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J’AVAIS LES MÂCHOIRES TELLEMENT SERRÉES PENDANT LE COURS de philosophie que je me
suis demandé si cette douleur sourde allait s’installer en moi pour toujours. Le bureau à côté des grandes
fenêtres resta vide. Je n’avais pas vu Shay pendant la pause déjeuner, et maintenant son siège habituel
était inoccupé.
Je griffonnais quelques notes en essayant de me convaincre que cela n’avait pas d’importance. Mes
yeux se posèrent une fois de plus sur sa chaise vide, mes dents grinçant les unes contre les autres avec une
telle force que la douleur dans mes mâchoires se fit fulgurante.
Je m’efforçais de regarder M. Selby, qui gesticulait dans tous les sens en évoquant les arguments en
faveur et en défaveur de l’existence de Dieu. Il avait commencé le cours en nous montrant un autocollant
pour pare-chocs qui disait : « Dieu est mort – Nietzsche ; Nietzsche est mort – Dieu. »
J’essayais de suivre son cours plein d’enthousiasme, mais mes pensées divaguaient sans cesse.
J’observais la classe. Tout le monde prenait des notes bien sagement et approuvait d’un hochement de
tête les commentaires de M. Selby. Mes yeux s’arrêtèrent sur Logan. Comme toujours, le jeune Gardien
était affalé sur son bureau, profondément endormi, ses lunettes Dior dissimulant ses yeux.
Que va-t-il nous dire après les cours ?
À la sonnerie, je dépliai lentement mes membres engourdis, grimaçant en sentant mes muscles
endoloris.
Les trois terminales Bane quittèrent la classe ensemble, en murmurant calmement. Je retournai seule
jusqu’à mon casier, où m’attendaient déjà les Nightshade. Nous nous sommes dirigés silencieusement
vers la salle commune. J’entendais les battements accélérés de nos cœurs à tous alors que nous attendions
Logan.
Des pas réguliers et nonchalants, ainsi qu’un parfum de clou de girofle et d’acajou, annoncèrent
l’arrivée de Logan. Il sourit à notre petit groupe ; ses cheveux, savamment décoiffés, luisaient, comme des
fils d’or, au soleil de fin d’après-midi qui entrait par les baies vitrées. Le Gardien attrapa une chaise sur
le dossier de laquelle il s’assit, afin de nous regarder de haut.
– Bienvenue, dit-il, son regard passant lentement sur chacun des jeunes Protecteurs. J’ai conscience
que cette réunion est un peu inattendue, mais avec l’union qui se rapproche, les choses vont bientôt
changer. (Il posa les coudes sur ses genoux.) Pour que les alphas puissent procéder au rite de l’Union, ils
doivent être adultes. Pour Ren et Calla, cela n’arrivera qu’au Samain, le jour où vous aurez tous deux
dix-huit ans, et où la nouvelle meute sera officiellement formée. (Il se mit à tambouriner des doigts sur
une enveloppe en papier kraft.) Afin d’assurer facilement cette transition, j’ai rassemblé quelques
éléments pour vous informer de vos devoirs, des aspects logistiques de votre nouvelle vie et du planning
des différentes étapes de la transition.
Logan fit un signe de tête à Ren et lui lança adroitement l’enveloppe. Ren l’ouvrit et jeta un coup d’œil
à l’intérieur.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Des informations sur le nouveau lotissement. L’endroit où vous vivrez.
Les jeunes loups s’agitèrent sur leurs sièges, se lançant des regards méfiants.
Logan fit un geste apaisant.
– Comme je l’ai dit, ce changement prendra effet par étapes. Certains d’entre vous – Ansel,
Cosette – sont encore jeunes, et les Gardiens le comprennent très bien. Les cinq maisons du nouveau