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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 149<br />
quartier à la tyrannie capitaliste et proclamaient l'illégitimité de l'intérêt sous toutes<br />
ses formes, rente, loyer, fermage, primes, etc.<br />
Ils ne reconnaissaient de droit qu'au travail. Ils n'en accordaient aucun au<br />
capital. Cette doctrine n'est pas seu<strong>le</strong>ment la vérité scientifique, mais encore la<br />
plus haute mora<strong>le</strong>. En effet, <strong>le</strong> travail, c'est l'homme ; <strong>le</strong> capital, c'est la matière.<br />
L'homme seul agit, <strong>le</strong> capital n'agit pas. Il n'est qu'un instrument inerte entre <strong>le</strong>s<br />
mains du travail<strong>le</strong>ur. Il n'y a donc aucune part à lui faire dans <strong>le</strong> produit.<br />
Ce n'est point ici <strong>le</strong> lieu de réfuter <strong>le</strong>s sophismes de l'économie politique en<br />
faveur de la rémunération du capital. Ce serait un hors-d'œuvre qui déborderait<br />
mon cadre. Il suffit de rappe<strong>le</strong>r que <strong>le</strong>s deux socialismes en lutte, <strong>le</strong> mutuellisme et<br />
l'association, malgré <strong>le</strong>ur divergence radica<strong>le</strong>, s'accordaient néanmoins sur <strong>le</strong> point<br />
décisif, l'illégitimité de l'intérêt. Ce n'est pas tout sans doute. Mais qu'on demande<br />
si c'est peu aux propriétaires, aux hommes de finance, d'industrie et de négoce.<br />
Sans méconnaître <strong>le</strong>s difficultés de l'organisation du travail dans <strong>le</strong>s deux systèmes<br />
socialistes, et c'est précisément à propos de cette organisation qu'éclate <strong>le</strong>ur<br />
antagonisme, on peut avancer hardiment que l'essence même du socialisme gît<br />
dans la formu<strong>le</strong> : Illégitimité de l'intérêt du capital.<br />
Si donc, comme s'en vantent ses fondateurs, comme <strong>le</strong> répètent avec<br />
complaisance ses journaux, la coopération est une fil<strong>le</strong> bien é<strong>le</strong>vée du socialisme<br />
proudhonien, c'est bien <strong>le</strong> moins qu'el<strong>le</strong> eût dû choisir pour assise <strong>le</strong> seul point de<br />
doctrine qui fasse Proudhon socialiste. Loin de là, <strong>le</strong> tant pour cent est son dieu et<br />
<strong>le</strong> capital son souverain seigneur. El<strong>le</strong> repose sur la même base que toutes <strong>le</strong>s<br />
sociétés commercia<strong>le</strong>s possib<strong>le</strong>s -anonyme – en participation – en commandite.<br />
Qu'on lise ses statuts, ses comptes rendus, tous ses manifestes, c'est l'argot de la<br />
finance, sans un point de plus, sans une virgu<strong>le</strong> de moins. Amende honorab<strong>le</strong> aux<br />
pieds du laisser faire et du laisser passer ; triomphe comp<strong>le</strong>t de cette économie<br />
politique sans entrail<strong>le</strong>s qui jette <strong>le</strong>s victimes par millions dans l'engrenage<br />
dévorant de la concurrence..., et l'on peut bien ajouter, de l'offre et de la demande ;<br />
car il y a des auxiliaires dans la coopération. Auxiliaires ! mot pudique pour<br />
déguiser salariés. Et qui sait si <strong>le</strong>s patrons à plusieurs têtes ne seraient pas plus<br />
durs que <strong>le</strong>s patrons monocrânes ? Qu'on s'étonne, après cela, des tendresses<br />
malthusiennes pour <strong>le</strong> poupon coopératif !<br />
Ses parrains disent aux prolétaires : « Ne vous inquiétez pas du gouvernement.<br />
Vous n'avez nul besoin de son aide. Ne lui demandez pas l'aumône de ses millions.<br />
Vous n'en avez pas <strong>le</strong> droit, et, d'ail<strong>le</strong>urs, ils vous seraient plus nuisib<strong>le</strong>s qu'uti<strong>le</strong>s.<br />
Tirez, sou par sou, de votre pauvre bourse, pour vous créer un capital, un<br />
instrument de travail, et, de ce jour, vous cesserez d'être des salariés, des exploités,<br />
pour devenir des capitalistes, cumulant <strong>le</strong> doub<strong>le</strong> profit de l'intérêt d'abord, puis de<br />
la main-d'œuvre, sans prélibation. Voilà <strong>le</strong> vrai chemin de l'affranchissement et du<br />
bien-être ! Laissez donc là <strong>le</strong> gouvernement, et, loin de solliciter son intervention,<br />
faites plutôt des vœux pour qu'il ne se mê<strong>le</strong> pas de vos affaires ! »