Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 38 respecteront les petits et moyens propriétaires, et il faut déclarer nettement que nul ne pourra être forcé de s'adjoindre avec son champ à une association quelconque, et que, s'il y entre, ce sera toujours de sa pleine et libre volonté 1 . Dans l'ensemble, les conceptions de Blanqui sur la période transitoire conduisant du régime actuel au communisme ou à « l'association intégrale » restent très naïves et très vagues. On découvre chez lui des positions qui témoignent de sa capacité d'apprécier sainement les rapports réels de forces, pendant la période de lutte directe pour l'édification du communisme (sabotage possible des chefs d'entreprise, dispositions d'esprit de la paysannerie). Mais ces positions se noient dans des considérations sur l'instruction, considérée comme la condition préalable essentielle à la transformation sociale, tenue pour la force qui conduit automatiquement au triomphe du communisme. Engels a très justement indiqué que, chez Blanqui, il n'y avait pas au fond « de propositions pratiques déterminées de réorganisation sociale 2 ». Il considère que toutes les tentatives pour représenter l'avenir du régime communiste sont incertaines et inutiles. Il se moque des adversaires du communisme qui exigent aussitôt qu'on leur dise qui, en régime communiste, « videra le pot de chambre » ? Il expose ainsi ses vues : Occupons-nous d'aujourd'hui. Demain ne nous appartient pas, ne nous regarde pas. Notre seul devoir est de lui préparer de bons matériaux pour son travail d'organisation. Le reste n'est plus de notre compétence 3 . Il essaie de fonder en théorie son refus de discuter les problèmes de la société future. Il affirme que l'ordre existant est comme une barrière qui nous cache l'avenir, que son influence couvre l'avenir d'une brume impénétrable. Tant que le moment de la mort et de la renaissance de la société n'est pas venu, les vues que l'on peut avoir sur l'avenir ne sont que des obscurités. À peine des pressentiments, des échappées de vue, un coup d'œil fugitif et vague sont-ils possibles au plus clairvoyant. La Révolution seule, en déblayant le terrain, éclaircira l'horizon, lèvera peu à peu les voiles, ouvrira les routes ou plutôt les sentiers multiples qui conduisent vers l'ordre nouveau 4 . Seule la mort du vieux monde libérera les éléments dont la combinaison devra organiser l'ordre nouveau. Aucun effort de pensée ne pourrait anticiper sur cette 1 Critique sociale, t. I, p. 209-211. 2 MARX-ENGELS : Œuvres, t. XV, p. 225. Édition russe. 3 Critique sociale, t. I, p. 196. 4 Critique sociale, t. II, p. 115-116.

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 39 libération qui ne peut se réaliser qu'à un moment déterminé. Pour cette raison, selon Blanqui, la question sociale ne pourra faire l'objet d'un examen sérieux, qu'à partir du moment où la question politique aura été pleinement résolue. Blanqui garde une attitude ironique à l'égard des discussions entre les diverses écoles socialistes sur l'avenir de la société. Elles se disputent avec acharnement au bord d'un fleuve pour décider si l'autre rive est un champ de mais ou un champ de blé. Elles s'entêtent à résoudre la question avant de franchir l'obstacle. Eh ! passons d'abord ! Nous verrons là-bas ! 1 * * * Blanqui est l'un des représentants les plus intéressants du communisme utopique prémarxiste français et du mouvement révolutionnaire français. Toute sa vie a été consacrée à la lutte révolutionnaire au nom du communisme. Il a passé de nombreuses années de sa vie en prison, sous la monarchie de Juillet, sous le second Empire, sous la troisième République. Mais il n'a pas su donner un fondement matérialiste et scientifique à l'inéluctabilité du communisme. Il n'a pas su se libérer des vieilles idées de conjuration en ce qui concerne le processus de la révolution. Il n'a su ni comprendre ni apprécier l'importance historique de la lutte de classe menée par le prolétariat. Dans ses conceptions sur le développement de la société, il ne s'est pas dégagé des traditions idéalistes qu'il avait reçues de l'époque des « lumières », du XVIII e siècle. Dans ses opinions sur la nature de l'exploitation capitaliste, il se rattache à la conception petite-bourgeoise qui fait dériver le profit capitaliste de l'échange non-équivalent. Staline a écrit : L'histoire connaît des chefs prolétariens, chefs des temps d'orage, chefs du travail pratique, pleins d'abnégation et d'audace, mais faibles en théorie 2 . Au nombre de ces chefs pleins d'abnégation, mais faibles en théorie, Staline compte Blanqui. Ne possédant pas la théorie scientifique du socialisme, Blanqui, au cours de sa longue vie politique, a commis certaines erreurs théoriques et pratiques. Ses défauts et ses erreurs ont été conditionnés, en premier lieu, par les rapports sociaux de l'époque où se sont formées ses opinions : le niveau relativement bas de l'industrie, le degré relativement faible de la conscience de classe du prolétariat français au cours de la monarchie de Juillet. Il convient évidemment de ne pas l'oublier. Mais, d'autre part, on ne doit pas oublier que la fidélité de Blanqui à la cause du communisme et son ardent tempérament 1 Ibidem, p. 314. 2 J. STALINE « Lénine organisateur et chef du Parti communiste de Russie, 23 avril 1920 », Œuvres, t. IV, p. 278. Éditions Sociales, 1955, Lénine : Éditions sociales, 1946, p. 14.

