Reflets - Ville de Martigues

ESPRIT TURC
UN ILLUSTRE MARTÉGAL OUBLIÉ
SOAZIC ANDRÉ // ARCHIVES
HISTOIRE
Notable, entrepreneur, homme d’affaire et un peu aventurier, Esprit Turc marqua
la ville de son empreinte en façonnant, entre autres, les rives du quartier de L’Île
Esprit Turc est né un 27 août 1642 à
Ferrières dans la maison de son grandpère
Antoine Turc (sur l’actuelle place
Jean Jaurès). Est-ce le fait que son père Jacques
était « adonné à la débauche et a de sy grande inclination
au jeu » comme l’écrivit son grand-père
(le plus gros propriétaire terrien de la ville)
sur son testament pour le destituer de la gestion
du patrimoine familial et avoir vu sa mère,
Margueritte Cornille, traquée par les créanciers,
que le jeune Esprit développa très tôt le sens des
responsabilités et s’imposa comme le représentant
de la famille ? « C’était un être exceptionnel,
reconnaît René Cornet qui a écrit une biographie
sur ce personnage. Il était ambitieux et
entreprenant et surtout très intelligent, doué pour les
affaires. C’était un meneur d’hommes. Et son objectif
était de reconstituer le patrimoine familial dilapidé
par son père. » En août 1666, il se marie
avec Anne Mathieu avec laquelle il aura quatre
enfants. Cette dernière est la fille d’un riche
négociant du quartier de L’Île et Esprit devient
homme d’affaires dans le sillage de son beaupère.
Sa première idée est de récupérer la bourdigue
de Vauroux (un canal) située au cœur
de L’Île afin de la combler pour créer du terrain
à bâtir. C’était une vieille idée déjà imaginée
par la Ville, qui avait dû y renoncer face au
mécontentement des pêcheurs. Le comblement
fut réalisé sur une centaine de mètres,
sur une largeur de 14,50 mètres. Fermeture
des extrémités par des ouvrages en bois, assèchement
par pompage, apport de 2 000 m 3 de
matériaux de remplissage…
Le goût de l’aventure
Le chantier fut aussi colossal qu’innovant. Dès
1672, les bâtisses se construisent dans un parfait
alignement et une nouvelle rue est créée :
« Rue neuve de Vauroux ». Esprit s’est réservé
deux parcelles de terrain où il va édifier des
entrepôts, des magasins et une demeure de
famille, l’hôtel de Colla de Pradines. Cette
bâtisse, rachetée par la Ville en 1808 fera office
de mairie jusqu’en 1983, puis deviendra tribunal
d’instance. Après cette belle réussite, Esprit
Turc devient en 1671 conseiller du quartier de
L’Île et est ensuite désigné Viguier de la ville, une
sorte d’adjoint au maire. Dès 1674, il initie de
gros travaux comme la construction de l’église
Saint-Louis, le comblement des fossés de
Jonquières et Ferrières. Non satisfait de son statut
de bourgeois fortuné, son goût de l’aventure
le fait monter à Paris en 1677 pour s’enquérir
auprès de l’intendant maritime de Louis XIV,
des grands chantiers en Provence. Il décroche,
par la suite, le contrat de réaménagement du
port d’Antibes, puis la construction du nouvel
arsenal de Port Royal. Il intervient aussi sur
Toulon, à partir de 1682. Bien sûr, en homme
d’affaires accompli, il n’oublie pas de réaliser de
bonnes affaires immobilières. En 1688, Esprit
Turc meurt lors d’une visite du chantier de
l’arsenal de Toulon où il reçoit sur la tête un morceau
de bois. Il avait quarante-six ans. ■
Mardis du patrimoine
Le 12 février, à 18 h 30, salle des conférences,
Pierre Coste, docteur en histoire, abordera
le thème: L’âge d’or de Martigues (1580-1690),
des origines aux conséquences de l’Acte
d’union de 1581. Suivra, à 20 h, la présentation
du premier tome de l’ouvrage « Histoire
et récits du pays de Martigues ». Il s’agit
d’un recueil d’articles présentés au public
dans le cadre des Mardis du patrimoine,
dont celui de René Cornet : « Esprit Turc,
un Martégal au temps de Louis XIV ».
REFLETS I FÉVRIER 2013 39