher ? Parce
qu'elle n'est, ni matériellement ni psychologiquement, outillée
pour une production quantitative mais admirablement faite,
au contraire, pour une production qualitative. Nous allons
bientôt revenir sur ce point qui est la clé de voûte du problème.
Mais ne perdons pas de vue les dires de M. Deleau qui
termine de la sorte ce qu'il dit plus haut :
c Malgré cela (la crise du marché européen) l'O.N.I.C.
aura vendu au dehors - et il faut l'en féliciter - au cours de la
campagne qui va s'achever, grâce à la taxe de résorption et au
concours du Trésor, plus de 7 millions de quintaux de blé.
Prenons acte avec beaucoup de satisfaction de ce résultat, mais
sachons qu'il n'est atteint qu'au prix de sacrifices financiers
considérables. Sera-t-il possible, l'année prochaine de mettre
à l'unique charge des producteurs français la résorption des

88 LE SCANDALE DU PAIN COMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? 89
quantités importantes que nous aurons à sortir ? J'en doutc !
Les productcurs français feront l'effort maximum mais il est
essentiel que l'Etat nous aide, cn accordant à l'agriculture les
mêmes encouragements à l'exportation qu'à l'industric.
Nos prix intéricurs français d'ailleurs, qu'on nous reprochc
souvent injustement, sont conditionnés par nos frais de production
ct nous n'en sommes pas les maîtres ».
Ainsi le producteur de blé français ne pouvant produire
cette céréale à bon compte demandc au consommateur, c'està·dire
au contrihuable de l'aider : 10 à vendre son blé phul
cher qu'il ne vaut sur le marché intéricur ; 20 à vendre son blé
moins cher qu'il nc vaut sur le marché extérieur.
Quand il serait si simple de produire en moindre quantité
et à moins de frais un hlé de qualité poussé sans cn~rais et
susceptible de fournir à la meunerie et à la boulangerie une
farine saine et nutritive de nature à encourager une croisade
du bon pain ! Si la situation était ainsi modifiée tout le monde
s'attellerait à la réhabilitation du pain français, considéré
aujourd'hui comme l'ennemi N° 1 des voies digestives ct la
consommation reprendrait de telle sorte que les agricultcurll
n'auraient pas hesoin de s'adresser à l'étranger.
Une telle révolution alimentaire est-elle possiblc ? Nom~
le croyons. Non point au moyen dc la plus avcuglante
démonstration mais par la force même des choscs. La situation
mondiale du blé chimique deviendra à ce point catastrophiquc
qu'il arrivera à l'agriculture ce qui arrive à la viticulture. Le
Français sera dégoûté du pain COll1D1eil l'a été du vin. Pourtant
qui aurait dit qu'une telle désaffection flÎt possihle et
qu'on verrait une branche aussi importante de la production
nationale contrainte à l'arrachage systématise ?
•
Force nous cst d'insister sur une idée qui nous est chère
ct de rappeler ce que nous écrivions immédiatement après la
guerre dàns une brochure épuisée aujourd'hui :
« Quelle raison essentielle met donc la France économique
cn état d'infériorité par rapport aux autres nations du
monde ? C'est que la France, en raison de sa situation, de son
climat, de sa civilisation, du caractère de ses habitants, n'est
pas faite pour la production de la Quantité .
» Notre pays ne peut soutenir la lutte sur ce terrain où
dominent et domineront de plus en plus les pays jeunes et,
par conséquent prolifiques, les races pauvres et, par conséquent,
rudimentaires.
« La France ne sera jamais le pays de la production en
série. Ni son sol ni sa matière première ni ses traditions ne la
désignent pour le travail à la chaine. La France, agrégat
d'individualités autonomes, répugne également à la taylorisation
ct à la stakonovi!\ation. Ce sont là procédés à l'usage de
peuple neufs où la main-d'œuvre cst une chair sans âme,
bonne tout au plus à servir lcs intérêts d'une dictature ou d'un
trust.
» En revanchc la France est, de toute éternité, disposée
pour la production de la Qualité, cclle qui n'a rien à obtenir
d'un rendement arithmétique et qui, refusée on collectif, est
promise à l'individuel. La France n'est pas une addition d'êtres
inconscients pliés à une règle unanime, elle est la somme
d'individus conscients, amoureux de leur liherté.
» En ce qui touche spécialement l'agriculture, disons que
les procédés modernes des agronomes sont inapplicables dnns
notre pays compartimenté. En dehors des plaines de Beauce
et du Non1, oit la r,ranJc culture cst possible, un machinisme

90 LE SCANDALE DU PAIN
à l'échelle américaine est d'avance condamné. La France est
moins encore un damier d'exploitation contiguës qu'un puzzle
d'héritages enchevêtrés. Tous les remembrements n'y feront
rien, parce que la division des terres n'est pas seulement
d'origine successorale mais encore ordonnée par la nature
même du sol.
~ Ce qui, en matière de produits principaux, fait l'infériorité
du petit domaine français par rapport aux fermes géantes
d'Amérique, est précisément ce qui, en matière de production
secondaire, constitue sa supériorité. Le paysan français récolte
un peu de tout sur ses terrains ajustés depuis de longues
générations il leur production idéale. Il sait tout faire, peut
tout comprendre, est capable de s'adapter à tout.
~ Quand les temps nouveaux le dépouilleront de la protection
factice que lui donnent les taxes douanières dressées
contre l'importation, force lui sera d'abandonner partiellement
la culture à grand rendement, même à force d'engrais venus
de loin et de mécaniques coûteuses qui tendent à travestir
l'homme de la glèbe en chimiste et en mécano.
