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La dégustation de prestige Château Meyney à ... - Mathilde Hulot

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TAST<br />

<strong>La</strong> <strong>dégustation</strong> <strong>de</strong> <strong>prestige</strong> LE DOMAINE DE LA ROMANÉE CONTI EN 2005. LES PREMIERS CRUS CLASSÉS DE<br />

<strong>La</strong> BORDEAUX <strong>dégustation</strong> EN 1982 <strong>de</strong> <strong>prestige</strong> I Le grand <strong>Château</strong> entretien <strong>Meyney</strong> LE<strong>à</strong> VIN travers AUJOURD'HUI 50 ans d'histoire VU PAR LES I Le GRANDS grand entretien OENOLOGUES Ghislain : PASCAL <strong>de</strong><br />

CHATONNET Montgolfier, I prési<strong>de</strong>nt Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong> terroir l'UMC SAINT-JULIEN et co-prési<strong>de</strong>nt I <strong>La</strong> du gran<strong>de</strong> CIVC I Baromètre enquête CES Bettane&Desseauve GRANDS CRUS MENACÉS Le Best PAR Of<br />

2008 L'INDUSTRIALISATION I Making of du I Les Gui<strong>de</strong> révélations C'est reparti du Grand ! I Les Gui<strong>de</strong> vignerons <strong>de</strong>s Vins <strong>à</strong> suivre <strong>de</strong> France en 2009 2010Les LES découvertes DÉCOUVERTES ET et LES les<br />

NOUVELLES nouvelles valeurs VALEURSmontantes MONTANTES I World Un réveillon Wine Web avec… LA REVUE Mariages DE PRESSE <strong>de</strong> fête DUpar NET. le I LCI menu Radio I World BUZZWine VINS IWeb Bonus <strong>La</strong><br />

TAST revue Pro <strong>de</strong> presse LES ENCHÈRES du Net DE I TAST VINS PRO : BILAN Le 2008 vin en ETFrance PERSPECTIVES : ennemi 2009. public numéro un<br />

TAST PRO n°53<br />

février 2009


Le succès* a enfin un visage !<br />

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• 9500 vins notés et commentés par les <strong>de</strong>ux meilleurs experts français<br />

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(source GfK)<br />

L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTE. A CONSOMMER AVEC MODERATION.


Vins <strong>de</strong> souvenir<br />

n°53<br />

février 2009 3<br />

Il en est sans doute <strong>de</strong>s vins que nous aimons comme <strong>de</strong>s<br />

lectures qui ont baigné notre enfance ; <strong>de</strong> grands démiurges<br />

faisant réapparaître par leur seule saveur et le souvenir qu'ils<br />

ont laissé en nous ces moments où nous les avons dégustés.<br />

Forcément uniques, points d'ancrage dans notre vie, laissant<br />

<strong>de</strong>rrière eux bien plus qu'une étiquette, une émotion gustative, un<br />

contact indéfectible. Ils ont tracé le cadre <strong>de</strong> notre mémoire, la<br />

peuplant <strong>de</strong> nos compagnons <strong>de</strong> <strong>dégustation</strong>, du décor et <strong>de</strong><br />

l'atmosphère précise <strong>de</strong> ces moments <strong>de</strong> partage, et s'il nous arrive<br />

<strong>de</strong> les retrouver, il suffit d'une seule gorgée pour nous replonger<br />

dans ces mêmes circonstances, comme si le temps était aboli et que<br />

tout était contenu dans l'évocation d'un seul verre. Un peu comme<br />

ces livres d'autrefois, que nous feuilletons encore parce qu'ils sont<br />

"les seuls calendriers que nous ayons gardés <strong>de</strong>s jours enfuis, et<br />

avec l'espoir <strong>de</strong> voir reflétés sur leurs pages – dans leur éclat, leur<br />

couleur, leur o<strong>de</strong>ur, leur saveur – les <strong>de</strong>meures et les étangs qui<br />

n'existent plus"*.<br />

C'est pour cela que nous dégustons les vins, arpentons les vignobles<br />

et rencontrons les hommes et les femmes qui les font. Nous<br />

sommes toujours heureux <strong>de</strong> vous faire partager ces vins <strong>de</strong><br />

souvenir et <strong>de</strong> patience, qui <strong>à</strong> chaque moment <strong>de</strong> leur <strong>dégustation</strong>,<br />

se livrent chaque fois un peu plus pour nous en apprendre<br />

davantage sur nous-même.<br />

Le vin, ce n'est pas que <strong>de</strong> la technique, une mécanique œnologique<br />

bien réglée. Il y faut du cœur et <strong>de</strong> la passion.<br />

Michel Bettane, Thierry Desseauve et Véronique Raisin.<br />

* Sur la lecture, Marcel Proust. Préface <strong>à</strong> la traduction <strong>de</strong> Sésame<br />

et les Lys <strong>de</strong> John Ruskin, 1905. Éditions Actes Sud.


Réalisé par Thierry Desseauve,<br />

Michel Bettane, Alain Chameyrat,<br />

Denis Hervier, Thierry Meyer,<br />

Mathil<strong>de</strong> <strong>Hulot</strong>, Valérie Leclercq<br />

et Véronique Raisin<br />

Coordination éditoriale :<br />

Véronique Raisin<br />

Conception graphique :<br />

Hicham Abou Raad<br />

Diffusion : Béatrice Boullier<br />

Publié par BDT Médias,<br />

décembre 2008<br />

Directeur <strong>de</strong> la publication :<br />

Thierry Desseauve<br />

Photo <strong>de</strong> couverture :<br />

Dalmeran<br />

Photos intérieure :<br />

Gunther Vicente (p. 52), CIVB<br />

(p. 35-37), D.R. (autres photos)


FOIRES AUX VINS 2008<br />

Sommaire<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

n°53<br />

février 2009 5<br />

LE DOMAINE DE LA ROMANÉE CONTI EN 2005 PAGE 6<br />

LES PREMIERS CRUS CLASSÉS DE BORDEAUX EN 1982 PAGE 9<br />

MICHEL BETTANE<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

LE VIN AUJOURD'HUI VU PAR LES GRANDS OENOLOGUES PAGE 12<br />

PASCAL CHATONNET<br />

THIERRY DESSEAUVE ET VÉRONIQUE RAISIN<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

SAINT-JULIEN PAGE 20<br />

MICHEL BETTANE<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

CES GRANDS CRUS MENACÉS PAR L'INDUSTRIALISATION PAGE 35<br />

MATHILDE HULOT<br />

LES RÉVÉLATIONS DU GRAND GUIDE DES VINS DE FRANCE 2010<br />

LES DÉCOUVERTES ET LES NOUVELLES VALEURS MONTANTES PAGE 50<br />

DENIS HERVIER, THIERRY MEYER, ALAIN CHAMEYRAT<br />

WORLD WINE WEB<br />

LA REVUE DE PRESSE DU NET PAGE 58<br />

VÉRONIQUE RAISIN, VALÉRIE LECLERCQ<br />

LCI RADIO<br />

BUZZ VINS PAGE 75<br />

BONUS TAST PRO<br />

LES ENCHÈRES DE VINS : BILAN 2008 ET PERSPECTIVES 2009<br />

ENTRETIEN AVEC ANGÉLIQUE DE LENCQUESAING, IDEALWINE PAGE 76<br />

VÉRONIQUE RAISIN


6<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

Domaine <strong>de</strong> la Romanée Conti :<br />

le millésime 2005<br />

<strong>La</strong> <strong>dégustation</strong> <strong>de</strong> ces 2005 s’est déroulée en public au caveau Grains Nobles,<br />

<strong>à</strong> la fin <strong>de</strong> l’année 2008 et en présence d’Aubert <strong>de</strong> Villaine, co-gérant du domaine.<br />

Le cycle végétatif <strong>de</strong> ce<br />

millésime 2005 se<br />

caractérise par une<br />

sécheresse supérieure <strong>à</strong> la<br />

moyenne, surtout <strong>de</strong> juin <strong>à</strong> la<br />

première semaine <strong>de</strong><br />

septembre, mais avec moins<br />

<strong>de</strong> chaleur qu’en 2003, une<br />

petite grêle début mai sur le<br />

secteur <strong>de</strong>s Echezeaux, mais<br />

sans gravité, et <strong>de</strong>s vendanges<br />

très heureuses par temps<br />

radieux <strong>à</strong> la mi-septembre.<br />

<strong>La</strong> Romanée Saint-Vivant fut vendangée en <strong>de</strong>rnier les 21, 22 et 23<br />

septembre, puis le 23 le Montrachet (qui ne fut pas dégusté <strong>à</strong><br />

Paris). Les raisins dépassaient 13° naturels, avec <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments<br />

entre 28 et 30 hl/ha et un état sanitaire impeccable, facilitant le tri<br />

du raisin. Dans leur état actuel les vins sont très charpentés mais<br />

élégants sur le plan aromatique, moins voluptueux que ne le<br />

seront les 2006, plus équilibrés que les 2003, plus corsés que les


LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

n°53<br />

février 2009 7<br />

2002, mais moins satinés que les 1999.<br />

Un très grand millésime, peut-être<br />

même exceptionnel, dont l’apogée<br />

<strong>de</strong>vrait commencer vers 2020 et durer<br />

un bon <strong>de</strong>mi siècle !<br />

ECHEZEAUX<br />

Robe assez intense pour le domaine,<br />

mais pure : nez puissant, trapu, assez<br />

épicé, corps riche, s’appuyant sur un<br />

tannin ferme, merveilleuse qualité <strong>de</strong><br />

texture, mais vraiment dans l’enfance et <strong>de</strong>mandant comme tous<br />

les autres 2005 au moins une heure d’aération dans le verre pour<br />

commencer <strong>à</strong> discuter avec nous. Profond, sérieux, pur. Grand<br />

avenir. 18/20<br />

GRANDS ECHEZEAUX<br />

Proche <strong>de</strong> l’Echezeaux on s’en doute, un peu plus tendu et minéral,<br />

un rien plus serré dans sa texture, puissant, énergique même pour<br />

un pinot noir, la matière pour le moment dominant l’expression<br />

aromatique. Grand vin, mais pas pour tout <strong>de</strong> suite. 18,5/20<br />

RICHEBOURG<br />

Gran<strong>de</strong> robe, nez un peu plus ouvert et généreux que celui du<br />

Grand Echezeaux, volume <strong>de</strong> bouche encore supérieur, texture<br />

plus enveloppante, merveilleuse rétrolfaction associant le grain<br />

<strong>de</strong> bois le plus fin <strong>à</strong> <strong>de</strong>s notes florales <strong>de</strong> grand style évoquant la<br />

pivoine ou certaines roses rustiques. Le cru retrouve peu <strong>à</strong> peu au<br />

domaine toute sa plénitu<strong>de</strong> d’expression. Grand avenir. 19/20


8<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

ROMANÉE SAINT-VIVANT<br />

Même <strong>de</strong>nsité et jeunesse dans les nuances <strong>de</strong> pourpre et <strong>de</strong> bleu,<br />

mais sans doute avec moins <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur au même âge qu’en<br />

1990 ou en 1999, nez d’un raffinement aromatique extraordinaire<br />

même dans sa discrétion actuelle, texture tout aussi raffinée,<br />

tannin noble, vraiment du très grand vin et un modèle <strong>de</strong> style<br />

pour toute la Bourgogne. 19,5/20<br />

LA TÂCHE<br />

<strong>La</strong> robe n’est pas plus <strong>de</strong>nse mais le nez frappe par un aspect plus<br />

énergique dans son parfum, plus proche du sol que du ciel, avec<br />

une chair plus ferme, donnant le sentiment d’une étoffe au tissu<br />

plus serré, et un tannin plus envahissant. Vin <strong>de</strong> très grand volume<br />

<strong>de</strong> bouche et semblant bâti pour <strong>de</strong>venir centenaire ! 19,5/20<br />

LA ROMANÉE CONTI<br />

Une leçon pour tous les participants <strong>à</strong> cette <strong>dégustation</strong> ; nous<br />

sommes malgré toutes les ressemblances <strong>de</strong> forme et <strong>de</strong> parfum<br />

<strong>à</strong> l’opposé <strong>de</strong> la Tâche, avec un élan plus aérien dans la façon dont<br />

le parfum floral se développe, une fabuleuse subtilité et complexité<br />

dans l’interaction <strong>de</strong> l’alcool, du tannin et <strong>de</strong> la pulpe même du jus<br />

<strong>de</strong> raisin initial, parfaitement respecté par la fermentation, et un<br />

tannin plus caressant et plus sinueux dans sa façon <strong>de</strong> tapisser<br />

notre palais. Vin sublime <strong>de</strong> très vieilles vignes, ne ressemblant<br />

qu’<strong>à</strong> lui-même. 20/20


LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

n°53<br />

février 2009 9<br />

Premiers grands crus <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux :<br />

le millésime 1982<br />

Cette <strong>dégustation</strong> s’est déroulée dans une célèbre propriété<br />

bor<strong>de</strong>laise, que nous tiendrons cachée pour éviter au<br />

généreux donateur toute complication. Les vins étaient<br />

servis <strong>à</strong> l’aveugle, en situation, <strong>à</strong> table, avec ce qu’il fallait pour les<br />

accompagner... L’ensemble <strong>de</strong>s participants, votre serviteur<br />

compris, n’a pas particulièrement brillé dans le jeu si périlleux <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>vinettes, ce qui bien entendu est salutaire et nous rappelle tous<br />

<strong>à</strong> la mo<strong>de</strong>stie.<br />

Voici quelques impressions du début <strong>de</strong> la <strong>dégustation</strong> lorsque<br />

personne ne connaissait l’origine <strong>de</strong> chaque vin, retranscrites<br />

telles quelles, directement <strong>de</strong> ma feuille, sans mise en forme autre<br />

que la transcription <strong>de</strong>s abréviations.


10<br />

LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

L’ensemble <strong>de</strong> ces 1982 ne déçoit pas par rapport <strong>à</strong> la légen<strong>de</strong> du<br />

millésime, même si quelques millésimes plus récents comme<br />

1996, 2000, 2003, 2005 les dépasseront en corps et complexité<br />

(mais pas forcément en équilibre pour boire…). Ce 1982 reste<br />

encore jeune, témoignant du potentiel <strong>de</strong> longévité <strong>de</strong>s millésimes<br />

<strong>à</strong> acidité initiale faible, dont l’année reste l’exemple accompli.<br />

CHATEAU LATOUR<br />

Nez pas tout <strong>à</strong> fait net, trace <strong>de</strong> TCA ?, corps complet, texture<br />

assez souple, mais le vin ne se libère pas <strong>de</strong> son handicap<br />

aromatique. Peut-être <strong>La</strong>tour ? (<strong>à</strong> cause du TCA). 16/20 ?<br />

CHATEAU LAFITE<br />

Corps complet, tannin ferme, du grand cabernet, très jeune,<br />

difficile <strong>de</strong> trouver l’origine, racé et pur, contrairement au<br />

précé<strong>de</strong>nt. 18/20<br />

CHATEAU MARGAUX<br />

Autre grand cabernet, autant <strong>de</strong> corps que le <strong>de</strong>uxième (<strong>La</strong>fite),<br />

millésime puissant, dominateur, peut-être encore un Pauillac,<br />

grain <strong>de</strong> tannin noble, très jeune. (Je conserve cette impression<br />

pour la <strong>de</strong>vinette et opte pour Mouton). 18/20


LA DÉGUSTATION DE PRESTIGE<br />

CHATEAU MOUTON ROTHSCHILD<br />

n°53<br />

février 2009 11<br />

Puissant, tannin plus enrobant que 2 et 3 (<strong>La</strong>fite, Margaux),<br />

superbe chair, gran<strong>de</strong> classe, gran<strong>de</strong> longueur. <strong>La</strong>fite ou Mouton ?<br />

(Évi<strong>de</strong>mment je me trompe <strong>à</strong> la fin et dans le concours <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>vinette j’opte pour <strong>La</strong>fite !) . 18,5/20<br />

CHATEAU HAUT-BRION<br />

<strong>La</strong> forme la plus parfaite, le tannin le mieux intégré, grand<br />

raffinement, grand équilibre, un vin <strong>à</strong> la Peynaud, peut être Haut-<br />

Brion, <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> Delmas, longue suite en bouche. 19/20


12<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

Les TCA démasqués !<br />

Pascal Chatonnet est œnologue et directeur du laboratoire d'œnologie Excell,<br />

créé en 1992 avec sa femme Dominique <strong>La</strong>badie. Il a longuement travaillé sur les problèmes<br />

<strong>de</strong> contamination, notamment sur le TCA et le goût <strong>de</strong> bouchon.<br />

Il conseille une cinquantaine <strong>de</strong> domaines <strong>à</strong> travers le mon<strong>de</strong>, avec sa société PC Conseil.<br />

Il est également issu d'une famille <strong>de</strong> propriétaires bor<strong>de</strong>lais et supervise l'élaboration <strong>de</strong><br />

plusieurs domaines sur Saint-Émilion : les châteaux Haut-Chaigneau (<strong>La</strong>lan<strong>de</strong>-<strong>de</strong>-Pomerol)<br />

avec son second vin Tour Saint-André, <strong>La</strong> Sergue (<strong>La</strong>lan<strong>de</strong>-<strong>de</strong>-Pomerol), L'Archange (Saint-<br />

Émilion) et <strong>La</strong> Croix-Chaigneau.<br />

Pascal Chatonnet.<br />

Vous avez longuement étudié les<br />

problèmes<br />

<strong>de</strong> TCA. Aujourd'hui les causes <strong>de</strong> cette<br />

contamination sont bien comprises. Quel<br />

bilan tirez-vous <strong>de</strong> cette pollution qui a<br />

affecté nombre <strong>de</strong> grands bor<strong>de</strong>aux ?<br />

Bor<strong>de</strong>aux n’a pas été la seule touchée,<br />

mais c'est la région qui compte le plus <strong>de</strong><br />

producteurs ayant <strong>de</strong>s chais d’élevage et<br />

<strong>de</strong> vinification. C’est pourquoi la fréquence<br />

<strong>de</strong> pollution <strong>de</strong>s vins y est statistiquement plus importante.<br />

Ensuite, lorsqu'on goûte <strong>de</strong>s vins élaborés entre 1980 et 2000, on<br />

constate que ce type <strong>de</strong> défaut affectant la netteté, la typicité et<br />

l’originalité d'un vin, est significativement plus fréquent, même<br />

dans les meilleurs crus. Il est rarement très intense mais c’est l<strong>à</strong><br />

paradoxalement qu’il est le plus gênant car les consommateurs ne<br />

le perçoivent pas nettement et sont déçus par le vin.


LE GRAND ENTRETIEN<br />

n°53<br />

février 2009 13<br />

A t-on une idée <strong>de</strong> la fréquence <strong>de</strong> cette contamination ?<br />

Il n’y a jamais eu <strong>de</strong> statistiques précises justement. Ce que j’ai pu<br />

démontrer dans les années 1993-1999, c’est que 100% <strong>de</strong>s<br />

producteurs étaient concernés <strong>à</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Sans une seule<br />

exception. Mais seule une minorité <strong>de</strong>s vins été polluée.<br />

Comment l'expliquez-vous ?<br />

Au début <strong>de</strong>s années 90, l'essor <strong>de</strong>s vins élevés au château et la<br />

diminution du vin en vrac a encouragé la construction <strong>de</strong> nouveaux<br />

bâtiments ou la restauration <strong>de</strong>s bâtiments anciens. Le nombre <strong>de</strong><br />

chais a explosé, surtout dans les petites et moyennes exploitations.<br />

Mais les techniques d'isolation et <strong>de</strong> climatisation ont favorisé <strong>de</strong>s<br />

états <strong>de</strong> confinement complètement ridicules qui, 5 <strong>à</strong> 10 ans après,<br />

ont conduit <strong>à</strong> une explosion <strong>de</strong>s pollutions.<br />

A l’époque j’étais chargé <strong>de</strong> recherches <strong>à</strong> l’Université, je me suis<br />

intéressé au problème un peu fortuitement. J’étais étonné qu’on<br />

ne sache pas doser <strong>de</strong> façon précise les substances incriminées<br />

qui avaient pourtant déj<strong>à</strong> été i<strong>de</strong>ntifiées entre 1975 et 1981. Le jour<br />

où on a eu une métho<strong>de</strong> d’observation fiable et que l’on a<br />

commencé <strong>à</strong> mesurer l’état réel dans <strong>de</strong>s vins sains et altérés, on<br />

s’est aperçu que la fréquence <strong>de</strong> contamination était importante.<br />

Mais ce n’était pas forcément le trichloryanisol i<strong>de</strong>ntifié <strong>à</strong> l’époque<br />

pour le fameux goût <strong>de</strong> bouchon, mais du tetra ou du penta.<br />

Le temps <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> ces pollutions varie selon le <strong>de</strong>gré<br />

<strong>de</strong> confinement <strong>de</strong>s atmosphères, du rapport entre la surface <strong>de</strong> la<br />

source <strong>de</strong> pollution, le renouvellement <strong>de</strong> l’air et l’humidité. Donc<br />

ça peut prendre <strong>de</strong>ux ou trois ans, comme dix ans. C’est un effet<br />

cumulatif, le polluant s’accumule progressivement au cours <strong>de</strong>s<br />

années, les quantités augmentant peu <strong>à</strong> peu et il arrive un<br />

moment où l’on dépasse le seuil <strong>de</strong> perception et l<strong>à</strong> ça <strong>de</strong>vient<br />

problématique.


