Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 44 Chambre des députés était dissoute ; le président du Conseil des ministres, Molé, avait donné sa démission. Louis-Philippe ne réussissait pas à former un nouveau cabinet. Le peuple de Paris s'agitait. Au début de l'année, Blanqui regagna Paris. Les conspirateurs estimaient que l'heure de l'insurrection armée, de la chute de la monarchie et de la constitution d'un gouvernement révolutionnaire était arrivée. Les armes manquaient, mais on pensait se les procurer dans les arsenaux pendant l'insurrection. Le jour fixé, le 12 mai, les courses hippiques devaient retenir l'attention de la police urbaine et d'une partie de la bourgeoisie, et l'Hôtel de Ville serait mal défendu. À l'heure dite, plus de 500 révolutionnaires en armes, concentrés dans les rues Saint-Denis et Saint- Martin, à un signal de Blanqui, marchèrent sur l'Hôtel de Ville et l'occupèrent. Mais ils furent cernés par les troupes royales. Une lutte inégale, livrée pendant plus de deux jours, se solda par l'écrasement de l'insurrection. Barbès, blessé, fut pris ; Blanqui réussit à s'échapper. Mais le 14 octobre, comme il s'apprêtait à prendre la diligence qui devait le mener en Suisse, il fut arrêté. Au procès qui se déroula au mois de janvier 1840, Blanqui se refusa à toute déclaration. Il fut condamné à la peine de mort, commuée, comme celle de Barbès, en réclusion à vie. Il fut envoyé au mont Saint-Michel, une des plus sombres prisons de France, immense construction de pierre qui fait corps avec le roc sur lequel elle s'élève, Cet ancien monastère servait alors de prison depuis la fin du XVII e siècle. Sept mois plus tôt, Barbès, Martin-Bernard, Delsade et autres avaient été conduits au mont Saint-Michel. Le régime pénitentiaire du mont Saint-Michel était affreux : chaînes, coups, supplices, railleries des gardiens, saleté, vermine ; toutes ces causes de souffrance accumulées conduisaient les uns au suicide, d'autres à la folie. Blanqui ne tarda pas à songer à l'évasion. Dès avant son départ pour le mont Saint-Michel, il était entendu que sa femme viendrait s'établir non loin de la prison, mais une longue maladie avait empêché celle-ci de réaliser ce projet. Pendant toute une année, Blanqui attendit sa guérison. Mais, le 31 janvier 1841, Suzanne-Amélie mourait à l'âge de vingt-six ans. Blanqui supporta très mal le choc. Selon ses propres aveux, l'image de sa femme le hanta pendant des années. Le fils de Blanqui reçut une éducation religieuse dans sa famille maternelle, qui le dressait contre son père. Après une longue préparation à laquelle prit part la mère de Blanqui, celui-ci et Barbès, Martin-Bernard et Huber tentèrent de s'évader. Cette tentative échoua et le régime de la prison se durcit encore. Les détestables conditions de la vie de prison menacèrent la santé de Blanqui qui n'était pas solide. En 1844, au bout de quatre années de réclusion au mont Saint-Michel, Blanqui fut transporté à la prison de Tours, puis placé sous surveillance à l'hôpital, tandis que ses complices de l'insurrection étaient transférés dans d'autres prisons. Quand une maladie incurable fut diagnostiquée, Louis-

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 45 Philippe le gracia par arrêt du 6 décembre 1844. Mais Blanqui refusa catégoriquement d'accepter sa grâce des mains du roi. Il le déclara ouvertement le 26 décembre, dans une lettre violente adressée au maire de Tours. Il resta à l'hôpital et dut garder le lit pendant vingt mois. Il ne put se lever et reprendre peu à peu son activité qu'en octobre 1845. À l'hôpital de Tours, il recevait des visites d'ouvriers et d'hommes politiques. Il reprit des contacts avec les milieux révolutionnaires. Lorsque, en 1846, éclatèrent à Tours des troubles provoqués par la crise économique, on accusa la société communiste locale de les avoir fomentés à l'instigation de Blanqui. Il, fut reconduit en prison. Au procès, qui eut lieu du 26 au 29 avril à Blois, Blanqui fut acquitté, faute de preuves, et regagna l'hôpital de Tours. La révolution de février 1848 le libéra. Le 25 février il arrivait à Paris. Des membres des sociétés secrètes, des partisans, anciens et nouveaux, les jeunes révolutionnaires, pour qui le nom de Blanqui était le symbole de la lutte révolutionnaire, se pressèrent en nombre autour de lui. Le jour même, Blanqui apprenait que le gouvernement provisoire avait refusé de planter le drapeau rouge à l'Hôtel de Ville, malgré les réclamations des masses populaires. À cette nouvelle, les membres des sociétés secrètes, indignés, se réunirent à la salle Prado pour décider des moyens de faire pression sur le gouvernement. Ils étaient là, quelques milliers d'hommes armés, prêts à marcher sur le gouvernement provisoire. Mais Blanqui, par un discours plein de rigueur et de sang-froid, persuada les assistants de n'en rien faire. Il préférait attendre les actes ultérieurs du gouvernement provisoire et éviter le risque d'une contrerévolution. Le même soir fut fondé un club qui prit le nom de Société républicaine centrale. La Société avait pour dirigeants Blanqui et Dézamy. C'est en son sein que, dès lors, Blanqui exerça son activité. Chaque jour il prenait la parole dans la salle du Conservatoire, rue Bergère, où elle se réunissait. Il expliquait aux membres de la société l'évolution de la situation politique, montrait les nouvelles perspectives, appelait à l'action. Pendant les premiers jours de la révolution, l'activité de Blanqui ne se relâcha pas. Partout, dans les faubourgs ouvriers et au sein du club, il recrutait des partisans, il rassemblait des hommes fidèles à la révolution. Il ne tarda pas à être déçu par la politique du gouvernement provisoire : dès le 2 mars, il réclamait de lui des actes décisifs. Blanqui voyait que le peuple n'était pas suffisamment préparé politiquement pour élire une Assemblée constituante et que, si les élections avaient lieu, le pouvoir passerait inévitablement aux mains des réactionnaires. Les 7 et 14 mars, il

