Franz-Olivier Giesbert, le journalisme sans foi ni loi. - Prix Françoise ...
Franz-Olivier Giesbert, le journalisme sans foi ni loi. - Prix Françoise ...
Franz-Olivier Giesbert, le journalisme sans foi ni loi. - Prix Françoise ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong><br />
<strong>Giesbert</strong>,<br />
<strong>le</strong> <strong>journalisme</strong><br />
<strong>sans</strong> <strong>foi</strong><strong>ni</strong><strong>loi</strong>.<br />
Directeur du “Point”, chro<strong>ni</strong>queur politique,<br />
a<strong>ni</strong>mateur d’émissions culturel<strong>le</strong>s, auteur de<br />
romans et d’essais… il estpartout, ma<strong>ni</strong>ant<br />
avec <strong>le</strong> même délicelacon<strong>ni</strong>venceetl’impertinence.<br />
Durant cetteannée é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong>,<br />
son om<strong>ni</strong>présenceapar<strong>foi</strong>s frôlé <strong>le</strong> grotesque.Aupoint<br />
de deve<strong>ni</strong>r l’homme qu’on<br />
adoredétester. Portrait d’un transgressif.<br />
Par Marion VanRenterghem/<br />
Photos Jean-François Robert<br />
7juil<strong>le</strong>t 2012<br />
/Portrait /Analyse /<br />
Reportage /Enquête /Portfolio /<br />
-23
<strong>le</strong> magazine.<br />
Aucommencement,un<br />
nom DebrouillarD.<br />
FOG : trois i<strong>ni</strong>tia<strong>le</strong>s<br />
qui cachent<br />
un prénom doub<strong>le</strong><br />
et une bête<br />
étrange, née d’une<br />
philosophe normande<br />
et d’un<br />
peintre germanoaméricaindébarqué<br />
sur une plage de Normandie, un certain 6juin 1944, pour<br />
bouter <strong>le</strong>s nazis hors de France. FOG:<strong>le</strong>produit compliqué de<br />
cette mère adorée et de ce père haï, miraculé de l’enfer d’Omaha<br />
Beach et qui fera payer àses proches d’avoir survécu, hanté à<br />
jamais par la mer remplie de sang et de vomi, de corps <strong>sans</strong> têtes,<br />
de morceaux d’humains et de copains criant àl’aide, accrochés à<br />
<strong>le</strong>ur tripail<strong>le</strong>. <strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong> <strong>Giesbert</strong>, ce Rastignac monté un jour<br />
de sa province normande pour deve<strong>ni</strong>r grand ma<strong>ni</strong>tou de l’élite<br />
parisienne,vient du bourbier et de la vio<strong>le</strong>nce.<br />
Il en apeut-être tiré son air de diab<strong>le</strong>.Une gueu<strong>le</strong>àlaJack Nicholson,<br />
un œil un peu plus fermé que l’autre, la tignasse romantiqueetcetrès<br />
grand front qui part vers <strong>le</strong> haut, comme <strong>le</strong>s caricatures<br />
de Victor Hugo dans <strong>le</strong>s journaux satiriques de son sièc<strong>le</strong>.<br />
Il s’avance dans la comédie humaine de cet œil torve et complice,<br />
cy<strong>ni</strong>que et candide, con<strong>ni</strong>vent et traître, affectif et assassin, impitoyab<strong>le</strong><br />
et écorché vif, chro<strong>ni</strong>queur agité de la vie politique.Vus<br />
par lui, nos dirigeants semb<strong>le</strong>nt sortis d’une fresque balzacienne<br />
àlaquel<strong>le</strong> il prend part, <strong>sans</strong> pitié pour lui-même.<br />
Le pouvoir, il se vautre dedans pour l’observer.Il<strong>le</strong>désire pour<br />
<strong>le</strong> trahir et <strong>le</strong> raconter.Iltient tous <strong>le</strong>s piliers du système médiatico-politico-littéraire,<br />
entre la direction du Point, son invasion<br />
des plateaux de télévision, ses émissions culturel<strong>le</strong>s télévisées,<br />
ses livres politiques, ses livres d’écrivain, la présidence du jury<br />
du prix Renaudot, où il fait et défait <strong>le</strong>s rois avec JMG Le Clézio.<br />
Jadis, <strong>Franz</strong> avait envisagé de louer avec un copain une garçon<strong>ni</strong>èrepour<br />
yrecevoir des amoureuses de passage. Il arenoncé:<br />
«Fina<strong>le</strong>ment, a-t-il dit,ce truc ne m’intéresse pas. Moi, je baise avec<br />
<strong>le</strong> pouvoir.»<br />
Il cancane au moins une <strong>foi</strong>s par semaine avec l’homme d’affaires<br />
et conseil<strong>le</strong>r des princes Alain Minc, son meil<strong>le</strong>ur ami et ami de<br />
certains de ses ennemis, auquel il dédicace tous ses livres en<br />
l’appelant «Mon frère ».Tous deux jouent àlasociété secrète<br />
balzacienne de l’Histoire des Treize,seracontent tout, chassent en<br />
meute, décident de pousser sur <strong>le</strong> trône tel homme politique<br />
dont ils s’entichent, avec une efficacité relative:ils avaient voulu<br />
faire premier mi<strong>ni</strong>stre, jadis, <strong>le</strong> socialiste Michel De<strong>le</strong>barre.Avec<br />
ses «potes» journalistesLaurent Joffrin et Jean-François Kahn,<br />
