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<strong>Auguste</strong> <strong>Blanqui</strong>, <strong>Textes</strong> <strong>choisis</strong> (1971) 106<br />
13. – LETTRE À MAILLARD 1<br />
Bel<strong>le</strong>-Î<strong>le</strong>, 6 juin 1852.<br />
Je ne me suis pas pressé de vous répondre, mon cher citoyen, dans la crainte de<br />
b<strong>le</strong>sser vos opinions qui ne sont pas toujours <strong>le</strong>s miennes, du moins en apparence,<br />
mais vous insistez, vous semb<strong>le</strong>z même attribuer mon si<strong>le</strong>nce à des motifs de<br />
mécontentement personnel. Je ne veux pas laisser votre imagination courir <strong>le</strong>s<br />
champs et je vous dirai mon avis, puisque vous y tenez. Nous sommes d'accord sur<br />
<strong>le</strong> point capital, je veux dire <strong>le</strong>s moyens pratiques qui, en définitive, sont toute la<br />
Révolution. Mais <strong>le</strong>s moyens pratiques se déduisent des principes et dépendent<br />
aussi de l'appréciation des hommes et des choses. Ici, nous différons. Vous accusez<br />
de l'avortement de Février <strong>le</strong>s chefs d'éco<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s peureux, <strong>le</strong>s philosophes, <strong>le</strong>s<br />
avocats, <strong>le</strong>s divisions du parti.<br />
De toutes ces causes, je n'en admets qu'une seu<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s avocats, non point en<br />
qualité d'avocats, mais comme fraction assez notab<strong>le</strong> de cette tourbe d'intrigants<br />
qui ont dévoré la République et, ne pouvant la digérer, n'ont pas tardé à la rendre<br />
par haut et par bas. Les renégats, soyez-en convaincu, ne prétendaient rien<br />
changer, rien détruire ; bien au contraire, ils n'avaient qu'un but, qu'un désir,<br />
conserver, conserver <strong>le</strong>s places. Vous <strong>le</strong>s croyez plus bêtes qu'ils ne sont. C'est<br />
l'erreur généra<strong>le</strong>. On accuse <strong>le</strong>ur intelligence plutôt que <strong>le</strong>urs intentions, et c'est<br />
ainsi qu'on <strong>le</strong>ur aplanit tout doucement la voie pour un nouveau tour de passepasse.<br />
Comment croire que des gens rompus à toutes <strong>le</strong>s roueries de la politique<br />
vont se tromper si grossièrement sur l'a. b. c. du métier ? S'ils n'ont pas fait de la<br />
révolution, c'est qu'ils n'en voulaient pas faire. Leur trahison s'est trouvée une<br />
ineptie, voilà tout. Ils tenaient enfin la queue de la poê<strong>le</strong> ; ils ont voulu frire à <strong>le</strong>ur<br />
tour. Leur sottise a été d'imaginer qu'ils friraient longtemps. Mais c'est l'incurab<strong>le</strong><br />
infirmité des pouvoirs. Ils se croient tous immortels.<br />
Rayez du catalogue des coupab<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s peureux – personne n'a eu peur en<br />
Février, si ce n'est de perdre sa part dans la curée ! – Les philosophes – ils sont<br />
1 Cette longue <strong>le</strong>ttre politique a été adressée à un des discip<strong>le</strong>s de Barbès, ancien fondateur et<br />
président du club républicain du V e , filia<strong>le</strong> du club de la Révolution. Sa participation aux<br />
combats de juin lui avait valu d'être déporté en Afrique, d'où il réussit à s'évader pour se<br />
réfugier à Barcelone, où la <strong>le</strong>ttre de <strong>Blanqui</strong> lui est adressée.<br />
Maillard était un républicain sincère, mais sans idées claires et précises.<br />
La <strong>le</strong>ttre de <strong>Blanqui</strong> fut publiée, pour la première fois, dans Le Cri du peup<strong>le</strong> (numéros du 1 er , 2<br />
et 3 octobre 1885). Mss <strong>Blanqui</strong>, N. A. F. 9590-2, liasse VII, chemise 3, sous-chemise 5,<br />
feuil<strong>le</strong>t 379 et sq.