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 45<br />

Philippe <strong>le</strong> gracia par arrêt du 6 décembre 1844. Mais <strong>Blanqui</strong> refusa<br />

catégoriquement d'accepter sa grâce des mains du roi. Il <strong>le</strong> déclara ouvertement <strong>le</strong><br />

26 décembre, dans une <strong>le</strong>ttre vio<strong>le</strong>nte adressée au maire de Tours. Il resta à<br />

l'hôpital et dut garder <strong>le</strong> lit pendant vingt mois. Il ne put se <strong>le</strong>ver et reprendre peu à<br />

peu son activité qu'en octobre 1845. À l'hôpital de Tours, il recevait des visites<br />

d'ouvriers et d'hommes politiques. Il reprit des contacts avec <strong>le</strong>s milieux<br />

révolutionnaires. Lorsque, en 1846, éclatèrent à Tours des troub<strong>le</strong>s provoqués par<br />

la crise économique, on accusa la société communiste loca<strong>le</strong> de <strong>le</strong>s avoir fomentés<br />

à l'instigation de <strong>Blanqui</strong>. Il, fut reconduit en prison. Au procès, qui eut lieu du 26<br />

au 29 avril à Blois, <strong>Blanqui</strong> fut acquitté, faute de preuves, et regagna l'hôpital de<br />

Tours.<br />

La révolution de février 1848 <strong>le</strong> libéra.<br />

Le 25 février il arrivait à Paris. Des membres des sociétés secrètes, des<br />

partisans, anciens et nouveaux, <strong>le</strong>s jeunes révolutionnaires, pour qui <strong>le</strong> nom de<br />

<strong>Blanqui</strong> était <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> de la lutte révolutionnaire, se pressèrent en nombre autour<br />

de lui.<br />

Le jour même, <strong>Blanqui</strong> apprenait que <strong>le</strong> gouvernement provisoire avait refusé<br />

de planter <strong>le</strong> drapeau rouge à l'Hôtel de Vil<strong>le</strong>, malgré <strong>le</strong>s réclamations des masses<br />

populaires. À cette nouvel<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s membres des sociétés secrètes, indignés, se<br />

réunirent à la sal<strong>le</strong> Prado pour décider des moyens de faire pression sur <strong>le</strong><br />

gouvernement. Ils étaient là, quelques milliers d'hommes armés, prêts à marcher<br />

sur <strong>le</strong> gouvernement provisoire. Mais <strong>Blanqui</strong>, par un discours p<strong>le</strong>in de rigueur et<br />

de sang-froid, persuada <strong>le</strong>s assistants de n'en rien faire. Il préférait attendre <strong>le</strong>s<br />

actes ultérieurs du gouvernement provisoire et éviter <strong>le</strong> risque d'une contrerévolution.<br />

Le même soir fut fondé un club qui prit <strong>le</strong> nom de Société républicaine<br />

centra<strong>le</strong>. La Société avait pour dirigeants <strong>Blanqui</strong> et Dézamy. C'est en son sein<br />

que, dès lors, <strong>Blanqui</strong> exerça son activité. Chaque jour il prenait la paro<strong>le</strong> dans la<br />

sal<strong>le</strong> du Conservatoire, rue Bergère, où el<strong>le</strong> se réunissait. Il expliquait aux<br />

membres de la société l'évolution de la situation politique, montrait <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s<br />

perspectives, appelait à l'action.<br />

Pendant <strong>le</strong>s premiers jours de la révolution, l'activité de <strong>Blanqui</strong> ne se relâcha<br />

pas. Partout, dans <strong>le</strong>s faubourgs ouvriers et au sein du club, il recrutait des<br />

partisans, il rassemblait des hommes fidè<strong>le</strong>s à la révolution. Il ne tarda pas à être<br />

déçu par la politique du gouvernement provisoire : dès <strong>le</strong> 2 mars, il réclamait de lui<br />

des actes décisifs.<br />

<strong>Blanqui</strong> voyait que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> n'était pas suffisamment préparé politiquement<br />

pour élire une Assemblée constituante et que, si <strong>le</strong>s é<strong>le</strong>ctions avaient lieu, <strong>le</strong><br />

pouvoir passerait inévitab<strong>le</strong>ment aux mains des réactionnaires. Les 7 et 14 mars, il

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