Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 22 publié un document qui prétendait apporter la preuve que Blanqui aurait fait devant le juge d'instruction de Louis-Philippe un témoignage compromettant sur ses camarades de l'insurrection de 1839. Barbès, l'ancien camarade de Blanqui à la Société des Saisons, apporta son adhésion, à cette campagne de mensonges. Blanqui démentit cette calomnie, mais elle jeta un certain trouble dans les rangs de ses partisans. Le 26 mai, Blanqui fut arrêté pour avoir participé à la manifestation du 15 mai ; pendant les journées de juin, les ouvriers parisiens furent privés de leur guide le plus fidèle, et du chef qui avait le plus d'autorité. Blanqui fut, à nouveau et pour de nombreuses années, écarté de la lutte directe pour la cause de la Révolution. Son action révolutionnaire de 1848 a été hautement appréciée par Marx et Engels. Ils appelaient Blanqui un « révolutionnaire prolétarien » 1 . Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Marx a écrit au sujet de la manifestation du 15 mai : Le 15 mai n'eut d'autre résultat que d'éloigner de la scène publique Blanqui et ses partisans, les communistes révolutionnaires, c'est-à-dire les véritables chefs du parti prolétarien 2 . Dans la seconde adresse du Comité central de la Ligue des Communistes, il était indiqué : Parmi les révolutionnaires français, le parti véritablement prolétarien dont Blanqui est le chef s'est réuni à nous 3 . Dans l'une de ses lettres, Marx écrivait qu'il considérait Blanqui « comme la tête et le cœur du parti prolétaire en France 4 ». En mars-avril 1850, Marx et Engels eurent des entrevues avec deux envoyés de Blanqui à Londres ; ils conclurent avec eux un accord sur la base duquel étaient reconnues, comme but commun, l'exclusion des classes privilégiées du pouvoir politique et la soumission de ces classes à la dictature du prolétariat jusqu'à la réalisation du communisme. Après l'échec de la révolution de 1848, dans sa prison, jusqu'à l'amnistie de 1859, Blanqui continuait, malgré tout, à œuvrer pour la Révolution, en cherchant à maintenir la liaison avec les amis laissés en liberté, en leur adressant des lettres pour diriger leurs activités, et des notes de caractère politique. Le 14 août 1870, Blanqui prit part à la tentative malheureuse qui visait à renverser le gouvernement de Napoléon III, compromis par les défaites subies dans la guerre francoprussienne. Après la chute de Napoléon, Blanqui publia le journal La Patrie en 1 MARX-ENGELS Œuvres, t. VIII, p. 305, Édition russe. 2 MARX-ENGELS Œuvres, t. VIII. p. 329, Édition russe, ou en français, MARX : Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, p.179, Éditions sociales, 1948. 3 MARX-ENGELS : Œuvres, t. VIII, p. 495, Édition russe. 4 MARX : Lettre au D r Watteau, 10 novembre 1861.

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 23 danger, où il fit une ardente propagande en faveur de la défense de la France, foyer de la révolution opposé au prussianisme réactionnaire. Dans les premiers jours de la République, Blanqui commit une grave erreur politique, en appelant les masses à soutenir sans condition le gouvernement provisoire bourgeois, au nom de la « défense de la Patrie 1 ». Il ne sut pas comprendre que ce gouvernement, contre-révolutionnaire dans son essence même, redoutait plus les ouvriers français armés qu'il ne craignait l'occupation prussienne ; et que, pour cette raison, il était tout à fait incapable d'organiser la défense, et qu'il était, comme le disait Marx, non « un gouvernement de défense nationale, mais un gouvernement de défection nationale 2 ». La suite des événements obligea Blanqui à abandonner cette position erronée et à se prononcer énergiquement contre les politiciens bourgeois qui, par peur du mouvement révolutionnaire des masses, étaient prêts à trahir leur pays, en faisant alliance avec Guillaume et Bismarck. Le 17 mars 1871, à la veille de la proclamation de la Commune, Blanqui fut arrêté pour avoir participé à une tentative de soulèvement contre le gouvernement provisoire, le 31 octobre 1870. Élu membre de la Commune, il ne put prendre part à son activité. Après sa libération en 1879, Blanqui, malgré ses soixante-quatorze ans, reprit la lutte politique, à laquelle seule sa mort mit un terme, le 1er janvier 1881. II Blanqui n'a pas laissé d'exposé systématique de ses idées politiques, sociales et philosophiques. Son héritage littéraire consiste en articles de journaux sur diverses questions de philosophie et de politique, en un très grand nombre de manuscrits disparates et qui restent encore, pour la plupart, inédits. Toutefois, l'étude comparative de ces articles, notes et écrits permet de rétablir assez sûrement les positions théoriques qui inspiraient son activité révolutionnaire. Les deux tendances principales du socialisme utopique français au début du XIX e siècle, le fouriérisme et le saint-simonisme par leurs principes 1 Nous croyons utile de rapporter la critique exprimée sur ce point dans un article publié dans la revue soviétique Questions d'histoire, n° 6, 1955 : « À notre avis, on ne peut être entièrement d'accord avec Volguine quand il affirme catégoriquement que Blanqui aurait apporté son soutien absolu au gouvernement provisoire bourgeois dans les premiers jours de la Troisième République. Face à l'ennemi extérieur, Blanqui a effectivement appelé dans son journal, le 7 septembre 1870, les Français à une union nationale complète. Mais il ne serait pas juste de croire qu'il n'avait pas conscience de la nature contre-révolutionnaire du gouvernement Trochu- Favre ; le 18 septembre, Blanqui a écrit dans le même journal : « Le doute envahit notre âme, au soupçon d'un immense mensonge »... Il pressentait une lutte inévitable « entre deux courants, celui du dévouement et celui de l'égoïsme... » Il mettait le peuple en garde également contre la possibilité de la conclusion d'une paix honteuse derrière son dos et conseillait aux ouvriers de « ne compter que sur eux-mêmes ». (N. T.) 2 Karl MARX : La Guerre civi1e en France, p. 23, Éditions sociales, 1953.