~ Et ce sera tant mieux pour tous car l'abus de la chimie
agricole conduit les hommes à s'éloigner chaque jour davantage
du produit naturel. Le blé français, le seigle français,
l'avoine française ne sont plus l'aliment riche d'autrefois, dû
à l'apport des espèces animales et à la décomposition naturelle
des végétaux. Les « beaux ~ blés modernes ont de moins en
moins de valeur alimentaire et sont, de plus en plus, de
l'amidon. Il leur manque la richesse subcorticale que l'humus
(aujourd'hui raréfié) déléguait sous la pellicule du son.
Combien savent que cette croûte du grain, abandonnée aux
animaux par la meule des petits moulins ou sournoisement
COMMENT LUTTER COLLECTIVEMENT? 91
dérobée par les cylindres trieurs des grandes minoteries, est
indispensable à la réfection des aliments nobles de la créature
humaine : matière grise, substance médulaire, glandes endocriniennes,
os, dents et nerfs ?
~ Le paysan français peut encore produire du blé naturel
par une judicieuse politique de fumure, orientée vers la
production et l'utilisation intelligente des fumiers et des
composts. Il existe des procédés, connus depuis l'antiquité et
que pratiquaient les Egyptiens dans la vallée du Nil, les Hébreux
dans la Palestine, les Chinois dans leurs terrains jardinés
et qui, par scarification adroite du sol, permettent d'opulentes
récoltes sans assolement rigoureux.
~ Le blé récolté ainsi sera peut-être plus petit, moins
« marchand ~ mais il sera plus vivant, comme celui de nos
ancêtres et la terre (ainsi qu'il apparait dans l'Amérique
effrayée) ne sera pas épuisée dans cinquante ans :t.
On nous pardonnera ce rappel qui, bien loin de constituer
une digression, nous remet au cœur du problème, lequel
repose avant tout sur la qualité originelle de la céréale-reine,
celle dont nous tirons notre pain.
Est-ce à dire que le monde de la meunerie est moins
intéressé que le producteur à l'amélioration des substances
panaires ? Certainement pas car la défaveur du pain le
menace gravement, lui aussi.
On aura beau multiplier la fabrication des semoules,
l'extraction des glutens et des aleurones, la demande des
fabricants de produits de régime ne compensera pas la désaffection
catastrophique de quarante-trois millions de mangeurs
de pain.

92 LE SCANDALE DU PAIN
D'ailleurs, nous l'avons indiqué précédemment, la séparation
des éléments supérieurs du blé est plus qu'une erreur ;
c'est une faute grave car on ne dissocie pas impunément ce
que la Nature a si merveilleusement assemblé. Tout a été
combiné, répétons-le, pour que le grain de blé représente un
tout où chaque principe est complémentaire des autres et dont
le retentissement humoral ne doit pas être altéré.
Supposons que le même procédé soit appliqué à la vinification
et que le chimiste traite préalablement le grain de
raisin, en sépare la pellicule, déshydrate la pulpe et extraie
des pépins les huiles essentielles. Croit-on vraiment que les
produits partiels ainsi obtenus puissent, en dépit des cuisines
les plus savantes, équivaloir par leur adjonction ou leur
réunion une bouteille de Beaune, de Frontignan, de Château­
Lafite ou une fillette de St-Nicolas-de-Bourgueil.
Et que dire du commerce de la boulangerie qui voit, avec
appréhension, s'affaiblir la consommation panaire et qui,
pour réaliser lcs mêmes bénéfices, est obligé de vendre de la
pâtisserie, de la confiserie, de l'épicerie, voire de la crèmerie,
de la fruiterie, etc... ?
Sans doute les fonds valent toujours eher mais la mévente
s'amorce pour eux comme pour les autres. L'ère est passée du
producteur.despote, du meunier-empereur et du boulangerroi.
L'avenir n'est plus à ceux qui panifient n'importe comment
et avec n'importe quoi mais à ceux qui se distingueront par
une fabrication honnête et soignée. Mais nous ne nous
étendrons pas davantage sur ce point qui fera l'objet du
chapitre dernier.
VIII
Comment lutter
Individuellement ?
Mais la meilleure arme est individuelle et tout consom.·
mateur l'a entre les mains.
Chacun d'entre nous est en mesure de peser directement,
efficacement,impérieusement sur la qualité du pain, au moins
dans sa phase terminale, celle où l'acheteur se trouve en
contact avec les agents de fabrication.
Si nous ne pouvons agir que collectivement à l'endroit
des producteurs de céréales et à l'égard des meuniers et
minotiers, nous sommes excellement outillés pour intervenir,
sans personne interposée, auprès des boulangers chez qui nous.
ramène quotidiennement le souci de notre pain.
Disons préalablement et d'une manière générale qu'il
existe un abîme entre la mentalité de l'acheteur d'avant 1914
et celle de l'acheteur d'aujourd'hui. Le client de la « beile
époque» était exigeant, tâtillon, marchandeur, souvent mauvais
payeur et, par contre, le vendéur était prévenant; conciliant,

LE SCANDALE DU PAIN
prêt au crédit le plus large. Les commerçants ne faisaient fortune
- et encore - qu'au bout d'une longue vie de lutte et
en raison tant de leur amabilité dans le négoce que de la
qualité de leurs produits.
Mais deux guerres ont ensanglanté depuis la plus grande
partie de l'Europe, faisant des morts innombrables, des infirmes,
des ruines et troublant gravement la production.
On a vu, dans les pages précédentes, à quel point
l'économie de la répartition a été faussée. Les produits devenant
rares, force a été de les contingenter par voie autoritaire
et d'en contrôler strictement la distribution.