<strong>le</strong> patron du grand hebdo de centre droit se gausse d’avoir<br />
concocté des plans «pour faire élire Hollande».Comme toujours,<br />
il commence maintenant àl’avoir dans <strong>le</strong> viseur. «Fi<strong>ni</strong> de rire»,<br />
titrait Le Point dès l’investiture du président.<br />
FOG,aujourd’hui, apassé un cap. Il n’a plus de soupape. Plus<br />
d’interdits, plus de surmoi, plus de bouchons. Un inconscient à<br />
ciel ouvert. En p<strong>le</strong>ine campagne pour la présidentiel<strong>le</strong>, <strong>le</strong> directeur<br />
du Point pète <strong>le</strong>s plombs sur France 2, balayant d’une pichenette<br />
la légitimité é<strong>le</strong>ctora<strong>le</strong> des petits candidats. Sur la<br />
même chaîne, il raconte qu’il se sent un peu femme et que,<br />
d’ail<strong>le</strong>urs, il fait pipi assis. Dans ses der<strong>ni</strong>ers Carnets de campagne<br />
(Flammarion), chro<strong>ni</strong>que déjantée, sarcastique et jubilatoire parue<br />
au <strong>le</strong>ndemain de l’é<strong>le</strong>ction présidentiel<strong>le</strong>, il s’enthousiasme<br />
avec candeur pour certains et lâche <strong>sans</strong> tabou sa détestation de<br />
ses bêtes noires. Nicolas Sarkozy et Edouard Balladur sont en<br />
tête de peloton. Dans ce théâtre politique décrit àlama<strong>ni</strong>ère<br />
naturaliste et grotesque, <strong>le</strong>s dirigeants sont comparés àdes bêtes<br />
et se mesurent autant à<strong>le</strong>urs idéesqu’à <strong>le</strong>ur ma<strong>ni</strong>ère d’être ou<br />
de bouffer.L’auteur ne s’épargne pas. Ses aissel<strong>le</strong>s qui puent et<br />
ses faib<strong>le</strong>sses ridicu<strong>le</strong>s <strong>le</strong> dégoûtent. «<strong>Franz</strong>, c’est Alain Duhamelqui<br />
aurait pris du LSD», s’amuse son vieux complice, l’académicien<br />
Jean-Marie Rouart. Mais <strong>le</strong> mégalomane qui agite un<br />
<strong>ni</strong>hilisme joyeux sur tous <strong>le</strong>s plateaux de télévision est un sentimental.Traître<br />
avec tout <strong>le</strong> monde, fidè<strong>le</strong> àlavie àlamort avec<br />
sesamis. Et, au départ, un grand b<strong>le</strong>ssé.<br />
Dans l’irrésistib<strong>le</strong> ascension De FoG, il yaunnœuDGorDien: la transgression.<br />
El<strong>le</strong> prend racine dans la haine de son père qui distribue<br />
des roustes àsafemme et àcet orgueil<strong>le</strong>ux, l’aîné des cinq enfants<br />
qui s’est bâti une identité àfaire <strong>le</strong> coq et àlui te<strong>ni</strong>r tête.Au<br />
petit déjeuner,<strong>le</strong>s parents débattent de Spinoza et de mysticisme.<br />
Le soir,ils se livrent au rituel des coups revigorés par<br />
l’alcool. Né américain dans <strong>le</strong> Delaware et é<strong>le</strong>vé dans la campagne<br />
normande, <strong>le</strong> lycéen d’Elbeuf ne connaît de la douceur<br />
que cel<strong>le</strong> de sa mère et cel<strong>le</strong> des bêtes. Chèvres, veaux, canards<br />
ou cochons:ils sont ses amis, ses semblab<strong>le</strong>s, ses frères, comme<br />
il dit, mais il <strong>le</strong>s saigne de ses mains quand ils sont àpoint. Il<br />
s’attarde àpeine sur <strong>le</strong> viol dont il aété victime, ado<strong>le</strong>scent, par<br />
un voisin de la ferme. Il s’ingé<strong>ni</strong>e àtorturer son père àcoups<br />
d’inventions sadiques infi<strong>ni</strong>es. Toute son enfance, il la passe à<br />
ruminer <strong>le</strong> projet de l’assassiner,sevoit comme un salaud, retourne<br />
contre lui-même la vio<strong>le</strong>nce qu’il porte en lui.<br />
ALaCloserie des lilas, il fait un jour <strong>le</strong> pari de venger sa mère.<br />
Son père, pour une <strong>foi</strong>s, n’est pas dans <strong>le</strong> décor mais c’est un<br />
doub<strong>le</strong> qu’il veut tuer.Encedébut des années 1970, ils sont<br />
quelques amis d’une vingtaine d’années, dans ce haut lieu parisien<br />
de la gentry littéraire, àjouer aux importants dans <strong>le</strong>s vapeurs<br />
d’alcool. <strong>Franz</strong> est devenu journaliste pour contredire son<br />
père, qui méprisait la profession. Il adéjà fait son entrée au service<br />
politique du Nouvel Observateur sur la recommandation de<br />
Jacques Ozouf, son prof au Centre de formation des journalistes<br />
(CFJ). Il ne collabore plus aux pages littéraires de Paris-Normandie,<br />
où il avait débuté comme pigiste àl’âge de 19 ans. Le<br />
quotidien vient de tomber dansl’escarcel<strong>le</strong>, en 1972, du «papivore»qui<br />
bâtit son empire de presse:Robert Hersant.<br />
Une jolie dame, agrégée de philosophie, catholique fervente, fil<strong>le</strong><br />
d’un imprimeur de la Résistance et l’une des trente-trois actionnaires<br />