14<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

Pourquoi n’avait-on pas étudié le phénomène plus précisément<br />

alors que les problèmes étaient connus ?<br />

Par "je-m’en-foutisme" d’abord et par orgueil sans doute<br />

ensuite (les grands crus avaient dépensé tellement d’argent<br />

dans leurs châteaux et leurs nouvelles constructions qu’il était<br />

inconcevable qu'il y eût un problème). L’interprétation et la<br />

problématique <strong>de</strong> la pollution <strong>de</strong>s caves date <strong>de</strong> 1993, c’est moi<br />

qui l’ai i<strong>de</strong>ntifiée. A partir <strong>de</strong> l<strong>à</strong>, on a commencé <strong>à</strong> communiquer<br />

sur le problème discrètement pour que les producteurs puissent<br />

s’en occuper avant que la presse ne s’en empare. Pendant<br />

quatre ans, on a essayé <strong>de</strong> nettoyer la situation ; on en a parlé<br />

plus ouvertement dans les médias <strong>à</strong> partir <strong>de</strong> 1995. Cela a été<br />

relativement bien géré.<br />

Est-ce que seuls les bâtiments sont responsables <strong>de</strong> cette<br />

contamination ?<br />

Non. Elle est due pour beaucoup aussi aux boxes palettes <strong>de</strong><br />

stockage en bois. Les bouteilles sont conservées couchées par<br />

600, cela représente <strong>de</strong>s masses <strong>de</strong> bois considérables. Si les<br />

locaux <strong>de</strong> stockage sont distants <strong>de</strong>s cuviers et <strong>de</strong>s chais<br />

d’élevage, il n’y a pas <strong>de</strong> problème. <strong>La</strong> pollution ne passe pas <strong>à</strong><br />

travers le bouchon. J’ai expliqué le phénomène : la pollution<br />

suivait les courants d’air ! On arrivait <strong>à</strong> avoir <strong>de</strong>s pollutions <strong>à</strong><br />

distance, pas au contact. Et ça c’était complètement passé<br />

inaperçu.<br />

Quelles solutions avez-vous apportées ?<br />

Elles sont nombreuses. <strong>La</strong> première, c'est la qualité <strong>de</strong> la<br />

circulation <strong>de</strong> l’air. Il faut arrêter <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s chais qui soient<br />

<strong>de</strong>s boîtes fermées. Dans certains cas, la solution peut être juste<br />

d'ouvrir une porte ! Dans d’autres cas, il va falloir changer la


LE GRAND ENTRETIEN<br />

n°53<br />

février 2009 15<br />

circulation <strong>de</strong> l’air <strong>de</strong> la climatisation. Ou raser le chai, changer les<br />

charpentes, les murs. J’ai vu toutes les situations, <strong>de</strong> la plus<br />

économique <strong>à</strong> la plus coûteuse.<br />

Et ceux qui ont voulu gérer le problème <strong>à</strong> l’économie ont souvent<br />

dû s’y reprendre <strong>à</strong> plusieurs fois. Sans compter que la presse les a<br />

éreintés parce qu’une fois le problème i<strong>de</strong>ntifié, ceux qui ne le<br />

traitaient pas étaient coupables.<br />

Parce que certains ont continué <strong>à</strong> ignorer le problème ?<br />

Un jour dans un grand château je discutais avec l’œnologue qui me dit<br />

"tu sais, ça fait tellement <strong>de</strong> temps que ça dure tout ça que<br />

maintenant ça fait parti <strong>de</strong> la typicité, du style…". Que voulez-vous<br />

répondre <strong>à</strong> cela ? C’est exactement le même raisonnement que l’on a<br />

entendu sur les bretts. C’est notre signature… Comme quoi on peut<br />

être plus ou moins ambitieux sur la définition du style du produit !<br />

Comment jugez-vous l’état du problème aujourd’hui dans le mon<strong>de</strong> ?<br />

Je le juge parfaitement maîtrisé <strong>à</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Mais on en découvre<br />

tous les jours, ce n’est pas fini et ce ne sera sans doute jamais fini.<br />

Mais cela n’a strictement rien <strong>à</strong> voir avec la situation <strong>de</strong>s années<br />

1995 <strong>à</strong> 2000. On a toujours <strong>de</strong>s cas sporadiques qui arrivent, mais<br />

plus limités et plus faciles <strong>à</strong> résoudre. En France en général et <strong>à</strong><br />

Bor<strong>de</strong>aux en particulier, la situation est maîtrisée.<br />

Ce n’est pas tout <strong>à</strong> fait le cas dans d’autres pays comme l’Espagne,<br />

qui compte <strong>de</strong>s caves très importantes et une tradition <strong>de</strong> vieux<br />

bois, comme en Rioja. Mais la région la plus touchée aujourd’hui<br />

dans le mon<strong>de</strong>, c’est l’Amérique du Sud. <strong>La</strong> problématique est un<br />

peu différente car on n’a pas affaire <strong>à</strong> la même famille <strong>de</strong><br />

molécules (ce ne sont pas <strong>de</strong>s dérivés chlorés, ce sont <strong>de</strong>s dérivés<br />

bromés). Sur ce continent en effet, le pentachlorophénol (PCP) n’a<br />

pas été importé donc pas utilisé. On a employé comme produits <strong>de</strong>


16<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

substitution <strong>de</strong>s dérivés, <strong>de</strong>s tribromophénols qui sont plus<br />

ennuyeux car les seuils <strong>de</strong> perception sont plus bas (c’est la même<br />

famille, mais chimiquement les molécules sont différentes). <strong>La</strong><br />

situation est très grave car 100% <strong>de</strong>s chais sont concernés et la<br />

fréquence <strong>de</strong> pollution est très élevée. Je dirais qu’<strong>à</strong> Mendoza il est<br />

plus difficile <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s vins non contaminés que <strong>de</strong>s vins<br />

contaminés… Au Chili où les structures sont plus récentes et<br />

mo<strong>de</strong>rnes, on a aussi le problème.<br />

A t-on relevé <strong>de</strong>s pollutions en aval, après que le vin est sorti <strong>de</strong><br />

la propriété et acheté par un négociant?<br />

Oui bien sûr. On a <strong>de</strong>s vins qui sortent tout <strong>à</strong> fait sains <strong>de</strong> la<br />

propriété mais qui sont pollués au cours <strong>de</strong> leur conditionnement<br />

par un négociant. C’est souvent le cas en Bourgogne car si les<br />

chais sont petits et qu'il n’y a pas eu beaucoup d’investissements<br />

en climatisation, ensuite chez le négociant, ça se complique.<br />

En Amérique du Nord, on a i<strong>de</strong>ntifié une autre source <strong>de</strong><br />

pollution qui vient <strong>de</strong> leur souci maladif <strong>de</strong> maîtriser l’hygiène.<br />

En cherchant <strong>à</strong> désinfecter tout et n’importe quoi, n’importe<br />

comment, avec <strong>de</strong>s produits parfaitement inadaptés, ils ont<br />

favorisé une pollution par du trichloroanysol, typique du goût <strong>de</strong><br />

bouchon (différente donc <strong>de</strong> ce que l’on retrouve en Europe ou<br />

en Amérique du Sud), <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> javel utilisée<br />

systématiquement pendant <strong>de</strong>s années.<br />

Qu’en est-il <strong>de</strong> la pollution par les tonneaux ?<br />

C’est un autre problème. Dans le cas <strong>de</strong>s barriques, il y a <strong>de</strong>ux<br />

sources <strong>de</strong> pollution. D'une part les containers <strong>de</strong> transport.<br />

Ces environnements confinés peuvent contenir tout et<br />

n’importe quoi, <strong>de</strong> la sala<strong>de</strong> comme <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s ! Ces<br />

matières microporeuses fixent les polluants dans


LE GRAND ENTRETIEN<br />

n°53<br />

février 2009 17<br />

l’atmosphère et on peut se retrouver<br />

sporadiquement avec <strong>de</strong>s pollutions indirectes<br />

sur le vin. D'autre part, la pollution du bois luimême.<br />

Aujourd’hui on ne traite plus les bois<br />

avec <strong>de</strong>s dérivés du PCP (<strong>de</strong>puis l’interdiction <strong>de</strong><br />

1991 en Europe) mais on est confronté <strong>à</strong> un<br />

nouveau problème : dans les barriques neuves,<br />

on perçoit <strong>de</strong>s pollutions par le TCA sans avoir<br />

utilisé <strong>de</strong> chlore. On ne l’explique pas. On<br />

cherche.<br />

L'origine du bois a t-elle un impact ?<br />

<strong>La</strong> provenance <strong>de</strong>s bois ne joue pas. <strong>La</strong> problématique semble être<br />

apparue après la tempête <strong>de</strong> 1999 qui a touché le Centre et le<br />

Nord-Est. En 2000 on a vu arriver une très gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> bois<br />

or en 2001, la crise est survenue. Les tonneliers ont donc acheté<br />

beaucoup <strong>de</strong> bois <strong>à</strong> l’époque, quand il était peu cher, mais n’ont<br />

pas produit beaucoup <strong>de</strong> barriques par la suite <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> la crise.<br />

Les stocks <strong>de</strong> bois ont vieilli et <strong>à</strong> ce moment-l<strong>à</strong> on a modifié<br />

quelque chose dans la façon <strong>de</strong> stocker les bois. Depuis cette<br />

pério<strong>de</strong>, statistiquement, on détecte plus <strong>de</strong> pollution. Maintenant<br />

on a un problème résiduel qui semble s’étendre en terme <strong>de</strong><br />

fréquence.<br />

Et les bouchons ?<br />

Il est communément établi que les trois-quarts <strong>de</strong>s contaminations<br />

provenaient <strong>de</strong>s chais, un quart du bouchon. Les bouchonniers ont<br />

beaucoup investi donc il est indéniable que la qualité globale <strong>de</strong>s<br />

bouchons en liège s’est considérablement améliorée.<br />

Depuis cinq ans, la fréquence quasi incompressible <strong>de</strong> goût <strong>de</strong><br />

bouchon se situe autour <strong>de</strong> 2%. Avant c’était beaucoup plus, on a


18<br />

LE GRAND ENTRETIEN<br />

été jusqu’<strong>à</strong> 6%. Il faut noter qu'il n'y a pas <strong>de</strong> variations entre les<br />

bouchonniers et que le prix ne joue pas sur la qualité. Ce qui varie<br />

d’un bouchonnier <strong>à</strong> l’autre, ce sont les investissements entrepris<br />

pour décontaminer la matière. Ceux qui ont investi dans <strong>de</strong>s<br />

technologies efficaces sont meilleurs.<br />

Que pensez-vous <strong>de</strong>s nouveaux bouchons traités anti-TCA ?<br />

A ma connaissance, le seul bouchon que l’on puisse garantir sans<br />

TCA est le Diam. C’est le seul. Il est très difficile d'établir la même<br />

garantie sur un bouchon naturel car si l’on traite trop, on peut<br />

modifier la structure du bouchon et affecter ses performances<br />

mécaniques.<br />

Est-ce qu’un vin capsulé peut quand même être contaminé par le<br />

TCA après son capsulage ?<br />

Ce type <strong>de</strong> bouchage ne peut pas contenir <strong>de</strong> TCA sauf si le joint en<br />

plastique qui assure l’étanchéité a lui-même été contaminé<br />

auparavant ! Et c’est ce qui se passe aujourd’hui. Les polymères<br />

utilisés pour l’étanchéité fixent les contaminants et on retrouve <strong>de</strong>s<br />

goûts <strong>de</strong> moisis. Ce n’est pas très fréquent mais ça existe.<br />

Est-ce qu’il existe une certification anti-TCA ?<br />

Ce qui est enfantin et <strong>à</strong> la portée <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>, c’est <strong>de</strong><br />

faire un bilan analytique du vin avant sa mise en bouteille. Tous<br />

les producteurs pourraient le faire, ça coûte une centaine<br />

d’euros. Mais peu <strong>de</strong> laboratoires sont capables <strong>de</strong> le faire,<br />

<strong>de</strong>ux ou trois en France.<br />

Il faut aussi contrôler les obturateurs et l<strong>à</strong> c’est plus compliqué.<br />

Cependant la première chose <strong>à</strong> faire, c’est <strong>de</strong> vérifier que son<br />

environnement soit clean.


LE GRAND ENTRETIEN<br />

Ce problème a altéré gravement la qualité <strong>de</strong>s vins mais il<br />

semble que le marché en ait peu subi les conséquences. Vous<br />

n°53<br />

février 2009 19<br />

confirmez ?<br />

Oui c’est exact. C'est surtout au niveau local qu'il y a eu <strong>de</strong>s<br />

répercussions, quand certains ont essayé <strong>de</strong> mettre le couvercle<br />

sur la cocotte pour que ça ne sorte pas. Dans certains crus, <strong>de</strong>s<br />

têtes ont valsé, y compris dans les premiers. Et quand les<br />

journalistes spécialisés ont mis au jour le problème, certains<br />

millésimes ont arrêté <strong>de</strong> monter en cote. Sur le marché global en<br />

revanche, il est vrai qu’il y a eu peu d’effets en raison d'une<br />

toxicologie et d'un risque sanitaire nuls. C'est <strong>de</strong>venu un problème<br />

purement subjectif d’appréciation <strong>de</strong> la qualité, j’aime ou j’aime<br />

pas, je sens ou je ne sens pas. Les gens pouvaient être déçus mais<br />

pas intoxiqués.<br />

Suite <strong>de</strong> l'interview <strong>de</strong> Pascal Chatonnet dans le prochain numéro<br />

<strong>de</strong> TAST.


20<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

Saint-Julien<br />

L’appellation Saint-Julien est <strong>de</strong>venue <strong>de</strong>puis une génération la plus respectée du Médoc,<br />

même si <strong>de</strong> temps en temps elle reçoit quelques coups <strong>de</strong> griffe, juste prix <strong>à</strong> payer pour<br />

sa célébrité. Il a fallu pour cela que l’ensemble <strong>de</strong>s crus classés qui couvrent plus <strong>de</strong> 90%<br />

<strong>de</strong> son aire <strong>de</strong> production, cas unique en Giron<strong>de</strong> pour une AOC, retrouvent leur vrai niveau,<br />

ce qui ne s’est pas fait en un jour. Michel Bettane.<br />

Léoville-Barton et Gruaud-<strong>La</strong>rose étaient les seuls crus <strong>à</strong> faire <strong>de</strong>s<br />

vins <strong>de</strong> qualité juste après la guerre. Ducru-Beaucaillou,<br />

influencé par son conseiller œnologique Émile Peynaud, a<br />

retrouvé son meilleur niveau au milieu <strong>de</strong>s années 1950, Léoville-<strong>La</strong>s<br />

Cases en 1959, avec l’ai<strong>de</strong> du même conseiller, et les autres<br />

progressivement entre 1959 et 1982. Ce qui n’a pas empêché certains <strong>de</strong><br />

manquer quelques grands millésimes. Léoville-Barton a échoué en<br />

1961, Léoville-<strong>La</strong>s Cases en 1961 et 1970, Ducru-Beaucaillou en 1964,<br />

1986, 1990, Beychevelle en 1990, Léoville-Poyféré et <strong>La</strong>grange ont eu <strong>de</strong><br />

nombreux millésimes médiocres avant <strong>de</strong> retrouver la gran<strong>de</strong> forme !<br />

Mais nul ne peut nier que <strong>de</strong>puis 1995 l’homogénéité <strong>de</strong> la qualité entre<br />

tous ces crus, leur style si élégant, mais pas toujours facile <strong>à</strong> bien<br />

percevoir en vin très jeune, n’ont sans doute aucun égal dans une autre<br />

appellation.<br />

Les facteurs favorables son nombreux pour expliquer cette excellence,<br />

naturels ou humains. Ces <strong>de</strong>rniers semblent même les plus importants.<br />

<strong>La</strong> présence <strong>de</strong> propriétaires ou d’administrateurs <strong>de</strong> grand talent,<br />

épaulés par <strong>de</strong>s équipes techniques pertinentes, le succès commercial<br />

<strong>de</strong>s vins qui obtiennent <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> vente rémunérateurs <strong>de</strong> la qualité ont<br />

permis <strong>à</strong> tous les crus <strong>de</strong> travailler plus ou moins avec les mêmes soins<br />

et la même discipline, du moins pour la sélection <strong>de</strong>s meilleures cuves


ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 21<br />

pour l’assemblage <strong>de</strong> leur premier<br />

vin.<br />

Mais il y a quand même <strong>de</strong><br />

nombreuses différences <strong>de</strong> caractère<br />

entre ces vins. On les explique en<br />

général par le terroir. <strong>La</strong> tradition a<br />

toujours fait une différence entre la<br />

partie nord <strong>de</strong> l’appellation, sur le bourg<br />

même <strong>de</strong> Saint-Julien, plus proche <strong>de</strong><br />

Pauillac, et qui produirait <strong>de</strong>s vins plus<br />

corsés, plus vineux, dont les archétypes<br />

sont les trois Léoville, et la partie sud.<br />

Cette <strong>de</strong>rnière s’étend sur le hameau<br />

<strong>de</strong> Beychevelle, qui a donné son non <strong>à</strong><br />

un cru classé, <strong>à</strong> moins que cela ne soit l’inverse, avec <strong>de</strong>s graves plus fines,<br />

plus siliceuses, créatrices <strong>de</strong> vins plus immédiatement parfumés, très fins<br />

mais moins charnus. Il y a certainement du vrai dans cette distinction mais<br />

je préfère le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Bruno Borie, qui reprend d’ailleurs celui d’Émile<br />

Peynaud. Celui-ci découpe l’appellation en trois tranches parallèles au<br />

fleuve, d’est en ouest. <strong>La</strong> première bor<strong>de</strong> le fleuve et dispose du meilleur<br />

microclimat, la secon<strong>de</strong> donne <strong>de</strong>s vins très homogènes, sans doute les plus<br />

originaux <strong>de</strong> tous, la troisième sur les arrières n’a pas tout <strong>à</strong> fait la même<br />

<strong>de</strong>nsité dans ses graves et le même sous-sol, ni la même qualité <strong>de</strong><br />

drainage naturel et donne <strong>de</strong>s vins plus souples, moins racés et moins<br />

complets. C’est d’ailleurs dans ce secteur que la délimitation entre<br />

l’appellation Saint-Julien et l’appellation Haut-Médoc est la plus floue et que<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s d’extensions ont été faites, sans succès pour le moment. De<br />

toute façon elles n’apporteraient aucun <strong>prestige</strong> supplémentaire. Le<br />

caractère individuel <strong>de</strong> chaque cru dépend <strong>de</strong>s hasards <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> ses<br />

propres vignes. Comme le cadastre <strong>de</strong> chacun d’entre eux ne bouge guère,<br />

si ce n’est par l’addition <strong>de</strong> quelques hectares supplémentaires, pris sur les


22<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

<strong>de</strong>rnières petites propriétés artisanales, et souvent sur le même secteur, on<br />

retrouve ces caractères d’un an sur l’autre. Deux crus bourgeois <strong>de</strong> taille<br />

importante subsistent, Gloria et Glana, mais le <strong>de</strong>rnier d’entre eux n’a pas<br />

encore retrouvé la réputation et le style <strong>de</strong> vin que son terroir mérite. J’ai<br />

ajouté aux crus classés dans la liste qui suit Gloria, et le meilleur <strong>de</strong>s petits<br />

crus artisans, Moulin <strong>de</strong> la Rose.<br />

CHÂTEAU BEYCHEVELLE<br />

Sur le plan architectural c’est sans doute le bâtiment le plus élégant du<br />

Médoc, disposant <strong>de</strong> magnifiques jardins au bord <strong>de</strong> la route <strong>de</strong>s crus et<br />

d’une vue panoramique sur le fleuve. Le nom même du château rappelle<br />

que les bateaux passant <strong>de</strong>vant lui avaient ordre <strong>de</strong> baisser les voiles en<br />

hommage au duc d’Épernon, grand amiral <strong>de</strong> France et propriétaire <strong>de</strong>s<br />

lieux. Le vignoble <strong>de</strong> 90 hectares s’étend sur les graves du sud du village,<br />

peu argileuses, où le raisin soufre parfois <strong>de</strong> sécheresse, mais qui<br />

donnent <strong>de</strong>s vins d’une suprême finesse dans les années normales,<br />

influencées par l’océan tout proche. <strong>La</strong> famille Fould lui avait donné une<br />

notoriété extraordinaire entre 1961 et 1989, qu’il a perdue dans la<br />

décennie suivante en raison <strong>de</strong> vins moins bien constitués et parfois<br />

même médiocres. Grands Millésimes <strong>de</strong> France, son propriétaire actuel,<br />

association <strong>de</strong>s GMF et <strong>de</strong> Suntory, lui redonnent peu <strong>à</strong> peu tout son<br />

<strong>prestige</strong> sous la direction sobre mais efficace <strong>de</strong> Philippe Blanc. Assez<br />

souple et linéaire en primeur, Beychevelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quelques années <strong>de</strong><br />

bouteille pour révéler pleinement son potentiel, comme aujourd’hui le<br />

1996, passé inaperçu <strong>à</strong> sa naissance ou le 1998. Un Beychevelle réussi se<br />

caractérise par la délicatesse <strong>de</strong> son toucher <strong>de</strong> bouche et la subtilité <strong>de</strong><br />

ses arômes <strong>de</strong> cèdre, dans un style qui peut rappeler tantôt <strong>La</strong>fite, tantôt<br />

Ducru-Beaucaillou, en un peu moins puissant mais parfois aussi en un<br />

peu plus aérien et séduisant. Dans tous les cas on doit l’ouvrir au moins<br />

<strong>de</strong>ux heures <strong>à</strong> l’avance !<br />

Grands millésimes anciens : 1986, 1953, 1929, 1928.


