Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 20 La première intervention contre le gouvernement provisoire concerne la question du drapeau de la République. Au fond, il s'agissait pour lui d'un choix à faire entre la voie « égalitaire »et la voie « bourgeoise » de la révolution. Le drapeau tricolore n'est pas le drapeau de la République ; il est celui de Louis-Philippe et de la monarchie... Il s'est baigné vingt fois dans le sang des ouvriers. Le peuple a arboré les couleurs rouges sur les barricades de 48, comme il les avait arborées sur celles de juin 1832, d'avril 1834, de mai 1839. Elles ont reçu la double consécration de la défaite et de la victoire. Ce sont désormais les siennes... Leur chute est un outrage au peuple, une profanation de ses morts... Déjà, conclut Blanqui, la réaction se déchaîne... Ouvriers ! c'est votre drapeau qui tombe. Écoutez-le bien ! La République ne tardera pas à le suivre 1 . Quelques jours après, le 2 mars, à son club, Blanqui fit présenter une adresse au gouvernement provisoire. L'adresse énumérait les mesures que celui-ci devait prendre pour assurer la liberté de la presse, le droit d'association et de réunion. Il s'y trouve aussi deux paragraphes touchant directement les intérêts des ouvriers et leur place dans la révolution. Le paragraphe 8 réclame l'organisation immédiate en garde nationale de tous les ouvriers... sans exception, avec indemnité de deux francs par jour pour chaque jour de service actif. Le paragraphe 9 demande l'abrogation des articles 415 et 416 du Code pénal, ces articles interdisant les coalitions ouvrières 2 . La campagne que mena Blanqui pour l'ajournement des élections à l'Assemblée Constituante présente un grand intérêt. La contre-révolution, écrit-il dans sa pétition du 17 mars, a seule la parole depuis cinquante ans... Le peuple ne sait pas, il faut qu'il sache... Pour connaître la vérité, un jour, un mois sont insuffisants. Il faut que la lumière se fasse presque dans les moindres hameaux... Et ne dites pas que nos craintes sont chimériques. Les élections, si elles s'accomplissent, seront réactionnaires... Le parti royaliste, le seul organisé grâce à sa longue domination, va les maîtriser par l'intrigue, la corruption, les influences sociales ; il sortira triomphant de l'urne ! [Mais] ce triomphe, ce serait 1 Manuscrits de Blanqui. Cf. MOLINIER : op. cit., p. 36. 2 Ibidem, p. 37.

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 21 la guerre civile, car Paris, le cœur et le cerveau de la France, Paris ne reculera pas devant le retour offensif du passé. Réfléchissez, poursuit Blanqui, aux sinistres conséquences d'un conflit entre la population parisienne et une assemblée qui croirait représenter la nation et qui ne la représenterait pas ; car le vote de demain sera une surprise et un mensonge. Ainsi Blanqui exigeait l'ajournement des élections, comme condition indispensable à la rééducation politique des masses paysannes. En partant de la même compréhension du rapport des forces sociales, il a montré avec une grande perspicacité l'importance politique de l'impôt des quarante-cinq centimes décrété par le gouvernement provisoire ; cette mesure qui éloignait les masses paysannes de la révolution, il la considère comme « la sentence de mort de la République ». Blanqui comprenait que la bourgeoisie, effrayée par la Révolution, était la principale force réactionnaire. Mais il dénonçait avec une violence particulière ceux qui, se donnant pour des démocrates, trahissaient les intérêts du peuple et servaient la cause de la réaction bourgeoise. En intervenant avec une fermeté de plus en plus marquée contre le gouvernement provisoire, Blanqui condamnait sévèrement son aile gauche, la Montagne de 1848. Ces « Montagnards », il les distinguait des Montagnards de 1793 par le fait qu'ils étaient absolument détachés des masses parisiennes. Il devinait aussi le sens de la création de la Commission du Luxembourg : c'était une manœuvre de diversion destinée à détourner les ouvriers de l'action révolutionnaire. En 1851, faisant le bilan de l'expérience révolutionnaire, Blanqui écrivait : Quel écueil menace la révolution de demain ? L'écueil où s'est brisée celle d'hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns. Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l'Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast.... Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l'Europe démocratique. C'est le gouvernement provisoire qui a tué la Révolution. C'est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes. La réaction n'a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l'ont livré à la réaction. La haine que ressentaient pour Blanqui non seulement les réactionnaires déclarés, mais aussi les hommes qui couvraient de phrases libérales, démocratiques et même socialistes, leur servilité envers la réaction est donc parfaitement naturelle. « Toute la contre-révolution devient pâle au seul nom de Blanqui », écrivait Proudhon. Dans sa lutte contre l'ennemi le plus dangereux pour elle, contre l'homme le plus capable de grouper autour de lui les masses parisiennes, la réaction ne recula devant aucune ignominie. Le 31 mars, à Paris, fut

