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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 171<br />
M. Gambetta 1 , l'irréconciliab<strong>le</strong>, commence son expiation. Les républicains lui<br />
ont fait la courte échel<strong>le</strong>. Une fois hissé au pouvoir, il <strong>le</strong>s a repoussés du pied et<br />
livrés à l'ennemi, comptant gagner ses bonnes grâces.<br />
Illusion ! on achète et on paye <strong>le</strong>s transfuges, on n'en prend pas livraison. C'est<br />
toujours <strong>le</strong>ur folie de se croire acceptés. La réaction entame sa seconde fournée de<br />
proscrits. Les gendarmes de la première seront en tête de liste. M. Gambetta a servi<br />
de cravache contre <strong>le</strong>s républicains. Son tour vient de passer par la cravache.<br />
Il était déjà suspect. Il prêche la résistance. Il a fait une proclamation pour<br />
Bazaine, Bazaine 2 , l'espoir et <strong>le</strong> benjamin du conservatisme, <strong>le</strong> sauveur de la<br />
société ! Bazaine, qui voulait marcher avec son armée et <strong>le</strong>s Prussiens, pour mettre<br />
l'anarchie à la raison.<br />
Gambetta comb<strong>le</strong> la mesure de ses crimes par cette phrase : « Les deux partis<br />
réclament une Assemblée et y poussent avec rage. » Il ne faut pas s'y tromper, <strong>le</strong><br />
chef du parti conservateur en France, c'est Bismarck. Le gouvernement légitime<br />
n'est point à Paris, mais à Versail<strong>le</strong>s. Bismarck demande une Assemblée, il sait<br />
qu'il a pour lui <strong>le</strong>s classes riches, et que ces classes, maîtresses du scrutin,<br />
nommeront, par <strong>le</strong>ur influence et par la terreur étrangère, une Assemblée<br />
prussienne et monarchique.<br />
Il suffit de parcourir ici <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s réactionnaires. N'a-t-on pas lu hier dans ces<br />
journaux éhontés l'infâme libel<strong>le</strong> publié au Moniteur prussien par l'agent qui <strong>le</strong>s<br />
représente auprès du roi Guillaume ? Ils appel<strong>le</strong>nt cette pièce un document<br />
important.<br />
Très important, en effet, car il est la reproduction des calomnies éditées par<br />
eux-mêmes, à Paris, contre <strong>le</strong>s victimes du 31 octobre, et révè<strong>le</strong> ainsi <strong>le</strong>urs<br />
relations intimes avec Bismarck. Ils font réimprimer par lui, à Versail<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>urs<br />
turpitudes, et ils en sont venus à ce degré d'impudence d'éta<strong>le</strong>r <strong>le</strong>ur complicité<br />
ouverte avec l'ennemi, en <strong>le</strong> citant comme une autorité mora<strong>le</strong>.<br />
On voit que <strong>le</strong>s choses vont vite. Bismarck et ses associés de Paris accusent<br />
l'Hôtel de Vil<strong>le</strong> de faib<strong>le</strong>sse et de ménagements envers <strong>le</strong>s brigands du 31 octobre.<br />
1 Léon-Michel GAMBETTA (1838-1882) : Homme d'État. Excel<strong>le</strong>nt orateur. Se prétendit<br />
démocrate au début de son activité. C'est à lui que fut confiée la défense nationa<strong>le</strong> après la chute<br />
de l'empire. Gambetta refusa d'accepter <strong>le</strong>s conditions de paix de Bismarck (1871) et se réfugia<br />
en Espagne.<br />
Après la Commune de Paris, Gambetta fut <strong>le</strong> chef du parti républicain, promoteur d'une<br />
politique de modération et d'opportunisme. Lors d'une réunion é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong> en 1881, il appela <strong>le</strong>s<br />
ouvriers à abandonner la lutte et à établir l'harmonie des classes.<br />
2 Achil<strong>le</strong>-François BAZAINE (1811-1888) : Militaire réactionnaire et démagogue, maréchal de<br />
France. Le 27 octobre 1870, il abandonna traîtreusement Metz aux Prussiens et <strong>le</strong>ur ouvrit <strong>le</strong><br />
chemin de Paris ; il engagea des pourpar<strong>le</strong>rs avec <strong>le</strong> commandement prussien pour étouffer la<br />
république et rétablir la monarchie.