Encépagement et viticulture<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 23<br />

L’encépagement <strong>de</strong> l’appellation fait <strong>de</strong>puis toujours la part belle au cabernet sauvignon qui couvre presque les <strong>de</strong>ux<br />

tiers du vignoble mais souvent même plus dans l’assemblage <strong>de</strong>s premiers vins car il mûrit <strong>de</strong> mieux en mieux. Le<br />

cabernet franc avait régressé en raison <strong>de</strong> mauvais clones et <strong>de</strong> mauvais porte-greffes. Il reprend un peu <strong>de</strong> galon car<br />

les viticulteurs les plus consciencieux se ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> la merveilleuse finesse <strong>de</strong> leur vin sur les bons plants et<br />

avec un contrôle strict du ren<strong>de</strong>ment, qui doit être inférieur <strong>à</strong> 40 hl/ha pour obtenir la meilleure qualité. Le vin réussi<br />

<strong>de</strong> cabernet franc n’est pas une pâle imitation <strong>de</strong> celui du cabernet sauvignon : il harmonise, affine ce <strong>de</strong>rnier dans<br />

une symbiose heureusement <strong>de</strong> plus en plus reconnue. Le merlot entre pour un quart <strong>de</strong>s plantations, il apporte <strong>de</strong> la<br />

ron<strong>de</strong>ur, du fruit et <strong>de</strong> la souplesse, mais quand les cabernets rentrent <strong>à</strong> 13° potentiels dans les cuves, sa nécessité<br />

n’est plus aussi évi<strong>de</strong>nte. On peut expliquer le supplément <strong>de</strong> race aromatique <strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> Léoville-Barton ou<br />

Léoville-<strong>La</strong>s Cases par la très faible proportion qu’ils contiennent <strong>de</strong> merlot (souvent moins <strong>de</strong> 15%) dans les tout<br />

<strong>de</strong>rniers millésimes. Le cas du petit verdot est moins facile <strong>à</strong> trancher. Certains adorent la puissance supplémentaire<br />

qu’il apporte au tannin et le caractère prononcé et très ouvert <strong>de</strong> son fruit. D’autres, comme Jean-Hubert Delon <strong>de</strong><br />

Léoville-<strong>La</strong>s Cases le trouvent plutôt rustique et ne le font pratiquement plus entrer dans le grand vin.<br />

On pouvait reprocher jusqu’<strong>à</strong> récemment <strong>à</strong> la viticulture locale <strong>de</strong> ne pas être du même niveau que le travail <strong>de</strong><br />

vinification et d’élevage, avec <strong>de</strong>s sols trop tassés, <strong>de</strong>s vignes trop productives et trop protégées par la chimie. <strong>La</strong><br />

charge en raisins reste sans doute encore importante après la floraison dans beaucoup <strong>de</strong> propriétés, nécessitant<br />

d’importantes vendanges en vert au début <strong>de</strong> l’été qui ne font que renforcer la vigueur <strong>de</strong>s vignes, mais on assiste <strong>à</strong><br />

une prise <strong>de</strong> conscience bienvenue <strong>de</strong>s méfaits du tout chimique et au désir <strong>de</strong> revenir sur <strong>de</strong>s bases plus saines,<br />

respectant mieux la vigne, le sol et l’environnement, dans une perspective <strong>de</strong> développement durable. Certains chefs<br />

<strong>de</strong> culture sont <strong>de</strong>s techniciens remarquables, parfaitement conscients <strong>de</strong> tous les enjeux et peu suspects <strong>de</strong><br />

passéisme naïf ou paresseux. Il faut souhaiter que la crise actuelle ne les conduise pas <strong>à</strong> reculer sur ce point ! Les<br />

installations techniques sont partout remarquables même si on peut encore affiner le traitement du raisin <strong>à</strong> l’arrivée<br />

dans le cuvier, et le recours au tri <strong>de</strong> la vendange, soit au bout <strong>de</strong>s rangs <strong>de</strong> vigne, soit <strong>à</strong> l’arrivée, soit <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />

façons contribue largement <strong>à</strong> diminuer l’effet millésime. Certes d’importantes nuances <strong>de</strong> saveur et <strong>de</strong> constitution,<br />

liées au cycle végétatif, continueront <strong>à</strong> différencier les années entre elles mais, du moins pour les premiers vins, les<br />

années faibles disparaissent. Les quantités livrées au public dans ce cas seront plus faibles mais le vin sera infiniment<br />

plus agréable qu’il ne le fut. A ce sujet je suis <strong>de</strong> plus en plus énervé par les jugements <strong>à</strong> l’emporte pièce <strong>de</strong><br />

nombreux dégustateurs débutants ou peu compétents qui trouvent dans les vins jeunes <strong>de</strong>s arômes végétaux alors<br />

qu’ils sont produits par <strong>de</strong>s raisins infiniment plus mûrs que dans le passé. Il y a dans le génie aromatique du<br />

cabernet sauvignon un élément naturel faisant penser en vin jeune au poivron rouge et qu’il ne faut surtout pas faire<br />

disparaître car il s’harmonise au vieillissement et contribue <strong>à</strong> la fraîcheur et <strong>à</strong> la tension <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> bouche qui ont<br />

rendu les Saint-Julien célèbres <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses générations. Il faut simplement éviter que cet arôme soit trop<br />

accentué et simplificateur. Il doit s’intégrer <strong>à</strong> <strong>de</strong>s notes florales et épicées et surtout ne pas se transformer en arômes<br />

<strong>de</strong> prune trop mûre ou <strong>de</strong> chocolat, signes d’une maturité trop poussée du raisin.


24<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAU BRANAIRE<br />

Le vignoble <strong>de</strong> ce cru tire son origine <strong>de</strong>s<br />

propriétés <strong>de</strong>s Ducs d’Épernon sur le hameau<br />

actuel <strong>de</strong> Beychevelle, et sa notoriété <strong>de</strong>s vins<br />

produits <strong>à</strong> la fin du 19e siècle, notamment en<br />

1899 par un extraordinaire propriétaire<br />

vinificateur : le vicomte Du Périer <strong>de</strong> <strong>La</strong>rsan. Le<br />

parcellaire <strong>de</strong> la propriété (50 hectares) est<br />

réparti sur <strong>de</strong>s terres très différentes du sud <strong>de</strong><br />

l’appellation, plus quelques hectares <strong>à</strong> l’ouest,<br />

sur la commune <strong>de</strong> Saint-<strong>La</strong>urent en Benon.<br />

Cela lui permet d’exprimer dans certains<br />

millésimes <strong>de</strong>s arômes un peu différents <strong>de</strong> la<br />

moyenne <strong>de</strong>s Saint-Julien, moins épicés, plus<br />

proches <strong>de</strong> fruits mûrs (prune ou baies noires),<br />

mais sans surmaturité. Un cuvier intelligent et<br />

novateur fait rentrer le raisin par le <strong>de</strong>ssus par<br />

gravité et respecte mieux l’intégrité du raisin<br />

quand il <strong>de</strong>scend en cuve. On obtient ainsi un<br />

grain <strong>de</strong> tannin plus fin et une texture moins<br />

agressive en primeur. Branaire naît malgré tout<br />

sérieux et peu rieur, un peu moins corpulent que<br />

les Saint-Julien du nord, mais développe assez<br />

vite ses qualités en bouteille. Sa régularité sans faille <strong>de</strong>puis<br />

quinze ans est due <strong>à</strong> l’intelligence et <strong>à</strong> la rigueur <strong>de</strong> sa gestion,<br />

sous la direction <strong>de</strong> son PDG Patrick Maroteaux, qui en a fait une<br />

<strong>de</strong>s marques les plus sûres <strong>de</strong> son appellation, d’autant que le<br />

second vin Duluc est un <strong>de</strong>s plus soignés du genre.<br />

Meilleurs millésimes récents : 2000, 1995, 1989.<br />

Meilleurs millésimes anciens : 1945, 1900, 1899.


ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 25<br />

CHÂTEAU DUCRU–BEAUCAILLOU<br />

Le cru dispose d’un aussi bel emplacement en bord <strong>de</strong> fleuve<br />

que Beychevelle et <strong>de</strong> jardins <strong>de</strong>scendant jusqu’<strong>à</strong> lui qui en<br />

font l’une <strong>de</strong>s plus imposantes rési<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> la Giron<strong>de</strong>. Le<br />

vignoble (60 hectares) est beaucoup plus dispersé, mais<br />

toujours sur <strong>de</strong> belles graves du Günz qui contribuent<br />

gran<strong>de</strong>ment au classicisme <strong>de</strong> son caractère. En effet, s’il<br />

fallait choisir le vin qui exprime avec le plus <strong>de</strong> force<br />

l’originalité <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong> l’appellation Saint-Julien ce serait<br />

certainement un Beaucaillou, comme on le nomme<br />

habituellement sur place, Ducru étant le nom d’un obscur<br />

propriétaire du 19e siècle. Ses "beaux" cailloux (mais<br />

beaucaillou est en fait une corruption <strong>de</strong> maucaillou, c'est-<strong>à</strong>dire<br />

mauvais caillou, le caillou étant par définition casse pied<br />

et casse soc <strong>de</strong> charrue) lui donnent en effet <strong>de</strong>s arômes <strong>de</strong><br />

cèdre d’une pureté qui n’est égalée que par <strong>La</strong>fite, au nord <strong>de</strong><br />

Pauillac, et une distinction <strong>de</strong> tannin parfaitement mise en<br />

valeur par l’excellence <strong>de</strong>s vinifications actuelles <strong>de</strong> Bruno<br />

Borie. Son père Jean-Eugène et son complice Émile Peynaud,<br />

fondateur <strong>de</strong> l’œnologie bor<strong>de</strong>laise mo<strong>de</strong>rne, avaient certes multiplié les<br />

réussites entre 1959 et 1982, dont le meilleur 1970 du Médoc, avec une<br />

baisse évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> qualité entre 1983 et 1992, puis un couple <strong>de</strong> vins<br />

magnifiques en 1995 et 1996, mais les tous <strong>de</strong>rniers vins sont beaucoup<br />

plus riches et concentrés que les meilleurs <strong>de</strong> leurs prédécesseurs. Par<br />

sa nature, Beaucaillou, bien qu’un peu moins charnu et charpenté que<br />

les Léoville, et moins suave que Gruaud, vieillit au moins aussi<br />

lentement et sûrement qu’eux et il faut savoir l’attendre quinze ou vingt<br />

ans en belle année pour qu’il délivre tout le raffinement <strong>de</strong> nuances qui<br />

justifie sa célébrité et ses prix.<br />

Grands millésimes récents : 2005, 2003.<br />

Grands millésimes anciens : 1995, 1982, 1970, 1961.


26<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAU GRUAUD LAROSE<br />

Voici une vaste et belle propriété dotée d’un important vignoble (85<br />

hectares) situé d’un seul tenant sur un magnifique plateau <strong>de</strong> graves<br />

garonnaises et qui fut longtemps la marque phare <strong>de</strong>s domaines<br />

Cordier, qui, même dans les pério<strong>de</strong>s les plus difficiles du 20e siècle ont<br />

su maintenir leurs vignes et leurs chais dans un état exemplaire. <strong>La</strong><br />

famille Merlaut, l’actuelle propriétaire, bénéficie gran<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> ces<br />

soins, et du savoir-faire considérable <strong>de</strong> Georges Pauli, formé <strong>à</strong> l’école<br />

Cordier, et qui prend sa retraite cette année. L’encépagement est un <strong>de</strong>s<br />

rares <strong>à</strong> conserver l’ensemble historique <strong>de</strong>s cépages médocains dont<br />

7% <strong>de</strong> cabernet franc, 3% <strong>de</strong> petit verdot, et un peu plus <strong>de</strong> 1% <strong>de</strong><br />

malbec, ce qui explique pourquoi dans <strong>de</strong> nombreux millésimes les<br />

échantillons du cru ne sont pas <strong>à</strong> leur meilleur au moment <strong>de</strong> la vente<br />

en primeur, les vins <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces cépages n’étant pas encore<br />

parfaitement mariés entre eux. Mais cette diversité apporte une<br />

complexité et une finesse aromatique étonnante après sept ou huit ans<br />

<strong>de</strong> vieillissement. Gruaud <strong>La</strong>rose a toujours produit un très grand Saint-<br />

Julien, d’une gar<strong>de</strong> en bouteille supérieure <strong>à</strong> la plupart <strong>de</strong>s autres vins<br />

<strong>de</strong> l’appellation, mais avec <strong>de</strong>s caractéristiques différentes : finesse et<br />

suavité dans les années 1900, puissance presque sauvage en primeur<br />

entre 1945 et 1989, et <strong>à</strong> nouveau recherche <strong>de</strong> l’harmonie et du<br />

raffinement <strong>de</strong>puis 1999. Le second vin Sarget n’a pas toujours la<br />

précision idéale, mais en bon millésime fait un vin très agréable, idéal <strong>à</strong><br />

boire dans les dix premières années.<br />

Millésimes préférés : 1928, 1945, 1953, 1959, 1961, 1966, 1982,<br />

1986, 1989, 1990, 2000, 2001, 2005, 2006.


ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAU LAGRANGE<br />

n°53<br />

février 2009 27<br />

Ce cru est le plus vaste (110 ha<br />

<strong>de</strong> vignes) <strong>de</strong> l’appellation, lui<br />

aussi d’un seul tenant, sur le<br />

grand plateau qui commence <strong>à</strong><br />

Gruaud <strong>La</strong>rose et se poursuit en<br />

direction <strong>de</strong> Saint-<strong>La</strong>urent par les<br />

vignes <strong>de</strong> Camensac, Belgrave et<br />

<strong>La</strong> Tour Carnet. Les graves sont<br />

profon<strong>de</strong>s, sur socle calcaire, et<br />

conviennent particulièrement<br />

bien au cabernet sauvignon qui<br />

couvre les <strong>de</strong>ux tiers du vignoble.<br />

Célèbre au moment du<br />

classement <strong>de</strong> 1855 car il appartenait <strong>à</strong> un ministre <strong>de</strong> Louis Philippe,<br />

le comte Duchatel, il a beaucoup souffert <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong> 1929 et <strong>de</strong> la<br />

guerre et était en piteux état lorsqu’il a été acheté par le géant japonais<br />

Suntory. Après avoir tout reconstruit, y compris le château, remis en<br />

état vigne et chai, avec ordre et discipline, sous le contrôle <strong>de</strong> Michel<br />

Delon, l’administrateur perfectionniste <strong>de</strong> Léoville-<strong>La</strong>s-Cases, et du<br />

directeur du domaine Marcel Ducasse, aujourd’hui relayé par Bruno<br />

Eymard, les Japonais ont été récompensés <strong>de</strong> leurs efforts par la<br />

progression continuelle <strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> la propriété. Leur style, un peu<br />

austère en primeur mais très droit et élégant, dans la plus authentique<br />

tradition médocaine, s’affirme chaque année avec le vieillissement <strong>de</strong>s<br />

vignes, sans que les prix <strong>de</strong> vente n'explosent. Le second vin, Fiefs <strong>de</strong><br />

<strong>La</strong>grange, parfaitement équilibré et très régulier, a parfois même fait<br />

<strong>de</strong> l’ombre au grand vin, mais cinq ans <strong>de</strong> conservation en cave<br />

remettent les choses en place, le grand vin a infiniment plus <strong>de</strong><br />

noblesse et <strong>de</strong> personnalité !<br />

Millésimes préférés : 1990, 1996, 2000, 2002.


28<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAUX LANGOA BARTON<br />

ET LÉOVILLE BARTON<br />

Il est difficile <strong>de</strong> séparer les <strong>de</strong>ux châteaux viti-vinicoles, et dotés<br />

<strong>de</strong> vignobles indépendants mais voisins, parce qu’ils appartiennent<br />

<strong>à</strong> la même famille, et sont vinifiés et élevés tous <strong>de</strong>ux <strong>à</strong> <strong>La</strong>ngoa, le<br />

seul "château" architectural existant, dans les mêmes<br />

installations. Le terroir <strong>de</strong> <strong>La</strong>ngoa (17 hectares) se situe près du<br />

château un peu au sud <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Léoville (48ha), lui-même<br />

constituant la partie sud du grand Léoville original. Dans les <strong>de</strong>ux<br />

cas le merlot ne constitue que 20% <strong>de</strong> l’encépagement, le reste<br />

étant planté en cabernet sauvignon (avec une petite proportion <strong>de</strong><br />

cabernet franc). Le sous-sol diffère <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> <strong>La</strong>grange, argileux<br />

et non calcaire, mais avec <strong>de</strong>s variations importantes <strong>de</strong> texture <strong>de</strong><br />

sol, <strong>de</strong> teneur en silice et en oligo-éléments. Les <strong>de</strong>ux vins se<br />

ressemblent <strong>de</strong> plus en plus. Dans le passé <strong>La</strong>ngoa apparaissait<br />

plus irrégulier et plus rustique, sans doute en raison <strong>de</strong> sa teneur<br />

en vin <strong>de</strong> presse, mais <strong>de</strong>puis cinq ou six millésimes la finesse et<br />

la pureté aromatiques <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux crus sont i<strong>de</strong>ntiques, Léoville<br />

donnant un vin un peu plus charnu et corpulent. Le nez <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

vins est marqué par la distinction <strong>de</strong> leurs arômes <strong>de</strong> cèdre,<br />

marque <strong>de</strong> fabrique <strong>de</strong>s cabernets, mais le caractère crémeux <strong>de</strong><br />

leur texture, unique dans le secteur, est certainement <strong>à</strong> mettre au<br />

compte <strong>de</strong>s cuves en bois <strong>de</strong> la fermentation, <strong>de</strong> taille idéale pour<br />

l’extraction <strong>de</strong> bons tannins et qui laissent passer suffisamment<br />

d’oxygène pour les discipliner. Même si Léoville n’est pas un cru<br />

au prix exorbitant, la prime du bon rapport qualité prix revient<br />

incontestablement <strong>à</strong> <strong>La</strong>ngoa, quand on en trouve ! Le remarquable<br />

directeur <strong>de</strong> la propriété Michel Raoult vient <strong>de</strong> prendre sa retraite,<br />

souhaitons que son successeur ait autant <strong>de</strong> flair en la matière.<br />

Millésimes préférés : 1953, 1959, 1985, 1989, 1996, 1998, 2000,<br />

2003, 2005.


ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 29<br />

CHÂTEAU LÉOVILLE LAS CASES<br />

Il n’y a pas <strong>de</strong> château, au sens propre, sur le domaine ce qui<br />

explique l’absence du mot sur les étiquettes, mais <strong>de</strong>s bâtiments<br />

d’exploitation assez élégants, dans une cour, dont seule la partie<br />

gauche et le centre lui appartiennent, la partie droite étant la<br />

propriété <strong>de</strong> Léoville Poyferré. L’origine <strong>de</strong>s trois Léoville actuels<br />

remonte <strong>à</strong> la division d’un vaste domaine viticole comprenant toutes<br />

les terres du nord du bourg <strong>de</strong> Saint-Julien, jusqu’au hameau <strong>de</strong><br />

Saint-<strong>La</strong>mbert, et connu sous le nom <strong>de</strong> Mont Moitié, avant même<br />

celui <strong>de</strong> Léoville. En 1826, les Barton achètent la partie sud et en<br />

1840 le reste se divise entre le baron <strong>de</strong> Poyferré et la famille <strong>La</strong>s


30<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

Cases (la même que celle du mémorialiste) qui dispose du droit<br />

d’aînesse et conserve le cœur historique du vignoble, une parcelle <strong>de</strong><br />

45 hectares jouxtant <strong>La</strong>tour, côté Giron<strong>de</strong>, et ses "extérieurs" (50 ha).<br />

Michel Delon succè<strong>de</strong> <strong>à</strong> son père Paul en 1977 <strong>à</strong> la tête du domaine<br />

qui appartient désormais entièrement <strong>à</strong> sa famille, fait replanter tous<br />

les extérieurs, mais se rend très vite compte que le caractère du vin<br />

issu du "grand enclos" est plus noble que celui pourtant remarquable<br />

du reste du vignoble, et serait dilué si l’on assemblait les <strong>de</strong>ux. Il<br />

déci<strong>de</strong> donc <strong>de</strong> produire le grand vin pratiquement exclusivement sur<br />

le grand enclos, et <strong>de</strong> produire un second vin, le clos du Marquis, sur<br />

le reste <strong>de</strong> la propriété, avec la volonté que le public reconnaisse et<br />

avalise l’effort accompli. Il met <strong>à</strong> peine dix millésimes magnifiques<br />

consécutifs pour y parvenir, et pour tous les amateurs et les<br />

professionnels le grand vin <strong>de</strong> Léoville est assimilé mentalement <strong>à</strong><br />

un premier cru. Son fils Jean-Hubert Delon poursuit aujourd’hui son<br />

œuvre et administre la propriété avec le même perfectionnisme et<br />

sans doute un peu plus d’humanité, aidé par une équipe technique<br />

particulièrement brillante et motivée. Simplement les vignes <strong>de</strong>s<br />

"extérieurs" ont vieilli, atteignent trente ans d’âge moyen, et font du<br />

clos du Marquis un "grand" vin <strong>à</strong> part entière, mais d’un caractère<br />

différent, plus proche du fruit en un certain sens, moins tendu et<br />

serré dans sa texture, avec une indiscutable allure aristocratique. Le<br />

grand vin accentue les notes <strong>de</strong> cèdre et même <strong>de</strong> havane, avec la<br />

<strong>de</strong>nsité et l’intégrité <strong>de</strong> texture que seules <strong>de</strong> très vieilles vignes<br />

(50 ans ou plus) autorisent, et un raffinement aromatique unique <strong>à</strong><br />

Saint-Julien. Seul le temps lui rend justice et accentue encore sa<br />

suprématie. On le boit en général trop tôt, souvent avant dix ans<br />

d’âge alors qu’il en faudrait vingt ou plus pour lui rendre vraiment<br />

justice.<br />

Millésimes préférés : 1959, 1964, 1978, 1982, 1986, 1989, 1990,<br />

1995, 1996, 1998, 2000, 2001, 2002, 2004, 2005.


ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 31<br />

CHÂTEAU LÉOVILLE POYFERRÉ<br />

Didier Cuvelier administre avec souplesse et intelligence pour le<br />

compte <strong>de</strong> sa famille la partie du domaine <strong>de</strong> Léoville héritée par le<br />

baron <strong>de</strong> Poyferré, qui s’étend en face du "Grand Enclos" <strong>de</strong> son<br />

voisin <strong>La</strong>s Cases, sur <strong>de</strong> magnifiques graves, mais aussi du côté <strong>de</strong><br />

Talbot et <strong>de</strong> Pichon Comtesse <strong>de</strong> <strong>La</strong>lan<strong>de</strong>, avec <strong>de</strong>s caractères <strong>de</strong><br />

vins différents, ce qui exige <strong>de</strong> sévères sélections si l’on veut<br />

conserver le caractère le plus original <strong>de</strong>s Léoville. Elles sont faites<br />

aujourd’hui, dans <strong>de</strong>s installations techniques rénovées, sous la<br />

responsabilité d’une jeune et brillante œnologue Isabelle Davin, avec<br />

les conseils <strong>de</strong> Michel Rolland, le fameux<br />

"gourou" <strong>de</strong> Libourne. Dans les <strong>de</strong>rniers<br />

millésimes, Poyferré retrouve la plénitu<strong>de</strong> et<br />

l’assurance <strong>de</strong> style qui l’avaient tant fait aimer<br />

<strong>de</strong>s négociants bor<strong>de</strong>lais et <strong>de</strong>s amateurs dans<br />

le premier tiers du 20e siècle. Dense, racé, il<br />

ressemble beaucoup dans sa saveur et dans sa<br />

forme <strong>à</strong> Léoville <strong>La</strong>s Cases mais avec un peu<br />

plus <strong>de</strong> souplesse et un peu moins d’intensité,<br />

les vignes <strong>de</strong> cabernet sauvignon n’ayant pas<br />

encore le même âge. Lui aussi exige un patient<br />

vieillissement en bouteille pour que toute la<br />

subtilité du tannin liée au terroir s’exprime et<br />

le différencie <strong>de</strong>s autres crus du secteur. Le<br />

prix <strong>de</strong> vente du cru n’est pas encore spéculatif<br />

et permet <strong>à</strong> <strong>de</strong>s amateurs non milliardaires<br />

d’avoir accès <strong>à</strong> un <strong>de</strong>s sommets actuels du<br />

Médoc. Le second vin Moulin Riche n’est pas<br />

aussi "indispensable".<br />

Millésimes préférés : 1990, 1996, 1998, 2000,<br />

2002, 2003, 2004, 2005.


32<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAU SAINT-PIERRE<br />

Voici un tout petit cru (17 hectares) par rapport <strong>à</strong> la plupart <strong>de</strong> ses<br />

pairs classés, mais cela n’enlève rien <strong>de</strong> sa valeur. Son histoire est<br />

assez complexe et après avoir failli disparaître, même comme<br />

marque, il a pu être remembré et ressuscité par Henri Martin qui<br />

possédait déj<strong>à</strong> château Gloria, un cru non classé mais constitué par<br />

<strong>de</strong>s parcelles ayant un jour ou un autre appartenu aux crus classés<br />

du secteur dont Gruaud ! Henri Martin choisit les plus vieilles<br />

parcelles <strong>de</strong> vignes (elles ont aujourd’hui plus <strong>de</strong> cinquante ans<br />

d’âge moyen) et fit agrandir le chai <strong>de</strong> Gloria, transmettant le tout <strong>à</strong><br />

sa fille et <strong>à</strong> son gendre Jean Louis Triaud. Le vin n’a cessé <strong>de</strong> se<br />

raffiner et d’épurer son style <strong>de</strong>puis dix ans et porte la marque <strong>de</strong>s<br />

vieilles vignes par l’intensité vraiment rare <strong>de</strong> leur texture et leur<br />

puissance tannique. Saint-Pierre produit actuellement le plus<br />

charpenté et le plus <strong>de</strong>nse <strong>de</strong>s quatrièmes crus, doté d’un très<br />

noble arôme épicé classique <strong>de</strong>s cabernets. On trouvera parfois<br />

plus <strong>de</strong> finesse<br />

dans Beychevelle,<br />

plus <strong>de</strong> volupté<br />

dans Talbot, plus<br />

d’harmonie dans le<br />

tannin <strong>de</strong> Branaire,<br />

mais rarement<br />

autant <strong>de</strong> richesse<br />

<strong>de</strong> sève. Les prix<br />

sont raisonnables.<br />

Qu’on en profite !<br />

Meilleurs<br />

millésimes : 1990,<br />

1996, 2000, 2001,<br />

2004, 2005.


ÉTUDE DE TERROIR<br />

n°53<br />

février 2009 33<br />

CHÂTEAU TALBOT<br />

Talbot est un cru magnifique, une marque connue<br />

dans le mon<strong>de</strong> entier pour sa régularité et<br />

l’excellence <strong>de</strong> son rapport qualité-prix. Son nom<br />

certes l’ai<strong>de</strong> sur les marchés anglo-saxons mais<br />

comme il est resté aux mains <strong>de</strong> la famille<br />

Cordier, le public français lui reste très attaché. Le<br />

domaine atteint 110 hectares <strong>de</strong> vignes, dans la<br />

partie ouest du village, dont 5 plantés en raisin<br />

blanc, et l’unité géologique <strong>de</strong>s sols permet ici une<br />

production confortable <strong>de</strong> grand vin, sans que la<br />

qualité n'en pâtisse. Le caractère du vin ai<strong>de</strong> aussi<br />

<strong>à</strong> sa popularité car il exprime toute la générosité<br />

<strong>de</strong> fruit que l’imaginaire du public associe <strong>à</strong> Saint-<br />

Julien, avec une amabilité et une chair immédiates<br />

différentes <strong>de</strong>s vins plus austères produits en bord<br />

<strong>de</strong> Giron<strong>de</strong>. Mais ce qu’il y a d’étonnant avec ce<br />

cru, c’est sa capacité <strong>à</strong> étonner au long vieillissement par la<br />

métamorphose <strong>de</strong> ses sensations tactiles et <strong>de</strong> son goût. Les<br />

notes légèrement poivronnées ou musquées qui apparaissent en<br />

vin jeune se transforment en un bouquet souvent admirable <strong>de</strong><br />

complexité et le vin semble gagner en étoffe et en profon<strong>de</strong>ur !<br />

Tout récemment, le 1982 en magnum a ébloui <strong>de</strong> nombreux<br />

amateurs pourtant difficiles… Une petite production d’un vin blanc<br />

bien fait est vendue sous l’appellation Bor<strong>de</strong>aux, comme Caillou<br />

blanc.<br />

Millésimes préférés : 1945, 1953, 1962, 1982, 1986, 1989, 1996,<br />

2001, 2004.


34<br />

ÉTUDE DE TERROIR<br />

CHÂTEAU GLORIA<br />

Ce cru bourgeois d’une surface importante (48 ha) a connu son<br />

heure <strong>de</strong> gloire dans les années 1960, grâce au célèbre Henri<br />

Martin, maire <strong>de</strong> son village et fondateur <strong>de</strong> la comman<strong>de</strong>rie du<br />

Bontemps, qui est au Médoc ce que le Tastevin est <strong>à</strong> la Bourgogne.<br />

Il a ensuite décliné pour retrouver <strong>de</strong>puis une dizaine <strong>de</strong><br />

millésimes son style et sa réputation. Le vin est toujours assez<br />

rond, charnu et fruité pour un Saint-Julien mais en retrouvant la<br />

plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa constitution il peut rivaliser pour un moindre prix<br />

avec les crus classés. Mais j’attends encore la vraie gran<strong>de</strong><br />

bouteille. On me dira qu’on la trouve avec Saint-Pierre qui<br />

appartient <strong>à</strong> la même famille...<br />

CHÂTEAU MOULIN DE LA ROSE<br />

A l’inverse <strong>de</strong> Gloria voici un vin <strong>de</strong> "garage" avant la lettre, issu <strong>de</strong><br />

moins <strong>de</strong> 5 hectares <strong>de</strong> vignes idéalement situées, dont une bonne<br />

partie provient <strong>de</strong> Léoville Poyferré qu’administrait alors Roger<br />

Delon, grand-père <strong>de</strong> l’actuel propriétaire. Le vin a du caractère et<br />

même du style pour un prix fort raisonnable. Encore faut-il en<br />

trouver !


ÉTUDE DE TERROIR<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

Ces grands crus menacés<br />

par l'industrialisation<br />

Pas facile aujourd’hui <strong>de</strong> concilier développement économique,<br />

protection du patrimoine viticole et enjeux écologiques. Un véritable<br />

casse-tête où la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> nos terroirs est souvent engloutie au profit<br />

d’intérêts locaux peu scrupuleux et peu porteurs d’avenir.<br />

Mathil<strong>de</strong> <strong>Hulot</strong>.<br />

n°53<br />

février 2009 35


36<br />

Roland Feredj, directeur du Conseil<br />

interprofessionnel <strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

Les clichés ont la <strong>de</strong>nt dure : difficile <strong>de</strong> faire comprendre<br />

aux non initiés que la vigne et le vin sont partie<br />

intégrante <strong>de</strong> l’économie. C’est pourquoi, trop souvent,<br />

nos grands crus (et les autres) se heurtent <strong>à</strong> <strong>de</strong>s évolutions<br />

incohérentes qui menacent purement et simplement notre<br />

patrimoine culturel. Les maires, au pouvoir exorbitant,<br />

n’hésitent pas <strong>à</strong> raser <strong>de</strong>s hectares <strong>de</strong> vignes au profit <strong>de</strong><br />

centres commerciaux, <strong>de</strong> zones industrielles ou <strong>de</strong> lotissements<br />

pour grossir la liste <strong>de</strong> leurs administrés. C’est probablement le<br />

béton qui est la plus grosse menace... Mais il n’est pas le seul.<br />

Or, un paysage détruit est irréversible. Le béton qui coule<br />

efface <strong>à</strong> tout jamais un terroir viticole. Pour Roland Feredj,<br />

directeur du Conseil interprofessionnel <strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux,<br />

une phrase est <strong>à</strong> bannir : "Impossible <strong>de</strong> faire autrement".<br />

Avec <strong>de</strong> la volonté, on trouve toujours <strong>de</strong>s solutions.<br />

Comment, dès lors, concilier développement économique<br />

raisonné et conservation <strong>de</strong> nos trésors viticoles ?<br />

Le point sur la situation en huit exemples.<br />

1. LES GRANDS CRUS BORDELAIS ENCERCLÉS DE TOUTE PART<br />

Bor<strong>de</strong>aux est un vignoble citadin par excellence. Tellement lié <strong>à</strong> la<br />

ville que les heurts sont inévitables. <strong>La</strong> métropole, qui ne cesse <strong>de</strong><br />

jouer la concurrence avec Toulouse, cherche d'une part <strong>à</strong> se<br />

développer, d'autre part <strong>à</strong> désengorger son trafic qui empoisonne<br />

la vie quotidienne <strong>de</strong>s Bor<strong>de</strong>lais. Le grand contournement <strong>de</strong><br />

Bor<strong>de</strong>aux proposé ces <strong>de</strong>rnières années a fait hurler les<br />

propriétaires médocains (tel tracé passait par les vignes <strong>de</strong><br />

l’appellation Margaux et celles du château Cantemerle, tel autre<br />

tailladait les parcelles du Blayais) mais le sujet, véritable cassetête<br />

girondin hautement politique, est pour l’instant remisé au


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

n°53<br />

février 2009 37<br />

placard, freiné notamment par le Grenelle <strong>de</strong> l’environnement.<br />

Autre "menace" imminente : le passage <strong>de</strong> la LGV (ligne <strong>à</strong> gran<strong>de</strong><br />

vitesse) entre Bor<strong>de</strong>aux et Hendaye qui empiéterait sur les grands<br />

crus du sud <strong>de</strong> l’agglomération.<br />

Si les infrastructures sont nécessaires, l’urbanisation est un<br />

problème plus insidieux. Bor<strong>de</strong>aux est trois fois plus étalée que<br />

Lyon, une aubaine pour ses habitants dont le confort <strong>de</strong> vie est<br />

inestimable mais une aberration quant au développement urbain.<br />

<strong>La</strong> raison en est simple.<br />

En France, 36 783 communes déci<strong>de</strong>nt elles-mêmes <strong>de</strong><br />

l’aménagement <strong>de</strong> leur propre espace, le pouvoir est donc<br />

entre les mains du maire. Or, sa démarche est toujours la<br />

même : construire une zone industrielle ou un lotissement où<br />

la place est libre. Et très peu d’entre eux ont conscience <strong>de</strong> la<br />

valeur économique du vignoble. <strong>La</strong> ville tue la poule aux oeufs<br />

d’or... Une absurdité combattue toute sa vie par André Lurton<br />

<strong>à</strong> Pessac-Léognan et soulevée par Roland Feredj, qui fut aussi<br />

maire <strong>de</strong> Sadirac dans l’Entre-<strong>de</strong>ux-Mers pendant sept ans :<br />

"Cela <strong>de</strong>vrait relever d’une instance porteuse <strong>de</strong> l’intérêt


38<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

général, au minimum au niveau <strong>de</strong> la région pour que<br />

l’électeur <strong>de</strong> base ne puisse pas faire pression sur ceux qui<br />

déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s documents d’urbanisme. Pour qu’il y ait un<br />

minimum <strong>de</strong> cohérence", explique-t-il, excédé. "<strong>La</strong> crise<br />

<strong>de</strong>vrait avoir un effet positif, la pression immobilière va se<br />

tasser sur les petites communes. Le système actuel, dénoncé<br />

par tous, coûte tellement cher qu’il va falloir mettre <strong>de</strong><br />

l’ordre". Il compte sur les projets du gouvernement,<br />

notamment sur la commission Balladur mandatée pour<br />

réformer ce millefeuille territorial et plancher sur la<br />

compétence <strong>de</strong>s collectivités. Autre évolution en cours : la ville<br />

<strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux <strong>de</strong>vrait aménager plusieurs zones (Belcier,<br />

Bacalan...) en quartiers rési<strong>de</strong>ntiels et donc se <strong>de</strong>nsifier au<br />

lieu <strong>de</strong> s’étaler.<br />

Pour stopper les incohérences, le CIVB et la Fédération <strong>de</strong>s grands<br />

vins ont créé une Commission Terroir et édité une Charte Terroirs<br />

envoyée <strong>à</strong> tous les élus <strong>de</strong> la région. Dernière affaire en date : la<br />

commune <strong>de</strong> Cadillac qui souhaite couler du béton sur <strong>de</strong>s<br />

hectares <strong>de</strong> vignes. L’affaire est en cours au tribunal administratif.<br />

2. LA CÔTE-RÔTIE RÉSISTE LA TÊTE HAUTE<br />

<strong>La</strong> Côte-Rôtie concentre <strong>à</strong> elle seule plusieurs problématiques.<br />

Située dans un périmètre fortement industrialisé, carrefour<br />

géographique, elle est sans cesse menacée <strong>de</strong> disparition.<br />

L’appellation et ses crus <strong>de</strong> rêve (<strong>La</strong> <strong>La</strong>ndonne, <strong>La</strong> Mouline, <strong>La</strong><br />

Turque) sont en effet situés dans un goulot d’étranglement <strong>à</strong> la<br />

périphérie <strong>de</strong> Lyon, et ainsi confrontés aux mêmes enjeux que ceux<br />

<strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. Le tracé du contournement <strong>de</strong> l'appellation est ici<br />

aussi un long serpent <strong>de</strong> mer. On se souvient <strong>de</strong>s craintes soulevées<br />

par le projet d’un tunnel <strong>à</strong> travers la colline même, au début <strong>de</strong>s


Marcel Guigal.<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

n°53<br />

février 2009 39<br />

années 2000. Et la déviation se heurte plus <strong>à</strong><br />

l’ouest au parc naturel régional du Pilat. Alcaly<br />

(alternatives aux Contournements autouroutiers<br />

<strong>de</strong> Lyon) propose d’autres tracés plus cohérents,<br />

vers l’est.<br />

Et quand ce n’est pas l’autoroute qui menace,<br />

le fret ferroviaire s’en mêle, pourtant défendu<br />

par les écologistes. Mais les vignerons et<br />

négociants dénoncent : le trafic sur la ligne <strong>de</strong><br />

chemin <strong>de</strong> fer centenaire sera multiplié par<br />

quatre et le temps d'attente sera porté <strong>à</strong> sept<br />

ou huit heures par jour pour traverser la voie<br />

ferrée qui coupe la commune d'Ampuis. Son<br />

impact sur l’activité viticole, notamment en<br />

pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vendange, serait critique, la plupart<br />

<strong>de</strong>s viticulteurs <strong>de</strong>vant traverser la voie ferrée<br />

pour relier le lieu <strong>de</strong> récolte au site<br />

d’exploitation. Le préfet <strong>de</strong>vait se prononcer fin<br />

février, d’où une manifestation <strong>à</strong> Paris, le 21<br />

janvier <strong>de</strong>rnier.<br />

Parmi les manifestants, Marcel Guigal qui se<br />

bat pour ses grands crus <strong>de</strong>puis toujours, sur tous les fronts.<br />

"Quand j’ai pris la relève <strong>de</strong> mon père mala<strong>de</strong>, raconte-t-il, j’étais<br />

face <strong>à</strong> un plan d’urbanisme où toutes les vignes étaient classées<br />

en terrain <strong>à</strong> bâtir. J’avais 18 ans et j’étais le seul <strong>à</strong> m’opposer...<br />

L’appellation couvrait 45 hectares et les gens ne croyaient plus <strong>à</strong><br />

la vigne". Aujourd’hui, les 234 hectares <strong>de</strong> Côte-Rôtie et ses voisins<br />

<strong>de</strong> la rive droite du Rhône sont <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> résistance et la<br />

notoriété <strong>de</strong>s vins n’a jamais été aussi élevée, grâce <strong>à</strong> <strong>de</strong>s forts en<br />

tête comme lui ou, sur l’appellation voisine Condrieu, <strong>de</strong>s<br />

vignerons comme Georges Vernay.