Le marché noir, fils naturel des restrictions, intervint dam
les transactions et pervertit le jeu naturel des échanges. Les
riches eurent à leur disposition toutes les marchandises et les
pauvres n'eurent même pas le nécessaire et souffrirent de la
faim.
Dans cette atmosphère d'inégalité où les uns se gorgeaient
de superllu tandis que l'indispensable manquait aux autres,
tout ce qui détenait une denrée devint le centre des convoitiles
et c'est en raison de ce fait que le commerçant fut roi. Non
seulement il gagna heaucoup d'argent mais ses clients lui
prodiguèrent les courbettes. D'humble qu'il était il devint
arrogant et d'exigeante qu'elle était la clientèle se fit rampante.
Chacun s'évertua à se concilier, au besoin par des cadeaux, le
boucher, le fruitier, le laitier, l'épicier, etc ...
Le paysan, tant méprisé par les citadins, se vit l'objet de
prévenances attentives. Maintes personnes de la ville s'avisèrent
qu'elles étaient d'origine campagnarde et s'honorèrent
de cousins fermiers. Cultivateurs et meuniers apparurent
comme le centre du monde alimentaire et nous nous souvenons
COMMENT LUTTER INDIVIDUELLEMENT' 95
très bien d'un petit moulin de nos parages autour duquel
gravitaient les appétits de tout un arrondissement. On venait
de partout présenter ses devoirs au meunier et à la meunière; .
à pied, en voiture, à âne, à bicyclette et la campagne était
sillonnée de porteurs ou porteuses de petits sacs blancs. Les
gendarmes n'étaient pas les moins empressés à frauder les
règlementations économiques qu'ils étaient chargés d'appliquer
et à soustraire leurs familles à la rigueur des restrictions.
Dès lors comment le boulanger n'eût·il pas été le nombril
de l'univers économique ? En 1944 on tirait davantage de
gloire de la connaissancc d'un geindre que de l'amabilité d'un
ambassadeur. Les dons de toutc nature pleuvaient sur le dispensateur
du pain quotidien, en mesure de transformer la
ration-vieillard en ration-travai.11eur de force, nonobstant lei
tickets de la mairie et les prescriptions du ravitaillement.
A force de s'aplatir ct de s'humilier pendant de longuel
années l'échine du consommateur prit une courbure définitive.
C'est pourquoi il éprouve tant de peine aujourd'hui à Be
redresser ct à garder l'attitude d'un homme libre, qui traite
avec les fournisseurs sur le pied de l'égalité.
Or c'est cela qu'il importe avant tout de réformer. Les
temps d'or du commcrce sont révolus. Celui-ci retourne à l'âge
de fer et de pierre où la concurrence s'exerce férocement pour
la conquête des marchés. C'est le pauvre bougre d'acheteur
de 1940-1945 qui redcvient le maître de la situation et qui,
!leul, est en mesure de dicter ses conditions à ceux qui veulent
son numéraire. Voilà l'idée que nous devons nOU8 enfoncer
dans la tête si nous voulon8 être é.::onomiquement mieux servis.
Toutefois un nouveau facteur entre en jeu, que l'entre-

\
911 LE 8CANDALI: DU PAIN
guerres avait mis en évidence ; nous voulons parier de la
dégradation de la monnaie et de la chute perpendiculaire du
franc.
Ce dernier, parti du franc-or Poincaré, oÙ le métal
précieux ne s'évaluait déjà plus qu'en millimes, n'est désormais
que théoriquement l'étalon français. Ce n'est même plus
le billet de cent francs qui devrait représenter l'unité de base
et, au train dont va la planche à billets, cette unité ne pourrait
être bientôt que le nouveau billet de cinq cents. Peut-être estee
à cause de cette éventualité que, 80US les auspices de Victor­
Hugo, convié à patronner cette faillite, on l'a réduit au format
d'une demi-carte postale, en l>révision de l'heure où l'on
assignera les dimensions d'un timbre-poste au futur billet de
mille francs.
Plus d'une génération a grandi dans ce climat d'effondrement
monétaire et si les vieux d'avant 1914 gardent malgré
eux un certain respect des coupures de la Banque de France,
les jeunes ne leur attribuent que leur valeur réelle, c'est·à-dire
à peu près rien. On a beau leur faire observer que, même vidée
de son pouvoir d'achat, la monnaic 1955 est difficile à gagner
pour les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des hommcs, ils répondent,
assez justement, que l'efficacité de l'argent étant
précaire il sied, au plus vite, de le dépenser.
Que résulte-t-il de ceci ? C'est que le mépris où l'on tient
l'argent, qui s'amenuise tout seul et fond dans les bas de lainc,
entraine nécessairement l'habitude de ne contrôler ni prix ni
qualité. On entre dans les magasins et l'on paie sans discuter,
donnant l'impression au vendeur que l'acheteur est toujours
la même proie naïve que l'on peut tondre à son gré.
Or il faut que cela change et sans délai. Jamais occasion
/
COMMENT LUTTER INDIVIDUELLEMENT? 97
mciHeure ne s'est offcrte. Les acheteurs nc boudant les produits
qlle si leur bourse est vide les vendeurs s'efforcent de les tenter,
même démunis, par l'offre de longs crédits. Pour la première
Cois depuis 1940 nous entrons dans la période où le négoce,
quel qu'il soit, est contraint de solliciter la clientèle. A celleci
d'exploiter un tel avantage en imposant ses prix, ses
préférences et en exigeant de la qualité.
