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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 166<br />
Paris ne cesse de réclamer <strong>le</strong> licenciement et la dispersion des anciennes forces<br />
de police qui ont laissé de si sanglants souvenirs. Le gouvernement reste sourd et<br />
muet.<br />
Seu<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> préfet de police transforme ironiquement <strong>le</strong>s gardes municipaux<br />
en gardes républicains, et <strong>le</strong>s sergents casse-tête en gardiens de paix. Dès<br />
aujourd'hui, <strong>le</strong> pouvoir s'appuie complètement sur ces milices abhorrées.<br />
Plaintes, reproches, prières, supplications viennent expirer devant l'implacab<strong>le</strong><br />
inertie du parti pris. On ne répond que par des appels moqueurs au calme et à<br />
l'obéissance. On exploite avec cynisme <strong>le</strong> dévouement et la dou<strong>le</strong>ur des patriotes.<br />
Le mot « Union » est devenu l'arme de guerre de tous <strong>le</strong>s ennemis de la liberté.<br />
Qu'on <strong>le</strong> sache bien, concorde, pour <strong>le</strong>s républicains, ne signifie pas<br />
asservissement aux contre-révolutionnaires. Ils veu<strong>le</strong>nt l'union pour <strong>le</strong> salut et non<br />
pour la ruine de la République.<br />
Retour à la tab<strong>le</strong> des matières<br />
3. – 1792-1870<br />
30 octobre 1870.<br />
Quatre-vingts ans d'interval<strong>le</strong> seu<strong>le</strong>ment entre ces deux dates ! La vie d'un<br />
vieillard. Mais, de ce berceau à cette tombe, dix sièc<strong>le</strong>s ordinaires ont trouvé place.<br />
Plus rien ne se ressemb<strong>le</strong>. La filiation mora<strong>le</strong> a disparu. On est de race par <strong>le</strong> sang ;<br />
on ne l'est ni par la conscience, ni par <strong>le</strong> caractère. La tradition n'a pas laissé<br />
vestige. Aux deux extrémités de la période, deux drapeaux : – 1792,<br />
l'enthousiasme ; – 1870, la spéculation.<br />
De toutes parts, une lamentation s'élève : nos pères de 1792 n'avaient ni <strong>le</strong><br />
nombre, ni la richesse, ni la science qu'on possède aujourd'hui. Ils ont étéhéroïques.<br />
Ils ont sauvé la patrie, é<strong>cras</strong>é <strong>le</strong>s monarchies coalisées. Allons-nous,<br />
avec tant de ressources qu'ils n'avaient pas, périr sous <strong>le</strong> talon de la Prusse, devant<br />
<strong>le</strong> sourire méprisant de l'Europe ?<br />
Et ce cri retentit plus désespéré : « 92 ! Soyons <strong>le</strong>s hommes de 92 ! ou la<br />
France sombre. » Puis cet étrange refrain : « Serrons-nous autour du gouvernement<br />
de la défense nationa<strong>le</strong>. »<br />
Nos pères de 92 se serraient autour d'un gouvernement révolutionnaire qui<br />
foulait aux pieds l'ennemi intérieur, <strong>le</strong> monarchisme, et portait la pointe de l'épée<br />
au visage, de son complice, l'envahisseur étranger.<br />
Et vous vous ralliez, vous, à un pouvoir contre-révolutionnaire, proscripteur<br />
des républicains, courtisan des royalistes et très humb<strong>le</strong> serviteur de l'invasion.