de Paris-Normandie, tient jusqu’au bout contre l’envahisseur,<br />
<strong>le</strong>quel atrempé dans la collaboration. El<strong>le</strong> l’attaque en<br />
justice, s’oppose par principe àcecy<strong>ni</strong>que qui considère que tout<br />
s’achète. Simone Signoret dans Judith Therpauve, <strong>le</strong> film de Patrice<br />
Chéreau, c’est el<strong>le</strong>, M me <strong>Giesbert</strong>, la mère de <strong>Franz</strong>:cel<strong>le</strong><br />
qui, acculée, fi<strong>ni</strong>t par céder la der<strong>ni</strong>ère pièce manquante au futur<br />
magnat de la presse. Pour <strong>Franz</strong>, déjà, la fréquentation de l’ennemi<br />
n’estpas étrangère àson plaisir.Illutte rageusement •••<br />
24 - Photos Jean-François Robert/Modds pour MLemagazine du Monde –7juil<strong>le</strong>t 2012
<strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong><br />
<strong>Giesbert</strong> à<br />
Marseil<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong> 16 juin 2012.<br />
25
Le magazine.<br />
•••<br />
contre Hersant avec sa mère, tout en entretenant des liens<br />
d’amitié avec l’homme qui mène l’assaut aux côtés du papivore,<br />
l’affab<strong>le</strong> et cha<strong>le</strong>ureux député de la Somme André Audinot. La<br />
famil<strong>le</strong> <strong>Giesbert</strong> perd Paris-Normandie.Mais devant ses copains<br />
de La Closerie des lilas, en ce début des années 1970, <strong>le</strong> jeune<br />
journaliste tend <strong>le</strong> bras, ouvre sa paume et, de cet air goguenard<br />
qui ne dit jamais s’il est grave ou ludique, déclare so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment:<br />
«Unjour,Hersant viendra me manger dans la main.»<br />
Qui mange dans la main de l’autre, quelque seize années plus<br />
tard, lorsque FOG quitte Le Nouvel Observateur pour prendre la<br />
direction du Figaro de Robert Hersant?Enseptembre 1988, sa<br />
décision relève de la transgression suprême. L’enfant chéri de<br />
Jean Da<strong>ni</strong>el et de Claude Perdriel, du directeur et du propriétaire<br />
de l’Obs, abandonne l’hebdomadaire institutionnel de la gauche<br />
intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> et mora<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> grand quotidien attitré de la<br />
droite, propriété de l’ennemi de sa propre mère et qui incarnait<br />
tout ce quelagauche dénonçait:unancien «collabo»avalant un<br />
àun<strong>le</strong>s journaux de province issus de la Résistance.<br />
Que penser de ce FOG qui, dans l’Obs, avait luimême<br />
signé un portrait àcharge de Robert Hersant<br />
(« Cet homme est dangereux… ») et cosigné<br />
un autre, avec son ami Jean-Paul Enthoven, sur<br />
son tabassage d’un écrivain juif pendant la<br />
guerre ?ASaint-Germain-des-Prés, <strong>le</strong> transfuge <strong>Giesbert</strong> fait<br />
scanda<strong>le</strong>. La gauche parisienne bruisse d’indignation et de mépris.<br />
Il est <strong>le</strong> renégat, <strong>le</strong> traître, l’amoral, <strong>le</strong> journaliste <strong>sans</strong> convictions.<br />
Ce qui n’est pas pour lui déplaire. Au Nouvel Observateur,<br />
<strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong> <strong>Giesbert</strong> avait apporté cet air nouveau du <strong>journalisme</strong><br />
politique que <strong>Françoise</strong> Giroud instaurait à L’Express:<strong>le</strong><br />
récit plutôt que l’analyse, rendu possib<strong>le</strong> par l’intimité avec <strong>le</strong>s<br />
personnalités. Dans l’art de la con<strong>ni</strong>vence et de l’impertinence,<br />
FOG excel<strong>le</strong>. Il est proche du giscardien Michel Po<strong>ni</strong>atowski,<br />
écritdes papiers àlag<strong>loi</strong>re du mitterrandien Pierre Mauroy,<strong>le</strong><br />
seul homme politique qu’il compte parmi ses vrais amis. Il fait<br />
enrager Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing en relatant<br />
dans <strong>le</strong> détail <strong>le</strong>s conseils des mi<strong>ni</strong>stres. «J’espère que cela ne<br />
se retrouvera pas dans Le Nouvel Observateur!»,grondait Pompidou<br />
àl’Elysée. Une semaine plus tard, l’artic<strong>le</strong> de FOG notait<br />
scrupu<strong>le</strong>usement la phrase du président: «J’espère que cela ne se<br />
retrouvera pas dans Le Nouvel Observateur!» Jean-François<br />
Kahn,qui fit àl’époque un passage au Nouvel Obs, est épaté.<br />
«<strong>Franz</strong> appelait tous <strong>le</strong>s députés par <strong>le</strong>ur prénom, se rappel<strong>le</strong>-t-il.<br />
Il <strong>le</strong>ur parlait avec une liberté de ton incroyab<strong>le</strong>. Du genre:“Et la<br />
baise, ça va en ce moment?’’ça<strong>le</strong>s faisait marrer,ils se sentaient en<br />
