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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 179<br />
parfaitement <strong>le</strong> nom de bou<strong>le</strong>vards dont on <strong>le</strong>s a baptisées. Ce sont en effet de<br />
véritab<strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>vards qui constituent des fronts naturels de défense d'une très<br />
grande force.<br />
L'arme par excel<strong>le</strong>nce, dans la guerre des rues, c'est <strong>le</strong> fusil. Le canon fait plus<br />
de bruit que de besogne. L'artil<strong>le</strong>rie ne pourrait agir sérieusement que par<br />
l'incendie. Mais une tel<strong>le</strong> atrocité, employée en grand et comme système,<br />
tournerait bientôt contre ses auteurs et ferait <strong>le</strong>ur perte.<br />
La grenade, qu'on a pris la mauvaise habitude d'appe<strong>le</strong>r bombe, est un moyen<br />
secondaire, sujet d'ail<strong>le</strong>urs à une fou<strong>le</strong> d'inconvénients. El<strong>le</strong> consomme beaucoup<br />
de poudre pour peu d'effet, est d'un maniement très dangereux, n'a aucune portée et<br />
ne peut agir que des fenêtres. Les pavés font presque autant de mal et ne coûtent<br />
pas si cher. Les ouvriers n'ont pas d'argent à perdre.<br />
Pour l'intérieur des maisons, c'est <strong>le</strong> revolver, puis l'arme blanche, baïonnette,<br />
épée, sabre et poignard. Dans un abordage, la pique ou la pertuisane de huit pieds<br />
triompherait de la baïonnette.<br />
L'armée n'a sur <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> que deux grands avantages, <strong>le</strong> fusil Chassepot et<br />
l'organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistib<strong>le</strong>. Heureusement, on peut<br />
<strong>le</strong> lui ôter et, dans ce cas, l'ascendant passe du côté de l'insurrection.<br />
Dans <strong>le</strong>s luttes civi<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s soldats, sauf de rares exceptions, ne marchent<br />
qu'avec répugnance, par contrainte et par eau-de-vie. Ils voudraient bien être<br />
ail<strong>le</strong>urs et regardent plus volontiers derrière que devant eux. Mais une main de fer<br />
<strong>le</strong>s retient. Esclaves et victimes d'une discipline impitoyab<strong>le</strong>, sans affection pour <strong>le</strong><br />
pouvoir, ils n'obéissent qu'à la crainte et sont incapab<strong>le</strong>s de la moindre initiative.<br />
Un détachement coupé est un détachement perdu. Les chefs, qui ne l'ignorent pas,<br />
s'inquiètent avant tout de maintenir <strong>le</strong>s communications entre tous <strong>le</strong>urs corps.<br />
Cette nécessité annu<strong>le</strong> une partie de <strong>le</strong>ur effectif.<br />
Dans <strong>le</strong>s rangs populaires, rien de semblab<strong>le</strong>. Là, on se bat pour une idée.<br />
Supérieurs à l'adversaire par <strong>le</strong> dévouement, ils <strong>le</strong> sont bien plus encore par<br />
l'intelligence. Ils l'emportent sur lui, dans l'ordre moral et même physique, par la<br />
conviction, la vigueur, la fertilité des ressources, la vitalité du corps et de l'esprit.<br />
Ils ont la tête et <strong>le</strong> cœur. Nul<strong>le</strong> troupe au monde n'éga<strong>le</strong> ces hommes d'élite.<br />
Que <strong>le</strong>ur manque-t-il donc pour vaincre ? Il <strong>le</strong>ur manque l'unité et l'ensemb<strong>le</strong><br />
qui fécondent, en <strong>le</strong>s faisant concourir au même but, toutes ces qualités que<br />
l'iso<strong>le</strong>ment frappe d'impuissance. Il <strong>le</strong>ur manque l'organisation. Sans el<strong>le</strong>, aucune<br />
chance. L'organisation, c'est la victoire ; l'éparpil<strong>le</strong>ment, c'est la mort.<br />
Juin 48 a mis cette vérité hors de conteste. Que serait-ce donc aujourd'hui ?<br />
Avec <strong>le</strong>s vieux procédés, <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> tout entier succomberait si la troupe voulait