Grâce à Dieu - et aux circonstances politiques - le
consommateur n'est pas encore tenu par le dirigisme de s'adresser
exclusivement à un boulanger choisi par l'Etat. Il est
libre d'acheter chez celui qu'il a él~ de son propre gré et
d'cn changer chaque fois qu'il aura des raisons de le faire,
flauCdans les communes rurales qui ne comportent guère qu'un
seul boulangcr. Encore s'apercevra-t-on que, même dans ce
cas, le client a la possibilité de se procurer ailleurs le pain de
ses rêves, solution qu'on verra devenir de plus en plus courante
Ii mesure que de nouvelles organisations boulangères s'édifieront.
Que doit clonc fairc lc consommateur de pain Ii l'endroit
de son boulangcr habituel si celui·ci continue Ii utiliser des
farines chimiqnes ou appauvries, à se servir de levure non
alcooliquc au lieu de levain, Ii cuirc des miches trop aérécs,
sans saveur et qui ne se conservent pas?
Ce consommateur doit exposer à son boulanger, courtoisemcnt
mais fermeme~t, les raisons pour lesquelles il se
désaffectionne du produit qu'il mange, alors que si le pain
qu'on lui foumit était l'aliment complet qu'il doit être sa
consommation croîtrait automatiquement.
Le houlanger ne manquera pas de bonnes raisons. Ou
bien il sc retranchera derrière le fait qu'il ellt obligé de pren-
7

98 LE SCANDALE DU PAIN COl\lMENT LUTTER INDIVIDUELLEMENT? 99
dre les farines qu'on lui livre, puisque l'O.N.LC. ne lui laisse
pas la faculté de choisir lui-même son meunier. Ou bien il
s'obstinera à défendre la qualité de son pain et à lc déclarer
le meilleur du monde. Dans l'un et l'autre cas, lc lecteur, pré­
venu par ce qui précède, ne sera pas en peine de lui démontrer
son erreur. Les boulangers sont syndiqués et ont un
organisme central qui les représente ; c'est à lui d'agir auprès
des parlementaires et des pouvoirs publics pour faire desserer
l'étau d'une stupide réglementation. Si le boulanger trouve
que c'est bien ainsi, le consommateur doit le mettre en mesure
de changer son attitude et sa fourniture ou le prier de rcnoncer
à lui comme client.
Beaucoup d'acheteurs agissent déjà de la sorte et ce ne
sont pas les moins biens servis, on s'cn doute. Car le boulanger
a bien davantage besoin de sa clientèle que celle-ci n'a besoin
de lui.
Nombre de boulangers l'ont parfaitement compris et c'est
pourquoi l'on voit, de plus en plus, la corporation vendre des
pains dits de régime et mettre à la disposition du clicnt dcs
formules de pain complet.
Mais cela n'est pas suffisant, d'ahord pour une raison que
nous dirons au dcrnier chapitrc et qui nous fait douter dc la
valeur des farines prétendues complètes offertes à la consommation
; ensuite il n'est pas admissihle que le pain chimiqué
et appauvri demeure la règle alors que le pain naturel et sain
est considéré comme nourriture de malade et aliment d'exccption.
Un jour ou l'autre la boulangerie sera amenée à transformer
radicalement ses procédés de panification, soit par suite
de l'évolution normale des exigences de la clientèle, soit par
\,
1
1
j,
1
suite de l'établissement de grandes boulangeries assurant la
distribution sur tout le territoire d'un pain bien équilibré et
de longue conservation.
L'une des plus funestes habitudes du consommatem' est
celle du pain frais qui, sous une croûte dorée, offre de la mie
tendre. Ce produit vendu partout dans les villes et qui
s'est propagé jusque dans les ,campagnes, n'est qu'un triste
ersatz du vrai pain. Si son pouvoir nutritif est à peu près nul,
par contre ses propriétés malfaisantes· sont considérablcs. Il
constitue une véritable éponge sur laquelle s'évertuent en vain
les sucs de l'estomac. Lourd, indigeste, toxique (surtout quand
il est ingéré avec des substances grasses) le pain frais moderne
ne tente le goût que pendant quelques heures après sa cuisson.
Dès qu'il commence à rassir et ce rassissement est très rapide,
il devient flasque, élastique, insipide et malodorant.
Le bon pain, le pain naturel est fait pour être mangé
rassis ; le premier jour il est indigeste. C'est le lendemain et
lcs jours suivants qu'il atteint toute sa qualité. Il est dense,
parfumé, favorise la digestion et exerce sur l'intestin une
action bienfaisante. Sa conservation est aisée et l'on peut le
consommer seul ou avec tout autre aliment.
Il s'agit donc, en l'espèce, d'ulle rééducation complète de
l'acheteur. Ce dernier doit abandonner au vendeur 1e
complexe d'infériorité qui le mettait, lui client, en si mauvaise
posture et lui ravir, en échange, le complexe de supériorité
que la situation économique du commerçant ne justifie
plus.
Le boulanger n'a ni ù imposer le poids ou la forme de son
pain mais à se ranger aux préférences de sa clientèle.

leo LE SCANDALE DU PAIN
Il existait naguère une variété de pain qui n'était pas la
moins hygiènique et qu'on appelait le pain au poids. C'était
d'ailleurs celle qui rencontrait le plus de chaland parmi les
classes pauvres ou peu argentées. Un pain d'un kilo pesait
alors mille grammes et non pas 6 ou 700 comme c'est fréquemment
le cas aujourd'hui. Si ce pain ne représentait pas
intégralement le kilo le boulanger faisait l'appoint au moyen
d'un morceau supplémentaire, pesé lui aussi devant le client.
Toutes ces bonnes. habitudes sont perdues et paraissent
enterrées en raison des circonstances économiques nouvelles.