confiance, ils lui racontaient tout.»<br />
Dès <strong>le</strong> début, Jean Da<strong>ni</strong>el <strong>le</strong> prend sous son ai<strong>le</strong>, en fait son<br />
dauphin, <strong>le</strong> nomme correspondant aux Etats-U<strong>ni</strong>s puis chef du<br />
service politique. Il se reconnaît en ce journaliste écrivain qui ne<br />
tardera pas àpublier une biographie de Mitterrand et Monsieur<br />
Adrien, un roman d’apprentissage dans un sty<strong>le</strong> hussard àlaNimier.Mais<br />
<strong>le</strong>s ventes de l’hebdomadaire chutent. Après 1981 et<br />
l’é<strong>le</strong>ction de François Mitterrand, Le Nouvel Observateur, qui se<br />
vantemaladroitement d’être «bien placé pour savoir», pâtit de<br />
sa proximitéavec <strong>le</strong> pouvoir.Claude Perdriel convainc Jean Da<strong>ni</strong>el<br />
de nommer un nouveau directeur de la rédaction:<strong>Franz</strong>-<br />
<strong>Olivier</strong> <strong>Giesbert</strong>. Il a36ans.<br />
«<strong>Franz</strong> sauve<strong>le</strong>journal»,dit Claude Perdriel. L’ambiance, en<br />
revanche, se dégrade vite. Pour FOG,Jean Da<strong>ni</strong>el devient <strong>le</strong><br />
nouveau père àtuer.Ces deux-là s’aiment mais aucun ne supporte<br />
<strong>le</strong> pouvoir de l’autre. Le jeune patron de la rédaction sort<br />
l’hebdomadaire de l’esprit de sérieux, intel<strong>le</strong>ctuel chic et distingué,<br />
des années 1970. Il ébrèche <strong>le</strong>s tabous idéologiques. Il aime<br />
<strong>le</strong>s coups. Il encourage son ami Serge Raffy àenquêter sur <strong>le</strong>s<br />
affaires qui gênent <strong>le</strong> pouvoir de gauche. Il ose des couvertures<br />
26<br />
«marketing»:«Comment vivent <strong>le</strong>s riches», «Etes-vous cœur<br />
ou cul?»,«Tonton, pourquoi tu tousses?».Les ventes reprennent.<br />
Claude Perdriel exulte. Jean Da<strong>ni</strong>el grogne. «C’était l’éternel<br />
débat, raconte celui-ci. Le respect de l’image peut-il nuire àla<br />
diffusion ?Jepensais qu’on pouvait s’adresser au <strong>le</strong>cteur<br />
de ma<strong>ni</strong>ère intelligente <strong>sans</strong> <strong>le</strong> perdre. <strong>Franz</strong> avait une prescience<br />
de ce qui accrochait <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur,auprix de moyens vulgaires qui me<br />
déplaisaient. J’ai beaucoup aimé <strong>Franz</strong>. Des journalistes de la<br />
maison <strong>le</strong> trouvaient de droite. Je <strong>le</strong> protégeais. J’ai vécu son départ<br />
pour Le Figaro comme une trahison. Mais àvrai dire, je ne<br />
déteste pas <strong>le</strong>s défauts de cet homme… »<br />
Du jour au <strong>le</strong>ndemain, FOG s’en va. <strong>Françoise</strong> Giroud, qu’il<br />
consulte, l’encourage à<strong>le</strong>faire. En septembre 1988, François<br />
Mitterrand vient d’être réélu et Robert Hersant veut renouve<strong>le</strong>r<br />
l’imaged’un Figaro engoncé dans la droite rigide de Max Clos.<br />
FOGest une bel<strong>le</strong> prise de guerre. Le vice-PDG du quotidien,<br />
Philippe Villin, l’a repéré aux dîners du Sièc<strong>le</strong>, ces rendez-vous<br />
intello-mondains des élites parisiennes.<br />
Voilà <strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong> <strong>Giesbert</strong> directeur du Figaro.Ilgrossit. Il<br />
achète un coupé Mercedes gris qui ne lui ressemb<strong>le</strong> pas, pour<br />
fairedes pointes à200 sur l’autoroute. Il quitte la mère de ses<br />
trois enfants et s’instal<strong>le</strong> avec une rousse volca<strong>ni</strong>que, drô<strong>le</strong>, milliardaire,<br />
amie des politiques et des intel<strong>le</strong>ctuels de France et<br />
d’ail<strong>le</strong>urs:Nahed Ojjeh, veuve du marchand d’armes saoudien<br />
Akram Ojjeh et, surtout, fil<strong>le</strong> du mi<strong>ni</strong>stre syrien de la défense<br />
Moustafa Tlas, l’un des hommes forts d’un régime en guerre<br />
ouverte avec la France pour sa présence au Liban, où un de ses<br />
ambassadeurs aété assassiné.<br />
Pour FOG,cet acte de transgression-là n’est pas des moindres:<br />
<strong>le</strong> directeur d’un grand quotidien français acoquiné avec la fil<strong>le</strong><br />
d’un mi<strong>ni</strong>stre syrien!LaDST l’a àl’œil. Les artic<strong>le</strong>s du Figaro<br />
Ci-contre, en juin der<strong>ni</strong>er, au<br />
restaurant Don Cor<strong>le</strong>one àMarseil<strong>le</strong>,<br />
avec <strong>le</strong>patron des lieux<br />
Alfredo Mauro (au centre) et<br />
l’auteur de polar Serge Scotto.<br />
Avec François Mitterrand,<br />
en septembre 1994. «Ila<br />
<strong>le</strong> guil<strong>le</strong>met faci<strong>le</strong> »,disait<br />
de lui l’ancien président.
