25.06.2013 Views

LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud

LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud

LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

pas être en règle avec l’autorité militaire de leur pays et allant jusqu’à craindre que le fait de<br />

recevoir une telle publication par la poste ne le compromît…<br />

Ces numéros gardent encore une certaine dépendance des recherches d’avant-guerre (cubiste,<br />

futuriste) bien que s’y manifeste déjà un fort esprit négateur en même temps qu’un parti pris<br />

extrémiste. Mais c’est seulement Dada 3, parvenu à Paris au début de 1919, qui mettra le feu aux<br />

poudres. Le « Manifeste Dada 1918 » de Tzara, sur lequel ce numéro s’ouvre, est violemment<br />

explosif. Il proclame la rupture de l’art avec la logique, la nécessité d’ « un grand travail négatif à<br />

accomplir », il porte aux nues la spontanéité. Plus encore que ce qui est dit compte pour moi ce<br />

qui s’en dégage à la fois d’excédé et de nerveux, de provocant et de lointain, de poétique aussi. Un<br />

peu plus tard, Tzara dira : « Je n’écris pas par métier et je n’ai pas d’ambitions littéraires. Je serais<br />

devenu un aventurier de grande allure, aux gestes fins, si j’avais eu la force physique et la<br />

résistance nerveuse de réaliser ce seul exploit : ne pas m’ennuyer. » Ce sont de telles intonations<br />

qui alors m’intéressent si vivement à lui.<br />

Mais ce qui est bien autrement significatif, ce sur quoi l’attention demande à être attirée une fois<br />

pour toutes, c’est que dans ses numéros d’octobre à décembre 1919, Littérature publie, sous ma<br />

signature et celle de Soupault, les trois premiers chapitres des Chants magnétiques ;<br />

incontestablement, il s’agit là du premier ouvrage surréaliste (et nullement dada) puisqu’il est le<br />

fruit des premières applications systématiques de l’écriture automatique. Cet ouvrage est déjà<br />

achevé depuis plusieurs mois. La pratique quotidienne de l’écriture automatique Ŕ il nous est<br />

arrivé de nous y livrer huit ou dix heures consécutives Ŕ a entraîné de notre part des observations<br />

d’une grande portée mais qui ne se coordonneront et ne tireront pleinement à conséquence que<br />

par la suite.<br />

A.P. Alors comment se présente donc, en ce début de l’année 1920, l’ « activité Dada » proprement dite ?<br />

A.B. Dans l’activité Dada telle qu’elle se développe à Paris, je pense qu’on peut distinguer trois<br />

phases : une phase de très vive agitation, suivant de près l’arrivée de Tzara à Paris et sous sa<br />

dépendance directe, qui peut être comprise entre janvier et août 1920, sans grande reprise à la fin<br />

de cette même année, une phase plus tâtonnante tendant toujours à la poursuite des mêmes buts<br />

mais par des moyens radicalement renouvelés, sous l’impulsion surtout d’Aragon et de moi, que<br />

je situe de janvier à août 1921, enfin une phase de malaise où l’essai de retour aux formes de<br />

manifestations initiales a vite fait de décevoir les derniers participants et où les dissidences se<br />

multiplient jusqu’en août 1922, qui marque la date d’extinction totale de Dada.<br />

A.P. Philippe Soupault, comment avez-vous accueilli Dada ?<br />

P.S. Nous avions assisté et participé à la guerre de 1914-1918 qui était une infecte boucherie, la<br />

boue, le… ignoble, c’était vraiment épouvantable, et pour des gens qui naissaient à la vie et à<br />

l’écriture, nous nous rendions bien compte qu’il y avait à un moment donné où il fallait franchir<br />

une époque. Quand Tzara est arrivé à Paris, ça était tout de même un éblouissement parce que,<br />

bien sûr, nous avions 20 ou 21 ans, 22 ans, nous étions encore timides, tandis que Tzara n’était<br />

absolument pas timide. Il est arrivé avec une grosse caisse, il avait 24 ans, il était un peu plus âgé<br />

que nous, mais il avait déjà une expérience à Zürich et il a été vraiment pour nous un catalyseur.<br />

Il nous a fait comprendre quelque chose de très important, qui s’est reproduit de plus en plus, il<br />

nous a appris la valeur du scandale, ce que signifiait le scandale. Et à ce moment-là, alors qu’il y<br />

avait, si vous voulez, une sorte de vide, eh bien il a fait scandale et nous avons fait scandale<br />

ensemble pour imposer, si vous voulez, une nouvelle optique. Et je crois que Tzara était<br />

extrêmement important parce qu’il nous a dit, il nous a fait comprendre, que nous ne pouvions<br />

imposer nos idées non pas par des revues comme Littérature mais par des manifestations…<br />

A.P. … en mobilisant l’opinion ?<br />

7

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!