Mais ces circonstances étant modifiées, rien ne s'oppose à ce
que renaissent les habitudes du passé. Cette réforme ne peut
être acquise sans le concours direct de l'acheteur qui doit
parler haut, en toutes circonstances. Dans une boutique pleine,
aux heures d'affiuence,il suffit d'un homme et, préférablement,
d'une femme énergique pour déterminer l'attitude des autres
assistants.
Jamais l'occasion n'a été meilleure d'imposer la volonté
du client alors que, pour la première fois en France, la récolte
de blé a dépassé cent millions de quintaux, contre une
moyenne de quatre-vingt-cinq avant la guerre et tandis que
de gros excédents subsistent de l'année d'avant.
Tout le monde n'est pas qualifié de même pour donner
aux boulangers les raisons valables de ses préférences. Les
lecteurs de ce livre, parce qu'ils seront informés, deviendl·o.~t
les meilleurs propagandistes de la croisade du bon pain.
Il ne s'agit de rien de moins que d'une réhabilitation de
cette denrée première, adultéréé depuis un demi-siècle par des
procédés aberrants.
Mais, comme nous le disions au chapitre précédent, l'ac-
COMMENT LUTTER INDIVIDUELLEMENT? 101
tion directe chez le boulanger est insuffisante puisque celui-ci
n'est responsable que de la qualité de la panifiéation et non
de la qualité de la farine qu'on lui impose, de même que le
minotier n'est pas responsable de la qualité du blé qui lui est
assigné arbitrairement par l'O.N.I.C. Chaque client et chaque
clien.aeayant atteint l'âge de majorité'est électeur ou électrice.
En cette qualité l'un et l'autre doivent protester avec la dernière
énergie auprès des parlementaires· de leur circonscription.
Les mieux doués élaboreront des pétitions et recueilleront
des signatures dans leur entourage. Les autres répandront leurs
vucs dans le public et le privé. Les abonnés des journaux ­
dont ceux-ci, et pour cause, tiennent le plus. grand compte ­
s'efforceront d'obtenir de ceux-ci des campagnes en faveur du
meilleur pain et du meilleur blé.
Il importe, somme toute, de créer un nouveau courant au
moment où l'ancien est contrarié et 6.étri par les médecins et
les hygiènistes. L'enjeu en vaut singulièrement la peine puisqu'il
n'est autre que votre santé, la santé des vôtres et celle
de la Nation.

IX
Le Boulanger Idéal
est à créer
Le boulanger idéal, comme le pain idéal, est à créer.
Avant 1940des tentatives avaient été faitee pour doter lee
consommateurs d'un pain de qualité. La plus moderne semblait
celIe d'une entreprise viennoise où tout le circuit panaire était
mécanisé. Depuis le sac contenant la farine jusqu'au panier
de l'acheteur pas une fois la main de l'homme n'intervenait
et tout était réalisé mécaniquement : pétrissage, cuilson et
ensDchage.Mais cela ne représentait que le curriculum aseptique
d'un produit fait avec des éléments incontrôlés. De plus
la mécanisation rendait la panification encore ,plus artificielle.
Plus intéressante s'avérait la firme dite « BON PAIN
D'AUTREFOIS) qui, sous enveloppe fermée, offrait à Paril,
vers 1935·1936,un pain fariné, garanti au levain, dont le goiit
était agréable et qui le conservait plulieurs jours. Nous
ignorons si cette fabrication ee pounuit encore. Elle avait
réussi à s'étendre dans d'aeeez nombreux dépôts. Aucuné

101 LE SCANDALE nu PAIN LE BOULANGER IDEAL EST A CREER 105
garantie n'était donnée cependant fJue ce pain, quoique
savoureux, fût élahoré au moyen de froment de qualité certaine,
c'est-à.dire poussé sans engrais chimique, non fermenté,
non parasité, non carencé.
C'est qu'en effet la résurrection du bon pain suppose une
,réforme des procédés de culture, de récolte, ùe battage, d'ensilage,
de conservation, de broyage, ùe tamisage, de blutage,
de pétrissage, de cuisson et de présentation.
Toutes les conditions de sa réalisation ne pourront être
ohtenues d'un coup, autant du moins que sera maintenue la
Bastille dirigiste qui, supprimant la concurrence, supprime
les possibilités d'amélioration. En attendant, l'effort doit porter
sur la phase ultime du circuit panaire, celle qui est immédiatement
à notre portée et sur quoi s'exerce directement notre
action.
Le premier résultat spectaculaire obtenu par les végéta.
riens et les hygiènistes a été d'introduire dans le grand public
l'idée du pain complet.
Le pain complet est celui qu'on obtient avec le produit
intégral de la mouture, par conséquent sans blutage et qui
représente le grain de blé cent pour cent.
Le principe en est excellent mais la mise en pratique de
la théorie révèle plusieurs inconvénients du système qui lont
d'ordre très différent.
1° - Le pain complet, c'est-à-dire contenant la totalité du
son, n'a pas bon aspect. Il est gris ou brun et son odeur n'a
rien qui rappelle la mie savoureuse et parfumée du pain
naturel. Son goût est encore plus détestahle que son odeur,
alors que le pain mi.froment, mi-seigle, bien que lui aussi de
tonalité foncée, demeure agréable à voir, à sentir et à manger.
2° - Le pain complet que l'on commence à trouver dans
la plupart des boulangeries citadines, obligées malgré elles de
se conformer aux demandes de leurs clients ,est fabriqué dans
les mêmes conditions que le pain blanc, avec des levures
chimiques. Lui aussi est pétri mécaniquement et cuit, la
plupart du temps, au mazout.
