Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras Auguste Blanqui, Textes choisis - le cras

25.06.2013 Views

Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 156 remarquables que le boomerang, sujet perpétuel d'étonnement pour les Européens. Ils ne manœuvrent pas des flottilles nombreuses de pirogues. Les Australiens possèdent tout cela et probablement encore d'autres signes de progrès qui échappent à l'observation dédaigneuse et superficielle des blancs. Ces observateurs sont des touristes trop dégoûtés que révoltent la saleté et la puanteur des pauvres diables, et ils s'inquiètent beaucoup plus de tracer des tableaux pittoresques pour l'amusement des oisifs, que de faire des études d'anthropologie profitables à la science. Il est assez difficile de démêler le système social des noirs de la baie de Carpentarie. Est-il communiste ou individualiste ? Ils paraissent associés, sans communisme, même sans échange, et seulement pour la défense commune, non pour les besoins de la vie usuelle. En effet, ils ne cultivent pas, marchent nus, n'ont pour abri que des branchages placés le soir, abandonnés le matin. Donc, point de propriété immobilière. Ils sont nomades ; point de meubles. Restent, pour unique richesse, quelques armes et instruments fort simples, de fabrique tout personnelle. Cannibales, pêcheurs, chasseurs, en lutte permanente contre la faim, ils travaillent probablement chacun pour son compte. Cependant des pirogues ne s'improvisent pas. Dans quelles conditions sont-elles construites ? Isolément ou en commun ? Il serait intéressant de le savoir. On n'en dit rien. Ce qui est certain, c'est qu'ils vivent en troupe et par tribus, avec une organisation et des chefs, société fort rudimentaire peut-être, mais positive. Nos ancêtres de l'âge de pierre étaient-ils plus avancés, et même autant ? C'est douteux. Ils ont cependant une postérité présentable. Quant aux Australiens, leur compte est réglé. Ils ont rencontré une race qui n'épargne pas les autres. On a essayé de les amener à la culture du sol, à la civilisation blanche, tentative ridicule et stupide qui exigeait de ces infortunés ce que ne peut donner leur organisme. Les transformations du cerveau ne s'improvisent pas. Elles sont l'œuvre des siècles. Au contact des Anglais, les peaux noires d'Australie vont périr comme les peaux rouges d'Amérique, comme la race zélandaise elle-même, si intelligente et si belle. C'est triste. Par une cruelle fatalité, toutes les jeunes familles humaines, dont l'enfance avait besoin de protection et de tendresse pour arriver à la virilité, ont eu le malheur de rencontrer la variété la plus égoïste, la plus grossière, la plus impitoyable, la plus hypocrite de la race blanche, les Anglo-Saxons, qui détruisent froidement, sans remords comme sans bruit, tout ce qui se trouve devant eux et fait obstacle à leurs envahissements. Des renseignements judicieux et précis sur les coutumes australiennes pourraient éclairer la condition première de nos propres aïeux.

Retour à la table des matières Auguste Blanqui, Textes choisis (1971) 157 Avril 1869. 13. – COOPÉRATION ET RÉACTION Le coopératif, dans la pensée du gouvernement, avait le même but que la caisse d'épargne, désarmer et endormir le prolétariat par un mirage de bien-être. Combinaison plus savante, quoiqu'elle ait échoué et même abouti à un résultat tout révolutionnaire. Il ne s'agissait plus, en effet, d'une entorse brutale àl'économie politique, mais, au contraire, d'une application rigoureuse de ses doctrines. Il n'en coûtait plus à l'État ni un sou, ni un geste. L'épargne pour moyen, la capitalisation pour but, consécration du vieil ordre et reniement du socialisme, tel était le programme. Le peuple se déclare lui-même très humble serviteur et vassal de la science officielle. Il signe la déchéance du Travail et proclame la productivité, autrement dit, la souveraineté du Capital. Ainsi l'avait rêvé la réaction, et son rêve a paru d'abord se réaliser. Le congrès de Genève inaugurait hautement le système pur de l'économisme. Tout sans l'État, rien par l'État. Indifférentisme politique et religieux. La coopération fondée sur l'intérêt légitime du capital. Anathème aux idées de 48. Proudhon lui-même condamné dans sa guerre à l'usure. Ainsi parlaient à Genève, au nom des sociétés coopératives, les ouvriers délégués par l'Association internationale. Et la presse entière d'applaudir à cette abjuration, par le peuple lui-même, de ses anciennes folies révolutionnaires. Devant ces rétractations solennelles, les hommes de l'égalité baissaient la tête. Ils l'ont relevée depuis. Car tout ce qui avait triomphé à Genève, en 1866, chancelait à Lausanne en 1867, s'écroulait à Bruxelles en 1868, et a disparu à Bâle en 1869 1 . 1 Blanqui évoque ici les congrès de la 1 re Internationale. Au Congrès de Genève, les proudhoniens demandèrent que l'Internationale devînt une association coopérative internationale et qu'elle limitât sa tâche à l'étude des conditions qui pourraient permettre au régime coopératif de remplacer le régime capitaliste. Après des discussions passionnées, le congrès, approuvant Marx, admit que le mouvement coopératif n'était qu'un des moyens de transformer la société et que, laissé à lui seul, il était incapable de combattre le capitalisme. Au Congrès de Lausanne (2-8 septembre 1867), on adopta une résolution déclarant que l'émancipation sociale des travailleurs ne pouvait être séparée de leur libération politique. Le problème qui préoccupa le Congrès de Bruxelles (6-19 septembre 1868) était celui de la propriété, et en particulier celui de la propriété foncière. La résolution adoptée à ce congrès montra que le développement de l'économie exigeait le passage à la grande industrie et que, par conséquent, non seulement la terre, mais les mines, les forêts, les chemins de fer, etc., devaient être transformés en propriété collective.

