LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud
LES CRIS DU SURRÉALISME - André Parinaud
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Ŕ Ou le dessin.<br />
Ŕ Et Breton attachait beaucoup d’importance, je crois, à ce genre de chose, à ce genre d’exercice, n’est-ce pas ?<br />
Ŕ Oui mais ça, parce que c’est très important, à cause du caractère collectif de la poésie<br />
surréaliste. Et Breton tenait beaucoup à ce que l’expression vraiment de la poésie en toute liberté,<br />
c’est-à-dire la poésie inconsciente, n’est-ce pas, soit un peu corroborée par la présence d’autres<br />
gens, qu’elle ne soit pas vraiment l’affaire, si vous le voulez, de la tour d’ivoire, n’est-ce pas ?<br />
Ŕ Mais je crois justement, Jacques Baron, que c’est cet aspect-là du surréalisme qui vous a le plus intéressé. Cette<br />
possibilité pour un jeune peintre, pour le jeune peintre que vous étiez, de travailler en autre collaboration avec<br />
d’autres poètes.<br />
Ŕ Mais écoutez, c’était très illuminant parce que cette espèce de cohésion entre des esprits<br />
différents mais épris d’un même charme, enfin, qui étaient sous le charme, si vous voulez, d’une<br />
création des mots ou des images, n’est-ce pas, avait quelque chose qui bouleversait complètement<br />
les données de l’individualisme, n’est-ce pas ?<br />
Ŕ Mais je crois que c’est une chose qui restait tout à fait illusoire car, en fin de compte, il n’y a pas d’œuvre<br />
vraiment collective, en dehors de Champs magnétiques qu’ont fait Breton et Soupault. Vous-même, par<br />
exemple, vous n’avez pas réussi à faire d’œuvre collective avec d’autres poètes ?<br />
Ŕ Non, pas moi personnellement, mais il y a eu en tout cas L’Immaculée Conception de Breton, et<br />
Breton a toujours tendu… Ŕ d’ailleurs çà c’était une espèce de défaite, si vous voulez de l’écriture<br />
automatique qu’il n’y ait pas eu d’œuvres collectives plus réussies finalement, ou plus prolongées<br />
si l’on veut.<br />
« L’huître du Sénégal mangera le pain tricolore.<br />
Le mille-pattes amoureux et frêle rivalise de méchanceté avec le cortège languissant.<br />
Le chlore en poire fait parler les sénéchaux atroces.<br />
Les femmes blessées faussent la guillotine aux cheveux blonds.<br />
La colombe des branches contamine la pierre lamartinienne.<br />
La petite fille anémiée fait rougir les mannequins encaustiqués.<br />
La grossesse en papier buvard file une quenouille rouge auprès du renégat ciré comme un<br />
cercueil.<br />
Le dortoir de petites filles friables rectifie la boîte odieuse.<br />
La rue Mouffetard, frissonnante d'amour, amuse la chimère qui fait feu sur nous.<br />
Le sexe sans fin couche avec la langue orthodoxe. »<br />
« Questions/réponses : simple travail d’adéquation qui implique tout l’optimisme de la<br />
conversation. Les pensées des deux interlocuteurs se poursuivent séparément. Le rapport<br />
momentané de ces pensées leur en impose par une coïncidence, même dans la contradiction. Très<br />
réconfortant, somme toute, puisque vous n’aimez rien tant que questionner ou répondre : « Le<br />
cadavre exquis avait exécuté à votre intention quelques questions et réponses dont la dépendance<br />
soigneusement imprévue est aussi bien garantie. » Nous ne nous opposons pas à ce que les esprits<br />
inquiets n’y voient qu’une amélioration plus ou moins sensible des règles du jeu des petits<br />
papiers. »<br />
« Qu’est-ce que le viol ? L’amour de la vitesse.<br />
Qu’est-ce que le service militaire ? C’est le bruit d’une paire de bottes tombant dans un escalier.<br />
Qu’est-ce qu’une angoisse ? C’est une lampe qui file avec un bruit de rapière.<br />
Qu’est-ce que la peinture ? C’est une petite fille blanche.<br />
Qu’est-ce que la Bretagne ? C’est un fruit mangé par les guêpes.<br />
Qu’est-ce que l’amour physique ? C’est la moitié du plaisir. »<br />
(Intermède musical)<br />
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