DR<br />
sur <strong>le</strong> Proche-Orient sont examinés àlaloupe. Depuis <strong>le</strong> début<br />
de <strong>le</strong>ur histoire, Char<strong>le</strong>s Pasqua, mi<strong>ni</strong>stre de l’intérieur,prévient<br />
«amica<strong>le</strong>ment» <strong>Franz</strong> qu’il sait tout de ses faits et gestes,jusqu’au<br />
moindre baiser volé dans <strong>le</strong> parc de Versail<strong>le</strong>s. «Barre-toi, tu vas<br />
fi<strong>ni</strong>r dans un bloc de béton!»,s’inquiète Serge Raffy. «Arrête ça,<br />
tu vas foutre en l’air ta carrière !»,lui conseil<strong>le</strong> Bernard-Henri<br />
Lévy. «Çam’encourageait d’autant plus, raconte <strong>Franz</strong>. J’aimais<br />
ce côté Roméo et Juliette.»<br />
Le TouT-Paris défiLe dans Le somPTueuxhôTeL de noaiLLes, où <strong>Franz</strong><br />
arejoint Nahed, place des Etats-U<strong>ni</strong>s. Il reçoit en sultan des<br />
Mil<strong>le</strong> et Une Nuits, entouré de luxe délirant et de gardes du<br />
corps en armes. Il biche àfaire visiter àses vieux copains <strong>le</strong> PC<br />
de sécurité,avec des écrans partout et des types àtêtes de barbouzes.<br />
Ils partent dîner àVe<strong>ni</strong>se ou àMarbella en jet privé. Font<br />
la fête tous <strong>le</strong>s soirs avec <strong>le</strong>ur inséparab<strong>le</strong> bande de l’époque,<br />
l’écrivain De<strong>ni</strong>s Tillinac, <strong>le</strong> patron de Havas Pierre Dauzier,l’éditeur<br />
Bernard Fixot et sa femme Valérie-Anne Giscard d’Estaing.<br />
Ils ont <strong>le</strong>urs habitudes àdîner chez Edgar,rue Marbeuf, dont ils<br />
repartent saouls en claudiquant jusqu’à la place des Etats-U<strong>ni</strong>s.<br />
Ils font des paris idiots, où <strong>le</strong> gagnant adroit àune vache vivante<br />
qu’il doit promener dans <strong>le</strong>s rues de Paris.<br />
La nuit, il mène sa vie décadente àlaGatsby.Lejour,ilmoder<strong>ni</strong>se<br />
Le Figaro, lieu d’intrigues et d’influences dont Alain Peyrefitte<br />
tient la ligne éditoria<strong>le</strong>. Robert Hersant, que FOG pensait<br />
faire manger dans sa main, <strong>le</strong> fascine, <strong>le</strong> charme et <strong>le</strong> protège.<br />
Après Jean Da<strong>ni</strong>el et Claude Perdriel, il est <strong>le</strong> nouveau père qu’il<br />
s’est trouvé. Mais avec <strong>le</strong> vice-PDG Philippe Villin, la tension<br />
monte. Chacun reproche sa fourberie àl’autre. Le «cahier saumon»,<br />
supplément économique et lieu de pouvoir sur <strong>le</strong>quel<br />
chacun veut avoir la main, cristallise <strong>le</strong>s conflits. <strong>Franz</strong> joue avec<br />
7juil<strong>le</strong>t 2012 –Photos Jean-François Robert/Modds pour MLemagazine du Monde<br />
<strong>le</strong>s nerfs de son patron et de certains chefs de service comme il <strong>le</strong><br />
faisait avec son père, lorsqu’il semait des clous pour crever <strong>le</strong>s<br />
pneus de son vélo ou qu’il planquait son porte-monnaie pour <strong>le</strong><br />
faire tourner en bourrique dans la maison. «<strong>Franz</strong> est probab<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong> plus brillant journaliste de l’après-guerre, mais aussi <strong>le</strong> plus<br />
pervers et <strong>le</strong> plus déloyal, note froidement Philippe Villin. J’ai regretté<br />
son embauche quarante-huit heures après son arrivée. Il m’a<br />
empoisonné la vie pendant six ans.» «C’est un autocrate absolu, un<br />
séducteurprofessionnel et un ma<strong>ni</strong>pulateur gé<strong>ni</strong>al», renchérit Yves<br />
de Chaisemartin qui, après avoir pris la succession de Villin, n’eut<br />
paslavie faci<strong>le</strong> avec celui qu’il nomma, pour l’écarter,àla tête du<br />
FigaroMagazine. «Tout ça, c’était des trucs de cour de récré», balaie<br />
FOG, qui l’avoue tout de même: «Jesupporte mal l’autorité.»<br />
