Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 46 prenait la parole à la Société républicaine centrale pour demander l'ajournement des élections fixées au 9 avril ; le 17 mars, il organisait une manifestation pacifique, mais impressionnante, dans le même sens. La lutte des classes en France s'aggravait de jour en jour. Blanqui était l'un des ennemis les plus dangereux de la bourgeoisie, qui s'en rendait parfaitement compte. La contre-révolution ne recula devant rien pour détacher les masses ouvrières de lui. Elle déclencha une campagne, dont la manifestation la plus odieuse fut le document Taschereau, pamphlet diffamatoire fabriqué par la police. Voici en bref ce dont il s'agissait. Taschereau, journaliste dénué de principes, qui avait servi les régimes les plus divers avec un dévouement égal, publia, sous l'inspiration du gouvernement, dans le numéro du 31 mars 1848 de La Revue rétrospective, un document intitulé « Déclarations faites par xxx devant le ministre de l'Intérieur sur l'affaire du 12 mai 1839 ». D'après ce document, ces dépositions avaient été faites les 22, 23 et 24 octobre 1839 au moment où Blanqui avait été arrêté à la suite de l'affaire du 12 mai. Le contenu et l'aspect de ces dépositions laissaient supposer que Blanqui avait trahi le secret de la Société des Familles et de la Société des Saisons, et qu'il en avait livré les principaux chefs. Enfin, il était fait mention des événements qui avaient précédé la manifestation du 12 mai. Le document n'était pas signé et portait toutes les marques du faux fabriqué d'après les dépositions de policiers qui avaient pénétré dans les sociétés secrètes. La publication de ce document avait pour but manifeste de ruiner, à coups de calomnies, l'autorité et l'influence de Blanqui. Le 14 avril, Blanqui fit paraître la « Réponse du citoyen Auguste Blanqui » contresignée par 50 de ses amis. Dans cette réponse, Blanqui flétrissait la turpitude des auteurs du document et démontrait que ces calomnies étaient absurdes. Et c'est moi, triste débris, qui traîne par les rues un corps meurtri sous des habits râpés, c'est moi qu'on foudroie du nom de vendu ! tandis que les valets de Louis-Philippe, métamorphosés en brillants papillons républicains, voltigent sur les tapis de l'Hôtel de Ville... Réacteurs de l'Hôtel de Ville, vous êtes des lâches ! Plus de 400 anciens prisonniers politiques signèrent une protestation contre l'accusation dont Blanqui était victime. Cette protestation fut publiée dans La Gazette des tribunaux du 14 avril et dans Le National du 15 avril. Parmi ceux qui avaient pris position pour Blanqui, il y avait Dézamy. Mais un de ses anciens camarades de combat, Armand Barbès, s'était rangé aux côtés des calomniateurs. Le coup fut douloureux, et cependant Blanqui ne suspendit pas un seul jour son activité révolutionnaire. Le 16 avril, il se rendit au Champ-de-Mars où des ouvriers s'étaient rassemblés pour élire les officiers d'état-major de la Garde nationale. De là, ils se dirigèrent vers l'Hôtel de Ville pour remettre au gouvernement une pétition demandant l'« organisation du travail et l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme ».

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 47 Mais ils se heurtèrent à la résistance des gardes nationaux, mobilisés sous le prétexte de faire échec à la « conspiration communiste ». Les résultats des élections à l'Assemblée constituante firent honneur à la perspicacité et à la clairvoyance de Blanqui qui avait réclamé leur ajournement. Dans plusieurs villes, des barricades s'élevèrent le jour des élections. Le choc entre la bourgeoisie et les ouvriers fut particulièrement rude à Rouen, les 27 et 28 avril, où les ouvriers furent véritablement massacrés ; ce fut une nouvelle « Saint- Barthélemy ». Dans une proclamation consacrée à cet événement, Blanqui dénonçait la responsabilité du gouvernement : « Est-ce trahison ou lâcheté ? » demandait-il. « Le sang du peuple répandu ne doit, ne peut rester sans vengeance. » L'Assemblée constituante se réunit pour la première fois le 4 mai. Elle légitima la république bourgeoise en France. Il n'y eut pas de place au sein du nouveau gouvernement pour les représentants ouvriers. Les masses populaires parisiennes étaient profondément déçues. Leur mécontentement à l'égard des premières mesures gouvernementales se manifesta par la démonstration du 15 mai. Les ouvriers, voulant faire pression sur le gouvernement provisoire, envahirent la salle où se trouvait l'Assemblée constituante. Ils demandaient que l'on porte secours immédiatement aux Polonais insurgés. Blanqui prit la parole à l'Assemblée ; mais il n'avait pas été l'instigateur de la manifestation ; bien au contraire, pensant qu'elle échouerait, il avait essayé d'en détourner les membres de son club. À l'Assemblée, Blanqui réclame une assistance prompte aux Polonais, une enquête sur les événements de Rouen et le jugement des coupables, du travail pour tous les chômeurs et l'amélioration de la condition des classes populaires. L'Assemblée constituante déclarée dissoute, les manifestants marchèrent sur l'Hôtel de Ville où un nouveau gouvernement fut constitué, composé de Barbès, Raspail, Albert, Ledru-Rollin, Louis Blanc etc. Blanqui n'en fit pas partie. Mais, très vite, l'Hôtel de Ville fut occupé par l'armée. Elle dispersa le peuple, arrêta Barbès et Albert. Blanqui réussit à se cacher pendant onze jours, mais il fut arrêté le 26 mai et enfermé au château de Vincennes. Les nouvelles des journées de juin, baignées dans le sang du peuple parisien, parvenaient à Blanqui qui souffrait de son impuissance et de son inaction. Ce ne fut que le 7 mars 1849, neuf mois après l'arrestation de Blanqui, que la Haute Cour délibéra sur l'affaire du 15 mai. Le procès eut lieu à Bourges. À cette époque, Blanqui avait quarante-quatre ans. Pâle, épuisé, les cheveux tout blancs, il avait l'air d'un vieillard. Mais ni les prisons ni les privations n'avaient ébranlé sa force d'esprit. Comme en 1832, au procès des Quinze, Blanqui fut son propre défenseur. Il disait :

