1414 Magazine des donateurs de la Garde aérienne suisse ... - Rega

Suisse romande
Regarder vers l’avenir : la philosophie d’Adrien, accidenté à trois reprises.
Greffe du cuir chevelu en 1 ère mondiale au CHUV
Se réapproprier
l’image de soi
Le sort s’acharne sur Adrien, agriculteur vaudois. Une journée
pluvieuse de juin se termine pour lui par une intervention
chirurgicale majeure. La présence d’esprit du jeune marié et
l’efficience des partenaires de sauvetage contribuent au résultat,
inespéré !
Les travaux agricoles battent leur plein dans le Nord Vaudois en
ce samedi 6 juin 2009. Avant de terminer sa journée, Adrien tient à
nettoyer son épandeuse à fumier à l’aide d’un laveur haute pression.
La saleté déposée sur l’essieu arrière est tenace, il se penche pour
mieux y accéder. Une erreur d’appréciation, sa longue chevelure
noire se prend dans l’axe. Le destin frappe à nouveau ! Sévèrement
brûlé sur le crâne à 13 mois, balafré à la joue par une tronçonneuse
à l’âge de 4 ans, Adrien voit à 35 ans sa vie basculer une nouvelle
fois. Une vive douleur, le sentiment de perdre une partie de soi…
Avec sang froid, le malheureux se précipite pour arrêter la
machine tournant à 300 tours/minute, monte sur le marchepied du
tracteur pour s’entrevoir dans le rétroviseur. Il tente ensuite en vain
de contacter son épouse, Mélanie, à l’aide de son portable et parvient
après plusieurs essais à joindre la compagne de son père : « Appelle
une ambulance, je suis scalpé… ». Adrien saigne, mais ne ressent
pas de douleur particulière, juste une immense colère de rester à vie,
et de par sa faute, « l’homme à la casquette ».
Une question de minutes
Son épouse prévenue entre-temps se précipite sur les lieux ;
elle ne pouvait imaginer une telle vision ! Arrivés à 17h40, les ambulanciers
des eHnv (Etablissements Hospitaliers du Nord Vaudois)
posent très vite pansements et perfusions et décident d’appeler
la Rega. L’hélicoptère de la base de Lausanne se pose à 18h00
à quelques mètres du hangar agricole. Pour le médecin Rega,
le Dr méd. Pierre-Nicolas Carron, aucune atteinte vitale ne menace
le patient à court terme, mais la réimplantation du cuir chevelu
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nécessite le recours rapide au plateau technique du CHUV (Centre
Hospitalier Universitaire Vaudois). Sans attendre, il contacte le
service de chirurgie plastique et anticipe la venue d’Adrien. Dans
l’intervalle, Daniel Enggist, sauveteur professionnel Rega, dénoue
la chevelure restée sous l’épandeuse, découpe le scalp avec minutie
et l’emballe dans un sachet stérile. A 18h30, Laurent Racine, pilote,
pose l’Eurocopter EC 145 sur l’héliport lausannois. L’équipe du
service de chirurgie plastique attend l’équipage aux urgences.
La Dr esse Perno-Jonna, médecin de garde ce samedi là, a alerté
un de ses confrères, le Dr méd. Moez Beldi, en congé en Valais.
Dans l’attente de sa venue, elle nettoie pendant près d’une heure le
cuir chevelu, en vue de sa réimplantation. A 20h45, Adrien entre
en salle d’opération. Fatigué par la perte de sang et les calmants
administrés, il ne formule qu’un souhait : « conduire son nouveau
tracteur ». L’intervention dure plus de dix heures et se solde par une
totale réussite, une 1ère mondiale ! « Aucune littérature médicale ne
relate à ce jour un cas semblable, une greffe de peau originale à si
grande échelle reste rarissime », précise le Prof. Wassim Raffoul,
chef du service de chirurgie plastique du CHUV.
Microchirurgie, travail d’orfèvre
La difficulté réside à suturer les vaisseaux arrachés un à un.
Après les avoir identifiés à l’aide d’un microscope de pointe,
le Dr méd. Beldi utilise la technique de suture graduelle, du plus
grand au plus petit, de l’ordre du 1 ⁄3 de mm... Resté par une chance
inouïe d’une pièce, le scalp est ainsi refixé à la boîte crânienne.
Adrien quitte l’hôpital après deux semaines, impatient de retrouver
son bétail. Après plusieurs mois, seules de minimes séquelles subsistent
au niveau des glandes lacrymales. Les cicatrices peu apparentes
et l’expression du front retrouvée permettent à Adrien de
reprendre, petit à petit, possession de son image. Il se souvient de la
qualité d’écoute et de la franchise des soignants : « Chacun a su dans
l’urgence prendre le temps ». Mélanie relève le soutien inconditionnel
de la Dr esse Perno et ne peut oublier la phrase d’une infirmière :
« Vous allez retrouver votre mari comme il était avant ! ».
Le patient en ligne de mire
Cette intervention inhabituelle démontre la parfaite coordination
des partenaires de la chaîne des secours : rapide prise en charge
des ambulanciers, clairvoyance et anticipation de l’équipage Rega,
excellence des urgences et du service de chirurgie plastique du
CHUV. Pour le Prof. Raffoul, « la solidarité » est le maître-mot de
ce succès. « Le patient est au centre de notre travail quotidien, il
l’emporte sur toute considération pécuniaire. Seul l’engagement
solidaire de tous les intervenants conduit à la réussite ! ».
Marie-Christine Repond