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LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud

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qui tend toujours, explicitement ou non, à prendre les traits d’une femme, marque la culmination<br />

de cette quête. »<br />

A.P. Pouvez-vous nous préciser l’origine de ce goût du hasard, de cette attente, de cette poursuite de l’imprévu sous<br />

toutes ses formes qui marque un moment de l’histoire et du mouvement surréaliste ?<br />

A.B. Cette attitude, de la part de plusieurs d’entre nous, a préexisté à la naissance du mouvement<br />

surréaliste. Elle s’exprime déjà dans une « pièce » écrite en collaboration par Soupault et moi : S’il<br />

vous plaît, jouée par nous au théâtre de l’Œuvre, lors d’une manifestation Dada et publiée en 1920<br />

dans Littérature. Le héros de cette pièce, Monsieur Létoile, se livre suffisamment sur ce point : « Il<br />

m’arrive, dit-il, de faire les cent pas pendant des heures entre deux numéros de maison ou quatre<br />

arbres d’un square. Les promeneurs sourient de mon impatience, mais je n’attends personne. »<br />

Positivement, il est bien vrai qu’il n’attend personne puisqu’il n’a pris aucun rendez-vous, mais,<br />

du fait même qu’il adopte cette posture ultra-réceptive, c’est qu’il compte bien par là aider le<br />

hasard, comment dire, se mettre en état de grâce avec le hasard, de manière à ce que se passe<br />

quelque chose, à ce que survienne quelqu’un.<br />

A.P. La grande affaire, l’aventure admirable, c’était donc l’amour fou. La revue, La Révolution surréaliste,<br />

l’avait mis en évidence au cours d’une enquête célèbre sur la sexualité :<br />

« Quelle sorte d’espoir mettez-vous dans l’amour ? Comment envisagez-vous le passage de l’idée<br />

d’amour au fait d’aimer ? Feriez-vous à l’amour le sacrifice de votre liberté ? L’avez-vous fait ?<br />

Vous reconnaîtriez-vous le droit de vous priver quelque temps de la présence de l’être que vous<br />

aimez, sachant à quel point l’absence est exaltante pour l’amour, mais apercevant la médiocrité<br />

d’un tel calcul ?<br />

Croyez-vous à la victoire de l’amour admirable sur la vie sordide, ou de la vie sordide sur l’amour<br />

admirable ?<br />

Ce qu’on n’a pas dit - et ce qui, à mes yeux, ne laisse pas de présenter un grand intérêt, c’est que<br />

si, alors, les surréalistes, pris dans leur ensemble, s’accordent théoriquement - et lyriquement - à<br />

reconnaître qu’en l’amour électif réside la plus haute visée humaine et même celle qui transcende<br />

toutes les autres, il s’en faut de beaucoup que certains d’entre eux ne déméritent pas<br />

journellement de cette idée... »<br />

A.P. De cette période, <strong>André</strong> Breton, conservez-vous le souvenir d’un lieu privilégié ?<br />

A.B. La maison, aujourd’hui détruite, du 54 de la rue du Château, dans ce quartier que<br />

Huysmans a si magnifiquement décrit dans Les Sœurs Vatard, maison où Marcel Duhamel, bien<br />

avant de diriger la « Série noire » et la « Série blême », hébergeait ses amis Prévert et Tanguy, où<br />

s’arrêtèrent longuement Péret et Queneau, fut le véritable alambic de l’humour, au sens<br />

surréaliste.<br />

A.P. Marcel Duhamel, dans quelles circonstances avez-vous établi le contact avec le groupe surréaliste ?<br />

Marcel Duhamel (M.D.) J’avais créé avec Jacques Prévert et Yves Tanguy, comme chacun sait,<br />

je crois, le 54 de la rue du Château et, comme par hasard, nous avons connu Desnos dans un<br />

restaurant de Montparnasse, qui s’est amené peu de temps après avec Benjamin Péret, ensuite<br />

Aragon est venu, ensuite peu à peu Breton, tous, tous, tous. Le surréalisme, dans une certaine<br />

mesure, a trouvé là une sorte d’habitat naturel, si on peut dire n’est-ce pas ?, au point que les<br />

réunions avaient lieu aussi souvent chez nous et même plus souvent qu’ailleurs dans nos locaux.<br />

Alors, mon dieu, que je le veuille ou non, eh bien j’étais intégré, donc je faisais partie du<br />

mouvement puisque j’étais alors de toutes les séances, qu’on me demandait de voter, que<br />

j’écoutais tout ce qui se passait et que, bien que n’ayant rien écrit - d’ailleurs Jacques Prévert non<br />

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