40<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

3. TRICASTIN TENTE D’OUBLIER JUSQU’À SON NOM<br />

Tricastin est l’illustration parfaite d’un développement industriel<br />

bienvenu qui, quarante ans plus tard, a tourné au vinaigre.<br />

L’histoire remonte <strong>à</strong> 1974, lorsqu’une usine militaire appelée <strong>à</strong><br />

l’époque Pierrelatte, s’installe en plein coeur <strong>de</strong> la vallée du<br />

Rhône. Le VDQS Coteaux du Tricastin existe <strong>de</strong>puis 1964 et vient <strong>de</strong><br />

passer, en 1973, en AOC. Henri Bour, propriétaire <strong>de</strong> la plus<br />

gran<strong>de</strong> propriété <strong>de</strong> l’appellation et prési<strong>de</strong>nt du syndicat, se<br />

souvient : "Le projet a été bien accueilli : l’usine amenait du<br />

travail". Mais le centre s’est mué en site nucléaire s’étendant<br />

aujourd’hui sur une vingtaine d’hectares, le plus important<br />

d’Europe ! Qui plus est, il s’est rebaptisé Tricastin, entraînant un<br />

amalgame inévitable et dommageable pour les vins. "Alimentaire<br />

et nucléaire ne font pas bon ménage, avec ou sans acci<strong>de</strong>nt. EDF<br />

avait fait une étu<strong>de</strong> sur l’évocation <strong>de</strong> Tricastin, qui montrait<br />

qu’aucune confusion d’image n’était possible. En 2003, excédés,<br />

nous nous sommes tournés vers l'INAO". Pour le prési<strong>de</strong>nt René<br />

Renou, c’était très clair : "c’était le site nucléaire qui <strong>de</strong>vait<br />

changer <strong>de</strong> nom. Tout le mon<strong>de</strong><br />

campait sur ses positions".<br />

Entre juillet et octobre 2008, une série<br />

d’inci<strong>de</strong>nts, émanant d’une filiale<br />

d’Areva chargée du traitement <strong>de</strong>s<br />

déchets nucléaires, est repris par la<br />

presse grand public. C’en est trop,<br />

même si <strong>de</strong>s analyses, fort chères,<br />

attestent qu’aucune contamination n’est<br />

possible dans les vins. "Nous traînons<br />

notre boulet <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années, la<br />

centrale a une force <strong>de</strong> communication<br />

hyper puissante qui nous étouffe". A


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

n°53<br />

février 2009 41<br />

bout, l’appellation réclame un nouveau nom (peut-être Coteaux <strong>de</strong><br />

Grignan, du nom du village <strong>de</strong> la Drôme où se trouve l'AOC) ; l’INAO<br />

s’est montrée favorable et les tests sont en cours.<br />

En France, on compte dix-neuf centrales nucléaires. <strong>La</strong><br />

cohabitation avec les vignobles se fait bon an mal an. A Chinon, "on<br />

a appris <strong>à</strong> vivre avec" confie une vigneronne. A Bor<strong>de</strong>aux, le Médoc<br />

et le vignoble <strong>de</strong>s côtes flirtent avec leur site nucléaire qui a aussi<br />

pris un nom d’appellation, centrale du Blayais. Pour Thierry Budin,<br />

du château <strong>Meyney</strong> dans le Médoc, sa présence n’est pas un<br />

problème et le fleuve forme une "barrière naturelle" entre la<br />

propriété et le mastodonte qu’on aperçoit au loin dans la brume.<br />

De manière générale, ces sites sont sous haute surveillance et <strong>de</strong>s<br />

prélèvements sur les végétaux et dans le lait sont effectués aux<br />

alentours. "Toute centrale contribue <strong>à</strong> un millième <strong>de</strong> la<br />

radioactivité naturelle", rassure Anne-Cécile Rigail, responsable <strong>à</strong><br />

l’ASN (Autorité <strong>de</strong> sûreté nucléaire).<br />

4. LE LANGUEDOC EN PLEINE BULLE PHOTOVOLTAÏQUE<br />

Jacques Fanet, directeur du syndicat <strong>de</strong> l’AOC <strong>La</strong>nguedoc, possè<strong>de</strong> 6<br />

hectares <strong>de</strong> vignes (exposés sud) du côté d’Aspiran, dans l’Hérault. Une<br />

agence immobilière a proposé <strong>de</strong> les lui racheter un prix correct (15<br />

000 au lieu <strong>de</strong> 10 000 € l’hectare) afin d’installer <strong>de</strong>s panneaux<br />

solaires. Ce cas est loin d’être isolé et <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> vignerons<br />

sont sollicités pour mettre <strong>de</strong>s terres <strong>à</strong> disposition. Après la vague <strong>de</strong>s<br />

éoliennes, voici donc la mo<strong>de</strong> du photovoltaïque, un sujet largement<br />

évoqué ces <strong>de</strong>rniers temps au sein du syndicat qui a fait part <strong>de</strong> son<br />

inquiétu<strong>de</strong> <strong>à</strong> la DDA (Direction départementale <strong>de</strong> l’agriculture) du<br />

Gard et <strong>de</strong> l’Hérault. Car c’est la jungle totale : aucun contrôle, aucune<br />

visibilité ni vision régionale, pas besoin <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> construire ni <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> modification <strong>de</strong> PLU (plan local d’urbanisme) pour


42<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

installer les panneaux. Au<br />

milieu <strong>de</strong> la garrigue, sur <strong>de</strong>s<br />

terres <strong>à</strong> vignes ou en friches,<br />

ces <strong>de</strong>rniers nécessitent une<br />

surveillance et un entretien<br />

régulier et coûteux et pas<br />

toujours écologique<br />

(désherbant sous l’installation<br />

par exemple). Or, la rentabilité<br />

est moins intéressante que<br />

pour les systèmes s’insérant<br />

dans un bâtiment (30/35<br />

centimes le kWh contre 55/60<br />

centimes). Ces projets au mauvais ren<strong>de</strong>ment poussent au "low cost" :<br />

c’est l<strong>à</strong> qu’affluent un nombre incalculable d’intervenants. D’ailleurs,<br />

les sociétés sérieuses préfèrent éviter la pose au sol : "A titre pilote,<br />

éventuellement. Mais si on en abuse, il y aura un retour <strong>de</strong> manivelle<br />

avec un rejet du photovoltaïque <strong>de</strong> la part du public", estime Stéphane<br />

Maureau <strong>de</strong> la société Evasol.<br />

Même principe pour les éoliennes : si elles sont bien placées, dans <strong>de</strong>s<br />

lieux adaptés, l’idée est excellente. Mais l’appât du gain (électricité<br />

rachetée par EDF <strong>à</strong> prix fort) pousse <strong>de</strong>s sociétés <strong>à</strong> poser leurs<br />

poteaux en dépit du bon sens. A côté <strong>de</strong> Montagnac, l’ADEP<br />

(Association <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong>s Parédous) lutte <strong>de</strong>puis<br />

2002 contre l’installation d’un parc d’éoliennes sur ce plateau<br />

emblématique du Picpoul <strong>de</strong> Pinet, massif karstique <strong>de</strong> toute beauté<br />

aux vignes enclavées. Une société continue <strong>de</strong> s’acharner. Les<br />

vignerons, dont Umberto Guida du château Saint-Martin <strong>de</strong> la<br />

Garrigue, et les oléiculteurs tentent <strong>de</strong> faire classer les lieux en<br />

ZNIEFF (zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et<br />

floristique), voire plus tard en zone Natura 2000.


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

5. SARDA-MALET : DOMAINE AVEC VUE... SUR LEROY MERLIN !<br />

n°53<br />

février 2009 43<br />

<strong>La</strong> partie serait-elle définitivement perdue ? Le domaine Sarda-<br />

Malet, peu <strong>à</strong> peu envahi par la périphérie <strong>de</strong> Perpignan, va voir<br />

s’installer un nouveau voisin, un magasin Leroy-Merlin <strong>à</strong> quelques<br />

mètres <strong>de</strong> ses vignes. Ce fleuron du Roussillon, connu pour ses<br />

côtes-du-Roussillon, rivesaltes et muscats <strong>de</strong> rivesaltes, a<br />

toutefois obtenu la garantie <strong>de</strong> la part du propriétaire <strong>de</strong>s terres,<br />

Auchan, que le magasin ne se verrait pas grâce <strong>à</strong> un habillage<br />

subtil et <strong>à</strong> un merlon (petite butte). <strong>La</strong> situation risque <strong>de</strong> se<br />

répéter souvent en ces temps<br />

<strong>de</strong> crise : les propriétés<br />

acculées sont tentées <strong>de</strong><br />

vendre quelques hectares en<br />

terrain <strong>à</strong> bâtir, au risque que<br />

soient érigées <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />

surfaces. Le champs entre la<br />

future zone commerciale et les<br />

pieds du domaine a été lui<br />

aussi raflé par l’enseigne.<br />

Grâce <strong>à</strong> la nouvelle loi, les<br />

supermarchés ont désormais<br />

la liberté <strong>de</strong> s’agrandir, plus<br />

que jamais. Pourtant Jérôme et Marie Malet se sont battus pour<br />

montrer aux élus les dégâts occasionnés par le centre commercial<br />

existant : sacs en plastique accrochés aux vignes, déchets, vue<br />

entre le Serrat d’en Vaquer, site archéologique <strong>de</strong>s plus réputés et<br />

le mont Canigou entachée par cette "verrue". Ils ont tout essayé,<br />

auprès <strong>de</strong>s syndicats, <strong>de</strong> la municipalité, <strong>de</strong>s instances officielles,<br />

mais les terrains classés en zone agricole comme leurs cinquante<br />

hectares ont, au fur et <strong>à</strong> mesure <strong>de</strong>s années, fondu en zones<br />

constructibles permettant cette urbanisation sauvage.


44<br />

Jean-Jacques Filleul,<br />

maire <strong>de</strong> Montlouis.<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

6. MENACÉE PAR LE BÉTON, MONTLOUIS CRÉE UNE ZONE AGRICOLE<br />

PROTÉGÉE<br />

<strong>La</strong> commune <strong>de</strong> Montlouis-sur-Loire a beau être dans le Val <strong>de</strong> Loire,<br />

paysage culturel inscrit au Patrimoine mondial, elle n’en est pas moins<br />

menacée comme bien d’autres par le grignotage urbain et la pression<br />

foncière. Lorsque la population vieillissante se voit proposer 1,5 million<br />

d'euros l’hectare au lieu <strong>de</strong> 15 000 €, en dépit <strong>de</strong> son amour du vin, "il faut<br />

<strong>de</strong>s gens comme nous pour résister <strong>à</strong> la tendance et préserver les<br />

premières côtes <strong>de</strong> Montlouis", explique François Chidaine au syndicat<br />

d’appellation. Municipalité et vignerons ont en effet décidé <strong>de</strong> passer en<br />

ZAP (zone agricole protégée) le meilleur du vignoble (300 hectares), avec<br />

l’appui <strong>de</strong> la Communauté <strong>de</strong> communes <strong>de</strong> l’Est Tourangeau. Les ZAP<br />

sont <strong>de</strong>s "servitu<strong>de</strong>s d’utilité publique" qui s’imposent aux plan locaux<br />

d’urbanisme (PLU). Seuls conjointement, le maire et le préfet peuvent les<br />

modifier ou les supprimer ; le classement <strong>de</strong>s secteurs constructibles n’est<br />

donc plus soumis <strong>à</strong> la seule volonté <strong>de</strong> la municipalité. Pour les habitants<br />

comme les exploitants, cette protection offre une lisibilité <strong>à</strong> long terme.<br />

"Nous tenons la vigne <strong>à</strong> bout <strong>de</strong> bras", explique Jean-Jacques Filleul, maire<br />

<strong>de</strong> Montlouis <strong>de</strong>puis 23 ans. "Avec ce projet, nous avons la possibilité <strong>de</strong><br />

tripler les surfaces viticoles si besoin est".<br />

Cette volonté <strong>de</strong> faire sa place au vignoble n’empêche pas la ville <strong>de</strong><br />

développer une économie hors viticole : Montlouis compte <strong>de</strong> nombreuses<br />

PMI et PME (traitement <strong>de</strong>s déchets, activité ferroviaire, bâtiment, etc.) et la<br />

communauté <strong>de</strong> communes comprend dix zones industrielles et <strong>de</strong>ux<br />

centres commerciaux. Jean-Jacques Filleul dit vouloir ai<strong>de</strong>r la profession<br />

au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s terres : une zone d’activité agricole viticole<br />

(ZAV) est en cours <strong>de</strong> création. L’idée est <strong>de</strong> mettre <strong>à</strong> disposition une zone<br />

hors ZAP évi<strong>de</strong>mment, pour y construire <strong>de</strong>s chais nouveaux, avec un<br />

système <strong>de</strong> mutualisation au niveau <strong>de</strong>s déchets, <strong>de</strong>s traitements <strong>de</strong>s eaux,<br />

etc. Un projet "écologiquement idéal" dont les premières pierres <strong>de</strong>vraient<br />

être posées d’ici un an.


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

7. LES SUEURS FROIDES DE TOKAJ<br />

n°53<br />

février 2009 45<br />

En 2007, le vignoble historique <strong>de</strong> Tokaj en Hongrie était pris dans un<br />

étau. Une centrale <strong>à</strong> charbon menaçait <strong>de</strong> s’installer juste <strong>de</strong>rrière la<br />

frontière slovaque. Ses émanations, amenées par le vent d’est, seraient<br />

alors venu empester les vignes. Géopolitique et délicate, l’affaire semble<br />

au point mort. Au même moment, une centrale thermique posait ses<br />

premières briques <strong>à</strong> l’autre bout <strong>de</strong> la région, <strong>à</strong> Szérencs, <strong>à</strong> l’endroit<br />

même où la maire <strong>de</strong> la commune, qui souhaitait fortement<br />

l’implantation <strong>de</strong> cette usine pour développer l’économie locale, avait fait<br />

ériger une gigantesque porte (<strong>de</strong>ux colonnes en pierre <strong>de</strong> taille<br />

s’élançant dans le ciel) symbolisant l’entrée dans le Patrimoine mondial.<br />

Depuis 2002 en effet, le paysage culturel <strong>de</strong> Tokaj est classé <strong>à</strong> l’Unesco.


46<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

Les producteurs <strong>de</strong> vins se sont élevés contre ce projet dangereux <strong>à</strong><br />

plusieurs titres. Se revendiquant "bio-mass", la centrale que souhaitait<br />

construire la société BHD Höerömu Kft aurait faire venir <strong>de</strong> la paille du<br />

centre <strong>de</strong> la Hongrie, générant un trafic <strong>de</strong> camions s’ajoutant au millier<br />

<strong>de</strong> poids lourds qui franchissent quotidiennement le pont <strong>de</strong> Tokaj, le<br />

seul accessible sur la rivière Tisza. Faute <strong>de</strong> brûler <strong>de</strong> la paille, l’usine<br />

aurait été autorisée <strong>à</strong> détruire d’autres combustibles extrêmement<br />

polluants. Grâce au Patrimoine mondial, qui a exigé un rapport <strong>de</strong> l’état<br />

hongrois sur le sujet, le projet initial est suspendu mais une centrale<br />

thermique plus petite pourrait voir le jour prochainement. "Il y a 150 ans,<br />

l’usine <strong>de</strong> sucre avait suscité la crainte <strong>de</strong>s producteurs <strong>de</strong> la région,<br />

persuadés <strong>de</strong> se faire voler leur main d’œuvre", avance la maire <strong>de</strong><br />

Szérencs pour se justifier, sans tenir compte <strong>de</strong> l’image <strong>de</strong> la région. Il<br />

n’en reste pas moins que ce coin <strong>de</strong> Hongrie a un besoin imminent <strong>de</strong> se<br />

développer économiquement et ne peut se contenter <strong>de</strong> la réputation <strong>de</strong><br />

ses crus. Un groupe <strong>de</strong> travail réunissant les acteurs locaux –<br />

producteurs <strong>de</strong> vins, professionnels du tourisme et autres - planche sur<br />

le sujet pour faire <strong>de</strong> la région une <strong>de</strong>s "priorités nationales" <strong>à</strong><br />

développer au même titre que Budapest ou les bords du lac Balaton.<br />

L’idée est, <strong>à</strong> terme, <strong>de</strong> trouver et financer les projets et investissements<br />

en accord avec le patrimoine.<br />

8. L’IMMOBILISME À L'ITALIENNE : AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS<br />

L’un <strong>de</strong>s plus beaux sites viticoles mondiaux est incontestablement la<br />

Toscane avec ses paysages vallonnés, ses rangées <strong>de</strong> cyprès et ses<br />

oliviers. C’est aussi une région où il est formellement interdit <strong>de</strong><br />

construire le moindre bâtiment. Seule la réhabilitation est autorisée.<br />

Un système particulièrement lourd, déplorent les vignerons,<br />

poussant jusqu’<strong>à</strong> l’immobilisme. "Dans le Médoc, on organise le<br />

drainage, <strong>à</strong> Banyuls les terrassements, en Bourgogne les murets et


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

n°53<br />

février 2009 47<br />

les parcelles qui ont donné une i<strong>de</strong>ntité au vignoble" fait remarquer<br />

Florent Girou, directeur <strong>de</strong> Tenuta la Novella. "<strong>La</strong> main <strong>de</strong> l’homme<br />

est indispensable <strong>à</strong> la construction d’un terroir. <strong>La</strong> sauvegar<strong>de</strong>, ce<br />

n’est pas seulement préserver la nature <strong>à</strong> l’état brut. Il manque ici<br />

un espace <strong>de</strong> liberté suffisant pour faire évoluer le milieu".<br />

Pour construire un muret, pour planter une parcelle d’oliviers en<br />

vignes, pour rouvrir une fenêtre fermée, il faut une autorisation.<br />

"On se plaint mais on est content, avoue Giampoalo Motta <strong>de</strong> la<br />

Fattoria <strong>La</strong> Massa, située <strong>à</strong> Panzano au c?ur du Chianti Classico.<br />

Car au moins, j’ai la certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas avoir une usine construite<br />

<strong>de</strong>vant mes vignes !"


48<br />

LA GRANDE ENQUÊTE<br />

Patrimoine mondial : l’exemple libournais<br />

Cela fait dix ans que la Juridiction <strong>de</strong> Saint-Émilion et ses 7 846 hectares (dont 5 400 ha <strong>de</strong><br />

vignes) sont inscrits au Patrimoine mondial au titre <strong>de</strong> "paysage culturel". Le Libournais<br />

développe tranquillement son économie tout en bichonnant son trésor <strong>de</strong> patrimoine ;<br />

résultat : les touristes affluent.<br />

"En six ans, nous sommes passés <strong>de</strong> 3 900 <strong>à</strong> 5 300 entreprises sur l’ensemble <strong>de</strong><br />

l’arrondissement administratif" annonce Yves Ratel, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Chambre <strong>de</strong><br />

commerce et <strong>de</strong> l’industrie (CCI) <strong>de</strong> Libourne. "Il y a un réel dynamisme". Parmi les PME,<br />

beaucoup gravitent autour du vin : emballages (71 établissements <strong>de</strong>s secteurs<br />

secondaires et tertiaires, représentant 2 000 emplois), 289 négociants en vins (1 070<br />

salariés), construction, etc. Sur la rive droite, industrie et patrimoine font donc bon<br />

ménage.<br />

C’est dans cette direction que travaille la<br />

Champagne, qui se porte candidate au<br />

Patrimoine mondial en tant que "Paysages du<br />

Champagne" et espère être retenue, dans un<br />

premier temps, par le Comité <strong>de</strong>s biens<br />

français en octobre 2009 (pour être présentée<br />

en janvier 2010 et être inscrite en juillet 2011).<br />

"Nous visons l’Unesco pour consacrer les<br />

efforts <strong>de</strong> valorisation <strong>de</strong> la région entrepris<br />

<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles, en tant que site industriel<br />

prospère doté <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> champagne, <strong>de</strong><br />

pressoirs, <strong>de</strong> paysages témoins, <strong>de</strong> coteaux<br />

viticoles emblématiques.", explique Émilie<br />

<strong>La</strong>ndau, chargée <strong>de</strong> projet. Maires et vignerons<br />

communiquent et échangent leurs idées pour<br />

s’engager mutuellement. Être inscrit au<br />

Patrimoine <strong>de</strong> l’Unesco ne signifie donc pas<br />

forcément mettre un vignoble sous cloche, au<br />

contraire : "Il faut dans chaque cas trouver la


LA GRANDE ENQUÊTE<br />

n°53<br />

février 2009 49<br />

bonne harmonie entre le développement <strong>de</strong><br />

la région et les valeurs universelles, surtout<br />

pour les paysages culturels", indique<br />

Mechtild Rössler, chef <strong>de</strong> section <strong>à</strong> l’Unesco.<br />

Huit vignobles sont aujourd’hui inscrits au<br />

Patrimoine mondial <strong>de</strong> l’humanité : le Parc national <strong>de</strong>s Cinq Terres en Italie, <strong>de</strong>puis 1997 ;<br />

la Juridiction <strong>de</strong> Saint-Émilion, <strong>de</strong>puis 1999 ; le Val <strong>de</strong> Loire, <strong>de</strong> Chalonnes-sur-Loire <strong>à</strong><br />

Sully-sur-Loire, <strong>de</strong>puis novembre 2000 ; le Haut Douro, au Portugal, le <strong>La</strong>c <strong>de</strong> Neusiedl ou<br />

lac FertŒ (Autriche et Hongrie), <strong>de</strong>puis 2001 ; le Piémont <strong>de</strong> Tokaj (Tokaj-Hegyalja) et la<br />

Haute Vallée du Rhin-moyen, tous <strong>de</strong>ux inscrits en 2002, et le vignoble en terrasses du<br />

<strong>La</strong>vaux (Suisse), en 2007.