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 46<br />

prenait la paro<strong>le</strong> à la Société républicaine centra<strong>le</strong> pour demander l'ajournement<br />

des é<strong>le</strong>ctions fixées au 9 avril ; <strong>le</strong> 17 mars, il organisait une manifestation<br />

pacifique, mais impressionnante, dans <strong>le</strong> même sens.<br />

La lutte des classes en France s'aggravait de jour en jour. <strong>Blanqui</strong> était l'un des<br />

ennemis <strong>le</strong>s plus dangereux de la bourgeoisie, qui s'en rendait parfaitement<br />

compte. La contre-révolution ne recula devant rien pour détacher <strong>le</strong>s masses<br />

ouvrières de lui. El<strong>le</strong> déc<strong>le</strong>ncha une campagne, dont la manifestation la plus<br />

odieuse fut <strong>le</strong> document Taschereau, pamph<strong>le</strong>t diffamatoire fabriqué par la police.<br />

Voici en bref ce dont il s'agissait. Taschereau, journaliste dénué de principes, qui<br />

avait servi <strong>le</strong>s régimes <strong>le</strong>s plus divers avec un dévouement égal, publia, sous<br />

l'inspiration du gouvernement, dans <strong>le</strong> numéro du 31 mars 1848 de La Revue<br />

rétrospective, un document intitulé « Déclarations faites par xxx devant <strong>le</strong> ministre<br />

de l'Intérieur sur l'affaire du 12 mai 1839 ». D'après ce document, ces dépositions<br />

avaient été faites <strong>le</strong>s 22, 23 et 24 octobre 1839 au moment où <strong>Blanqui</strong> avait été<br />

arrêté à la suite de l'affaire du 12 mai. Le contenu et l'aspect de ces dépositions<br />

laissaient supposer que <strong>Blanqui</strong> avait trahi <strong>le</strong> secret de la Société des Famil<strong>le</strong>s et de<br />

la Société des Saisons, et qu'il en avait livré <strong>le</strong>s principaux chefs. Enfin, il était fait<br />

mention des événements qui avaient précédé la manifestation du 12 mai. Le<br />

document n'était pas signé et portait toutes <strong>le</strong>s marques du faux fabriqué d'après <strong>le</strong>s<br />

dépositions de policiers qui avaient pénétré dans <strong>le</strong>s sociétés secrètes. La<br />

publication de ce document avait pour but manifeste de ruiner, à coups de<br />

calomnies, l'autorité et l'influence de <strong>Blanqui</strong>. Le 14 avril, <strong>Blanqui</strong> fit paraître la<br />

« Réponse du citoyen <strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong> » contresignée par 50 de ses amis. Dans<br />

cette réponse, <strong>Blanqui</strong> flétrissait la turpitude des auteurs du document et<br />

démontrait que ces calomnies étaient absurdes.<br />

Et c'est moi, triste débris, qui traîne par <strong>le</strong>s rues un corps meurtri sous des<br />

habits râpés, c'est moi qu'on foudroie du nom de vendu ! tandis que <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>ts de<br />

Louis-Philippe, métamorphosés en brillants papillons républicains, voltigent sur<br />

<strong>le</strong>s tapis de l'Hôtel de Vil<strong>le</strong>... Réacteurs de l'Hôtel de Vil<strong>le</strong>, vous êtes des lâches !<br />

Plus de 400 anciens prisonniers politiques signèrent une protestation contre<br />

l'accusation dont <strong>Blanqui</strong> était victime. Cette protestation fut publiée dans La<br />

Gazette des tribunaux du 14 avril et dans Le National du 15 avril. Parmi ceux qui<br />

avaient pris position pour <strong>Blanqui</strong>, il y avait Dézamy. Mais un de ses anciens<br />

camarades de combat, Armand Barbès, s'était rangé aux côtés des calomniateurs.<br />

Le coup fut douloureux, et cependant <strong>Blanqui</strong> ne suspendit pas un seul jour son<br />

activité révolutionnaire.<br />

Le 16 avril, il se rendit au Champ-de-Mars où des ouvriers s'étaient rassemblés<br />

pour élire <strong>le</strong>s officiers d'état-major de la Garde nationa<strong>le</strong>. De là, ils se dirigèrent<br />

vers l'Hôtel de Vil<strong>le</strong> pour remettre au gouvernement une pétition demandant<br />

l'« organisation du travail et l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme ».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!