3" - Autre objection beaucoup plus grave. Les boulan·
gers, contraints par la demande à tenir le pain complet, n'ont
pas tous fait l'effort d'obtenir du meunier ou minotier une
farine entière. Certains d'entre eux - et nous craignons leur
nomhre - ont imaginé de tourner la difficulté en incorporant
du son à la farine d'amidon. On devine les résultata d'une' telle
opération qui, si elle laisse au boulanger d'appréciables bénéfices,
frustre le consommateur des substances les plus richel
du blé initial. Ce pain « complet :t est donc encore plus
incomplet que l'autre puisqu'il remplace de la farine, même
inférieure, par du son. Il est d'ailleurs assez facile dè s'en
apercevoir en examinant une coupe de mie. Le son ajouté, au
lieu d'être uniformément mélangé, comme dans le pain de
farine entière, est réparti inégalement. Il n'est d'ailleurs pal
exclu que la farine ainsi « tripotée :t soit parfois l'œuvre du
meunier ou minotier.
Une telle pratique ne constitue rien de moins qu'une
escroquerie et n'importe quel consommateur est en droit d'en
aviser le Service des Fraudes et, au besoin, le Parquet.
Il est inadmissible que, sous couleur de pain complet, on
administre au consommateur un pain encore plus indigent

106 LE SCANDALE DU PAIN LE BOULANGER IDEAL EST A CREER 101
que celui du restc de la boutique après l'avoir majoré de
scandaleuse façon.
4° - Si la théorie du pain complet est séduisante au
premier abord elle ne résiste pas à la réflexion du bon
hygièniste. Il n'est effet, nullemcnt souhaitable que tout le Sorl
soit compris dans la farine destinée à la panification. Seule,
la partie du son qui se trouve immédiatement sous la pellicule
est riche de bienfaits et ne doit pas être éliminée par un
blutage excessif. Autrement dit, l'Homme doit consommer le
derme du blé mais non son épiderme. Celui·ci n'est bon qu'à
aérer les pâtées destinées au bétail. L'idéal serait un blutage
à 90 % qui garderait à la moûture toutes ses richesses en ne
rejetant que ses pauvretés. Alors la farine extraite de bon blé
redeviendrait le puissant constituant et reconstituant qu'elle
fut pendant des centaines de siècles avant que la chimie ne
s'en emparât.
Au risque de nous répéter - mais jamais trop de clarté
ne sera souhaitable - disons que si le pain complet authenti·
que à 100 % nous parait une formule excessive, nous ne
saurions assez flétrir la pratiquc ci·dessus visée de la farine
« reconstituée » où l'on se contentc d'ajouter des pellicules de
son à de la farine blanche, donc de la cellulose à de l'amidon.
Et redisons aussi que ce soi·disant pain complet, si ironiquement
offert par certains boulangers à leurs clients naturistes,
est totalement privé des élémcnts csscntielt1 du blé
renfermés sous l'enveloppe et qui, sels vitaux et germes en tête,
ont abandonné leurs huiles phosphorées, leurs glutens, leurtl
aleurones, etc ... aux fabricants de spécialités alimentaires
dont le commerce est une monstrueuse hérésie puisqu'il dislocie
les parties d'un tout parfait.
Prétention démente de l'homme industriel qui entend
refaire à sa manière le chef-d'œuvre nutritif élaboré par la
Nature et qui devrait être respecté.
Lc courant actuel vers le bon pain est si puissant que le
négocc a entrepris d'en commercialiser l'idée.
A mesure que croissent les effectifsde la clientèle naturiste
des gens avisés en ont commencé l'exploitation. Jamais on n'a
vu se créer tant de magasins de vente des produits dits de
« régime ».
Ce dernier nom, à lui seul, est la marque d'une erreur.
Qui dit régime dit état d'exception qu'on assimile ordinairement
à celui des personnes dont la santé est déficiente. Observer
un régime suppose une maladie. Les clients des maisons
de régime seraient donc tous des malades au regard des
marchands de produits spéciaux,
On nous permettra de protester avec énerr,ie contre cette
fausse conception des choses. En matière de pain notamment
nous pensons que ce sont les mangcurs de pain toxique et
carencé qui sont des malades ou des candidats à la maladie
et que ce sont les mangeurs de pain naturel et sain qui sont
candidats à la santé ou bien portants.
Et l'on arrive à ce résultat paradoxal : le pain trafiqué,
chimiqué, objet de cent manipulations, additions, soustractions,
etc... qui devrait, en raison des complications de sa
fabrication, coûter bien plus cher que l'autre, est vendu à un
tarif légal de 54 à 56 Fr le kilo au moment où nous écrivons
ces lignes, alors que le pain complet obtenu directement de la
farine issue de meules de pierre, donc avec le minimum
d'industrie et de main-d'œuvre, est vendu à un prix - qui

108 LE SCANDALE DU PAIN LE BOULANGER IJ)EAL EST A CREER II'
varie avec la splendeur des magasins et selon la tête des
clients - allant de 80 à 120 Fr le kilo.
L'hebdomadaire «AUX ECOUTES DU MONDE) s'en est
fait l'écho dans son numéro du 21 Mai 1954 :
« On pénalise les consommateurs qui, fidèles à notre
aliment national, veulent se le procurer de bonne qualité et,
dans ce dessein parcourent souvent d'assez longues distances
pour l'acquérir dans les maisons spécialisées.
» Or une variété courante de ce genre de pain, tarifée
QUATRE-VINGT-DIX FRANCS pour un kilo environ, est
montée récemment à CENT SEPT FRANCS.
» Explication demandée, voici la réponse : Ce pain là
est fait avec DE LA BONNE FARINE. Alors c'est du LUXE,
malgré le son ».
