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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 74<br />
Chacun son rô<strong>le</strong> ; <strong>le</strong>s hommes des ateliers s'étaient retirés, <strong>le</strong>s hommes du<br />
comptoir parurent.<br />
C'est alors que <strong>le</strong>s malheureux auxquels la victoire avait été remise en dépôt,<br />
après avoir essayé de replacer Char<strong>le</strong>s X sur son trône, sentant qu'il y allait de <strong>le</strong>ur<br />
vie, et n'ayant point <strong>le</strong> courage de braver <strong>le</strong>s dangers d'une tel<strong>le</strong> trahison,<br />
s'arrêtèrent à une trahison moins péril<strong>le</strong>use ; un Bourbon fut proclamé roi ; dix à<br />
quinze mil<strong>le</strong> bourgeois installés à demeure dans <strong>le</strong>s cours du nouveau palais,<br />
pendant nombre de jours, saluèrent <strong>le</strong> maître de <strong>le</strong>urs cris d'enthousiasme, sous la<br />
direction des agents payés par l'or royal. Quant au peup<strong>le</strong>, comme il n'a pas de<br />
rentes et n'a pas <strong>le</strong>s moyens de flâner sous <strong>le</strong>s fenêtres des palais, il était dans ses<br />
ateliers. Mais il n'a point été complice de cette indigne conspiration qui ne se fût<br />
pas accomplie impunément s'il avait trouvé des hommes capab<strong>le</strong>s de guider <strong>le</strong>s<br />
coups de sa colère et de sa vengeance. Trahi par ses chefs, abandonné des éco<strong>le</strong>s, il<br />
s'est tu en faisant ses réserves comme en 1815. Je vous citerai un exemp<strong>le</strong>. Un<br />
cocher de cabrio<strong>le</strong>t qui me conduisait samedi dernier, après m'avoir raconté la part<br />
qu'il avait prise au combat des trois jours, ajouta : « Je rencontrai sur <strong>le</strong> chemin de<br />
la Chambre la procession des députés qui se dirigeaient vers l'Hôtel de Vil<strong>le</strong>. Je <strong>le</strong>s<br />
suivis pour voir ce qu'ils allaient faire. Alors j'ai vu Lafayette paraître sur <strong>le</strong> balcon<br />
avec Louis-Philippe et dire : « Français, voici votre roi ! » Monsieur, quand j'ai<br />
entendu ce mot-là, c'est comme si j'avais reçu un coup de poignard. Je n'y voyais<br />
plus, je me suis en allé. » Cet homme, c'est <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>.<br />
Tel<strong>le</strong> est donc la situation des partis immédiatement après la révolution de<br />
juil<strong>le</strong>t. La haute classe est é<strong>cras</strong>ée ; la classe moyenne, qui s'est cachée pendant <strong>le</strong><br />
combat et qui l'a désapprouvé, montrant autant d'habi<strong>le</strong>té qu'el<strong>le</strong> avait montré de<br />
prudence, escamote <strong>le</strong> fruit de la victoire remportée malgré el<strong>le</strong>. Le peup<strong>le</strong>, qui a<br />
tout fait, reste zéro comme devant. Mais un fait terrib<strong>le</strong> s'est accompli. Le peup<strong>le</strong><br />
est entré brusquement comme un coup de tonnerre sur la scène politique qu'il a<br />
en<strong>le</strong>vée d'assaut, et, bien que chassé presque au même instant, il n'en a pas moins<br />
fait acte de maître, il a repris sa démission. C'est désormais entre la classe<br />
moyenne et lui que va se livrer une guerre acharnée. Ce n'est plus entre <strong>le</strong>s hautes<br />
classes et <strong>le</strong>s bourgeois ; ceux-ci auront même besoin d'appe<strong>le</strong>r à <strong>le</strong>ur aide <strong>le</strong>urs<br />
anciens ennemis pour mieux lui résister. En effet, la bourgeoisie n'a plus<br />
longtemps dissimulé sa haine contre <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>...<br />
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Que si nous examinons la conduite du gouvernement, il y a dans sa politique la<br />
même marche, la même progression de haine et de vio<strong>le</strong>nce que dans la<br />
bourgeoisie dont il représente <strong>le</strong>s intérêts et <strong>le</strong>s passions...<br />
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Dans <strong>le</strong> principe, lorsque <strong>le</strong>s pavés des barricades jonchaient encore <strong>le</strong>s rues,<br />
on ne parlait que du programme de l'Hôtel de Vil<strong>le</strong>, des institutions républicaines ;<br />
<strong>le</strong>s poignées de main, <strong>le</strong>s proclamations populaires, <strong>le</strong>s grands mots de liberté,