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 39<br />

libération qui ne peut se réaliser qu'à un moment déterminé. Pour cette raison,<br />

selon <strong>Blanqui</strong>, la question socia<strong>le</strong> ne pourra faire l'objet d'un examen sérieux, qu'à<br />

partir du moment où la question politique aura été p<strong>le</strong>inement résolue.<br />

<strong>Blanqui</strong> garde une attitude ironique à l'égard des discussions entre <strong>le</strong>s diverses<br />

éco<strong>le</strong>s socialistes sur l'avenir de la société. El<strong>le</strong>s<br />

se disputent avec acharnement au bord d'un f<strong>le</strong>uve pour décider si l'autre rive est<br />

un champ de mais ou un champ de blé. El<strong>le</strong>s s'entêtent à résoudre la question<br />

avant de franchir l'obstac<strong>le</strong>. Eh ! passons d'abord ! Nous verrons là-bas ! 1<br />

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<strong>Blanqui</strong> est l'un des représentants <strong>le</strong>s plus intéressants du communisme<br />

utopique prémarxiste français et du mouvement révolutionnaire français. Toute sa<br />

vie a été consacrée à la lutte révolutionnaire au nom du communisme. Il a passé de<br />

nombreuses années de sa vie en prison, sous la monarchie de Juil<strong>le</strong>t, sous <strong>le</strong><br />

second Empire, sous la troisième République. Mais il n'a pas su donner un<br />

fondement matérialiste et scientifique à l'inéluctabilité du communisme. Il n'a pas<br />

su se libérer des vieil<strong>le</strong>s idées de conjuration en ce qui concerne <strong>le</strong> processus de la<br />

révolution. Il n'a su ni comprendre ni apprécier l'importance historique de la lutte<br />

de classe menée par <strong>le</strong> prolétariat. Dans ses conceptions sur <strong>le</strong> développement de<br />

la société, il ne s'est pas dégagé des traditions idéalistes qu'il avait reçues de<br />

l'époque des « lumières », du XVIII e sièc<strong>le</strong>. Dans ses opinions sur la nature de<br />

l'exploitation capitaliste, il se rattache à la conception petite-bourgeoise qui fait<br />

dériver <strong>le</strong> profit capitaliste de l'échange non-équiva<strong>le</strong>nt.<br />

Staline a écrit :<br />

L'histoire connaît des chefs prolétariens, chefs des temps d'orage, chefs du<br />

travail pratique, p<strong>le</strong>ins d'abnégation et d'audace, mais faib<strong>le</strong>s en théorie 2 .<br />

Au nombre de ces chefs p<strong>le</strong>ins d'abnégation, mais faib<strong>le</strong>s en théorie, Staline<br />

compte <strong>Blanqui</strong>. Ne possédant pas la théorie scientifique du socialisme, <strong>Blanqui</strong>,<br />

au cours de sa longue vie politique, a commis certaines erreurs théoriques et<br />

pratiques. Ses défauts et ses erreurs ont été conditionnés, en premier lieu, par <strong>le</strong>s<br />

rapports sociaux de l'époque où se sont formées ses opinions : <strong>le</strong> niveau<br />

relativement bas de l'industrie, <strong>le</strong> degré relativement faib<strong>le</strong> de la conscience de<br />

classe du prolétariat français au cours de la monarchie de Juil<strong>le</strong>t. Il convient<br />

évidemment de ne pas l'oublier. Mais, d'autre part, on ne doit pas oublier que la<br />

fidélité de <strong>Blanqui</strong> à la cause du communisme et son ardent tempérament<br />

1 Ibidem, p. 314.<br />

2 J. STALINE « Lénine organisateur et chef du Parti communiste de Russie, 23 avril 1920 »,<br />

Œuvres, t. IV, p. 278. Éditions Socia<strong>le</strong>s, 1955, Lénine : Éditions socia<strong>le</strong>s, 1946, p. 14.

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