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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 13<br />
Alors commença cette guerre de journaux et d'é<strong>le</strong>ctions [menée par el<strong>le</strong><br />
contre Char<strong>le</strong>s X]. Mais <strong>le</strong>s bourgeois combattaient au nom de la Charte, rien<br />
que pour la Charte... [Le peup<strong>le</strong>] restait spectateur si<strong>le</strong>ncieux de la querel<strong>le</strong> ; et<br />
chacun sait bien que ses intérêts ne comptaient pas dans <strong>le</strong>s débats survenus<br />
entre ses oppresseurs... en voyant ses maîtres se disputer, il épiait en si<strong>le</strong>nce <strong>le</strong><br />
moment de s'élancer sur <strong>le</strong> champ de batail<strong>le</strong> et de mettre <strong>le</strong>s parties d'accord.<br />
Lorsque, dans cette lutte entre la bourgeoisie et <strong>le</strong> gouvernement, la victoire<br />
commença à pencher vers la première, Char<strong>le</strong>s X résolut de faire un coup d'État. Il<br />
décréta la dissolution de la Chambre des députés et menaça de se servir de la force<br />
armée. Les royalistes se montraient sûrs d'eux, et la bourgeoisie était prise de<br />
panique. Ni l'une, ni l'autre partie ne s'attendait à l'intervention du peup<strong>le</strong>.<br />
Lorsque <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> se dressa, réveillé d'un sommeil qui avait duré quinze ans,<br />
une frayeur plus grande encore saisit <strong>le</strong>s bourgeois.<br />
Au travers des débris, des flammes et de la fumée, sur <strong>le</strong> cadavre de la<br />
royauté, <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur apparaît debout, debout comme un géant, <strong>le</strong> drapeau<br />
tricolore à la main ; ils demeurent frappés de stupeur...<br />
D'abord, ils avaient redouté la victoire de Char<strong>le</strong>s X et ils avaient tremblé<br />
devant ses conséquences. Ensuite, quand <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> triompha, contre toute attente,<br />
<strong>le</strong>s bourgeois furent stupéfaits.<br />
Pendant ces jours où <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> fut si grand, <strong>le</strong>s bourgeois ont été ballottés<br />
entre deux peurs, cel<strong>le</strong> de Char<strong>le</strong>s X d'abord et cel<strong>le</strong> des ouvriers ensuite.<br />
Mais comment se fait-il qu'une révélation si soudaine et si redoutab<strong>le</strong> de la<br />
force des masses soit demeurée stéri<strong>le</strong> ?...<br />
[Cette révolution] devait marquer la fin du régime exclusif de la bourgeoisie,<br />
ainsi que l'avènement des intérêts de la puissance populaire.<br />
Comment « n'a-t-el<strong>le</strong> eu d'autre résultat que d'établir <strong>le</strong> despotisme de la classe<br />
moyenne » ? C'est que « <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> n'a pas su profiter de sa victoire ».<br />
Le combat fut si court que ses chefs naturels, ceux qui auraient donné cours<br />
à sa victoire, n'eurent pas <strong>le</strong> temps de sortir de la fou<strong>le</strong> ! [Le peup<strong>le</strong> accordait sa<br />
confiance à ceux] qui avaient figuré en tête de la bourgeoisie dans la lutte<br />
par<strong>le</strong>mentaire contre <strong>le</strong>s Bourbons.<br />
La victoire une fois remportée, <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> rentra « dans ses ateliers » ; la<br />
bourgeoisie entra dans l'arène. N'osant, par crainte du peup<strong>le</strong>, rétablir Char<strong>le</strong>s X,<br />
el<strong>le</strong> proclama roi un autre Bourbon.