50<br />

LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

LES RÉVÉLATIONS DU GRAND GUIDE DES VINS DE FRANCE 2010<br />

Les découvertes et<br />

les nouvelles valeurs montantes<br />

Alain chameyrat, Denis Hervier, Thierry Meyer.<br />

PROVENCE<br />

Domaine <strong>de</strong> l'Abbaye <strong>de</strong> Lérins, VDP <strong>de</strong>s Alpes<br />

Maritimes<br />

C'est au début <strong>de</strong>s années 1990 que le Père Nicolas, abbé du<br />

monastère <strong>de</strong> Saint-Honorat déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> développer une politique<br />

qualitative <strong>de</strong> la vigne. Les vignerons du Var et <strong>de</strong>s chefs comme<br />

Jacques Chibois, séduits par cette résurrection, apportent leur<br />

soutien. De 1500 bouteilles en 1992, la production est passé <strong>à</strong><br />

35000 bouteilles aujourd'hui. Il revient <strong>à</strong> Jean Lenoir <strong>de</strong> chanter<br />

Gloria et <strong>de</strong> sensibiliser les palais <strong>à</strong> ces vins touchés par la grâce<br />

qui mériteraient leur propre AOC. Sur les 7,6 hectares, trois sont<br />

plantés en blanc (chardonnay, clairette) et 4,6 hectares en rouge<br />

(syrah, mourvèdre, et pinot noir). Les rouges allient <strong>de</strong>nsité,<br />

fraîcheur aromatique et suavité <strong>de</strong> texture. Ils figurent au panthéon<br />

<strong>de</strong>s meilleures cuvées <strong>de</strong> Provence et sont déj<strong>à</strong> chez les chefs<br />

étoilés. Les blancs sont au diapason. Quant au Père Nicolas, il est<br />

aujourd'hui archevêque <strong>de</strong> Tours et croise régulièrement<br />

fourchette et verre avec le Frère Jacques Puisais. (DH)<br />

VDP DES ALPES MARITIMES, CUVÉE SAINT-PIERRE 2007, BLANC<br />

Aérien, délicieusement floral, le nez offre une belle tentation, et la<br />

bouche confirme avec une structure élégante et fraîche sur les<br />

agrumes et une touche minérale en fin. 16,5/20


LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

VDP DES ALPES MARITIMES CUVÉE SAINT-HONORAT 2007, ROUGE<br />

Voil<strong>à</strong> un vin qui pousse au péché <strong>de</strong> gourmandise, <strong>à</strong> boire entre<br />

matines et vêpres sur son fruit rayonnant. Mais on peut également<br />

le gar<strong>de</strong>r. 16/20<br />

VDP DES ALPES MARITIMES, CUVÉE SAINT-SAUVEUR 2006, ROUGE<br />

Nez floral <strong>de</strong> rose et <strong>de</strong> pivoine, avec une touche d'épices, bouche<br />

soyeuse, tendue et élégante, touchée par la grâce. 17/20<br />

SUD-OUEST<br />

Domaine <strong>de</strong>s Costes, Pécharmant<br />

Œnologue bardé <strong>de</strong> diplômes, Jean-Marc Dournel reprend avec<br />

enthousiasme en 1992 le domaine <strong>de</strong> 11 hectares <strong>de</strong> ses beauxparents,<br />

installés sur Pécharmant : "Quand je suis arrivé, en bon<br />

scientifique que j’étais, j’ai utilisé bon nombre <strong>de</strong> produits pour<br />

que mes vignes soient propres, seulement au bout <strong>de</strong> quelques<br />

années, je me suis rendu compte que le vignoble était mieux tenu<br />

par mon beau-père, plus respectueux <strong>de</strong> l’environnement, j’ai<br />

alors complètement réorganisé ma façon <strong>de</strong> faire, en 2003 la vigne<br />

a été conduite en culture biologique, et la biodynamie est notre<br />

prochain objectif". 2007 est le premier millésime bio et l’on peut<br />

dire que l'approche est plutôt bien maîtrisée lorsque l’on goûte les<br />

différentes cuvées au fruité plus pur. 2008 s’annonce un cran au<strong>de</strong>ssus<br />

et ce domaine situé en coteau est <strong>de</strong>venu l’une <strong>de</strong>s<br />

références <strong>de</strong> l’appellation. (DH)<br />

PÉCHARMANT, TRADITION 2008<br />

Vin très prometteur, <strong>à</strong> réserver au plus vite, on apprécie la<br />

fraîcheur <strong>de</strong> fruit et la précision <strong>de</strong>s tanins. 16/20<br />

n°53<br />

février 2009 51


52<br />

LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

PÉCHARMANT, TRADITION 2007<br />

Joli fruit et <strong>de</strong> l'assise pour ce vin croquant et gourmand. 15/20<br />

PÉCHARMANT 2007<br />

On a une structure avec <strong>de</strong>s tanins pleins et bien <strong>de</strong>ssinés au fruité<br />

très pur. Bon potentiel ! 16/20<br />

<strong>Château</strong> Tirecul <strong>La</strong> Gravière, Monbazillac<br />

Un <strong>de</strong>s hauts lieux mondiaux <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> vins liquoreux,<br />

Tirecul, offre <strong>de</strong>s vins d’une générosité <strong>de</strong> caractère hors norme et<br />

d’une perfection d’élaboration digne <strong>de</strong> château d'Yquem. Claudie<br />

et Bruno Bilancini sont experts dans la vendange et la vinification<br />

<strong>de</strong> raisins complètement botrytisés et savent emprisonner toute<br />

leur extravagante palette <strong>de</strong> parfum, si souvent simplifiée par <strong>de</strong>s<br />

vinifications mal conduites. Ils donnent au mon<strong>de</strong> une haute idée<br />

du monbazillac et il est normal qu’une telle qualité ait un prix. Les<br />

2008 s'annoncent sous les meilleurs auspices, et les 2007 ne sont<br />

pas en reste, il conviendra <strong>de</strong> les revoir <strong>à</strong> l'automne 2009, car ce<br />

sont les 2006 et 2005 qui sont commercialisés pour l'édition du<br />

gui<strong>de</strong> 2010. (DH)<br />

MONBAZILLAC, CUVÉE MADAME 2005<br />

On est sur <strong>de</strong>s sommets, avec au nez cette délicatesse cristalline,<br />

la bouche prend <strong>de</strong>s accents crémeux frais qui rayonnent, ce vin<br />

associe la plus gran<strong>de</strong> richesse <strong>de</strong> constitution imaginable <strong>à</strong> une<br />

fraîcheur et une élégance immédiates qui situent ce cru au niveau<br />

d’Yquem et <strong>de</strong> Climens. A ouvrir cinq <strong>à</strong> six heures avant pour juger<br />

l’évolution dans le verre. 20/20


LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

MONBAZILLAC, CUVÉE MADAME 2004<br />

On sent au nez la pourriture noble, mirabelle, cire d’abeille ; en<br />

bouche on est sur les fruits confits et on termine sur une<br />

minéralité très élégante. Vin <strong>de</strong> truffe blanche. 18/20<br />

MONBAZILLAC, CUVÉE MADAME 1999<br />

<strong>La</strong> minéralité et l’abricot offrent <strong>de</strong> délicieux accents au nez, la<br />

bouche tranchante offre une belle longueur et l’élégance<br />

habituelle du cru. 18/20<br />

MONBAZILLAC, TIRECUL 2003<br />

n°53<br />

février 2009 53<br />

Nez superbe <strong>de</strong> litchi, <strong>de</strong> rose et d’épices, puis miel et cire, texture<br />

satinée avec <strong>de</strong> la puissance et <strong>de</strong> la souplesse. Il y a <strong>de</strong> la longueur<br />

et <strong>de</strong> la finesse, et surtout une pureté se terminant sur <strong>de</strong>s notes<br />

très fraîches d’abricot et <strong>de</strong> miel d’acacia. C’est du rôti ! 17/20<br />

VDP DU PÉRIGORD, T, CUVÉE MADEMOISELLE 2007<br />

Ce 100 % musca<strong>de</strong>lle est souple, frais avec <strong>de</strong>s notes <strong>de</strong> fleurs, <strong>à</strong><br />

boire sur le fruit <strong>de</strong> la jeunesse. 14/20<br />

VDP DU PÉRIGORD, T, CUVÉE ANDRÉA 2005<br />

Nez très minéral, beau volume <strong>de</strong> bouche tout en restant frais et<br />

élégant, vin <strong>de</strong> langoustine avec un beau potentiel. 16/20


54<br />

LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

LOIRE<br />

Domaine Bailly Michel et Fils, Pouilly-Fumé<br />

Ce domaine familial <strong>de</strong> 17 hectares produit <strong>de</strong>puis quelques<br />

millésimes <strong>de</strong>s cuvées <strong>de</strong> bonne maturité. Depuis 2006, il se<br />

montre plus régulier et avec la belle tenue <strong>de</strong> ses 2007, il fait son<br />

entrée dans le gui<strong>de</strong> avec une gamme sans faille. Les vins issus <strong>de</strong><br />

sélections parcellaires affichent <strong>de</strong>s personnalités bien marquées<br />

et possè<strong>de</strong>nt le juste équilibre entre acidité, maturité et la<br />

signature minérale du terroir. (DH)<br />

POUILLY-FUMÉ, LES TONNES 2007<br />

Ce vin long aux accents d'abricot sec et <strong>de</strong> fleurs blanches a <strong>de</strong> la<br />

classe et une minéralité toute en élégance. 16/20<br />

POUILLY-FUMÉ, LES VALLONS 2007<br />

Ce vin marqué par les fleurs blanches se montre salin sur sa<br />

finale. Son glissant appelle une levée <strong>de</strong> cou<strong>de</strong> immédiate. 14/20<br />

POUILLY-FUMÉ LES BINES 2007<br />

Ce vin aux accents <strong>de</strong> litchis et <strong>de</strong> mangue entre en composition<br />

avec un poulet au gingembre. 14/20<br />

ALSACE<br />

Domaine Yvette et Michel Beck-Hartweg,<br />

Dambach la Ville<br />

A 21 ans, Florian Beck-Hartweg représente la <strong>de</strong>rnière<br />

génération qui s’apprête <strong>à</strong> prendre les rênes du domaine<br />

familial. Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s scientifiques et commerciales,<br />

Florian intègre petit <strong>à</strong> petit la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> dimensions que<br />

recouvre l’exploitation d’un domaine viticole. Particulièrement


LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

RIESLING VIEILLES VIGNES 2006<br />

curieux pour tout ce qui se passe en<br />

vigne et en cave, mais aussi pour la<br />

partie marketing et commerciale,<br />

Florian accumule connaissances et<br />

expérience pour produire <strong>à</strong> terme les<br />

meilleurs vins possibles, en particulier<br />

sur les granits du Grand Cru<br />

Frankstein. <strong>La</strong> lutte raisonnée a fait<br />

son apparition au domaine et une<br />

conversion bio est envisagée. S’il<br />

cherche <strong>à</strong> comprendre, Florian<br />

explique aussi beaucoup ses travaux <strong>à</strong><br />

ses clients, que ce soit via le site web<br />

du domaine ou les forums <strong>de</strong><br />

discussion. Un vigneron plus que<br />

prometteur ! (TM)<br />

AUXERROIS VIEILLES VIGNES 2007<br />

n°53<br />

février 2009 55<br />

C’est un auxerrois mûr et <strong>de</strong>nse, très<br />

aromatique avec <strong>de</strong> la fraîcheur en<br />

bouche. Le vin possè<strong>de</strong> une bonne tenue<br />

en bouche avec une fine salinité qui<br />

rappelle l’origine granitique du terroir.<br />

Potentiel : 2009-2012. 14/20<br />

Voil<strong>à</strong> un riesling récolté en surmaturité, ce qui lui donne <strong>de</strong>s<br />

arômes d’agrumes et <strong>de</strong> fruits exotiques très présents. En bouche,<br />

le vin s'exprime sur un côté <strong>de</strong>mi-sec et gar<strong>de</strong> une belle fraîcheur,<br />

pour terminer sur une finale longue au fruité intense. Une belle<br />

pureté. Potentiel : 2009-2014. 14/20


56<br />

LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

Domaine Jean et Guillaume Rapp, Dorlisheim<br />

Dernier installé parmi les jeunes vignerons <strong>de</strong> Dorlisheim, Guillaume<br />

Rapp a repris le domaine familial en 2004. S’il continue <strong>de</strong> produire<br />

dans la suite <strong>de</strong> son père Jean une gamme <strong>de</strong> vins secs parfaitement<br />

vinifiés, il réalise <strong>de</strong>s élevages sur lies, parfois en barrique, et s’essaye <strong>à</strong><br />

quelques cuvées plus riches marquées par le botrytis. De ses étu<strong>de</strong>s<br />

techniques et <strong>de</strong> ses stages dans le Bor<strong>de</strong>lais, Guillaume a rapporté<br />

avec lui le savoir-faire nécessaire pour faire éclore son talent naturel <strong>de</strong><br />

vinificateur. Les terroirs marno-calcaires autour <strong>de</strong> Dorlisheim, en<br />

particulier Husaren et Stierkopf offrent un bon potentiel pour produire<br />

<strong>de</strong>s vins amples et profonds. <strong>La</strong> gamme est <strong>de</strong>venue très homogène<br />

avec les <strong>de</strong>rniers millésimes, et 2007 montre aujourd’hui tout le<br />

potentiel du domaine. Cette évolution qualitative commence <strong>à</strong> se savoir<br />

dans la région et même <strong>à</strong> l’étranger, les années <strong>à</strong> venir seront cruciales<br />

pour positionner la gamme <strong>de</strong> vin sur son nouveau marché. (TM)<br />

RIESLING 2007<br />

Un vin fruité aux arômes très purs <strong>de</strong> fleurs et <strong>de</strong> fruits <strong>à</strong> chair<br />

blanche, parfaitement sec en bouche avec une acidité mûre et du<br />

gras. Bel élevage. Potentiel : 2009-2015. 14/20<br />

PINOT GRIS 2007<br />

Un vin ample avec une matière riche, qui possè<strong>de</strong> du gras et un<br />

léger moelleux encore présent. <strong>La</strong> finale laisse une gran<strong>de</strong><br />

impression <strong>de</strong> pureté. Potentiel : 2009-2015. 14,5/20<br />

GEWURZTRAMINER SÉLECTION DE GRAINS NOBLES 2006<br />

Un vin d’une gran<strong>de</strong> finesse aux arômes <strong>de</strong> mandarine et <strong>de</strong><br />

marmela<strong>de</strong> d’orange, doté d’une liqueur très fine en bouche. Une<br />

belle précision dans un millésime difficile qui rappelle que<br />

Guillaume a effectué un <strong>de</strong> ses stages dans le sauternais.<br />

Potentiel : 2009-2016. 17/20


LES RÉVÉLATIONS 2010<br />

n°53<br />

février 2009 57<br />

LANGUEDOC<br />

Domaine <strong>de</strong> Cazaban, Cabardès<br />

Clément Mengus, jeune alsacien formé <strong>à</strong> Beaune, a rejoint<br />

Cabardès après avoir fait ses armes chez plusieurs viticulteurs<br />

phares, en Alsace puis chez Charlopin <strong>à</strong> Gevrey. Il a repris<br />

6 hectares majoritairement en syrah qu'il complète par <strong>de</strong><br />

nouvelles plantations <strong>de</strong> cépages atlantiques. Il a récolté certaines<br />

parcelles en 6 fois et son premier millésime frappe fort avec une<br />

gamme <strong>de</strong> vins très purs qui feront date en Cabardès. Le domaine<br />

complète son activité par la location <strong>de</strong> gîtes <strong>de</strong> charme en plein<br />

milieu <strong>de</strong>s vignes. A suivre ! (AC)<br />

Mas <strong>La</strong>val, Aniane<br />

Sans bruit mais avec une évi<strong>de</strong>nte réussite, les <strong>La</strong>val réalisent <strong>de</strong>s vins<br />

étonnants aujourd’hui classés en vins <strong>de</strong> pays dont la fron<strong>de</strong>use<br />

Aniane s'est fait une spécialité. Ils seront probablement <strong>de</strong>main en<br />

AOC pour aller au bout <strong>de</strong> la logique <strong>de</strong> terroir qui n'est pas ici une<br />

notion abstraite. Philippe est <strong>à</strong> la vigne, Joël troque soir et week-end<br />

l'habit <strong>de</strong> directeur d'agence bancaire pour celui <strong>de</strong> vigneron et leur<br />

père, bien au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> l'âge <strong>de</strong> la retraite, continue <strong>à</strong> manier le<br />

sécateur. Ils exploitent 35 hectares dont une moitié part en cave<br />

coopérative. L'autre moitié, objet <strong>de</strong> toutes les attentions est vinifié<br />

dans <strong>de</strong>s installations ultra-mo<strong>de</strong>rnes où la guerre <strong>à</strong> toute bactérie<br />

pernicieuse a été clairement déclarée. Une hygiène irréprochable, un<br />

chai climatisé, ce qui n'est pas si fréquent en <strong>La</strong>nguedoc et <strong>de</strong>s<br />

barriques magnifiques, rarement neuves mais d'un an, en provenance<br />

du plus emblématique domaine <strong>de</strong> Bourgogne permettent une gamme<br />

qui ne comporte que <strong>de</strong>ux vins. Les Pampres, <strong>de</strong>uxième vin tarifé<br />

comme tel, vaut bien <strong>de</strong>s premiers vins ailleurs. Le grand vin porte le<br />

nom du domaine et bouscule les hiérarchies languedociennes. (AC)


58<br />

WORLD WINE WEB<br />

WORLD WINE WEB<br />

<strong>La</strong> revue <strong>de</strong> presse du Net<br />

Valérie Leclercq et Véronique Raisin.<br />

Et <strong>de</strong> quatre. Toujours en quatuor mécanique, <strong>à</strong> cheval entre<br />

la planète francophone et le mon<strong>de</strong> anglo-saxon. Cette<br />

fois-ci, le duo chic et choc <strong>de</strong> la blogosphère a arpenté les<br />

arcanes du Net <strong>à</strong> la découverte <strong>de</strong>s sites qui ont marqué l'actualité<br />

<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières semaines. Nous revenons avec <strong>de</strong>s gigas d'infos,<br />

les computers chargés <strong>de</strong> cookies mais que nous ne manquerons<br />

certainement pas d'accompagner d'un petit verre <strong>de</strong> vin…<br />

<strong>La</strong> revue <strong>de</strong> presse francophone<br />

par Véronique Raisin<br />

http://wineblogtrophy.blogspot.com/<br />

Oubliés les Grammy Awards, NRJ Music Awards ou autres Oscars.<br />

L'événement <strong>de</strong> l'hiver <strong>à</strong> ne pas rater, c'était le Wine Blog Trophy<br />

<strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> Loire. Pas tant pour l'écho <strong>de</strong> ce concours, qui dépasse<br />

rarement les aficionados <strong>de</strong> la petite souris doublés <strong>de</strong> fieffés<br />

soiffards (ligériens <strong>de</strong> préférence), mais plutôt pour le concept,<br />

sympathique. Organisé par les vins <strong>de</strong> Loire dans le cadre du salon<br />

annuel éponyme, ce prix récompense <strong>de</strong>puis 2007 les meilleurs<br />

blogs et articles dédiés aux vins. Une façon astucieuse <strong>de</strong> se faire<br />

mousser au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong>s médias régionaux. Les heureux lauréats ont<br />

reçu leur prix lors du salon <strong>de</strong>s vins <strong>de</strong> Loire qui se tenait <strong>à</strong> Angers<br />

début février. Trois catégories ont été récompensées :<br />

journaliste/auteur, professionnel du vin et vigneron/négociant en<br />

Val <strong>de</strong> Loire.


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 59<br />

Sur la première marche du podium, Jim Budd et son site Jim's<br />

Loire : http://jimsloire.blogspot.com/. In English dans le texte. Le<br />

moustachu est journaliste dans le vin <strong>de</strong>puis 1988, a travaillé pour<br />

Decanter et supervise la partie Loire pour le gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> Hugh<br />

Johnson. Son site présente <strong>de</strong>s domaines, livre ses commentaires<br />

<strong>de</strong> <strong>dégustation</strong>s, <strong>de</strong>s liens vers les sites <strong>de</strong> vignerons et<br />

restaurants <strong>de</strong> la Loire, ainsi que <strong>de</strong>s billets d'analyse comme<br />

<strong>de</strong>rnièrement une comparaison entre l'offre <strong>de</strong> vins <strong>de</strong> Loire dans<br />

<strong>de</strong>ux enseignes <strong>de</strong> supermarchés britanniques. Utile, mais pour un<br />

Britannique. En revanche, ce site reste un bon moyen <strong>de</strong><br />

s'informer, grâce <strong>à</strong> un regard décalé, différent. Comme ce projet<br />

<strong>de</strong> sauvignon blanc initié en 2008 par Sam Harrop et <strong>de</strong>stiné <strong>à</strong><br />

accroître la notoriété du cépage, notamment <strong>à</strong> l'export (si certains<br />

détails vous échappent, ce n'est pas trop grave, concentrez-vous<br />

sur la photo ci-<strong>de</strong>ssous). 3/5.