<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 21<br />

la guerre civi<strong>le</strong>, car Paris, <strong>le</strong> cœur et <strong>le</strong> cerveau de la France, Paris ne recu<strong>le</strong>ra<br />

pas devant <strong>le</strong> retour offensif du passé.<br />

Réfléchissez, poursuit <strong>Blanqui</strong>,<br />

aux sinistres conséquences d'un conflit entre la population parisienne et une<br />

assemblée qui croirait représenter la nation et qui ne la représenterait pas ; car <strong>le</strong><br />

vote de demain sera une surprise et un mensonge.<br />

Ainsi <strong>Blanqui</strong> exigeait l'ajournement des é<strong>le</strong>ctions, comme condition<br />

indispensab<strong>le</strong> à la rééducation politique des masses paysannes. En partant de la<br />

même compréhension du rapport des forces socia<strong>le</strong>s, il a montré avec une grande<br />

perspicacité l'importance politique de l'impôt des quarante-cinq centimes décrété<br />

par <strong>le</strong> gouvernement provisoire ; cette mesure qui éloignait <strong>le</strong>s masses paysannes<br />

de la révolution, il la considère comme « la sentence de mort de la République ».<br />

<strong>Blanqui</strong> comprenait que la bourgeoisie, effrayée par la Révolution, était la<br />

principa<strong>le</strong> force réactionnaire. Mais il dénonçait avec une vio<strong>le</strong>nce particulière<br />

ceux qui, se donnant pour des démocrates, trahissaient <strong>le</strong>s intérêts du peup<strong>le</strong> et<br />

servaient la cause de la réaction bourgeoise. En intervenant avec une fermeté de<br />

plus en plus marquée contre <strong>le</strong> gouvernement provisoire, <strong>Blanqui</strong> condamnait<br />

sévèrement son ai<strong>le</strong> gauche, la Montagne de 1848. Ces « Montagnards », il <strong>le</strong>s<br />

distinguait des Montagnards de 1793 par <strong>le</strong> fait qu'ils étaient absolument détachés<br />

des masses parisiennes. Il devinait aussi <strong>le</strong> sens de la création de la Commission du<br />

Luxembourg : c'était une manœuvre de diversion destinée à détourner <strong>le</strong>s ouvriers<br />

de l'action révolutionnaire. En 1851, faisant <strong>le</strong> bilan de l'expérience<br />

révolutionnaire, <strong>Blanqui</strong> écrivait :<br />

Quel écueil menace la révolution de demain ? L'écueil où s'est brisée cel<strong>le</strong><br />

d'hier : la déplorab<strong>le</strong> popularité de bourgeois déguisés en tribuns. Ledru-Rollin,<br />

Louis Blanc, Crémieux, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l'Eure, Flocon,<br />

Albert, Arago, Marrast.... Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères<br />

sanglants sur tous <strong>le</strong>s pavés de l'Europe démocratique. C'est <strong>le</strong> gouvernement<br />

provisoire qui a tué la Révolution. C'est sur sa tête que doit retomber la<br />

responsabilité de tous <strong>le</strong>s désastres, <strong>le</strong> sang de tant de milliers de victimes. La<br />

réaction n'a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux<br />

traîtres que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> confiant avait acceptés pour guides et qui l'ont livré à la<br />

réaction.<br />

La haine que ressentaient pour <strong>Blanqui</strong> non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s réactionnaires<br />

déclarés, mais aussi <strong>le</strong>s hommes qui couvraient de phrases libéra<strong>le</strong>s,<br />

démocratiques et même socialistes, <strong>le</strong>ur servilité envers la réaction est donc<br />

parfaitement naturel<strong>le</strong>. « Toute la contre-révolution devient pâ<strong>le</strong> au seul nom de<br />

<strong>Blanqui</strong> », écrivait Proudhon. Dans sa lutte contre l'ennemi <strong>le</strong> plus dangereux pour<br />

el<strong>le</strong>, contre l'homme <strong>le</strong> plus capab<strong>le</strong> de grouper autour de lui <strong>le</strong>s masses<br />

parisiennes, la réaction ne recula devant aucune ignominie. Le 31 mars, à Paris, fut

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