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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 157<br />

Avril 1869.<br />

13. – COOPÉRATION ET RÉACTION<br />

Le coopératif, dans la pensée du gouvernement, avait <strong>le</strong> même but que la caisse<br />

d'épargne, désarmer et endormir <strong>le</strong> prolétariat par un mirage de bien-être.<br />

Combinaison plus savante, quoiqu'el<strong>le</strong> ait échoué et même abouti à un résultat tout<br />

révolutionnaire.<br />

Il ne s'agissait plus, en effet, d'une entorse bruta<strong>le</strong> àl'économie politique, mais,<br />

au contraire, d'une application rigoureuse de ses doctrines. Il n'en coûtait plus à<br />

l'État ni un sou, ni un geste. L'épargne pour moyen, la capitalisation pour but,<br />

consécration du vieil ordre et reniement du socialisme, tel était <strong>le</strong> programme. Le<br />

peup<strong>le</strong> se déclare lui-même très humb<strong>le</strong> serviteur et vassal de la science officiel<strong>le</strong>.<br />

Il signe la déchéance du Travail et proclame la productivité, autrement dit, la<br />

souveraineté du Capital.<br />

Ainsi l'avait rêvé la réaction, et son rêve a paru d'abord se réaliser. Le congrès<br />

de Genève inaugurait hautement <strong>le</strong> système pur de l'économisme. Tout sans l'État,<br />

rien par l'État. Indifférentisme politique et religieux. La coopération fondée sur<br />

l'intérêt légitime du capital. Anathème aux idées de 48. Proudhon lui-même<br />

condamné dans sa guerre à l'usure.<br />

Ainsi parlaient à Genève, au nom des sociétés coopératives, <strong>le</strong>s ouvriers<br />

délégués par l'Association internationa<strong>le</strong>. Et la presse entière d'applaudir à cette<br />

abjuration, par <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> lui-même, de ses anciennes folies révolutionnaires.<br />

Devant ces rétractations so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s hommes de l'égalité baissaient la tête. Ils<br />

l'ont re<strong>le</strong>vée depuis. Car tout ce qui avait triomphé à Genève, en 1866, chancelait à<br />

Lausanne en 1867, s'écroulait à Bruxel<strong>le</strong>s en 1868, et a disparu à Bâ<strong>le</strong> en 1869 1 .<br />

1 <strong>Blanqui</strong> évoque ici <strong>le</strong>s congrès de la 1 re Internationa<strong>le</strong>.<br />

Au Congrès de Genève, <strong>le</strong>s proudhoniens demandèrent que l'Internationa<strong>le</strong> devînt une<br />

association coopérative internationa<strong>le</strong> et qu'el<strong>le</strong> limitât sa tâche à l'étude des conditions qui<br />

pourraient permettre au régime coopératif de remplacer <strong>le</strong> régime capitaliste. Après des<br />

discussions passionnées, <strong>le</strong> congrès, approuvant Marx, admit que <strong>le</strong> mouvement coopératif<br />

n'était qu'un des moyens de transformer la société et que, laissé à lui seul, il était incapab<strong>le</strong> de<br />

combattre <strong>le</strong> capitalisme. Au Congrès de Lausanne (2-8 septembre 1867), on adopta une<br />

résolution déclarant que l'émancipation socia<strong>le</strong> des travail<strong>le</strong>urs ne pouvait être séparée de <strong>le</strong>ur<br />

libération politique.<br />

Le problème qui préoccupa <strong>le</strong> Congrès de Bruxel<strong>le</strong>s (6-19 septembre 1868) était celui de la<br />

propriété, et en particulier celui de la propriété foncière. La résolution adoptée à ce congrès<br />

montra que <strong>le</strong> développement de l'économie exigeait <strong>le</strong> passage à la grande industrie et que, par<br />

conséquent, non seu<strong>le</strong>ment la terre, mais <strong>le</strong>s mines, <strong>le</strong>s forêts, <strong>le</strong>s chemins de fer, etc., devaient<br />

être transformés en propriété col<strong>le</strong>ctive.

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