60<br />

WORLD WINE WEB<br />

Dans la catégorie "professionnel du vin", c'est le tan<strong>de</strong>m <strong>de</strong> Find a<br />

Wine qui l'emporte, Julien Pichoff et Damien Bonnabel.<br />

www.findawine.com/blog/ est la version émergée <strong>de</strong> leur iceberg,<br />

le site éponyme "révolutionnaire" - rien que ça - qui offre <strong>de</strong>s<br />

informations sur un million <strong>de</strong> vins (notes <strong>de</strong> <strong>dégustation</strong>, prix, lieu<br />

d'achat). Le blog est sympa, régulièrement mis <strong>à</strong> jour, bien<br />

présenté et adapté aux amateurs. Lisez notamment le billet relatif<br />

<strong>à</strong> la publicité pour l'alcool sur Internet et l'amen<strong>de</strong>ment présenté<br />

en commission <strong>de</strong>s Affaires Sociales le 5 février <strong>de</strong>rnier (Find a<br />

Wine fait partie, aux côtés <strong>de</strong> Vin&Société, Vitisphère et<br />

d'iDealwine, <strong>de</strong> l'association Vin&Web créée en août <strong>de</strong>rnier lors<br />

<strong>de</strong> la relance <strong>de</strong>s débats autour la mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> la loi Évin). Il y<br />

a péril en la <strong>de</strong>meure, car Internet mais aussi la presse sont dans<br />

le collimateur dans hérétiques abstèmes et autres potomanes<br />

vindicatifs.<br />

Plus léger, l'article d'Alexis concerne le vin et l'histoire et<br />

s'intéresse <strong>à</strong> Chil<strong>de</strong>bert II, le "roi vigneron". 3,5/5


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 61<br />

Troisième wineblogtrophéisé, cette fois-ci dans la catégorie<br />

vigneron ou négociant du Val <strong>de</strong> Loire, la maison Ackerman <strong>à</strong><br />

Saumur, pour son blog consacré au X noir, l'un <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la<br />

gamme : www.xnoir.fr. C'est un blog-fiction, <strong>à</strong> la manière d'un<br />

journal (mais pas trop intime quand même) dont les billets sont<br />

écrits par une certaine Margaux, célibataire <strong>de</strong> 36 ans habitant la<br />

Touraine. Sa vie, son œuvre, son chat Apollo, ses amis et ses<br />

soirées au X noir. L'idée est astucieuse, agréablement mise en<br />

forme, bien écrite. Il y a <strong>de</strong>s échos <strong>à</strong> l'actualité, un concours photo.<br />

Pour le reste, ne cherchez pas d'autres références que ligériennes :<br />

Margaux boit du X noir avec la galette <strong>de</strong>s rois, Margaux fait <strong>de</strong>s<br />

cocktails au crémant <strong>de</strong> Loire Ackerman, Margaux se crame au<br />

X noir avec sa copine Hélène… Belle conception. 2,5/5


62<br />

WORLD WINE WEB<br />

Pour finir, le blog <strong>de</strong> Stéphane Toutoundji. Rebaptisé www.stephanetoutoundji.com<br />

(ex-Ras la bouteille), le "jeune œnologue bor<strong>de</strong>lais" y<br />

livre pêle-mêle ses avis, ses coups <strong>de</strong> gueule (ah, le plateau repas bio<br />

sur KLM…) et ses coups <strong>de</strong> cœur pour <strong>de</strong>s vins. Attention, car parfois,<br />

comme il le précise, ça peut être drôle. Son site a pour but d'être<br />

"une véritable interface avec le grand public, un trait d'union parfois<br />

même humoristique qui permet non seulement d'informer ceux qui<br />

le lisent, mais qui me permet <strong>de</strong> rebondir et d'entretenir mon activité<br />

souvent bouillonnante." Et il est vrai que ça bouillonne sec, entre les<br />

soirées avec Martin Solveig au Murano (le DJ possè<strong>de</strong> le <strong>Château</strong><br />

Clos <strong>de</strong> l'Église <strong>à</strong> <strong>La</strong>lan<strong>de</strong>-<strong>de</strong>-Pomerol et a fait appel <strong>à</strong> Stéphane<br />

Toutoundji pour le conseiller), les reportages sur M6 (le <strong>Château</strong><br />

<strong>La</strong>tour <strong>La</strong>guens, racheté par une<br />

Chinoise, ma<strong>de</strong>moiselle Cheng, a<br />

fait beaucoup parler <strong>de</strong> lui ces<br />

<strong>de</strong>rniers temps), les premiers pas<br />

sur Facebook… On passera sur<br />

les fautes d'orthographe, la<br />

syntaxe et le peu <strong>de</strong> photos, ce<br />

qui est dommage. On retiendra<br />

que l'homme aimerait bien que<br />

les journalistes s'intéressent un<br />

peu plus <strong>à</strong> lui, même s'il n'a pas<br />

envie d'être célèbre. Voil<strong>à</strong> donc<br />

qui est fait ! Ah oui, si vous<br />

cherchiez la traduction <strong>de</strong> "veni,<br />

vidi, bebi" (sic), c'est ici qu'il faut<br />

frapper mais attention, traduction<br />

approximative est-il précisé. Tries<br />

successives nécessaires mais<br />

2,5/5.


WORLD WINE WEB<br />

<strong>La</strong> revue <strong>de</strong> presse anglophone<br />

Par Valérie Leclercq<br />

n°53<br />

février 2009 63<br />

Les pistes noires sont bien blanches et la gran<strong>de</strong> fête <strong>de</strong>s sports<br />

d’hiver bat son plein. Ma glisse <strong>à</strong> moi se déroule sur une toile<br />

colorée, nourrie <strong>de</strong> la passion <strong>de</strong>s fous du vin <strong>de</strong>s quatre coins du<br />

mon<strong>de</strong> anglophone. Au programme du slalom géant balisé, cinq<br />

sites <strong>à</strong> savourer tout schuss !<br />

www.alicefeiring.com<br />

Dossard n°1 au départ, honneur aux dames oblige, l’Américaine<br />

Alice Feiring (brièvement mentionnée dans la 51e édition <strong>de</strong> TAST<br />

PRO) et son In Vino Veritas. Alice – je la cite – "traque les Léon<br />

Trotsky, Philip Roths, Chaucer et Edith Wharton du vin". Membre<br />

du groupe "Renaissance <strong>de</strong>s Appellations", présidé par Nicolas<br />

Joly (<strong>La</strong> Coulée <strong>de</strong> Serrant) et pourfen<strong>de</strong>use <strong>de</strong> l’homogénéisation,<br />

elle résume clairement sa profession <strong>de</strong> foi dans le titre <strong>de</strong> son<br />

livre The Battle for Wine and Love or How I Saved the World from<br />

Parkerization. Ouvrage dont Amazon offre un généreux extrait sur<br />

http://www.amazon.com/gp/rea<strong>de</strong>r/0151012865/ref=sib_dp_pt#re<br />

a<strong>de</strong>r-link. A première vue, c’est bien mieux que le Diable s’habille<br />

en guenilles, et drôle en plus. L’on y apprend que c’est la<br />

maîtresse <strong>de</strong> papa qui lui ouvrit la porte du pays <strong>de</strong>s merveilles et<br />

que cette femme s’appelait Madame Chauchat. Oui chers lecteurs,<br />

Chauchat, comme la rue où nichent vos humbles serviteurs !<br />

Souffrez que je m’épanche, mais je raffole <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> détails…<br />

Et le site alors ? <strong>La</strong> page d’accueil nous fait d’entrée <strong>de</strong> jeu<br />

comprendre qu’Alice a <strong>de</strong> l’humour et du caractère.


64<br />

WORLD WINE WEB<br />

<strong>La</strong> rubrique wine recommendations<br />

http://www.alicefeiring.com/winerecommendations/in<strong>de</strong>x.html<br />

fonctionne ainsi : lieu et date d’une <strong>dégustation</strong>, suivie d’une liste<br />

<strong>de</strong>s vins appréciés. Pas <strong>de</strong> système <strong>de</strong> notation, <strong>de</strong>s commentaires<br />

souvent télégraphiques, enthousiastes ou incisifs. Les vins<br />

chroniqués sont peu nombreux en définitive et le plaisir rési<strong>de</strong><br />

dans la passion sous-jacente. Il se dégage <strong>de</strong> cette métho<strong>de</strong> une<br />

impression que les cartésiens appelleront brouillonne. En<br />

sélectionnant sur la même page les recommandations par types,<br />

ils s’y retrouveront peut-être mieux. <strong>La</strong> liste <strong>de</strong>s prestations<br />

professionnelles <strong>de</strong> Ms Feireing (conseils, conférences, etc) figure<br />

dans "wine girl for hire". <strong>La</strong> bio proposée sur le site m’ayant


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 65<br />

laissée sur ma soif, je suis allée dénicher une interview et une<br />

photo sur http://reignofterroir.com/2008/06/29/alice-feiring-ofin-vino-veritas-interview/,<br />

histoire <strong>de</strong> compléter un peu le portrait<br />

<strong>de</strong> la dame. Outre l’intérêt que présente la sélection d’articles, je<br />

suis tombée en suivant un lien sur un très vilain exemple <strong>de</strong><br />

grossièreté publicitaire. L<strong>à</strong>, un cliché <strong>de</strong> notre Alice jouxte une<br />

effrayante réclame pour <strong>de</strong> la chirurgie esthétique.<br />

Aaaaaarghhhhh !!!!!! Pour voir <strong>de</strong> quoi il retourne, cliquez ici<br />

www.alicefeiring.com/articles/000505.html puis sur HERE.<br />

Résumons : voil<strong>à</strong> un site peu <strong>de</strong>nse mais agréable <strong>de</strong> par le ton, le<br />

style et la gratuité. Un petit bémol : le feuilleton The Crush ne<br />

figure pas au programme et il faut retourner sur celui du New York<br />

Times pour y accé<strong>de</strong>r (http://topics.blogs.nytimes.com/tag/thecrush/).<br />

Médaille en chocolat ex-aequo avec 2/5.<br />

www.wineanorak.com<br />

Dans le portillon <strong>de</strong> départ <strong>à</strong> présent, le Britannique Jamie Goo<strong>de</strong>,<br />

dossard n°2, et son Wineanorak. Il s’agit d’un 2 en 1, avec site et<br />

blog. Voyons le site d’abord et apportons une petite précision<br />

linguistique : un anorak en anglais n’est pas seulement un vêtement<br />

chaud, c’est aussi un(e) ringard(e). Notre hôte aime bien rire, donc.<br />

Séduite dès la page d’accueil, je hume d’alléchants arômes :<br />

richesse <strong>de</strong> contenu, convivialité, professionnalisme. Une exploration<br />

approfondie confirme cette première impression, tout y est.<br />

Excellente rubrique <strong>de</strong> conseil aux novices "New to wine ?", que<br />

les amateurs plus expérimentés auraient tort <strong>de</strong> bou<strong>de</strong>r. Les<br />

"Features" offrent un joli panel d’articles <strong>de</strong> fond : le problème <strong>de</strong>s<br />

vins bouchonnés, les systèmes <strong>de</strong> notation chiffrée, le prix <strong>de</strong>s<br />

vins. Surfez sur l’avalanche <strong>de</strong> notes <strong>de</strong> <strong>dégustation</strong>s ("Tasting


66<br />

WORLD WINE WEB<br />

notes"), le mon<strong>de</strong> entier y passe, dans un style jamais ampoulé qui<br />

se lit avec plaisir. Vous aimez voyager ? Allez hop, une virée dans<br />

les notes <strong>de</strong> voyage ("Wine travel") pour savourer les photos et<br />

récits <strong>de</strong> l’auteur. Et pour encore plus <strong>de</strong> belles images, on file<br />

droit sur "Wine Photos". Quant aux vidéos, oui, "y en aussi" comme<br />

on dit dans les Tontons flingueurs, et même certaines dénuées <strong>de</strong><br />

tout commentaire, laissant le spectateur en intimité avec le<br />

vignoble. Où les trouver ? Mais sur le site bien sûr :<br />

http://www.wineanorak.com/vi<strong>de</strong>os.htm, ou sur


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 67<br />

http://wineanorak.blip.tv/#1359657 ou encore sur<br />

(http://www.youtube.com/user/drjamiegoo<strong>de</strong>?gl=GB&hl=en-GB).<br />

Que boire <strong>de</strong>vant un polar ou les infos ? Jamie fait une petite place<br />

<strong>à</strong> cette importante question dans la rubrique "Food and wine", et si<br />

la polémique vous passionne, "Controversies" est fait pour vous.<br />

Conscient du terrible dilemme tourmentant le lecteur chez le<br />

libraire, notre hôte le gui<strong>de</strong> dans une "Book reviews".<br />

Quant au blog http://www.wineanorak.com/blog/, notre prolifique<br />

auteur poste tous les jours et vous propose une liste <strong>de</strong> blogs <strong>de</strong><br />

qualité. Conclusion : l’anorak <strong>de</strong> Jamie is rich !<br />

"Oh, ça sent la médaille, Franck ! Et peut-être même l’or !". "Oui<br />

Christophe, mais il faudra attendre que le <strong>de</strong>rnier coureur passe la<br />

ligne d’arrivée". (Je ne sais pas pour vous, mais j’adorais les<br />

commentaires <strong>de</strong> Christophe Josse et Franck Piccard pour les<br />

compétitions <strong>de</strong> ski…). Jamie Goo<strong>de</strong> est aussi chef <strong>de</strong> projet du<br />

premier Symposium International <strong>de</strong>s Vins Pétillants<br />

http://www.sparklingwinesymposium.com, qui se tiendra le 18<br />

mars 2009 <strong>à</strong> Denbies Wine Estate<br />

http://www.<strong>de</strong>nbiesvineyard.co.uk, l’un <strong>de</strong>s rares vignobles<br />

anglais. Le domaine ainsi que Worontschak et Sam Harrop MW en<br />

ont eu l’idée car ils ne parvenaient pas <strong>à</strong> trouver un forum<br />

spécialiste satisfaisant.<br />

Médaille d'or et note maximale <strong>de</strong> 5/5.<br />

www.winewithoutwank.com<br />

Troisième concurrent <strong>à</strong> s’élancer, Ian Roberston.<br />

Cet Australien annonce clairement la couleur. Rouge. Pas celle du<br />

vin. Celle <strong>de</strong> la terre aborigène, si ari<strong>de</strong>, dure, aveuglante et quasi<br />

omniprésente en termes <strong>de</strong> superficie du pays. Toutefois, nous ne<br />

sommes pas au cercle <strong>de</strong>s poètes disparus. Que signifie "Wine


68<br />

WORLD WINE WEB<br />

without wank" ? Réponse : Le vin sans les foutaises. Grossier ?<br />

Pfff, voyez la suite du petit point linguistique. "Wank", verbe et<br />

substantif <strong>à</strong> la fois, signifie aussi "branlette" et "se faire une<br />

branlette". Ah, n’oublions pas son cousin proche, "wanker",<br />

autrement dit "branleur". Donc ici on ne se prend pas la tête, pour<br />

revenir <strong>à</strong> un langage juste un brin plus châtié, et on n’est pas<br />

obsédé par l’Europe (encore moins par les States) non plus.<br />

Quelques très rares notes concernent les Français. Les reviews<br />

parlent du vin AUSTRALIEN et balayent l’ensemble <strong>de</strong>s régions


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 69<br />

productrices sans chercher <strong>à</strong> ressembler <strong>à</strong> une encyclopédie. Le<br />

moteur <strong>de</strong> recherche fonctionne bien et j’adore les critères <strong>de</strong><br />

notation et la grille d’évaluation<br />

(http://www.winewithoutwank.com.au/about/reviews.php),<br />

laquelle s’échelonne ainsi : "eau <strong>de</strong> vaisselle", "déplaisant", "sous<br />

le par", "correct", "bon", "très bon", "exceptionnel". Le baptême du<br />

vin <strong>de</strong>vrait vous plaire aussi<br />

http://www.winewithoutwank.com.au/intro/. Les news datent un<br />

peu mais <strong>de</strong>meurent intéressantes et ne tar<strong>de</strong>ront sans doute pas<br />

doute <strong>à</strong> revenir sur les terribles incendies <strong>de</strong> février qui ont causé<br />

la mort <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 200 personnes et partiellement ravagé l’État <strong>de</strong><br />

Victoria, en particulier la Yarra Valley. Toujours dans les news,<br />

l’article consacré <strong>à</strong> Howard Park / Madfish vaut le détour<br />

http://www.winewithoutwank.com.au/news/153.php car il illustre<br />

une polémique d’actualité chez les kangourous. S’il est d’usage, et<br />

personne n’y trouve <strong>à</strong> redire, d’utiliser <strong>de</strong>s raisins provenant <strong>de</strong><br />

régions différentes pour l’élaboration d’un vin, la notion <strong>de</strong> terroir<br />

se renforce et, par exemple, les producteurs <strong>de</strong> syrah au sud du<br />

pays ne voient pas forcément d’un bon ?il le développement et les<br />

progrès <strong>de</strong> ce cépage dans la Margaret River, <strong>à</strong> l’ouest. Ne<br />

cherchez pas <strong>de</strong> forums sur le site, vous obtiendrez une page<br />

d’erreur, dommage. Cela dit, je recomman<strong>de</strong> fortement Wine<br />

without Wank <strong>à</strong> tous ceux que les vins australiens intéressent<br />

puisqu’il leur est entièrement dédié et ne s’embarrasse pas <strong>de</strong><br />

méandres inutiles où le visiteur risquerait <strong>de</strong> s’égarer. Ian et moi<br />

sommes en revanche en profond désaccord concernant le GSM<br />

Miss Harry <strong>de</strong> Hewitson 2004, qu’il situe au-<strong>de</strong>ssous du par et trop<br />

cher tandis que je le classe dans la catégorie "bon" et sans faire la<br />

grimace <strong>à</strong> la caisse, aussi je me mets un post-it pour en discuter<br />

avec le sieur Robertson.<br />

Médaille <strong>de</strong> bronze avec 3/5.


70<br />

WORLD WINE WEB<br />

www.wineaustralia.com<br />

Dossard n°4, Wineaustralia. Site gouvernemental et plus<br />

précisément <strong>de</strong> la Australian Wine and Brandy Corporation<br />

(AWBC), il s’adresse surtout aux professionnels <strong>de</strong> l’industrie, son<br />

objectif premier consistant <strong>à</strong> leur fournir un soutien stratégique<br />

par le biais <strong>de</strong> rapports, d’étu<strong>de</strong>s, d’informations sur la<br />

réglementation et autres documents tout aussi ludiques. Bien sûr,<br />

il faut parfois payer pour voir, mais vous pouvez accé<strong>de</strong>r


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 71<br />

gratuitement <strong>à</strong> bon nombre <strong>de</strong> dossiers intéressants et récents,<br />

souvent en PDF. Pour résumer la fiche signalétique du bébé, il<br />

s’agit d'un concurrent très sérieux, hyper technique, dont la<br />

richesse compense le manque <strong>de</strong> charme apparent.<br />

Ayant mission <strong>de</strong> vous informer et non <strong>de</strong> vous assommer, voici<br />

une courte liste <strong>de</strong> liens avec leur thème (souvent piochés dans la<br />

rubrique wine facts) :<br />

https://www.awbc.com.au/winefacts/data/free.asp?subcatid=94<br />

(le secteur viticole australien, état par état)<br />

https://www.awbc.com.au/winefacts/data/free.asp?subcatid=15<br />

(quantité <strong>de</strong> raisins pressés <strong>de</strong> 1972 <strong>à</strong> 2008, en tonnes et par états)<br />

https://www.awbc.com.au/winefacts/data/free.asp?subcatid=235<br />

(chiffres <strong>de</strong> la production 2008 par cépage entre autres)<br />

http://www.wineaustralia.com/australia/Default.aspx?tabid=4527<br />

(cartes, caractéristiques & wineries <strong>de</strong>s régions viticoles)<br />

Et maintenant, la friandise ou "the treat". Sur la page d’accueil, cliquez<br />

sur "regional heroes" et jouez <strong>à</strong> décrire un vin. Il suffit <strong>de</strong> déposer dans<br />

le verre 7 <strong>de</strong>s bulles proposées affichant une caractéristique et votre<br />

score s’affiche. Besoin d’infos préalables ? Entrez dans "take a tour",<br />

sélectionnez une région et écoutez les podcasts. Facile et rigolo. Dans<br />

cette même rubrique, se nichent 2 graphiques bigarrés qui déploient la<br />

terminologie élémentaire <strong>de</strong>s arômes et <strong>de</strong>s saveurs, pour les rouges<br />

et les blancs. De jolis joujoux <strong>à</strong> ranger dans vos favoris. Un petit détail<br />

qui ne gâche rien, en passant la souris sur les items, on entend le son<br />

d’un doigt passé sur le rebord du verre. Et ce ne sont pas les seuls<br />

bruitages. Il fallait y penser. Afin d’enchanter davantage vos oreilles<br />

avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> culture, prélassez-vous dans la belle foire aux podcasts<br />

(http://www.wineaustralia.com/Australia/Default.aspx?tabid=1940#15<br />

), disponible sous l’onglet "resources". Tous les numéros du magazine<br />

(Wine Australia Magazine) sont téléchargeables en PDF. Merci <strong>à</strong> Serge<br />

Gainsbourg d’avoir chanté la "beauté cachée" d’une "lady lai<strong>de</strong>".<br />

Médaille d'argent avec 4/5.