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 23<br />

danger, où il fit une ardente propagande en faveur de la défense de la France, foyer<br />

de la révolution opposé au prussianisme réactionnaire.<br />

Dans <strong>le</strong>s premiers jours de la République, <strong>Blanqui</strong> commit une grave erreur<br />

politique, en appelant <strong>le</strong>s masses à soutenir sans condition <strong>le</strong> gouvernement<br />

provisoire bourgeois, au nom de la « défense de la Patrie 1 ». Il ne sut pas<br />

comprendre que ce gouvernement, contre-révolutionnaire dans son essence même,<br />

redoutait plus <strong>le</strong>s ouvriers français armés qu'il ne craignait l'occupation<br />

prussienne ; et que, pour cette raison, il était tout à fait incapab<strong>le</strong> d'organiser la<br />

défense, et qu'il était, comme <strong>le</strong> disait Marx, non « un gouvernement de défense<br />

nationa<strong>le</strong>, mais un gouvernement de défection nationa<strong>le</strong> 2 ». La suite des<br />

événements obligea <strong>Blanqui</strong> à abandonner cette position erronée et à se prononcer<br />

énergiquement contre <strong>le</strong>s politiciens bourgeois qui, par peur du mouvement<br />

révolutionnaire des masses, étaient prêts à trahir <strong>le</strong>ur pays, en faisant alliance avec<br />

Guillaume et Bismarck. Le 17 mars 1871, à la veil<strong>le</strong> de la proclamation de la<br />

Commune, <strong>Blanqui</strong> fut arrêté pour avoir participé à une tentative de soulèvement<br />

contre <strong>le</strong> gouvernement provisoire, <strong>le</strong> 31 octobre 1870. Élu membre de la<br />

Commune, il ne put prendre part à son activité. Après sa libération en 1879,<br />

<strong>Blanqui</strong>, malgré ses soixante-quatorze ans, reprit la lutte politique, à laquel<strong>le</strong> seu<strong>le</strong><br />

sa mort mit un terme, <strong>le</strong> 1er janvier 1881.<br />

II<br />

<strong>Blanqui</strong> n'a pas laissé d'exposé systématique de ses idées politiques, socia<strong>le</strong>s et<br />

philosophiques. Son héritage littéraire consiste en artic<strong>le</strong>s de journaux sur diverses<br />

questions de philosophie et de politique, en un très grand nombre de manuscrits<br />

disparates et qui restent encore, pour la plupart, inédits. Toutefois, l'étude<br />

comparative de ces artic<strong>le</strong>s, notes et écrits permet de rétablir assez sûrement <strong>le</strong>s<br />

positions théoriques qui inspiraient son activité révolutionnaire.<br />

Les deux tendances principa<strong>le</strong>s du socialisme utopique français au début du<br />

XIX e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong> fouriérisme et <strong>le</strong> saint-simonisme par <strong>le</strong>urs principes<br />

1 Nous croyons uti<strong>le</strong> de rapporter la critique exprimée sur ce point dans un artic<strong>le</strong> publié dans la<br />

revue soviétique Questions d'histoire, n° 6, 1955 : « À notre avis, on ne peut être entièrement<br />

d'accord avec Volguine quand il affirme catégoriquement que <strong>Blanqui</strong> aurait apporté son<br />

soutien absolu au gouvernement provisoire bourgeois dans <strong>le</strong>s premiers jours de la Troisième<br />

République. Face à l'ennemi extérieur, <strong>Blanqui</strong> a effectivement appelé dans son journal, <strong>le</strong> 7<br />

septembre 1870, <strong>le</strong>s Français à une union nationa<strong>le</strong> complète. Mais il ne serait pas juste de<br />

croire qu'il n'avait pas conscience de la nature contre-révolutionnaire du gouvernement Trochu-<br />

Favre ; <strong>le</strong> 18 septembre, <strong>Blanqui</strong> a écrit dans <strong>le</strong> même journal : « Le doute envahit notre âme, au<br />

soupçon d'un immense mensonge »... Il pressentait une lutte inévitab<strong>le</strong> « entre deux courants,<br />

celui du dévouement et celui de l'égoïsme... » Il mettait <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> en garde éga<strong>le</strong>ment contre la<br />

possibilité de la conclusion d'une paix honteuse derrière son dos et conseillait aux ouvriers de<br />

« ne compter que sur eux-mêmes ». (N. T.)<br />

2 Karl MARX : La Guerre civi1e en France, p. 23, Éditions socia<strong>le</strong>s, 1953.

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