L'impartialité qui préside à notre étude nous fait un
devoir de dire que l'augmentation de dix-sept francs signalée
par le périodique n'est pas due à l'initiative du fournisseur
mais représente la taxe à la valeur ajoutée et se trouve, par
conséquent, être le fait de l'Etat. Car celui-ci, monstrueusemcnt,
assimile le lJain complet aux produits de luxe (1), tels
que biscottes, pain d'épice, biscuits, pain au raisins, etc ...
Car on en est arrivé là. Le produit naturel, que n'a pas
dénaturé la main de l'homme, est devenu un produit de luxe
dans un univers adultéré. La même constatation peut être
faite dans le domaine du sel que, parait-il (mais nous n'osons
croire à un tel crétinisme des pouvoirs publics) nul n'a le
droit de puiser directement avec l'eau de mer, en vertu de
réglements qui datent de la gabelle. Dans ce domaine, en effet,
on arrive à l'cffarant résultat que voici. Le sel gemme, lequel
n'a aucune sorte de bienfaisance vitale et qui est, du ~oint de
vue biologique un aliment mort, est extrait de mines souvent
profondes par une main-d'œuvre spécialisée, dans des conditions
d'exploitation dangereuses et onéreuses. Il est trié,
raffiné et vendu au prix de 40 Fr le kilo chez le détaillant. Pu
contre, le sel marin, chargé de magnésium, d'iode, de brôme
et d'autres éléments de supervie, ce gros sel gris, en somme,
qu'il suffit de râtisser à mesure que l'eau s'évapore dans les
marais salants, ce sel marin enfin qui n'exige aucune
manipulation, aucun raffinage et qu'il suffit d'amener de
l'étier au chaland dans son état primitif, ne peut être trouvé
que sur les rayons d'épicerie hautement spécialisées et, préférablement,
dans les maisons de régime où il atteint un prix
scandaleux.
On se demande jusqu'où ira l'audace de la sophistication
triomphante dans son désir de substituer l'artifice au produit
naturel. Les résultats de ce « knockisme :t alimentaire sont là
pour justifier notre crainte. Les naturistes sont pénalisés en
raison de ce qu'on les tient pour des consommateurs exceptionnels.
Ce qui est faux, aujourd'hui plus qu'hier et le sera
demain plus qu'aujourd'hui, car les hommes et les femmes
altérés de simplicité voient leur nombre croître d'heure en
heure. Ces hommes et ces femmes sont aujourd'hui légion ;
ils seront bientôt multitude, quand les braves gens en auront
assez d'être empoisonnés et carencés.
Les livres, les périodiques naturistes ne se comptent plus
et leurs lecteurs seraient plus noinbreux encore si le sectarisme
- qui s'introduit partout - n'amenait auteurs et direc-

110 LE SCANDALE DU PAIN
teurs de périodiques à s'excommunier mutuellement et à se
contredire, ce qui n'est pas fait pour rallier les hésitants.
Comme il était à prévoir, des entreprises se sont fondécs
pour fournir aux consommateurs de produits naturels les
aliments qu'ils ne trouvent pas chez leurs fournisseurs habituels.
Si certaines de ces organisations apportent une rare
conscience et des soins minutieux dans la recherche des
produits, leur manutention, leur conservation, leur expédition,
il en est d'autres malheureusement où règne le désordre. Nous
avons fait nous-même, avec bien d'autres, l'expérience de
firmes à allure désintéressée, qui livrent des aliments avariés.
C'est ainsi que sur la foi de boniments fallacieux, des végétariens
ont acquis du pain moisi et des dates véreuses.
Heureusement l'exception confirme la règle et, en général,
les produits livrés par les maisons de régime sont de qualité.
Nous regrettons seulement qu'ils soient aussi des produits de
luxe, trop raffinés, trop bien empaquetés et étiquetés alors
qu'ils devraient être non point l'apanage des clients à l'aise
mais le lot normal et accessible de tous.
Il nous aurait été agréable de pouvoir donner l'adresse
de tous les bons producteurs de semences et de toutes les
bonnes boulangeries, de même que celles des publications qui
se sont consacrées à la remise en ordre de la santé par des
moyens naturels. Cela nous eût demandé trop de temps, trop
de recherches et nous nous serions exposés à en omettre
beaucoup.
D'autre part, certaines de ces entreprises disparaissent
alors que d'autres naissent puisque le commerce est une
constante évolution. Un tel fichier n'eût jamais été à jour et
LE BOULANGER IDEAL EST A CREER 111
eût comporté nécessairement erreurs et déficiences, sans
compter qu'en aucun cas nous n'aurions pu répondre de la
parfaite rectitude de tous les producteurs et négociants.
Nous nous contenterons donc de citer quelques exemples
destinés à étayer notre ouvrage. Celui d'entre eux qui nous
parait le plus significatif a fait l'oh jet d'une annonce dans la
revue « BIO-NATURISME » de ces derniers temps. A elle
seule cette publicité nous parait renfermer tout un programme.
Nous la livrons telle quelle à la méditation des autres boulangers
:
« LE PAIN TOTAL » Farine de blé pur. Broyage à la
meule. Levain naturel. Cuisson au bois. »
Théoriquement cette formule répond à tous nos vœux,
surtout si le boulanger en question est en mesure d'obtenir
que sa farine soit extraite de blé poussé sans engrais et conservé
dans un grenier de ferme.
En tout cas cette annonce constitue la preuve qu'il existe
une vaste clientèle pour lc retour à la nature et à la simplicité.
Souhaitons quc cct cxcmple soit suivi ct généralisé dans toute
la France. D'ici là tous lcs Parisiens qui ne veulent pas être
carencés ni intoxiqués savent qu'il existe dcs boulangeries « à
la page », c'cst-à-dire qui, dans leur extrême modernisme,
n'hésitcnt pas à recourir aux procédés les meilleurs et les
plus éprouvés de l'ancien tcmps.