72<br />

WORLD WINE WEB<br />

www.basicjuice.com<br />

Et voici venu notre <strong>de</strong>rnier concurrent du jour. Deux en un car il y a<br />

le site et le blog http://basicjuice.blogs.com/. Du beau, du drôle, <strong>de</strong><br />

l’irrévérencieux Beau Jarvis. Bon sang, j’aime cet homme. On<br />

passe <strong>de</strong> l’un <strong>à</strong> l’autre au gré <strong>de</strong>s rubriques visitées selon un<br />

principe <strong>de</strong> vases communicants.<br />

Pour les fans <strong>de</strong> tee-shirts <strong>à</strong> textes, direction le shopping sur<br />

http://www.cafepress.com/basicjuice. Mon préféré dit : "Robert<br />

Parker boit <strong>de</strong> l’antigel". Le ton est donné. Notez que le string<br />

"fruit bomb" ne dépare pas non plus. Connaissez-vous Yellow Tail,<br />

géant du vin <strong>de</strong> masse ? Eh bien, toujours <strong>à</strong> l’affiche <strong>de</strong>puis le 17<br />

août 2007, les 10 slogans rejetés par la marque pour sa campagne<br />

publicitaire, que Beau a le bon goût <strong>de</strong> dénicher et <strong>de</strong> poster pour<br />

l’édification <strong>de</strong>s masses, justement :<br />

http://basicjuice.blogs.com/basicjuice/australia/in<strong>de</strong>x.html. Petite<br />

précision linguistique, quand on parle <strong>de</strong> "barbie" ici, point ne<br />

s’agit <strong>de</strong> la célèbre poupée mannequin mais <strong>de</strong> l’abréviation <strong>de</strong><br />

"barbecue". Et "roo", raccourci <strong>de</strong> "kangaroo". Dommage que les<br />

anglophones ne réalisent pas qu’on puisse également s’amuser <strong>à</strong><br />

"balancer un kangourou sur la Barbie®" dans la langue <strong>de</strong><br />

Rabelais ! Mais que <strong>de</strong>s marketeurs aient pu sérieusement<br />

envisager pareils slogans pour continuer d’inon<strong>de</strong>r le marché<br />

américain (entres autres puisque chez Nicolas® aussi on peut<br />

s’abreuver <strong>de</strong> "Queue jaune") laisse songeur, non ?<br />

Allez, un peu <strong>de</strong> sérieux, maintenant, car même si Beau et ses<br />

amis s’en défen<strong>de</strong>nt, la drôlerie n’empêche en rien le<br />

professionnalisme. Le site comme le blog, aux apparences<br />

trompeusement sobres, utilisent une palette graphique <strong>de</strong> gris,<br />

rouge, noir, et blanc qui séduit leurs 1000 visiteurs quotidiens. <strong>La</strong><br />

rubrique "wine ABC’s" s’adresse surtout aux très grands débutants<br />

et l’on peut regretter qu’elle n’aille pas bien loin. Leur profession<br />

<strong>de</strong> foi pour la <strong>dégustation</strong> et la notation s’étale sur


WORLD WINE WEB<br />

n°53<br />

février 2009 73<br />

http://www.basicjuice.com/<strong>de</strong>tails_reviews.html. Sinon,<br />

concernant les notes <strong>de</strong> <strong>dégustation</strong> proprement dites, alors l<strong>à</strong>, es<br />

ist ein joli bazar, qui ne ressemble en rien aux listes classiques et<br />

encyclopédiques puisque si vous cliquez sur l’onglet wine reviews


74<br />

WORLD WINE WEB<br />

puis reds, par exemple, zou ! vous partez sur le blog et plongez en<br />

pleine anarchie, pas très récente <strong>de</strong> surcroît. Heu non, résolument<br />

obsolète, même. On peut être fan, blon<strong>de</strong> et pas indécrôttablement<br />

groupie... Mais ça vaut la promena<strong>de</strong>, ne serait-ce que pour se<br />

délecter du ton impertinent <strong>de</strong> la maison, dont vous goûterez bien<br />

un échantillon sur<br />

http://basicjuice.blogs.com/basicjuice/sparkling_wine/in<strong>de</strong>x.html.<br />

Et puis, c’est truffé comme un boudin d’items étonnants. Vive le<br />

désordre ! Et pour les gloutons <strong>de</strong>s blog rolls, celui du blog est <strong>de</strong><br />

nature <strong>à</strong> vous rassasier.<br />

Pourquoi donc le Jus <strong>de</strong> Base ne monterait-il pas sur le podium,<br />

alors ? Parce que je le surveille comme le lait sur le feu <strong>de</strong>puis mai<br />

2008 et que plus rien ne bouge. Mes e-mails <strong>à</strong> Beau sont restés<br />

lettres mortes. Et lui ? Vit-il encore ?<br />

Médaille en chocolat ex-aequo avec 2/5.<br />

Avant <strong>de</strong> clore cette rubrique, je voudrais exprimer ma compassion<br />

envers les familles <strong>de</strong>s victimes (plus <strong>de</strong> 200) <strong>de</strong>s terribles<br />

incendies qui ont ravagé l’État australien <strong>de</strong> Victoria, le 7 février<br />

<strong>de</strong>rnier. Cette journée funeste porte le nom <strong>de</strong> "samedi noir" l<strong>à</strong>bas.<br />

<strong>La</strong> Yarra Valley, ru<strong>de</strong>ment touchée, mettra du temps <strong>à</strong> guérir,<br />

malgré les sommes débloquées par le gouvernement et la<br />

formidable capacité <strong>de</strong> travail et <strong>de</strong> solidarité <strong>de</strong>s habitants.


LCI RADIO : BUZZ VINS<br />

n°53<br />

février 2009 75<br />

LCI Radio : Buzz Vins<br />

Une nouvelle émission 100% pur vin, coproduite en partenariat<br />

avec LCI Radio et diffusée sur le Net ? C’est Buzz Vins.<br />

Chaque semaine, un sujet est passé au crible, analysé par nos <strong>de</strong>ux<br />

experts et présenté par Anne Hudson. Des invités – vignerons,<br />

experts, dégustateurs, chefs… donnent leur point <strong>de</strong> vue.<br />

- Les bor<strong>de</strong>aux sont-ils trop chers ?<br />

- Y a t-il trop d’alcool dans les vins ?<br />

- Le vin français est-il en perte <strong>de</strong> vitesse ?<br />

- Accords & désaccords, quels vins pour quels plats ?<br />

Retrouvez Anne, Michel, Thierry et leurs invités sur le site<br />

www.bettane<strong>de</strong>sseauve.com et sur www.lciradio.fr<br />

Grille <strong>de</strong> diffusion sur LCI radio : le vendredi <strong>à</strong> 15h00,<br />

le samedi <strong>à</strong> 10h00 et 14h00, le dimanche <strong>à</strong> 11h00 et 15h00.


76<br />

BONUS TAST PRO<br />

BONUS TAST PRO<br />

Les enchères <strong>de</strong> vins :<br />

bilan 2008 et perspectives 2009<br />

Entretien avec Angélique <strong>de</strong> Lencquesaing, cofondatrice et associée d'iDealwine,<br />

premier site <strong>de</strong> ventes aux enchères <strong>de</strong> vins en France.<br />

Véronique Raisin<br />

Angélique <strong>de</strong> Lencquesaing.<br />

Vous avez suivi le marché <strong>de</strong>s enchères <strong>de</strong> vins sur toute l’année<br />

2008. Que pouvez-vous en dire globalement ?<br />

2008 aura été une année contrastée. Hautement spéculatifs<br />

jusqu’en milieu d’exercice, les grands crus ont subi <strong>de</strong> plein fouet<br />

l’éclatement <strong>de</strong>s marchés financiers et la crise qui en a résulté.<br />

Au cours <strong>de</strong>s trois premiers trimestres 2008, le marché a<br />

poursuivi sur la lancée <strong>de</strong>s mois précé<strong>de</strong>nts et <strong>de</strong> l’année 2007,<br />

porté par une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> mondialisée sur les plus grands crus.<br />

Le développement <strong>de</strong>s ventes sur le marché chinois s’est<br />

poursuivi, même si la vente <strong>de</strong> vins dans ce pays s’est focalisée<br />

sur quelques grands crus : le château <strong>La</strong>fite Rothschild et son<br />

second vin, les Carrua<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>La</strong>fite, mais aussi les premiers crus<br />

classés et assimilés, et, en Bourgogne, les vins du domaine <strong>de</strong> la<br />

Romanée Conti. Les gran<strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> vente se sont succédé <strong>à</strong><br />

Hong-Kong, accumulant les records et communiquant <strong>de</strong>s niveaux<br />

<strong>de</strong> prix inquiétants. <strong>La</strong> Russie est également restée un marché<br />

fortement <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur au cours du premier semestre <strong>de</strong> même<br />

que les États-Unis, notamment sur les grands millésimes.<br />

Le début d’année n’est pas favorable aux premiers crus classés<br />

qui trouvent difficilement preneur sur le marché. Le prix <strong>de</strong>s<br />

seconds vins <strong>de</strong>vrait s’en ressentir.


BONUS TAST PRO<br />

n°53<br />

février 2009 77<br />

Pouvait-on anticiper le retournement <strong>de</strong> conjoncture, en <strong>de</strong>hors<br />

<strong>de</strong> tout effet lié <strong>à</strong> la crise ?<br />

Certains signes avant-coureurs annonçaient <strong>de</strong>puis le début<br />

<strong>de</strong> l’année ce qui s’est produit <strong>à</strong> partir d’octobre ; <strong>de</strong>s<br />

mouvements fiévreux sur certains titres, frisant la<br />

spéculation, ont inévitablement entraîné un retournement<br />

brutal du marché, dans le sillage <strong>de</strong> l’explosion <strong>de</strong> la bulle<br />

financière. Anticipant une baisse <strong>de</strong>s prix sur une longue<br />

pério<strong>de</strong>, les intervenants professionnels ont alors bloqué<br />

leurs positions <strong>à</strong> l’achat.


78<br />

BONUS TAST PRO<br />

Que s’est-il passé ensuite ?<br />

Le marché a connu une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> forte crispation <strong>de</strong>s échanges<br />

entre le 15 octobre et la mi-novembre. Parallèlement on a<br />

assisté, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s particuliers, <strong>à</strong> une augmentation du<br />

volume <strong>de</strong> vins proposés <strong>à</strong> la vente. En quête <strong>de</strong> liquidités, les<br />

ven<strong>de</strong>urs ont accepté <strong>de</strong> diminuer leurs prix <strong>à</strong> la vente. Le<br />

marché a donc pu maintenir son équilibre, <strong>à</strong> <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> prix<br />

certes plus bas, mais les échanges se sont poursuivis jusqu’<strong>à</strong> la<br />

fin <strong>de</strong> l’année car les amateurs particuliers sont restés très actifs<br />

<strong>à</strong> l’achat, notamment au cours du mois <strong>de</strong> décembre.<br />

Les grands crus du bor<strong>de</strong>lais sont les plus sensibles<br />

aux fluctuations <strong>de</strong>s marchés. Ont-ils été touchés ?<br />

A l’issue d’une année hautement spéculative pour certains vins, les<br />

cours <strong>de</strong>s principaux grands crus <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux ont retrouvé en fin<br />

d’année 2008 leur niveau <strong>de</strong> l’année précé<strong>de</strong>nte, enregistrant un léger<br />

tassement <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 2%. <strong>La</strong> situation ne semble pas encore<br />

totalement assainie pour autant et <strong>de</strong> nouvelles corrections semblent<br />

<strong>de</strong>voir encore intervenir, au moins au cours <strong>de</strong>s six mois <strong>à</strong> venir.<br />

Les premiers crus classés et assimilés - Petrus en tête – trouvent<br />

difficilement preneur. Un signe supplémentaire que le marché doit<br />

s’ajuster <strong>à</strong> la baisse afin <strong>de</strong> permettre une reprise <strong>de</strong>s échanges.<br />

Plus précisément, comment ont réagi les marchés<br />

dans les autres régions ?<br />

Les grands crus <strong>de</strong> Bourgogne ont bénéficié, en 2008 plus que jamais,<br />

<strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> rareté qui a mécaniquement tiré vers le haut <strong>de</strong>s prix déj<strong>à</strong><br />

élevés fin 2007. Certains crus (<strong>La</strong> Romanée Conti 1990 par exemple) ont<br />

fait l’objet d’une spéculation intense, qui a été constatée dans les ventes<br />

françaises mais aussi <strong>à</strong> l’étranger, dans les gran<strong>de</strong>s adjudications <strong>de</strong><br />

New-York notamment. En fin d’année, ces vins dont les prix avaient


BONUS TAST PRO<br />

n°53<br />

février 2009 79<br />

atteint <strong>de</strong>s montants astronomiques sont<br />

<strong>de</strong>venus invendables.<br />

En vallée du Rhône, l’année a été belle<br />

globalement pour les gran<strong>de</strong>s cuvées.<br />

Bénéficiant d’un net regain d’intérêt <strong>de</strong> la<br />

part <strong>de</strong>s amateurs internationaux <strong>de</strong>puis<br />

18 mois, elles ont fait l’objet d’enchères<br />

entourées.<br />

Enfin, les gran<strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong><br />

Champagne ont considérablement<br />

augmenté leurs prix <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans.<br />

Durant les six premiers mois <strong>de</strong> 2008 la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> est restée très soutenue. En<br />

revanche, en fin d’exercice, ces vins n’ont pas connu l’engouement<br />

habituel. Les vieux millésimes sont restés très prisés aux enchères,<br />

sans enregistrer toutefois la fièvre spéculative <strong>à</strong> laquelle certaines<br />

ventes avaient donné lieu en 2005 et 2006.<br />

Abordons <strong>à</strong> présent 2009. Quelles perspectives s’annoncent ?<br />

L’année 2009 démarre dans un contexte économique inquiétant,<br />

miné par l’annonce d’une récession profon<strong>de</strong> et longue. Les<br />

amateurs particuliers n’ont pas, loin s’en faut, déserté les salles<br />

<strong>de</strong> vente (réelles ou virtuelles). Cependant, la faiblesse <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> émanant <strong>de</strong>s acheteurs professionnels, en manque <strong>de</strong><br />

trésorerie, pèse <strong>à</strong> la baisse sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, et donc sur les prix.<br />

Après une première phase <strong>de</strong> baisse au cours du <strong>de</strong>rnier trimestre<br />

2008, <strong>de</strong> nouveaux ajustements <strong>de</strong>vront intervenir au cours du<br />

premier semestre afin <strong>de</strong> permettre la reprise <strong>de</strong>s échanges sur<br />

les premiers crus classés <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux et assimilés, les grands<br />

crus <strong>de</strong> Bourgogne et les cuvées rares <strong>de</strong> la vallée du Rhône. En<br />

Champagne, les prix <strong>de</strong>vront également être revus <strong>à</strong> la baisse.


80<br />

BONUS TAST PRO<br />

Qu’en est-il <strong>de</strong>s ventes en primeurs <strong>de</strong>s bor<strong>de</strong>aux 2008 ?<br />

Pourrait-on voir disparaître cette tradition ?<br />

A quelques semaines <strong>de</strong>s <strong>dégustation</strong>s <strong>de</strong>s primeurs 2008 (la<br />

première semaine d’avril, ndlr), le marché retient son souffle. Face<br />

<strong>à</strong> la frilosité <strong>de</strong>s intervenants professionnels (les importateurs<br />

anglo-saxons tout particulièrement), certaines voix s’élèvent pour<br />

suggérer le report <strong>de</strong> la campagne <strong>à</strong> l’automne 2009, tandis que<br />

d’autres s’interrogent sérieusement sur l’opportunité <strong>de</strong> maintenir<br />

ou d’annuler purement et simplement la campagne primeurs !<br />

Une chose semble acquise : les niveaux <strong>de</strong> prix <strong>de</strong>vront être<br />

considérablement revus <strong>à</strong> la baisse pour susciter l’intérêt <strong>de</strong>s<br />

acheteurs… <strong>La</strong> survie d’un système qui a prouvé son efficacité<br />

<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 20 ans en dépend.<br />

Revenons sur le millésime 2005. Très spéculatif, il semble<br />

connaître aujourd’hui un certain ralentissement sur les prix. Que<br />

pouvez-vous en dire ?<br />

Surmédiatisé, annoncé comme un <strong>de</strong>s millésimes du siècle, 2005 a<br />

suscité <strong>de</strong>s attentes démesurées dans le mon<strong>de</strong> entier : <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />

domaines et surtout <strong>de</strong>s négociants, soucieux <strong>de</strong> renouer avec un beau<br />

millésime facile <strong>à</strong> vendre après quelques années plus difficiles telles<br />

que 2004, 2002 et 2001, mais aussi <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s acheteurs, <strong>à</strong> qui on a<br />

largement laissé penser que 2005, en digne successeur du 1982, se<br />

<strong>de</strong>vait <strong>de</strong> faire partie <strong>de</strong> toute cave <strong>de</strong> l’amateur qui se respecte.<br />

On notera que <strong>de</strong>puis 2000, on compte déj<strong>à</strong> trois millésimes annoncés<br />

avant la campagne primeurs comme années « du siècle » : 2000, 2003<br />

et donc 2005. Seulement voil<strong>à</strong> : la conjoncture n’a pas été aussi<br />

porteuse que ne l’avaient anticipée les opérateurs. Les amateurs<br />

aussi, au bout <strong>de</strong> la chaîne, ont douté <strong>de</strong> la nécessité d’acquérir <strong>de</strong>s<br />

crus qui, pour certains, étaient valorisés <strong>à</strong> leur diffusion en primeurs <strong>à</strong><br />

trois, voire quatre fois le prix du millésime 2004.


BONUS TAST PRO<br />

n°53<br />

février 2009 81<br />

Robert Parker lui-même a porté un coup <strong>de</strong> grâce <strong>à</strong> cette<br />

pyrami<strong>de</strong> savamment échafaudée par nombre <strong>de</strong> spéculateurs : en<br />

regoûtant au printemps 2008 les vins mis en bouteilles, il a limité<br />

l’attribution <strong>de</strong> sa fameuse note <strong>de</strong> 100 <strong>à</strong> <strong>de</strong>ux vins <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux<br />

seulement : Ausone et L’Église Clinet, décevant ainsi les<br />

anticipations <strong>de</strong>s intervenants professionnels qui escomptaient<br />

une valorisation immédiate et substantielle <strong>de</strong>s vins acquis en<br />

quantité importante.<br />

Aujourd’hui, nombre <strong>de</strong> grands crus sont cotés en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> leur<br />

prix <strong>de</strong> sortie en primeurs. Hautement spéculatifs car acquis en<br />

bonne partie par <strong>de</strong>s intervenants professionnels, ces vins pourraient<br />

se retrouver massivement <strong>à</strong> la vente dans les mois <strong>à</strong> venir.<br />

Il est donc nécessaire <strong>de</strong> guetter les opportunités qui pourraient<br />

apparaître au cours <strong>de</strong> l’année.<br />

Quels sont les châteaux qui tirent leur épingle du jeu ?<br />

Les grands gagnants du millésime 2005 sont équitablement<br />

répartis dans les gran<strong>de</strong>s appellations <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux. À Pauillac on<br />

trouve naturellement <strong>La</strong>fite Rothschild et <strong>de</strong>ux seconds vins, les<br />

Carrua<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>La</strong>fite et les Forts <strong>de</strong> <strong>La</strong>tour. Toujours dans le Médoc,<br />

<strong>Château</strong> Margaux et <strong>La</strong> <strong>La</strong>gune. A Pessac-<br />

Léognan, Haut-Brion figure en bonne place dans<br />

le classement (n°3 en termes <strong>de</strong> progression).<br />

Pomerol est bien représenté avec Petrus bien<br />

sûr, grand vainqueur du classement – <strong>à</strong> la<br />

nuance près qu’il était très difficile, voire <strong>à</strong> peu<br />

près impossible pour le néophyte d’obtenir une<br />

seule bouteille <strong>de</strong> Petrus en primeur ! – mais<br />

aussi Trotanoy et <strong>La</strong> Conseillante. A Saint-<br />

Émilion, la palme revient <strong>à</strong> Pavie-Macquin et<br />

Troplong Mondot.


82<br />

BONUS TAST PRO<br />

Où se trouvent les bonnes affaires ? Du côté <strong>de</strong>s grands formats,<br />

<strong>de</strong>s vieux millésimes, <strong>de</strong>s seconds vins ?<br />

Les sauternes, si délicats <strong>à</strong> produire restent, en termes <strong>de</strong> prix,<br />

étonnamment abordables. <strong>La</strong> valorisation ne peut être attendue que <strong>de</strong>s<br />

(très) vieux millésimes. Des crus <strong>à</strong> acquérir dans un objectif <strong>de</strong> <strong>dégustation</strong><br />

pure ou pour un placement <strong>à</strong> l’échelle d’une ou <strong>de</strong>ux générations.<br />

Les grands formats constituent toujours un attrait particulier aux<br />

yeux <strong>de</strong>s amateurs. Dans les gran<strong>de</strong>s années, la surcote par rapport<br />

au prix <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bouteilles est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 15%. Dans les millésimes<br />

moins recherchés, ces vins conservent un intérêt car un flacon <strong>de</strong><br />

belle contenance favorise toujours l’épanouissement du vin.<br />

Trois types <strong>de</strong> millésimes sont activement recherchés aux enchères.<br />

Les millésimes d’anthologie : les gran<strong>de</strong>s années telles que 1947,<br />

1955, 1959, 1961 enregistrent invariablement <strong>de</strong>s adjudications<br />

record, tout particulièrement sur les places étrangères.<br />

Les années médiocres : on trouve sur le marché <strong>de</strong>s amateurs <strong>à</strong><br />

la recherche <strong>de</strong> millésimes rares qui sont prêts <strong>à</strong> payer le prix fort<br />

pour acquérir une bouteille. Un exemple : le <strong>Château</strong> Mouton<br />

Rothschild, très recherché par les collectionneurs qui constituent<br />

<strong>de</strong>s verticales <strong>de</strong> tous les millésimes produits <strong>de</strong>puis 1945. Des<br />

millésimes difficiles tels que 1946, 1954 sont fortement cotés.<br />

Les années intermédiaires : les millésimes anniversaires, qui<br />

déclenchent <strong>de</strong>s achats sans rapport avec la cote habituelle du vin.<br />

C’est systématiquement le cas <strong>de</strong>s années qui marquent une<br />

décennie. En 2008, les années en « 8 » ont connu un fort engouement<br />

malgré la piètre qualité d’années telles que 1958 ou 1968 par<br />

exemple. Ainsi, le <strong>Château</strong> Mouton Rothschild 1968 a été adjugé 358€<br />

en février 2008, soit une hausse <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 100% <strong>de</strong> la cote du vin ! Un<br />

magnum <strong>de</strong> <strong>Château</strong> <strong>La</strong>fite Rothschild 1958 s’est quant <strong>à</strong> lui vendu en<br />

mars <strong>à</strong> 967€, en hausse <strong>de</strong> 34% sur sa cote habituelle.<br />

Vous pouvez consultez l'intégralité du bilan d'iDealwine sur<br />

http://www.i<strong>de</strong>alwine.com/fr/download/iDw-Bilan2008.pdf


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