Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 54 la nécessité d'évacuer en province un million de femmes et d'enfants et de les remplacer par autant de jeunes provinciaux en état de porter les armes, du ravitaillement de Paris, de son armement à prélever sur les arsenaux de province, etc. Un dernier mot se terminait par une mise en accusation du gouvernement traître. De Bordeaux, Blanqui se rendit à Loulié (Lot), chez sa nièce, pour se reposer des événements parisiens. Mais ce repos fut de courte durée, car il tomba malade. C'est alors que, le 9 mars, il fut mis en jugement pour sa participation à la journée du 31 octobre. Le gouvernement violait son engagement de ne pas poursuivre les auteurs de ce soulèvement. Par décision du ministère de la justice, Blanqui fut arrêté à Loulié le 17 mars et conduit, tout malade qu'il était, à l'hôpital de Figeac le 18 mars, le jour même où la classe ouvrière prenait le pouvoir et proclamait la Commune à Paris. Lorsqu'on l'avisa de l'arrestation de Blanqui, Thiers, le bourreau de la Commune, s'écria : « Nous le tenons enfin, ce scélérat ! » Le 20 mars, Blanqui fut transféré à la prison de Cahors, où il fut incarcéré avec des prisonniers de droit commun, jusqu'à ce qu'on le mette au secret. Le 26 mars, il fut élu membre de la Commune de Paris 1 avec d'autres blanquistes : Tridon, Eudes, Flourens, Édouard Vaillant, Rigault, etc., qui avaient joué un rôle actif dans la révolution du 18 mars. Aux premières séances de la Commune, Blanqui fut élu président d'honneur. Ses amis eurent l'idée de proposer au gouvernement de Thiers de l'échanger contre certains otages de la Commune, parmi lesquels l'archevêque Darboy. Les pourparlers engagés entre un homme de confiance de l'archevêque et Thiers durèrent plus d'un mois, mais ne menèrent à rien. Thiers ne voulait pas libérer Blanqui, même contre 74 otages, et déclarait que « rendre Blanqui à l'insurrection équivalait à lui envoyer un régiment ». Après cet échec, la Commune vota un crédit de 50 000 francs pour préparer l'évasion de Blanqui de la prison de Cahors. Mais Granger, ami intime de Blanqui, à qui on avait confié cette mission, ne parvint pas à l'accomplir. Le 22 mai, Blanqui fut conduit au fort du Taureau, dans la baie de Morlaix, où il arriva deux jours plus tard. Il avait alors soixante-six ans et sa santé était compromise. Cependant le régime du fort du Taureau était très rigoureux. La cellule de Blanqui, située au sous-sol, était froide, sombre et humide. La surveillance était extrêmement sévère. Le commandant avait reçu l'ordre de tirer à la moindre tentative de fuite ; pendant la promenade, Blanqui était toujours accompagné de gardiens armés ; on interdisait aux bateaux d'accoster, etc. En outre le bruit incessant de la prison empêchait Blanqui de travailler et de se 1 Dans le XVIII e et dans le XX e arrondissements.

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 55 reposer, et la nourriture était très mauvaise. Livré à lui-même, il s'adonnait à la méditation. Pendant la promenade, il étudiait le ciel et la mer, suivait le mouvement des planètes. Les conclusions de ses observations se retrouvent dans L'Éternité par les astres et dans l'exposé sur les causes de la lumière zodiacale qui, plus tard, le 8 janvier 1872, fut lu à l'Académie des Sciences et publié le 27 janvier dans La République française. La même année, L'Éternité par les astres fut éditée en volume à Paris. Le 12 novembre 1871, Blanqui fut subitement transféré à la prison de Versailles. Pendant deux jours (le 15 et le 16 février 1872), après presque un an de détention préventive, le IV e Conseil de guerre de Versailles eut à se prononcer sur sa participation aux événements du 31 octobre et à d'autres manifestations ainsi que sur sa responsabilité « morale » dans l'existence de la Commune. Blanqui, alors âgé de soixante-sept ans, était un vieillard pâle et grêle d'aspect. Mais aucune prison n'avait pu le briser moralement. Il réfuta tous les arguments de l'accusation et termina par cette fière déclaration. Je ne suis pas ici pour le 31 octobre. C'est le moindre de mes forfaits. Je représente ici la République traînée à la barre de votre tribunal par la monarchie. M. le commissaire du gouvernement a condamné tour à tour la révolution de 1789, celle de 1830, celle de 1848, celle du 4 septembre. C'est au nom des idées monarchiques, c'est au nom du droit ancien en opposition au droit nouveau, comme il dit, que je suis jugé et que, sous la République, je vais être condamné. Blanqui fut reconnu coupable et condamné à la déportation et à la privation des droits civiques. La cour de cassation annula le jugement. Mais le 29 avril, le VI e Conseil de guerre le condamna à nouveau. On se proposait de l'exiler en Nouvelle- Calédonie, lieu de déportation des membres de la Commune, mais la commission médicale reconnut qu'il n'était pas en état de supporter un aussi long voyage. Le condamné à vie fut conduit à la prison centrale de Clairvaux (Aube). Clairvaux, vieille abbaye, avait été convertie en prison en 1789. À son arrivée, Blanqui y trouva 140 détenus politiques, condamnés comme anciens Communards. Il fut mis dans une cellule isolée, longue de 2m et large de 1m50, avec une fente étroite qui tenait lieu de fenêtre ; il était séparé des autres détenus et on ne lui donnait que rarement la permission de recevoir des visites familiales. Dans la prison humide de Clairvaux, la santé de Blanqui fut définitivement compromise ; pendant de longs mois, il ne quitta pas le lit. Plus tard, on lui donna une cellule plus large, mais toujours isolée, où il se sentait « enterré vivant », comme il l'écrivait à sa sœur. En janvier 1878, le journal socialiste L'Égalité fit campagne pour sa libération. On présenta sa candidature aux élections. En avril 1879, il fut élu député de Bordeaux au second tour de scrutin par 6 801 voix contre 5 330 au républicain bourgeois Lavertujon, ami de Gambetta. Mais la Chambre invalida l'élection de