Le Figaro <strong>le</strong> fatigue. En 2000, il l’abandonne pour Le Point,où<br />
Claude Imbert l’a invité àprendre sa succession. FOG n’est<br />
plus <strong>le</strong> Gatsby mag<strong>ni</strong>fique. L’abus d’argent l’a écœuré comme<br />
après une grosse cuite. Il s’est séparé depuis longtemps de<br />
Nahed Ojjeh et s’apprête àépouser son exact contraire, une<br />
Autrichienne écolo qui alaphobie deParis, la mère deses<br />
deux plus jeunes enfants, et dont il est divorcé depuis.<br />
Avec <strong>le</strong>s politiques, il joue d’égal àégal. Son ton moqueur et complice<br />
<strong>le</strong>s amuse et <strong>le</strong>s décontenance. Il <strong>le</strong>ur glisse <strong>le</strong>s infos dont ils<br />
raffo<strong>le</strong>nt. En se livrant lui-même avec sa gouail<strong>le</strong> désinvolte, il<br />
attire la sympathie et la confiance. Il dîne, rigo<strong>le</strong> et pico<strong>le</strong>, entre<br />
dans <strong>le</strong>s confidences, prend des notes sur ses cahiers àspira<strong>le</strong>,<br />
laisse mûrir <strong>le</strong>s «off»saisis en coulisses, et <strong>le</strong>s gril<strong>le</strong> dans ses livres<br />
quand on ne s’y attend plus, quelques années plus tard. «Ila<strong>le</strong><br />
guil<strong>le</strong>met faci<strong>le</strong>», disait de lui François Mitterrand.<br />
«Comment ça va, ma petite pou<strong>le</strong>?»,demande-t-il àPierre Charon<br />
avant <strong>le</strong>ur déjeuner rituel au Dôme, àMontparnasse. Le sénateur<br />
UMP sait àquoi s’en te<strong>ni</strong>r. «<strong>Franz</strong> est comme mon •••<br />
“<strong>Franz</strong> est probab<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong> plus<br />
brillant journaliste<br />
de l’après-guerre,<br />
mais aussi<br />
<strong>le</strong> plus pervers et<br />
<strong>le</strong> plus déloyal.”<br />
Philippe Villin, ancien vice-PDG du “Figaro”<br />
-27
Le magazine.<br />
•••<br />
chat, dit-il. Mon chat m’adore, m’attend, mais quand je m’approche,<br />
il s’é<strong>loi</strong>gne. Il se laisse caresser, mais ne monte pas sur <strong>le</strong><br />
lit. » Passion candide et désillusion assassine. François Mitterrand,<br />
dont FOG adorait la compag<strong>ni</strong>e, et Jacques Chirac, qu’il<br />
aimaitbien, en ont fait <strong>le</strong>s fraisdans deuxlivressuccessifs, l’un<br />
louangeur,l’autre vidangeur. «L’homme avant <strong>le</strong> pouvoir, justifie<br />
l’auteur, puis l’homme dans l’exercice du pouvoir :cenesont pas<br />
<strong>le</strong>s mêmes.» «Ilyachez lui un mélange de cy<strong>ni</strong>sme et d’idéalisme<br />
contrarié», nuance Patrick Poivre d’Arvor,son vieux camarade<br />
du CFJ.<br />
FOG en afait une théorie:<strong>le</strong><strong>journalisme</strong> comme con<strong>ni</strong>vence et<br />
comme trahison. Les deux ensemb<strong>le</strong>, cela donne la liberté. Un<br />
jeu d’intérêts bien compris où personne n’est censé être dupe:<br />
«Après son livre assassin sur Chirac, on continuait tous à<strong>le</strong>prendre<br />
au téléphone, s’amuse Jean-Pierre Raffarin, ancien premier mi<strong>ni</strong>stre<br />
de Jacques Chirac. <strong>Giesbert</strong> est irrésistib<strong>le</strong>:ilvous apporte<br />
desinfos pour vous en soutirer,ilvous fait croire que vous êtes au<br />
cœur du sujet quand vous n’êtes qu’à lapériphérie.»«<strong>Franz</strong> nous<br />
ressemb<strong>le</strong>, renchéritPierre Charon. Il alamême mauvaise <strong>foi</strong> que<br />
nous, <strong>le</strong>s politiques. Cette langue qu’on aentre nous, ce truc un peu<br />
ésotérique, il la par<strong>le</strong> aussi. On n’a pas besoin de fi<strong>ni</strong>r nos phrases.<br />
On se livre <strong>sans</strong> prudence car il est des nôtres.»<br />
Ceuxqui ont cru àL’amitié s’y sont brûLé Les aiLes. Domi<strong>ni</strong>que<br />
de Vil<strong>le</strong>pin s’est indigné que son copain<br />
<strong>Franz</strong>, avec quiilavait passé tant de dîners àdiscuter<br />