Nous pouvons également citer, parmi les sélectionneurs de
blés et les producteurs de semences de bonne valeur panaire
M. Raoul Lemaire, 3, rue Parvis St-Maurice, Angers (Maine.
et-Loire) qui parait disposer d'excellentes variétés.
La question du bon pain a spécialement préoccupé les
auteurs de « NOUS SOMMES CE QUE NOUS MAN.

112 LE SCANDALE DU PAIN LE BOULANGER IDEAL EliT A CREER 113
GEONS » (1), Mme Germaine Désir et M. Maurice Poyet qui,
pour concrétiser leur enseignement diététique ont créé le
« Pain-de-Vie Désir-Poyet » au levain naturel des ferments
sauvages céréaliens.
Il existe certainement d'autres maisons honnêtes capables
de faire un pain naturel avec du bon blé mais ces maisons
sont presque toutes à Paris et les consommateurs de province
sont réduits aux envois par poste, ce qui met le bon pain à un
prix excessif.
N'est-il pas stupéfiant que telles de nos plus grandes villes
ne comportent même pas un unique boulanger capable de
vendre un pain de totale qualité ? Pour notre part nous avons
en vain cherché ce détaillant dans la ville de Nice qui
comporte, été comme hiver, population flottante comprise,
plusieurs centaines de milliers d'habitants.
Ce que nous venons de dire et les rares adresses données
par nous à titre d'exemple n'ont qu'une valeur de « dépannage
~ momentané pour les consommateurs désireux de
réformer sans attendre leur alimentation de base en commençant
par le pain.
On conçoit cependant que notre but essentiel n'est
pas de favoriser les entreprises privées les plus méritoires mais
bien de provoquer en France une réforme totale des procédés
de culture du blé et de fabrication du pain.
Nous ne noùs flattons pas de redresser d'un coup la
situation, surtout en ce qui concerne l'usage des engrais et les
méthodes de culture mécanique. Trop d'intérêts immédiats
(1) Chez les auteurs, 210 bis, Bd Pereire, Paris (17').
.
1·
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1
\
f
et de questions d'argent sont en jeu. Nous voulons seulement
apporter une pierre de taille à l'édifice nouveau que bien d'autres
que nous construiront en matière d'alimentation et qui
ne tend à rien de moins qu'à se substituer aux gratte-ciel du
dirigisme et de la sophistication.
Cette réforme est dans l'air et tout le monde, le voulant
ou non, contribue à sa venue. Les paysans les plus endurcis
dans l'usage des poisons terriens rendent involC?ntairement
hommage aux simplificateurs que nous sommeslorsqu'il sèment
à part, sans engrais ni insecticides et dans un coin de. terre
choisie, le froment qu'ils destinent à leur propre usage et la
pomme de terre réservée à leur propre consommation.
Mais, par dessus tout, nous voulons amener les pouvoirs
publics, au moyen d'innombrables protestations individuelles,
à rendre au commerce du blé et du pain la liberté à laquelle il
a droit. Rien d'heureux et de fécond ne peut naître que de la
libre concurrence. Ceux qui ne sont pas en mesure de produire
ou de fabriquer bon et bon marché constituent des éléments
nocifs de l'économie générale et doivent être éliminés.
Seuls demeureront, par conséquent, les meilleurs et les
mieux doués en un temps où, pour la premiè.re fois depuis
quinze ans, les consommateurs peuvent élever la voix et dicter
leurs préférences. C'est donc de vous, lecteurs, de votre initiative,
de votre énergie, de votre persévérance que dépend
finalement la décision.
Puisque l'idée se sème comme le blé, fermente comme le
levain et lève comme la pâte, vous aurez, vous et vos familles,
le blé et le pain que vous aurez semés.
8

1\;B13 IGB11 Bazainville Prix GB14 GB12 GB31Danglespirituel
GB24 GB15 0023 GB25[)j GB30 0034 GB26 GB22 GB27[)j GB29 GB37[)j 0036 GB10 GB35 0018 GB19 GB38[)j GB39 GB21 GB28 GB41 GB40 GB33Danalespirituel
0032 0016 0620 0017 AubaneilDangles 004Rammarion GB3 GB1 002 GB8 GB9 007 005Rammarion 006Rammarion Courrierdu Courrier Astre Omnium Courrier Calman-tévy Adyar J. Adyar Nelaus/ Rammarion Calman-tevy Aammarion La RaI EDTIONS Qivenl de J.Qivenspirituel Nelaussociété Dangles Nerausociété Stocknature Aillaud Dangles Sourcariesociété Adyar Ermite Dangles Darvy Ermitenature Astre / Rlseauspirituel
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GENRE humour roman nature roman Livre Lu poésie Lu roman irituel spirituel
spirituel société TlrRE ANNEE
1949 1943 1938
1937 1928 1927 1950 1949 1946 1939 1945 1946 1926 1926 1950 1939 1937 1946 1939 1944 1936 1931 1949 1936 1942 1951 1951 1943 1947 1953 1951 1953 1929 1936 1935 1947 1950
1942 1949
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Astre Danales Nelausociété Nelausociété Auteursociété Adyar Astre Astrespirituel Nzet AGBspirituel
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ésotérique 1AOOvécu 1AGBspirituel
vie spirituel ésotérique société d'or 1AGB spirituel
AGB AOOspirituel AGBspirituel AOOspirituel AGB / spirituel spirituel AOOsociété natUf8 2002 1954 1955 1966
1964 1964 1961 1963 1962 1960 1963 1959 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1968 1963 1955