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Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 73<br />

regrettent que la garde nationa<strong>le</strong> n'ait point existé <strong>le</strong> 26 juil<strong>le</strong>t, qu'ils accusent<br />

l'imprévoyance et la folie de Char<strong>le</strong>s X qui a brisé lui-même l'ancre de son salut. Il<br />

était trop tard pour ces regrets. Vous voyez que pendant ces jours, où <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> fut<br />

si grand <strong>le</strong>s bourgeois ont été ballottés entre deux peurs, cel<strong>le</strong> de Char<strong>le</strong>s X d'abord<br />

et cel<strong>le</strong> des ouvriers ensuite. Nob<strong>le</strong> et glorieux rô<strong>le</strong> pour ces fiers guerriers qui font<br />

flotter de si hauts panaches dans <strong>le</strong>s parades du Champ de Mars.<br />

Mais, citoyens, comment se fait-il qu'une révélation si soudaine et si redoutab<strong>le</strong><br />

de la force des masses soit demeurée stéri<strong>le</strong> ? Par quel<strong>le</strong> fatalité, cette révolution<br />

faite par <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> seul et qui devait marquer la fin du régime exclusif de la<br />

bourgeoisie ainsi que l'avènement des intérêts et de la puissance populaire, n'a-tel<strong>le</strong><br />

eu d'autre résultat que d'établir <strong>le</strong> despotisme de la classe moyenne, d'aggraver<br />

la misère des ouvriers et des paysans et de plonger la France un peu plus avant<br />

dans la boue ? Hélas ! <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>, comme cet autre ancien 1 , a su vaincre, mais n'a<br />

pas su profiter de la victoire. La faute n'en est pas toute à lui. Le combat fut si<br />

court que ses chefs naturels, ceux qui auraient donné cours à sa victoire, n'eurent<br />

pas <strong>le</strong> temps de sortir de la fou<strong>le</strong>. Il se rallia forcément aux chefs qui avaient figuré<br />

en tête de la bourgeoisie dans la lutte par<strong>le</strong>mentaire contre <strong>le</strong>s Bourbons.<br />

D'ail<strong>le</strong>urs, il savait gré aux classes moyennes de <strong>le</strong>ur petite guerre de cinq ans<br />

contre ses ennemis, et vous avez vu quel<strong>le</strong> bienveillance, je dirai presque quel<br />

sentiment de déférence il montrait envers <strong>le</strong>s hommes à habit qu'il rencontrait dans<br />

<strong>le</strong>s rues après la batail<strong>le</strong>. Le cri de « Vive la Charte » dont on a si perfidement<br />

abusé n'était qu'un cri de ralliement pour prouver son alliance avec ces hommes.<br />

Sentait-il déjà, comme par instinct, qu'il venait de jouer un tour fort désagréab<strong>le</strong><br />

aux bourgeois, et, dans sa générosité de vainqueur, voulait-il faire <strong>le</strong>s avances et<br />

offrir paix et amitié à ses futurs adversaires ? Quoi qu'il en soit, <strong>le</strong>s masses<br />

n'avaient exprimé formel<strong>le</strong>ment aucune volonté politique positive. Ce qui s'agitait<br />

en el<strong>le</strong>s, ce lui <strong>le</strong>s avait jetées sur la place publique, c'était la haine des Bourbons,<br />

la résolution ferme de <strong>le</strong>s renverser. Il y avait du bonapartisme et de la République<br />

dans <strong>le</strong>s vœux qu'el<strong>le</strong>s formaient pour <strong>le</strong> gouvernement qui devait sortir des<br />

barricades.<br />

Vous savez comment <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>, dans sa confiance aux chefs qu'il avait acceptés<br />

et que <strong>le</strong>urs anciennes hostilités contre Char<strong>le</strong>s X lui faisaient considérer comme<br />

ennemis aussi implacab<strong>le</strong>s que lui-même de toute la famil<strong>le</strong> des Bourbons, se retira<br />

de la place publique après la batail<strong>le</strong> terminée. Alors <strong>le</strong>s bourgeois sortirent de<br />

<strong>le</strong>urs caves et s'élancèrent par milliers dans <strong>le</strong>s rues que la retraite des combattants<br />

laissait libres. Il n'est personne qui ne se souvienne avec quel<strong>le</strong> merveil<strong>le</strong>use<br />

soudaineté la scène changea dans <strong>le</strong>s rues de Paris, comme sur un coup de théâtre,<br />

comment <strong>le</strong>s habits remplacent <strong>le</strong>s vestes en un clin d'œil, comme si la baguette<br />

d'une fée avait fait disparaître <strong>le</strong>s uns et surgir <strong>le</strong>s autres. C'est que <strong>le</strong>s bal<strong>le</strong>s ne<br />

sifflaient plus. Il ne s'agissait plus d'attraper <strong>le</strong>s coups, mais de ramasser <strong>le</strong> butin.<br />

1 Il s'agit d'Hannibal.

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