passionnément de France, de femmes et de<br />
littérature, n’ait «pas <strong>le</strong>s couil<strong>le</strong>s» de publier dans<br />
Le Point, au comp<strong>le</strong>t, <strong>le</strong> faux listing de C<strong>le</strong>arstream sur <strong>le</strong>s<br />
comptes illégauxauLuxembourg, dont celui de Nicolas Sarkozy.<br />
Le même Sarkozy,après tant de dîners entre coup<strong>le</strong>s, avec sa<br />
femme Cécilia, <strong>Franz</strong> et sa compagne, la directrice de El<strong>le</strong>, Valérie<br />
Tora<strong>ni</strong>an, avait cru la partie gagnée. «Sarkozy s’est imaginé<br />
qu’il avait été élu président de la République et président du<br />
Point», persif<strong>le</strong> <strong>Giesbert</strong>. L’hebdomadaire, sarkozyste un temps,<br />
œuvre tout aussi énergiquement àsachute de 2012. Le président<br />
hur<strong>le</strong> contre son «ami». Lequel consigne scrupu<strong>le</strong>usement ses<br />
hur<strong>le</strong>ments pour un livre. Le président demande sa tête àl’actionnaire,<br />
François Pinault. En vain.<br />
Chaque mardi, au Point où il règne en monarque éclairé, FOG<br />
griffonne ses intuitions de «unes».Les titres des couvertures sont<br />
sa marque de fabrique:laformu<strong>le</strong> distanciée, pi<strong>le</strong> entre <strong>le</strong>s deux<br />
yeux. Comme ce «J’ai oublié de vous dire…»montrant un Hollande<br />
béat qui n’a pas encore annoncé <strong>le</strong>s mesures de rigueur.<br />
FOG «booste» <strong>le</strong>s ventes partout où il arrive. «C’est de <strong>loi</strong>n <strong>le</strong><br />
meil<strong>le</strong>ur patron de presse», reconnaît <strong>le</strong> journaliste Christophe Barbier,grand<br />
prince. Le patron de L’Express déjeune une <strong>foi</strong>s par an<br />
avec son meil<strong>le</strong>ur ennemi, généra<strong>le</strong>ment dans son QG du Dôme.<br />
<strong>Giesbert</strong> yjoue toujours<strong>le</strong>même monologue,selonBarbier,qui<br />
s’y connaît en théâtre.Acte I:«Il n’y aplus de pub, on est foutus. Tu<br />
vois, je suis content d’être vieux, je ne verrai pas la fin de l’écrit…»<br />
Acte II : «L’année prochaine, je m’arrête, j’écris des romans et c’est<br />
tout. Mais j’ai mes pensions alimentaires…» Acte III: «Quand<br />
j’avais la quarantaine, je me demandais avec quel<strong>le</strong> femme je passerais<br />
la nuit suivante. Là, ça m’a passé. Je t’ai dit que j’étais malade ?<br />
–Oui, <strong>Franz</strong>.» Acte IV:«Onest des idiots, au lieu de se faire concurrence<br />
avec nos suppléments régionaux, on devrait se donner notre programme<br />
de vil<strong>le</strong>s… –Oui, <strong>Franz</strong>.» «Ilpeut toujours courir, note en<br />
aparté Christophe Barbier. Il veut mon programme pour me gril<strong>le</strong>r.<br />
Il est <strong>sans</strong> <strong>foi</strong> <strong>ni</strong> <strong>loi</strong>. <strong>Franz</strong> est de la race de ces grands voyous tel<strong>le</strong>ment<br />
gé<strong>ni</strong>aux qu’on <strong>le</strong>ur passe tout.»<br />
Il tientl’idéologie et <strong>le</strong> sectarisme àdes années-lumière de lui.Le<br />
marchand et l’opportu<strong>ni</strong>ste l’emportent.FOG,commeildit,a «un<br />
hémisphère droit et un hémisphère gauche».I<strong>le</strong>ut un temps sa carte<br />
au PS,tout en étantjugé «de droite» àl’Obs, où il vilipendait<strong>le</strong><br />
programme économique du gouvernement. Chez un homme politique,<br />
il aime d’abord «<strong>le</strong>s convictions, <strong>le</strong> sens du sacrifice, <strong>le</strong> sens de<br />
la transcendance».Ilpréfère <strong>le</strong>s bêtes aux humains et <strong>le</strong>s humains<br />
aux idées.Restent ses obsessions:<strong>le</strong>racisme,<strong>le</strong>s a<strong>ni</strong>maux,<strong>le</strong> déficit<br />
public, <strong>le</strong>s 35 heures, <strong>le</strong> libre-échange, la liberté d’entreprendre<br />