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 54<br />

la nécessité d'évacuer en province un million de femmes et d'enfants et de <strong>le</strong>s<br />

remplacer par autant de jeunes provinciaux en état de porter <strong>le</strong>s armes, du<br />

ravitail<strong>le</strong>ment de Paris, de son armement à pré<strong>le</strong>ver sur <strong>le</strong>s arsenaux de province,<br />

etc. Un dernier mot se terminait par une mise en accusation du gouvernement<br />

traître.<br />

De Bordeaux, <strong>Blanqui</strong> se rendit à Loulié (Lot), chez sa nièce, pour se reposer<br />

des événements parisiens. Mais ce repos fut de courte durée, car il tomba malade.<br />

C'est alors que, <strong>le</strong> 9 mars, il fut mis en jugement pour sa participation à la journée<br />

du 31 octobre. Le gouvernement violait son engagement de ne pas poursuivre <strong>le</strong>s<br />

auteurs de ce soulèvement. Par décision du ministère de la justice, <strong>Blanqui</strong> fut<br />

arrêté à Loulié <strong>le</strong> 17 mars et conduit, tout malade qu'il était, à l'hôpital de Figeac <strong>le</strong><br />

18 mars, <strong>le</strong> jour même où la classe ouvrière prenait <strong>le</strong> pouvoir et proclamait la<br />

Commune à Paris. Lorsqu'on l'avisa de l'arrestation de <strong>Blanqui</strong>, Thiers, <strong>le</strong> bourreau<br />

de la Commune, s'écria : « Nous <strong>le</strong> tenons enfin, ce scélérat ! »<br />

Le 20 mars, <strong>Blanqui</strong> fut transféré à la prison de Cahors, où il fut incarcéré avec<br />

des prisonniers de droit commun, jusqu'à ce qu'on <strong>le</strong> mette au secret.<br />

Le 26 mars, il fut élu membre de la Commune de Paris 1 avec d'autres<br />

blanquistes : Tridon, Eudes, Flourens, Édouard Vaillant, Rigault, etc., qui avaient<br />

joué un rô<strong>le</strong> actif dans la révolution du 18 mars.<br />

Aux premières séances de la Commune, <strong>Blanqui</strong> fut élu président d'honneur.<br />

Ses amis eurent l'idée de proposer au gouvernement de Thiers de l'échanger contre<br />

certains otages de la Commune, parmi <strong>le</strong>squels l'archevêque Darboy. Les<br />

pourpar<strong>le</strong>rs engagés entre un homme de confiance de l'archevêque et Thiers<br />

durèrent plus d'un mois, mais ne menèrent à rien. Thiers ne voulait pas libérer<br />

<strong>Blanqui</strong>, même contre 74 otages, et déclarait que « rendre <strong>Blanqui</strong> à l'insurrection<br />

équivalait à lui envoyer un régiment ».<br />

Après cet échec, la Commune vota un crédit de 50 000 francs pour préparer<br />

l'évasion de <strong>Blanqui</strong> de la prison de Cahors. Mais Granger, ami intime de <strong>Blanqui</strong>,<br />

à qui on avait confié cette mission, ne parvint pas à l'accomplir.<br />

Le 22 mai, <strong>Blanqui</strong> fut conduit au fort du Taureau, dans la baie de Morlaix, où<br />

il arriva deux jours plus tard. Il avait alors soixante-six ans et sa santé était<br />

compromise. Cependant <strong>le</strong> régime du fort du Taureau était très rigoureux. La<br />

cellu<strong>le</strong> de <strong>Blanqui</strong>, située au sous-sol, était froide, sombre et humide. La<br />

surveillance était extrêmement sévère. Le commandant avait reçu l'ordre de tirer à<br />

la moindre tentative de fuite ; pendant la promenade, <strong>Blanqui</strong> était toujours<br />

accompagné de gardiens armés ; on interdisait aux bateaux d'accoster, etc. En<br />

outre <strong>le</strong> bruit incessant de la prison empêchait <strong>Blanqui</strong> de travail<strong>le</strong>r et de se<br />

1 Dans <strong>le</strong> XVIII e et dans <strong>le</strong> XX e arrondissements.

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