–et<strong>le</strong>plaisir d’inviter ceux aux idées radica<strong>le</strong>ment opposées,<br />
comme Emmanuel Todd ou Régis Debray.Depuis la présidentiel<strong>le</strong>,<br />
il décline un nouveau genre:<strong>le</strong>hollandisme iro<strong>ni</strong>que.<br />
FoG est unhomme pressé. Rescapé d’un cancer et convaincu qu’il<br />
n’a pas de temps. La politique l’occupe, mais seu<strong>le</strong> la littérature<br />
compte. Julien Green et Norman Mai<strong>le</strong>r sont ses maîtres, ses<br />
autres pères. Il s’empail<strong>le</strong> dansdes discussions <strong>sans</strong> fin sur Jean<br />
Giono avec son nouvel ami Michel Onfray.Panthéiste, mystique<br />
et végétarien, il lit toujours un peu de Jean de la Croix, de Spinoza,<br />
de Pascal, de Thérèse de Lisieux. Il se lève à4heures du<br />
matin pour écrire.«J’adore créer des personnages, dit-il.Ils frappent<br />
àmaporte la nuit, ça me met dans la joie, dans un état d’exaltation.<br />
Je me réveil<strong>le</strong>, ils grouil<strong>le</strong>nt, ils m’habitent, ils attendent, ils veu<strong>le</strong>nt<br />
exploser dans <strong>le</strong> livre.» Le livre qu’il ne voulait pas écrire, tiré à<br />
bout de bras par l’éditrice Teresa Cremisi, est devenu son chefd’œuvre:L’Américain,<br />
récit vio<strong>le</strong>nt et charnel de ses parents et de<br />
son enfance ravagée. L’écrivain <strong>Giesbert</strong> se sent chez lui dans la<br />
noirceur naturaliste. Un monde réduit àlabestialité, àladérision,<br />
un sty<strong>le</strong> somptueux entre boue et lumière.<br />
Le week-end,il rejoint son appartement de Marseil<strong>le</strong> ou sa maison<br />
de famil<strong>le</strong> de Merindol (Vaucluse), avec ses oliviers millénaires<br />
qu’il bichonne. <strong>Franz</strong>, <strong>le</strong> grand mondain au cœur du pouvoir,se<br />
fait charrier par ses potes duVieux-Port.Il estmieux là.Le Sud est<br />
son autre vie. Il discute avec ses amis oliviers, lui, <strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong>,<br />
l’homme doub<strong>le</strong> aux deux prénoms, parisien et terrien, cy<strong>ni</strong>que<br />
et mystique, de droite et de gauche, son père et sa mère, fidè<strong>le</strong> en<br />
amitié et voyou en affaires. «Jesuis un faux fou, assure-t-il. Un<br />
croyant primaireettranquil<strong>le</strong>faceàla mort.Lapostérité, je m’enfous.<br />
Je suis un bouchon au fil de l’eau, un prédateur <strong>sans</strong> plan de carrière:<br />
un truc m’intéresse, je prends. Je vois ma vie comme ça.»<br />
Ci-contre,<br />
<strong>le</strong>s parents<br />
terrib<strong>le</strong>s de<br />
<strong>Franz</strong>-<strong>Olivier</strong><br />
<strong>Giesbert</strong>.<br />
Ci-dessous,<br />
en 1995, FOG<br />
et sa compagne<br />
d’alors,<br />
Nahed Ojjeh,<br />
au côté du<br />
journaliste<br />
Norbert Balit<br />
et de Paul-<br />
Loup Sulitzer<br />
(à droite).<br />
28 - 7juil<strong>le</strong>t 2012<br />
DR. Bertrand Rindoff Petroff/Bestimage
Jean-François Robert pour MLemagazine du Monde. Rue des Archives/AGIP. Bestimage. Jack Guez/AFP<br />
En décembre 1991,<br />
dans <strong>le</strong>s coulisses<br />
de l’émission<br />
“L’heure devérité”,<br />
avec l’homme<br />
d’affaires François<br />
Pinault et Alain<br />
Minc, son meil<strong>le</strong>ur<br />
ami (à droite).<br />
En 2004, au côté<br />
de Jean Da<strong>ni</strong>el,<br />
directeur du Nouvel<br />
Observateur. FOG<br />
avait quitté l’hebdomadaire<br />
en1988<br />
pour prendre latête<br />
du Figaro. Undépart<br />
considéré comme<br />
une trahison.<br />
Avec Patrick<br />
Poivre d’Arvor,<br />
son vieux<br />
camarade du<br />
CFJ, et son<br />
complice<br />
Jean-François<br />
Kahn, lors de<br />
l’enterrement<br />
de <strong>Françoise</strong><br />
Giroud, en<br />
janvier 2003.<br />
Sur iPad, découvrez<br />
des contenus enrichis.<br />
29